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13 octobre 2013

Le calcul au CP (cours préparatoire)

source de l'image : Pascal Dupré, Compter Calculer au CP (GRIP).


Le calcul au Cours préparatoire

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I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES


1 • INTRODUCTION

Nous voudrions ici, en étudiant l’enseignement du calcul, ou plus exactement l’apprentissage des nombres, au cours préparatoire, non dégager des règles absolues, mais quelques principes évidents, auxquels doivent se soumettre tous les procédés. Ils résultent du programme officiel, de la psychologie et de la logique enfantines, des réalités matérielles de l’école.
Nous voudrions ensuite exposer quelques procédés qui soient un compromis de bon sens : entre un idéal pédagogique qui, en individualisant l’enseignement à l’extrême, relève trop du préceptorat, et les obligations des classes collectives, à enseignement rapide, qui ont trop tendance à négliger les différences d’aptitudes, d’intelligence et de mémoire des enfants qu’on y groupera. Nous ne préconisons pas une méthode. Chaque maître en possession de son métier sait ce qui convient le mieux aux enfants qui lui sont confiés et à sa technique personnelle. Il sait qu’il doit s’ingénier à rendre son enseignement vivant et concret pour qu’il soit joyeux et profitable1.


2 • LE CONTRAT D’ENSEIGNEMENT

Le programme officiel, rappelé ci-dessus, détermine les matières à enseigner, à raison de 3 h 45 mn par semaine, réparties en trois leçons de quinze minutes chaque jour. Prenons-y garde : les responsables du Cours élémentaire sont en droit d’attendre que les notions préalables, ainsi précisées, soient acquises par les élèves qu’ils reçoivent. Leur prudence les amène sans doute à s’assurer qu’il en est ainsi; ils procèdent à d’utiles révisions2 ; mais ils ont eux-mêmes à enseigner des connaissances nouvelles et ils ne peuvent reprendre en totalité l’enseignement du Cours précédent. Les écoles à classe unique elles-mêmes, malgré leur possibilité de suivre plus aisément le développement du petit élève et de lui adapter la progression de l’apprentissage des nombres et du calcul, n’échappent pas à cette obligation, en raison de la complexité de leur organisation3.
Inversement, que peut-on attendre de l’enfant qui entre au Cours préparatoire? que sait-il ? que comprend-il ? qu’a-t-il acquis ? L’exploration du monde et sa connaissance progressive, l’action de la famille et des camarades plus âgés, éventuellement l’école maternelle, ont déjà enrichi sa mémoire des mots et des choses, éclairé le sens de quelques termes abstraits de son vocabulaire. La notion de comparaison se traduit par l’emploi des expressions, imprécises dans leur généralité : peu ou beaucoup, plus gros ou moins gros, plus long ou plus court, un et l’autre, le même... C’est à cet âge qu’à cette notion vient s’ajouter celle de conservation et de partage du volume ou de la masse, vaguement appelés quantité ou grandeur : le liquide qui passe de la bouteille dans le verre; les aliments qui passent des plats dans les assiettes; les marchandises qu’on change de récipient... (Voir Initiation : conférence de M. Piaget, p. 7 et pp. 54 et 55, n° 12.) Cette conservation se précise quand il s’agit de petites collections d’objets à peu près semblables, dont les quantités, ou plus exactement les nombres, sont indépendants des dispositions géométriques et dont l’égalité est la correspondance un par un : un gâteau dans chaque main, une fourchette par assiette, une table par enfant dans la classe.

La connaissance des premiers nombres entiers vient donc compléter ces premières acquisitions et ces premières précisions. Elle permet de vérifier l’égalité, puis la comparaison des collections (sinon des e grandeurs »). Elle permet, ensuite et graduellement, d’augmenter et de diminuer, de réunir et de séparer, d’ajouter, d’enlever, de compléter, ce qui se fait sur les objets; d’additionner et de soustraire, ce qui se fait sur les nombres. Elle permet encore de grouper, de répéter et de partager, de former des couples, des dizaines et des demi-dizaines, effectives ou figurées. Le rangement et la succession des objets permet d’ordonner et de numéroter, de comparer des places et des nombres et de reprendre, d’un point de vue un peu différent, les groupements par dizaines et demi-dizaines, réalisés d’ailleurs sur le mètre gradué et sur le damier. C’est le contenu du programme officiel4.
Pour cultiver et affirmer cette connaissance, il convient de respecter les stades, qui apparaissent naturels, de l’évolution personnelle de l’enfant, dans sa conquête du nombre. Il faut donc assurer une relation constante entre les collections d’objets et leurs représentations chiffrées, ou écrites; faire prendre conscience aux enfants des problèmes que posent ces grandeurs et que facilitent l’emploi et la mémoire des nombres et de leurs relations; voire de susciter de tels problèmes par la manipulation de matériels appropriés; de faire constamment appel à l’observation et à l’expérience personnelles5.
De là découle un premier principe : avancer lentement dans l’acquisition, de plus en plus précise, des notions premières; ne pas craindre les retours en arrière, les contrôles de la mémoire et de la compréhension; ne séparer jamais les nombres de leur origine concrète, de leurs relations entre eux et avec les grandeurs (comparer avec le paragraphe c de l’Initiation, p. 56).
Un second principe est qu’il faut tenir compte du rythme de ces acquisitions, qui est propre à chaque enfant, d’où, la recherche de procédés aussi individualisés que possible (Initiation, p. 40).

Ces principes se heurtent évidemment aux réalités scolaires : effectifs pléthoriques; installations matérielles; durée inextensible des classes... D’où la nécessité d’une conciliation : un enseignement relativement ramassé et uniforme; des travaux collectifs, d’un contrôle rapide; des manipulations de série. En particulier, tout exercice collectif, ou individuel, doit comporter une participation totale et, autant que possible, volontaire et joyeuse des enfants. S’il y a lieu de se limiter à un petit nombre d’exercices, choisir les plus actifs et les plus attrayants. S’il est possible de les multiplier, éviter la dispersion qui sacrifie l’unité du but à atteindre à l’éveil artificiel des curiosités.


3 • ENSEIGNEMENT CONCRET ET EXPÉRIMENTAL

L’enseignement doit être concret (le mot figure à deux reprises dans le programme), c’est-à-dire qu’il doit s’appuyer sur ce que l’enfant peut voir, connaître, comprendre (Initiation, a, p. 55). Il doit continuer et préciser, sans trop les contredire, les quelques connaissances déjà acquises. L’enseignement doit être expérimental et vivant : les compositions et décompositions des premiers nombres, les premières additions et soustractions, les premiers rangements en couples, en demi-dizaines et en dizaines, les premiers «problèmes», doivent être des manipulations faites par l’élève, ou les élèves eux-mêmes, dans la classe, peut-être dans le jeu, peut-être même en dehors de la classe (Initiation, conférence de M. Piaget, p. 20 : « Deuxième conclusion : l’action; la parole ne sert à rien »; voir aussi l’article de Mlle Boscher : « Rôle de l’action dans l’élaboration de la pensée enfantine », p. 34).
Cette conception concrète des premiers éléments de calcul est le départ indispensable pour l’enseignement de l’arithmétique qui sera continué dans les classes suivantes. Grâce à elle les élèves sauront attacher les opérations du calcul aux problèmes qui leur seront posés, aussi bien dans la classe que par la vie. Ils seront mieux armés contre les grossières erreurs d’appréciation des ordres de grandeur, constatées encore trop fréquemment dans les classes terminales et qui tiennent peut-être plus à un divorce entre les nombres et les grandeurs réelles qu’à des défauts d’intelligence, d’attention ou de connaissances pratiques.
L’appui constant de l’interprétation concrète est non moins utile pour l’écolier qui va être obligé d’appliquer les opérations de l’arithmétique à un monde nouveau pour lui : à la mesure des masses et des capacités avec des poids marqués ou des mesures étalonnées, au calcul des surfaces et des volumes, et aussi à l’indication des durées, des jours, des heures et des minutes, lorsque l’expérience de la vie lui aura fait concevoir la fuite du temps.


4 • DE L’EXPÉRIENCE AU CONCEPT

L’enseignement doit être concret et expérimental, mais il doit être aussi un enseignement, c’est-à-dire qu’il doit meubler la mémoire de l’élève d’un certain nombre de notions, de souvenirs visuels et auditifs, d’équivalences de termes et de phrases, de règles encore élémentaires, de concepts déjà généraux, ce qui deviendra plus tard des réflexes, souvent instinctifs, aussi indispensables que la lecture et l’écriture à tout homme de notre temps.
L’observation et l’expérience, à elles seules, ne sont pas suffisantes dans le domaine du calcul et leur excès même pourrait être dangereux. Les trop longues manipulations, qui relèvent plus des exercices manuels que des exercices de l’esprit, peuvent user des heures précieuses, en retardant trop l’inévitable passage au concept. La connaissance véritable suppose, après l’empirisme expérimental, une construction, aussi exacte que possible, dans l’esprit, de ce qui est venu sous les sens. Elle doit dégager des apparences sensibles, les relations qui étendent et coordonnent et mènent, peu à peu, des données réelles à la pensée rationnelle, à l’habitude et à la mémoire des abstractions.
Les Instructions de 1923 et 1945 ont réagi, avec raison, contre le calcul trop abstrait, contre ce qui est une acrobatie intellectuelle sur les nombres dégagés de toute signification concrète. Ce serait cependant en faire une mauvaise application que de limiter la classe à des exercices uniquement concrets, à des manipulations uniquement manuelles, sans les accompagner d’un premier travail, encore modeste, mais effectif, d’abstraction et de mémoire. Il faut amener l’enfant à penser l’opération en même temps, ou presque en même temps, qu’il la voit, la sent, la réalise. Lorsqu’il a effectué des groupements de quelques objets et qu’il les a comparés, il faut qu’il puisse ensuite, par le travail de sa pensée, ou de sa mémoire, retrouver et puis exprimer que 5 est un nombre qui représente une quantité plus grande que celle qui est représentée par 3, et qu’on l’obtient en ajoutant 2. C’est passer du domaine de l’action mécanique à celui de la réflexion et du souvenir, c’est former la mémoire non seulement des nombres, mais de leurs constitutions et bientôt des règles, sinon encore des raisonnements qui les lient entre eux et avec ce qu’ils représentent.
Les Instructions insistent d’ailleurs sur cette nécessité, et leur langage même en fait foi en devenant très souvent « abstrait » : « Les nombres s’obtiennent en combinant d’autres nombres... la recherche d’une partie inconnue d’une somme... la notion du nombre 0... soustraire un nombre d’un chiffre... les calculs se font sur les nombres écrits... » On trouvera les mêmes préoccupations dans l’Initiation : « Buts à atteindre », pp. 5o à 55. D’ailleurs, ce qui est encore abstrait pour l’écolier de six ans peut devenir concret lorsqu’il a acquis quelque expérience ou quelque habitude (Instructions, Cours élémentaire, III, I).


5 • CONSÉQUENCES PÉDAGOGIQUES

On va compléter ces considérations générales par quelques premières indications sur l’interprétation ou l’illustration concrète des quelques notions abstraites du programme.

Nombre concret

On rend un nombre concret en le faisant suivre, méthodiquement, d’un nom d’objet ou d’unité, d’abord en montrant, ensuite en évoquant la collection ainsi nommée : 4 doigts; 4 jetons; 4 enfants; 4 francs; 4 centimètres; 4 maisons; 4 voyages; 4 fois le même geste; 4 dizaines... Plus tard seulement, l’habitude des calculs permet de dissocier le nombre, qui devient un signe ou un symbole, et la chose, ou la quantité. Mais le nombre ne garde sa raison d’être6 que si l’écolier peut à tout instant, et à l’appel des besoins, lui retrouver son sens réel, en l’associant à une grandeur, présente, ou connue, ou imaginée (voir notamment dans l’Initiation le paragraphe sur « le nombre 1 », p. 58).

L’égalité

L’égalité (des grandeurs représentées par des nombres entiers, ou des nombres entiers eux-mêmes; Initiation, n° 12, p. 54 et signe =, p. 68) peut être rendue concrète par : la possibilité de diverses dispositions géométriques (quatre jetons alignés, ou aux sommets d’un carré); par la possibilité de diverses décompositions, ou groupements (une demi-dizaine et trois; deux paquets de quatre, quatre couples; six et deux... (Voir J’apprends les nombres, Éd. Bourrelier, 6e semaine; Initiation, p. 63; Instructions, II, 3); par la correspondance un par un, réalisée effectivement, puis imagée (les boules blanches sous les boules rouges; les mains droites et les mains gauches de quelques élèves; les places que vont occuper les enfants... Initiation, « Le nombre entier cardinal », 1, p. 50).

Comparaison

La comparaison peut résulter de la nécessité, ou de la possibilité de compléter ou d’additionner (Instructions, II, 6). 5 F est de valeur moindre que 8 F, car on peut, ou il faut, l’augmenter, en lui ajoutant 3 F pour obtenir une valeur égale. Une longueur de 5 cm est plus courte qu’une longueur de 8 cm; mais elle est aussi placée avant, sur le double décimètre gradué; 5 est avant 8 dans la succession des nombres (entiers) (Initiation, 3° et début de 4°, p. 51; Le nombre ordinal, p. 61)7.

Addition, soustraction

L’addition et la soustraction traduisent des manipulations de collections, qui se décrivent en termes de langage courant (Instructions, II, 5 et 6; Initiation, 7° et 8°, p. 53). Mais avec les mêmes nombres, en changeant celui qui est inconnu, on peut faire diverses opérations dont l’équivalence des expressions doit devenir familière : en ajoutant 3 jetons à 6 jetons, je trouve 9 jetons; en enlevant 3 jetons (les mêmes ou d’autres) des 9 jetons, je retrouve, ou il reste les 6 jetons (primitifs); j’ai 6 jetons, combien faut-il en ajouter pour en avoir 9?... (Initiation, « Les moyens mnémotechniques », p. 56). Les longueurs mises bout à bout (Initiation, les longueurs divisées, p. 60; et les réglettes, p. 66) sont déjà d’une conception plus évoluée. Après suffisamment de manipulations, décrites, puis résumées, avec des phrases; les signes + , — et = , entre des « grandeurs de même espèce », c’est-à-dire (au cours préparatoire) entre des collections d’objets semblables, ou des nombres des mêmes unités (francs, centimètres), apparaissent comme un moyen commode d’expression ramassée, dont l’interprétation complète reste toujours diverse, suivant les expériences (Initiation, 10°, p. 67).

Zéro

Le zéro (chiffre ou nombre, en réalité symbole) peut exprimer la différence, ou résultat de la comparaison, ou de la soustraction de deux nombres égaux, ou bien encore, dans une addition, ce qui ne change rien au nombre auquel on l’ajoute (Instructions, II, 6; Initiation, 8°, p. 53).

Les dizaines

Les dizaines sont concrétisées sans doute par les paquets de 10 bûchettes, mais aussi bien par les pièces de 10 F, ou les décimètres (dizaines de centimètres) des mètres pliants. Elles le sont aussi dans l’écriture des nombres de 10 à 99), qui deviennent des dessins, sinon des êtres réels (le signe = désigne une synonymie d’expressions) :
43 F = 4 pièces de 10 F et 3 pièces de 1 F;
43 = 4 dizaines et 3 unités.
Le zéro s’y interprète à nouveau comme un chiffre qui ne change rien dans l’addition (Instructions, II, 7; Initiation, 2° et 3°, pp. 50 et 59).

Nombres de 1 à 100

Il ne semble pas nécessaire d’insister sur les possibilités d’un enseignement expérimental des nombres de 1 à 100 et des opérations d’addition et de soustraction. Le programme comporte d’ailleurs l’usage du damier de 100 cases et du mètre à ruban de 10 décimètres, gradués en centimètres. Mais les manipulations avec un matériel plus ou moins perfectionné, ou plus ou moins ingénieux (Instructions, II, 8; Initiation, n° 7 et 8, p. 66) ne doivent pas faire oublier la nécessaire acquisition, d’une part, des règles : table d’addition; mécanisme des retenues; écriture des opérations « posées »8...; d’autre part des diverses significations concrètes et des diverses applications usuelles des opérations.

Multiplication et division par 2 et 5

L’introduction dans le programme de la multiplication et de la division par les seuls nombres 2 et 5 tient évidemment à l’emploi usuel des doubles et des demi-dizaines (pièces de 2 F et de 5 F; demi et double décimètre). La technique en est préparée par les exercices de « compter par 2 et par 5 » et par l’emploi du damier et du mètre à ruban (Instructions, II, 13; et Initiation, 11° et 12°, p. 69). C’est aussi une première notion pratique de partage et de répartition. La formation de couples, ou division par 2; la multiplication de 2 par un nombre; le calcul du double d’un nombre, la recherche de la moitié sont ainsi, sinon menés de front, du moins étroitement apparentés9.
Calcul mental

Ces considérations et les commentaires qui les précèdent impliquent qu’une part très grande doit être constamment faite au calcul oral ou calcul mental qu’il ne faut pas considérer comme un enseignement de procédés de calcul rapide à l’intention d’un lointain examen de certificat d’études, mais comme la meilleure forme contrôlable de « calcul pensé ». On pourra d’ailleurs se contenter longtemps de la recherche mentale du résultat d’un problème (addition ou soustraction) dont les données sont écrites ou figurées par des dispositions d’objets.


6 • CALCUL ÉDUCATIF

Avant de passer à la pratique de l’enseignement du calcul au Cours préparatoire, il reste un point sur lequel nous tenons beaucoup à insister : c’est la valeur éducative particulière de cette discipline, dans ce Cours10.
La meilleure appréciation des quantités par le nombre est un facteur de la connaissance du monde; c’est aussi un facteur de confiance en soi. Il faut que l’enfant sente l’élargissement de son champ de connaissances, apprécie son pouvoir accru. Il faut le lui dire, au besoin, pour que l’étude des nombres ne reste pas une sorte d’activité factice, pour des fins étrangères inconnues. Savoir dire qu’il y a six enfants dans la cour; huit voitures sur la place et non des enfants ou des voitures; faire le compte de ses crayons; vérifier celui de ses billes; se savoir en gain ou en perte et de combien; trancher de la différence de deux longueurs un peu éloignées en les mesurant et savoir dire de combien elles diffèrent; traduire par la précision rigoureuse du nombre les formules vagues : «beaucoup de... »; « plus de... »; « tout plein... »... toutes ces possibilités sont des progrès considérables qu’il faut apprécier à leur valeur.
Mais cette école de confiance est plus encore une école de rigueur et de précision, de probité et de patience, d’ordre et de méthode. Après bien des années de pratique, nous pensons que le profit moral que l’enfant tire de cet enseignement vaut bien autant que l’avantage utilitaire qu’on y cherche, avec juste raison. Tout le programme d’enseignement du calcul doit rester dominé par cette idée de la valeur éducative de l’apprentissage des nombres.


II. LA PRATIQUE DE LA CLASSE


7 • LE LANGAGE

C’est avec intention que nous mentionnons d’abord le langage qu’on aurait peut-être tendance à négliger en cette matière. Or il faut « parler le calcul» et les hésitations des élèves relèvent plus souvent de l’insuffisance et de l’incompréhension du vocabulaire utilisé dans les opérations et dans les problèmes que des difficultés du calcul lui-même.
Il y a d’abord, naturellement, l’apprentissage des noms des nombres, puis de leur double écriture, en chiffres et en lettres. Leur connaissance, qui nous semble banale, est nouvelle pour l’enfant du Cours préparatoire, ou à peine ébauchée, quand elle n’est pas mal ébauchée, par l’entourage, la maison ou la rue. Cette partie de l’enseignement est analogue à celle de la lecture, du vocabulaire et de l’écriture. On apprend huit comme on apprend papa, chat, il faut reconnaître le mot et il faut qu’il évoque la chose et, pour huit, la chose dépend du nom des objets dont huit est le nombre. Il faut apprendre à dessiner les chiffres comme on apprend à dessiner les lettres; par surcroît, dès l’écriture de la dizaine, la difficulté s’augmente de la compréhension du procédé de numération.
Les exercices sur les grandeurs considérées se traduisent ensuite par des mots, d’abord du langage courant : j’ajoute, je retranche, j’enlève, j’augmente, je diminue, j’ai plus, j’ai moins..., puis du langage technique : addition, somme, total; soustraction, reste, différence. La correspondance de ces termes est une difficulté et cependant une acquisition essentielle dans les premiers contacts avec l’arithmétique11.
La traduction de ces exercices, ou de ces opérations, en formules avec les signes + ou —, et =, n’est pas l’essentiel de l’enseignement. C’est un moyen de résumer un raisonnement (encore très simple dans le cours préparatoire, mais raisonnement déjà qui remplace un acte par une pensée parlée ou écrite), d’exprimer une recherche et le résultat (numérique) de cette recherche. De même que l’enfant doit replacer derrière le mot la chose, derrière le nombre la grandeur, il doit replacer derrière la formule l’action qu’elle traduit et l’effort d’observation ou de mémoire qui lui a permis de donner une conclusion à cette action.
De la nécessité d’apprendre ce langage, parlé, écrit et conventionnel, résulte un ensemble de précautions, dont la plus importante est une lenteur méticuleuse, appuyée d’une constante vérification individuelle de la compréhension du langage.


8 • LE MATÉRIEL

Quel matériel employer ? Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on peut, pourvu que ce matériel soit pratique, maniable et assez varié pour que son emploi contribue à la formation d’idées générales.

Le matériel collectif

Nous pensons qu’un matériel collectif est indispensable. Objets de grande taille, visibles par tous les élèves et de tous les points de la classe, avec, autant que possible, des dispositifs d’exposition qui en rendent l’emploi aisé : une planche horizontale au bas du tableau noir, sur laquelle les objets trouveront place, alignés ou empilés; un support vertical légèrement incliné pour recevoir les bûchettes géantes, les grands dominos, les grandes cartes à jouer.
Ce matériel est utilisé par le maître, mais surtout par les enfants, devant toute la classe, au cours des explications, des expérimentations, des interrogations. Il peut comprendre des collections d’objets usuels : livres neufs, tous semblables, crayons neufs, règles, bâtons de craie, etc., puisés dans le matériel scolaire habituel. Puis un matériel proprement didactique. D’abord une demi-douzaine de planches rectangulaires de 25 x 50 cm, peintes en blanc, divisées en deux carrés, de façon à imiter le double blanc du jeu de dominos. Sur ces planches, des trous convenablement répartis permettent de fixer des fiches : rondelles de bois noir, de 4 cm de diamètre, traversées, au centre, d’un clou; ceci de façon à réaliser, à volonté, les différentes pièces du jeu de dominos.
Puis de grandes bûchettes; 25 cm de long, section carrée de 1 cm de côté. Des représentations de cartes à jouer (figures exceptées), sur du carton fort, recouvert de papier blanc, format 20 x 3o cm, peintes en noir et en rouge comme les cartes ordinaires.
Enfin des instruments de mesure : un mètre en bois pliant, un mètre rigide, un mètre ruban, des règles graduées.
Il ne faut pas oublier que les enfants trouvent un grand plaisir à se prêter eux-mêmes à des exercices de dénombrement, au cours d’évolutions, en files, en rangs, en groupements divers.
Cela suffit pour un grand nombre de manipulations et d’exercices collectifs, auxquels toute la classe participe, sous l’animation et le contrôle constants du maître, et que chacun peut ensuite répéter, soit avec un petit matériel individuel, soit en dessinant, soit en écrivant en chiffres.


Le matériel individuel

Le matériel individuel est, dans les classes chargées, d’un emploi moins facilement contrôlable, il entraîne des pertes d’un temps qu’il vaudrait mieux consacrer à des exercices supplémentaires. Un matériel réduit est cependant nécessaire, il sert surtout à l’imitation et à la répétition des manipulations faites au tableau. ou à la traduction matérielle des réponses à de courtes interrogations. Il suffit, pour cela, d’objets peu variés, et on éliminera, pour des raisons évidentes, les objets bruyants, fragiles, encombrants, capables de rouler.
On peut retenir : les petites bûchettes (taille des allumettes); des rondelles de carton assez grandes, maniables et visibles pour les contrôles rapides (nous écarterons les confetti, dont le maniement est un supplice pour les enfants, à moins qu’il ne devienne un jeu d’habileté... ou de désordre); des chiffres et des signes d’opérations découpés; des gommettes rondes ou carrées, de couleurs variées; quelques enveloppes ou pochettes, de diverses tailles, pour ranger le matériel; une petite règle graduée, ou une bande de carte forte, d’un décimètre, graduée d’un côté: des pièces de monnaie factices; un carré d’un décimètre de côté, avec 100 cases12.
Le tout peut se loger dans un petit sac individuel, accroché au côté de la table de classe. Les enfants peuvent eux-mêmes confectionner une partie de leur matériel : pochettes, dominos faits avec des gommettes, réglettes de carte forte, casier de 100 cases. mais il importe que le matériel ainsi fabriqué soit très net et très exact. Ils peuvent collectionner de menus objets, plats autant que possible : valves de coquillages, boutons, capsules de bouteilles... mais il est bon d’uniformiser ce matériel de fortune, surtout dans les classes où l’enseignement collectif domine; il faut y éviter les causes de distraction et de désordre, faciliter les indications de travail et le contrôle; il faut que la netteté, la propreté et l’uniformité du matériel soient en rapport avec la nature même d’un enseignement qui se veut de rigueur, de précision et d’exactitude.
L’utilisation des pièces de monnaie, vraies ou factices, est une pratique fréquente et utile; elle correspond à des opérations réelles de la vie, familières déjà à beaucoup de petits élèves. Elle pose cependant le problème délicat de la représentation symbolique de deux, cinq ou dix pièces par une seule (parfois plus petite), il convient de ne l’aborder qu’au moment voulu et à bon escient.


9 • EXEMPLES ET CONSEILS PRATIQUES

Nous allons montrer par quelques exemples et par quelques conseils pratiques comment on peut mettre en application les principes et les considérations qui précèdent.
Les types d’exercices et de leçons que nous donnons n’ont qu’une valeur indicative; nous serions très heureux s’ils apportaient à nos jeunes collègues, qui pourraient être embarrassés par cet enseignement de début, quelques idées ou quelques suggestions utiles pour l’agencement des procédés, en vue des buts à atteindre.

  • L’ÉTUDE DES TROIS PREMIERS NOMBRES

Première leçon

En partant de 1 nez, 2 oreilles, 1 menton, 2 joues..., pour chacun de nous, nous énumérons des nombres, nous montrons les quantités et nous y associons oralement les nombres correspondants.
Même exercice oral en observant 1, puis 2 élèves, puis 3 élèves placés devant toute la classe : 1 tête pour l’un, 1 tête pour l’autre, 2 têtes quand ils sont ensemble. 1 nez pour l’un, 1 nez pour l’autre, 1 nez, pour le troisième (qu’il faut appeler par son nom et non par son numéro), 3 nez quand ils sont ensemble... On arrive très vite à faire énoncer, individuellement, la quantité montrée 1, 2 ou 3, suivant ce qu’on montre.
Même exercice oral en montrant des objets variés, des livres, de grandes bûchettes, des cubes... placés sur la planche devant le tableau; on fait toujours énoncer individuellement la quantité montrée, le nombre suivi du nom des objets.
Si je retire tout, il ne reste rien, le reste se dit rien ou zéro13.
Pour terminer les exercices oraux le maître énonce lui-même les nombres, et les enfants, à tour de rôle, viennent exposer les quantités d’objets indiqués.
Le contrôle consiste à faire coller I, 2 et 3 gommettes puisées dans un sac sur 4 petits dominos de carton, distribués aux enfants, et de leur demander ensuite de montrer le carton de un ou de deux, ou de trois, ou de rien.

Deuxième leçon

Cette fois, il s’agit d’associer la notion de nombre et de quantité à celle du chiffre dessiné. On dira deux yeux, un nez, trois doigts (ou rien), en montrant les chiffres 1, 2, 3 (ou 0), dessinés au tableau, ou découpés, ou peints sur carton. Puis les enfants se taisent et suivant la quantité montrée, viennent choisir le chiffre. Ensuite, c’est le chiffre qui est montré et c’est la quantité que doit indiquer chacun des enfants.
Le contrôle de cette deuxième leçon de la journée consiste à traduire, en un chiffre, les quantités d’arbres, de champignons, de fleurs, du dessin qui illustre au tableau la leçon de lecture, et qu’on montre aux enfants, sans parler. Chaque élève aligne sur sa table les chiffres découpés correspondant aux groupes successivement montrés. L’après-midi, dans la leçon d’écriture, chacun apprendra à écrire les chiffres 1, 2, 3 (et 0).

Troisième leçon

Elle tend à faire établir des comparaisons entre les grandeurs sur lesquelles on a travaillé dans les leçons précédentes et à faire exprimer par les enfants des notions qu’ils possèdent déjà, sans pouvoir encore les formuler clairement.
Le petit garçon qui a fait deux lignes d’écriture en a fait plus que son camarade qui en a fait une seule. Celui qui a deux cartons en a moins que son voisin qui en a trois. On peut même commencer à chiffrer la différence : les grandes cartes à jouer exposées sur le tableau peuvent servir. Deux c’est un de plus que un; trois c’est un de plus que deux, c’est deux de plus que un. La différence des couleurs permet la répétition de l’exercice sans lasser les enfants. Il ne faut voir là qu’une première étude sur la comparaison et la différence; elle deviendra plus diverse et plus aisée, dans l’étude des nombres suivants.
La leçon peut se terminer par un jeu : chaque enfant repère un chiffre 1, sur de nombreux chiffres dont le tableau est couvert et il va l’effacer. On répète l’exercice pour 3, pour 2 (pour 0).

Commentaires

Dans cette première leçon de calcul comme dans plusieurs des suivantes, on ne s'occupe que du nombre cardinal. Devant le domino de trois points, l’enfant ne montre pas les points un par un (avec le doigt, ou avec une règle), mais, avec un volet de carton, il découvre à la fois, soit un, soit deux, soit trois points, suivant la demande qui lui en est faite, ou suivant ce qu’il énonce lui-même. 
 

Quand l’enfant compte des bûchettes, c’est après avoir réalisé dans la main gauche, avec l’apport de la main droite, qu'il énonce, à haute voix, le nombre de bûchettes (ou d’allumettes).
Dès cette première leçon également, il faut avoir le souci de faire comprendre l’indépendance du nombre, qui est indépendant de l’encombrement des objets dénombrés (grandeur, surface, couleur...) et de leur disposition. Trois, c’est aussi bien 3 petites bûchettes que 3 grandes, posées à plat sur la table, ou dressées sur le tableau, écartées également ou inégalement, voire superposées.

Suite des leçons

Une semaine entière peut être consacrée à l’étude des 3 premiers nombres (et du zéro), aux additions et aux soustractions, manuelles et orales, qu’ils permettent. Attachons beaucoup d’importance à faire traduire oralement et par écrit les manipulations d'additions et de soustractions, et ceci sans rechercher systématiquement le résultat, cela doit rester d’abord une constatation qui se fixera ensuite et peu à peu dans la mémoire.
Exemple : j’ai disposé trois bûchettes, un enfant écrit ou montre le chiffre 3; je retire 2 bûchettes, l’enfant écrit — 2, un autre dit « moins 2 »; on constate qu’il reste une bûchette, l’enfant écrit = 1. On peut faire décrire l’opération : «j’avais trois bûchettes, j’en ai enlevé deux, il m’en reste une », ou « trois bûchettes, moins deux bûchettes font (ou égalent) une bûchette ». On peut faire reconstituer; j’ai (ou il me reste) une bûchette, j’ajoute (ou je remets) les deux bûchettes enlevées, j’en ai (à nouveau) trois. On peut aussi ajouter un et puis un14.

10 • L’ÉTUDE DU NOMBRE 5 : LE QUINCONCE

En premier lieu 5 est le résultat de l’addition de i à 4, c’est aussi le nombre de points d’un quinconce, un point mis au centre d’un carré (le cinq d’un jeu de cartes, ou d’un domino).

Idées directrices des leçons

Le nouveau nombre (4 et 1) et le nouveau chiffre. La disposition en quinconce.
La reconnaissance (globale) des cinq premiers nombres.
La composition et la décomposition de 5, applications à des problèmes d’addition, de soustraction, de comparaison.
Écriture des opérations. Révision des 5 premiers nombres.

Détails sur les classes et les exercices

1. — Révision des nombres de 1 à 4 et introduction de 5. Je montre 3 ardoises, 2 livres, 4 crayons, un enfant vient montrer le chiffre et énonce, en même temps, son nom et celui des objets montrés (c’est-à-dire le nom de quantité). Opération inverse : je montre le chiffre; l’enfant montre ou constitue lui-même une collection d’objets, dont il dit le nom; un autre montre le même nombre de doigts. Une première explication de 5 : cinq doigts, dans chaque main; le chiffre 5; 4 et 1.

2. — Chaque élève place ses cubes, de façon que je puisse voir de loin que chacun en a 4 devant lui. (La plupart les forment en carré, au besoin je corrige les autres.) Comment placer un cube en plus, pour avoir une figure simple, qui permette de reconnaître facilement 5, ou 4 et s ? Que choisir : 5 cubes en ligne ? ou en quinconce? On reproduit le quinconce avec des objets divers : bûchettes, carrés de carton; un enfant vient composer le domino 5 avec des pions mobiles; on dessine la disposition, au tableau, sur les cahiers, avec, puis sans modèle.

3. — Reconnaissance rapide des collections de 1 à 5. Utiliser de grandes cartes à jouer, montrées en un temps de plus en plus bref, dans un ordre dispersé.


4.— Au tableau on a dessiné diverses dispositions de points :

On reconnaît d’abord les quantités. On demande d’ajouter à chacune ce qui est nécessaire pour faire 5. Toute la classe travaille mentalement, chacun se préparant à pouvoir exprimer la réponse au tableau (avec une craie de couleur différente, un autre viendra écrire le nombre ajouté).

5. — D’autres viendront écrire, sous chaque figure l’opération faite :
4+1=5; 3+2=5; 2+3=5; 1+4=5; 2+3=5.

6. — Problèmes. — Dessiner au tableau les figures :

C’est une histoire : sur chaque pommier, il y avait cinq pommes (on peut mettre une couleur différente au bas de chaque pommier, puisqu’on ne sait pas encore numéroter). Il y a eu un grand coup de vent et voilà ce qu’il reste sur les arbres. Combien y a-t-il de pommes, dans l’herbe, sous chacun d’eux? Comme pour l’exercice précédent un élève vient les dessiner (sous un arbre, ou sous deux); un autre vient inscrire les nombres; un autre vient inscrire l’opération du problème, en laissant en blanc le résultat (une addition à un terme inconnu) :

3 + ... = 5; 1 + … = 5; 4 + ... = 5; 2 + … = 5

On peut varier le problème : billes perdues; sommes payées; restes d’une règle graduée en 5 divisions (égales). On peut varier l’ordre des réponses, notamment écrire d’abord une opération (addition ou soustraction, avec un chiffre en blanc); on peut faire manipuler le problème, individuellement, à tous les élèves de la classe, avec des bûchettes, avec leur demi-décimètre, avec le domino de 5, dont il faut cacher une partie, soit celle qui est au tableau, soit celle qu’on cherche...

7. On reprend les problèmes analogues sur les 5 premiers nombres, avec des combinaisons qui ne renferment pas nécessairement 5. On peut représenter les divers problèmes possibles, plus ou moins en liaison les uns avec les autres, par les formules suivantes (où, bien entendu, les nombres 2, 3, 5, ne sont donnés que comme exemples) :
3 + 2 = ... ; 3 + … = 5; … + 2 = 5
5 — 3 = ... ; 5 — … = 2; … — 3 = 2 ;
On peut peut-être en profiter pour faire comprendre que « plus grand ou plus petit » exprime la possibilité de certains de ces problèmes; que zéro peut être une solution [différence de deux quantités égales; quantité dont l’addition ne change pas le nombre : j’ai donné 5 F pour payer un objet, il coûtait 5 F, que doit me rendre la marchande ?]

11 • L’ÉTUDE DES NEUF PREMIERS NOMBRES

Le nombre 6

Du point unique au quinconce, on a vu les groupements géométriques simples de 2, 3, 4, 5 et on a appris à embrasser d’un coup d’œil ces collections, aussi bien avec ces dispositions, que placées en ligne, ou même en désordre (voir Initiation, p. 62). On peut, peut-être, continuer avec 6 : les 2 rangées de 3, du domino ou de la carte à jouer, sont d’un aspect évident; mais il est plus malaisé de reconnaître un alignement ou une disposition quelconque de 6 objets. Le programme ne le demande pas et les Instructions ne le recommandent pas. D’ailleurs un groupement de 6 est souvent constitué par une collection de 5 et une unité séparée (6 cm; 6 F; 6 doigts).

Les nombres de 6 à 9

On peut commencer l’étude de chacun d’eux par sa formation avec 5 et un nombre (de 1 à 4) :


Mais il faut bien entendu étudier ensuite ses diverses compositions et décompositions, manuellement d’abord, par la pensée ensuite. On peut former les paires (ou couples) et les doubles (en revenant sur 4, si on n’a pas déjà signalé sa formation en deux paires, ou comme double de 2). On reprend des problèmes simples et plus divers, d’addition, de comparaison, de soustraction. On peut commencer (en manipulations, bien entendu) des additions de 3 nombres, des soustractions successives : de 5 retrancher 2, puis de ce qui reste retrancher 1, revient (il serait correct de dire est équivalent) à retrancher tout de suite 2 et 1, ou 2+1, ou 3.

Les nombres de 1 à 9 étant connus chacun, globalement, on peut les comparer, les ranger par ordre, comme sur le décimètre, employer les termes précédent, suivant, numéroter des collections, employer les noms ordinaux, le premier, le second ou deuxième, le troisième..., et aussi le dernier et l’avant-dernier, faire « comprendre » que le dernier numéro est égal au nombre d’objets, par exemple sur une disposition en ligne (même quand on permute des objets; on peut se borner aux deux derniers, ou à deux consécutifs).

On peut occuper ainsi le premier trimestre, il n’y a pas lieu de regretter le temps dépensé, tout ce qu’on a appris avec de petits nombres, maniables, visibles, facilement reconnaissables : addition, soustraction, comparaison, égalité, usage des signes et des formules, numérotage, nombre ordinal, et un aperçu de calculs avec 3 nombres, tout cela se généralisera d’autant plus facilement pour les nombres de 10 à 19, puis sur ceux de 1 à 100. La technique même du calcul (additions et soustractions « posées », sans ou avec retenue) s’en trouvera d’autant facilitée.



12 • L’USAGE DES SIGNES (OU DES FORMULES)

Leur utilité

Malgré certaines opinions, il nous semble que l’emploi des signes +, — et = ne soit pas plus prématuré, au Cours préparatoire, que celui de l’écriture des mots du langage, dont les sens sont bien plus divers et souvent bien plus mystérieux pour les enfants. C’est ce qui a déjà été indiqué ci-dessus (Conséquences pédagogiques, l’égalité, l’addition et la soustraction)15. Les difficultés résultent de la diversité des opérations matérielles qu’ils peuvent représenter. Il importe de ne s’en servir, pendant longtemps, que pour résumer une expérience, exprimer (brièvement) l’observation d’un résultat, après l’avoir auparavant énoncé en langage courant. Ceci a déjà été indiqué dans les exemples qui précèdent; on donne encore deux types d’exercices.


L’opération écrite, d’après l’opération mimée

Je distribue des chiffres en carton, 1, 2, 3, 4, et des signes d’opération +, — et = . Je montre deux boules sur le boulier, les élèves placent le chiffre 2 sur leur table. Je rapproche deux boules de celles déjà montrées, les élèves placent + et 2 à la suite du premier 2. Nous regardons le résultat, il y a 4 boules ensemble, les élèves écrivent = et 4; à la suite de 2+2. L’opération est ensuite écrite sur une feuille.

L’opération mimée, d’après l’opération écrite

Le maître écrit au tableau : 1 + 2 = 3. Les élèves reproduisent la formule sur leur table avec les chiffres et les signes en carton. Ils tirent de leurs sacs des objets identiques et les placent sous les nombres à additionner. Puis ils les déplacent pour les mettre tous sous le résultat :

Même procédé pour la soustraction. Même exercice avec le résultat (ou une donnée) manquant; les élèves le cherchent avec leur matériel et placent ensuite le chiffre. (On pourra comparer cet exercice avec les considérations faites ci-dessus sur les divers sens de l’égalité. On peut notamment faire mimer 2 + 2 = 1 + 3.)

13 • LE NOMBRE 10 ET LA DIZAINE

Questions à étudier

L’étude du nombre 10 pose plusieurs problèmes. C’est 9 + 1, ou le nombre qui suit 9. Comme les précédents, il peut être décomposé de diverses façons (somme de deux nombres; 5 couples ou double de 5), ces décompositions présenteront même un intérêt particulier pour le calcul (usage éventuel des «compléments à 10 »). Mais c’est aussi une nouvelle unité pratique, la dizaine. En outre ce nombre s’écrit avec deux chiffres, dont la place a une signification conventionnelle. L’étude à faire comprend donc le début de la numération et de l’écriture décimales. Ceci nous conduit aux divisions suivantes :
1. — Observation de la grandeur dix; les dix doigts.
2. — Exemples de dizaines usuelles : 10 cm; 10 dm; tablettes de 10 barres; 10 F. La pièce de 10 F.
3. — Écriture de 10, signification des deux chiffres.
4.Décomposition de 10 et calculs avec les 10 premiers nombres. On donne quelques types d’exercices, on se reportera pour les détails aux exercices précédents.
Le nombre dix et la dizaine

Confrontation du domino neuf et du domino dix. Énoncer l’addition 9 + 1 et la soustraction dix — 1, ceci sans rien écrire. Même exercice avec les 10 doigts. C’est aussi deux collections de 5, double de 5; « deux fois ».

Exemple de dizaines

Les doigts de la main, les 10 points du domino, les 10 des jeux de cartes (les plus hautes cartes); les 10 cm du décimètre gradué (2 longueurs de 5 cm); paquets de 10 livres, bûchettes, crayons, barres de chocolat...; qu’on peut faire reconnaître en les groupant en 2 paquets de 5.

Écriture du nombre

On peut d’abord apprendre à reconnaître 10, comme s’il n’était qu’un seul symbole. On explique ensuite la signification des deux chiffres : une dizaine et rien; 1 paquet de 10 bûchettes et rien. Ce symbolisme devient peut-être plus clair, si on anticipe un peu en écrivant aussi 15, une dizaine et cinq.

Exercices de reconnaissance du nombre 10 : les élèves recherchent dans leur jeu individuel les 10 de pique, de cœur, de carreau, de trèfle. On fait rechercher en même temps d’autres nombres. On fait reconstituer une suite des 10 premiers nombres par dix élèves. On peut imaginer des jeux inspirés des jeux de cartes.

Dizaine figurée. — Découper une bande de papier de longueur égale à 10 cm, ou à deux bandes de 5 cm. C’est une dizaine. Montrer si possible qu’un poids de 10 g fait équilibre à 10 poids de 1 g. La pièce de 10 F vaut 10 pièces de 1 F.

Décomposition de 10. — On peut utiliser un domino ou une carte à jouer de 10 sur lequel on fait jouer un cache approprié; ce qui donne une première série de constatations.
D’une collection de 10 bûchettes on retire 2, ou 3, ou 4, ou 5 bûchettes; on évalue, puis on essaie de faire prévoir le reste. On peut retirer ensuite des nombres de 5 à 9. Sur un décimètre gradué, on peut cacher des centimètres, à la fin, puis au début.

Problèmes de pertes et de gains, centrés sur 10 F. Rendre la monnaie. Utiliser les pièces de 2 F et de 5 F (ce qui peut d’ailleurs avoir été déjà commencé avec l’étude des nombres de 6 à 9).

Problèmes divers

Cette étude de 10 et des 10 premiers nombres peut occuper le mois de janvier. On cherchera à varier les exercices et les objets, et on associera calcul mental et calcul écrit. Les enfants apprécient les histoires brèves au cours desquels il faut compter (avec un matériel, ou par écrit, ou oralement) pour annoncer fièrement le résultat.
Exemple : 10 pêches dans le garde-manger; 3 s’abîment, on ne pourra en offrir que... ?; heureusement Jean retrouve 2 abricots au fond du panier à fruits, si bien qu’on pourra donner du dessert à plus d’enfants; à combien ? Mais il y avait 10 enfants...

Compléments à 10

Il nous paraît utile d’habituer les enfants à l’usage des compléments à 10 (au moins des nombres de 5 à 9); on les utilise dans bien des opérations de la vie courante (rendre la monnaie; peser...). Leur connaissance simplifie le calcul mental et même écrit des nombres de 10 à 19 (Initiation, n° 6; p. 64).


14 • LES NOMBRES DE 11 A 19

Étapes à respecter

Quels que soient les exercices utilisés pour l’acquisition de la notion de grandeur (collection) et du nombre (entier) qui la représente, nous pensons qu’il est bon de suivre toujours fidèlement les trois étapes :

1. — Enregistrement sensoriel.
2. — Association de la grandeur (collections diverses) et du nombre (nommé et écrit) qui la représente.
3. — Évocation de la grandeur par le nombre.
Ayons à notre disposition des objets variés, en nombre suffisant pour permettre de comparer et de compter (par comparaison et non par énumération) plusieurs collections simultanément exposées. Nous estimons mauvais, si l’on veut étudier le nombre 12, de procéder (comme nous l’avons vu faire parfois par des débutants) en ajoutant 2 livres à une pile de 10, et en se bornant à l’examen de cette nouvelle pile. A notre avis, il est préférable de disposer de 22 livres, dont on fait deux piles : une de 10 (ou plutôt deux piles de 5, croisées) et une pile de 12. Leur comparaison permet d’apprécier la quantité 12, relativement à 10 et rend plus sensible le passage de l’une à l’autre.

Appréciation sensorielle des grandeurs de 11 à 19

L’expérience nous a montré que l’appui de la dizaine est une ressource nouvelle et précieuse, elle rend plus sensible l’appréciation de la grandeur et en tout cas éclaire et même suggère le passage du nombre à son écriture. Le nombre ne sera plus présenté comme l’addition de un au nombre précédent, mais comme l’addition à la dizaine d’un nombre d’un chiffre16.


Décomposition et composition

Mais 12 c’est aussi 11 et 1 ou 11 plus 1, c’est le suivant de si. En même temps 11 est 12 moins un, ou le précédent de 12.
La comparaison entre eux des nombres de 11 à 15 peut être faite en s’inspirant de ce qui a été fait pour les nombres de 1 à 5. Des manipulations de collections diverses, un usage plus méthodique des monnaies, du décimètre et du double décimètre, permet d’apprendre comment ces nombres sont obtenus par la réunion de collections de moins de 10 objets, ou l’addition de nombres de un chiffre :
2 + 9; 3 + 8; 4 + 7; 5 + 6;

et de même pour 12, 13... L’addition étant l’interprétation d’une réunion, sa commutativité est assez « intuitive ». On peut utiliser en même temps les compléments17 :

2 + 10 – 1; 3+ 10 — 2; 4 + 10 - 3; 5 + 10 — 4.

La formation et la décomposition des nombres de 16 à 19 se font de même, mais plus rapidement en raison des habitudes prises et du moins grand nombre de décompositions.
Table d’addition

On peut ainsi en un mois (février) faire apprendre les nombres de 11 à 19 (acquisitions nouvelles de 11 à 19, révision des nombres de 1 à 10 et relations avec les précédents). La table d’addition (et de soustraction) s’acquiert en même temps par la mémoire (visuelle et auditive) de compositions et décompositions. Cet apprentissage comporte bien entendu la solution de petits problèmes concrets, utilisant, de plus en plus, comme il a été dit, les monnaies (pièces de 1F, 2 F, 5 F, 10 F) et les longueurs (décimètre et double-décimètre).

Multiplication par 2. — On peut avoir appris, en même temps, la table de multiplication par 2, autant qu’on pourra le faire sous les deux formes : nombres de paires et doubles de nombres. On peut utiliser la mémoire visuelle de deux rangées d’objets : les 9 paires de mains de 9 élèves, ou le double des 9 mains droites (voir ci-dessus la note relative à la multiplication).


15 • LES NOMBRES DE 20 À 69

Progression

Le travail est plus facile, mais on utilise toujours les mêmes procédés d’apprentissage et de démonstration (observations, manipulations, interrogations, écriture). On peut suivre la progression et les indications suivantes :
1. — Les nombres exacts de dizaines : 20, 30, 40, 50, 60. Utilisation des pièces de 10 F, 20 F, 50 F; du mètre, pliant, souple, rigide, formé de décimètres.
2. — Décomposition de 20 (ce qui aurait pu être fait en même temps que l’étude des nombres de i à 19, ou avant l’étude des autres dizaines).
3. — Reconnaissance de collections formées de dizaines et d’un nombre d’un chiffre. Écriture du nombre. Formation d’une collection dont on donne le nombre (bûchettes; longueurs; monnaies).
4.— Addition et soustraction d’un nombre d’un chiffre, d’abord sans retenue. Addition de 1 à 19, 29..., 59 et soustraction inverse. Addition et soustraction d’un nombre de 1 chiffre, avec retenue.
5. — Addition de plusieurs collections, ou de plusieurs nombres de 2 chiffres (total inférieur à 70).
6. — Comparaison des nombres : on compare les dizaines, puis s’il y a lieu les unités.
7. — Soustraction après comparaison.
8. — Multiplication par 2. Compter des couples. Doubler un nombre.
Manipulation

Il faut veiller (au moins pour ces 4 dernières études) à utiliser des manipulations qui suivent les procédés usuels des opérations écrites (ou posées). Exemple : trois enfants, en face de leurs camarades, tiennent respectivement 21, 14, 32 bûchettes, paquets de dizaines dans la main droite, bûchettes isolées dans la main gauche (pour les enfants qui regardent, c’est l’ordre de l’écriture). Un quatrième vient grouper les unités, dans sa main gauche; en les additionnant, à mesure, et en énonçant : 1 et 4 font 5; 5 et 2 font 7. Il fait de même pour les dizaines qu’il place dans la main droite : a dizaines et i dizaine font 3 dizaines; 3 dizaines et 3 dizaines font 6 dizaines. Il se retourne pour montrer le tout et annonce triomphalement soixante (et) sept. Un cinquième élève a transcrit au tableau successivement :

21 14 32; puis 21 + 14 + 32; puis 21 + 14 + 32 ...7
puis 21+ 14 + 31 67; il place enfin le signe =

Dans un autre exercice on peut faire écrire les nombres les uns en dessous des autres, les chiffres bien alignés et nettement séparés, puis la barre, le signe +, la somme des unités, la somme des dizaines.
Si la somme des nombres d’un chiffre (qu’on peut appeler les unités) est 10, ou dépasse 10, l’enfant fait passer cette dizaine dans sa main droite.

Le procédé est le même pour la soustraction; éventuellement on a recours à l’emprunt d’une dizaine, la main gauche de l’enfant (qui tient le nombre dont on veut soustraire) contient alors une dizaine et des unités isolées. C’est de ce nombre que l’enfant qui soustrait, retranche les unités (du nombre à soustraire).
On peut aussi faire calculer ainsi le double d’un nombre de pièces de 1 F. Vérifier en calculant la valeur d’un nombre égal de pièces de 2 F.

Fin du mois (mars), les enfants peuvent calculer des opérations écrites sur des nombres de deux chiffres, sans faire systématiquement les manipulations correspondantes. Ils trouvent un attrait grandissant à imaginer des histoires qui justifient ces opérations et leur donnent une signification concrète et précise.

16 • LES NOMBRES DE 70 À 100

La construction et l’écriture de ces nombres se fait de la même façon que pour les précédents. La difficulté est dans le vocabulaire qui ajoute à 6o d’une part, à 8o d’autre part, les nombres de 1 à 20. Le terme quatre-vingts lui-même demande une explication au moins sommaire18. Seules des répétitions et des révisions assez nombreuses viendront à bout des erreurs possibles.

Damier

Le damier de 100 cases, qui illustre la succession des nombres de 1 à 100, dans leur totalité, est, à notre avis, très utile pour donner une vision permanente des 30 derniers; les cases numérotées permettront de distinguer soixante et soixante (et) dix, quatre-vingts et quatre-vingt (et) dix, ainsi que les nombres de ces dizaines.
L’emploi de ce damier se prête à d’autres exercices; notamment placer un nombre sur le damier « muet », ou seulement divisé en quatre par une ligne verticale après les multiples de 5 et une ligne horizontale après la dizaine de 51 à 6o. Il permet encore de situer les nombres pairs et naturellement les multiples de 5 (et de 10). D’où le calcul d’un nombre de paires; du double d’un nombre, de la moitié d’un nombre pair; du partage en 2, d’un nombre pair ou impair; du paiement d’une somme en pièces de 2 F, qu’on place tous les deux casiers. De même on peut compter une somme en pièces de 5 F, ou payer avec ces pièces19.
Mètre. — Le mètre (pliant, souple, rigide) ne sert pas dans cette classe comme unité de mesure mais (d’une façon analogue au damier) comme collection de Io décimètres, et de cent centimètres. Il n’est pas nécessaire d’expliquer déci et centi, mais il faut prendre garde à une confusion; des mamans appellent parfois « centimètre » leur mètre ruban; l’École doit rétablir le vocabulaire exact, et tenir compte des habitudes d’un langage courant.

RÉCAPITULATION

Il reste, en principe, deux mois pour revenir sur quelques points de détail, contrôler l’état individuel des connaissances acquises, surtout pour répéter, au cours de calculs nombreux, sur des problèmes simples, les opérations dont la pratique courante exige un grand entraînement de calcul mental : utilisation instinctive de la table d’addition; addition et soustraction d’un nombre d’un chiffre, multiplication et division par 2 et par 5. Dès qu’on doit opérer sur des nombres de deux chiffres, il faut, à cet âge, poser les opérations, de façon à soulager la mémoire en laissant devant les yeux les nombres sur lesquels on opère, et en ne demandant que le souvenir de la composition et de la décomposition des 20 premiers nombres (Instructions, Cours élémentaire, III, 6).


1. On pourra se reporter efficacement à la brochure sur l’Initiation au Calcul, publiée par les Éditions Bourrelier (3e éd., 1953). De nombreux renvois y sont faits au cours de cet exposé. On a fréquemment renvoyé aussi aux Instructions officielles (1945), reproduites ci-dessus et dont on a numéroté (assez arbitrairement) les parties, pour faciliter les citations qui en sont faites.
2. Ainsi en font foi les premières leçons de J’apprends à calculer; Arithmétique du Cours élémentaire de G. Condevaux (Éd. Bourrelier).
3. Voir le Cahier de pédagogie : L’Êcole à classe unique, 3e partie, pp. 175 à 191 (Éd. Bourrelier).
4. « L’apprentissage des nombres doit se faire par l’observation des collections d’objets. » (Instructions, II, 1).
5. « C’est sur des faits qu’il faut appuyer, — et, nous ajouterons, c’est à des faits qu’il faut appliquer — les calculs, les idées... » (Instructions, I).
« C’est par la vie que l’enfant s’intéressera au nombre... » (Initiation, p. 38).
6. On peut presque étendre cette affirmation à tout l’Enseignement primaire; l’étude de la divisibilité et de la preuve par 9 sont les seules théories, d’apparence abstraite; encore peut-on leur donner un support concret.
7. On remarquera que les signes < et ne figurent pas dans l’arithmétique des écoles primaires.
8. Les Instructions signalent quelques techniques du calcul, sans les imposer : Complément (à 10), II, 8; Calcul mental d’addition et de soustraction d’un nombre de 1 chiffre, II, 12; Soustraction par recherche du nombre à additionner, ou par complément, II, 12. Voir aussi Initiation, Écriture des opérations et calcul sur les nombres de 2 chiffres, p. 68.
9. Voir J’apprends à calculer de G. Condevaux, Éd. Bourrelier, leçons 3, 17 et 18.
Cependant cette étude n’est pas sans présenter quelques difficultés, dues à la commutativité de la multiplication et à l’emploi du mot fois ».
Les deux problèmes : que valent 9 pièces de 2 F ? et quel est le double de 9 F ? ont la même réponse et cependant sont différents. Il y a des dispositions géométriques bien connues qui mettent en évidence l’égalité des solutions : par exemple 2 rangées de 9 pièces de 1 F, mises l’une sous l’autre, ou les mains de 9 élèves dont le nombre est 9 paires, mais aussi le double des 9 mains droites. Il semble bien que ce soient des expériences difficiles à comprendre et à interpréter, pour des élèves du cours préparatoire et même des autres cours. Peut-être faut-il se contenter de l’observation de la table de Pythagore, ou même simplement de l’affirmation d’une règle : « Pour multiplier 2 nombres (même décimaux), on écrit en dessous (ou on prend comme multiplicateur) celui qui semble le plus commode. »
Le mot « fois » signifie, à proprement parler, la répétition d’un acte : j’ai levé 9 fois la main; j’ai écrit 9 fois le chiffre 2. C’est par un emploi abusif qu’il désigne l’opération de multiplication (on sous-entend qu’après avoir écrit, au moins par la pensée, 9 fois le nombre 2, on additionne). Au surplus cette expression a l’inconvénient de distinguer encore plus le rôle des facteurs d’une multiplication et de rendre encore moins évidente la commutativité : 9 fois 2 c’est 9 couples, et le double de 9 c’est 2 fois 9.
10. Ce paragraphe et ceux qui suivent sont dus entièrement à M. et Mme Brandicourt, à qui je suis très reconnaissant d’avoir apporté leur remarquable expérience pédagogique, doublée d’un bel amour de leur métier, à la rédaction du Cahier sur l’Enseignement de l’arithmétique.
On leur doit aussi les paragraphes qui précèdent, auxquels je n’ai apporté que quelques modifications d’ordre et de détail, pour en assurer une correspondance plus étroite avec les Instructions et avec le Cahier d’Initiation au calcul. A. C.
11. On notera que l’addition et la soustraction sont des actes, et que la somme et la différence sont les résultats de ces actes.
12. Nombreux sont les éditeurs qui proposent un matériel tout prêt. Les Éditions Bourrelier, en particulier, ont étudié un matériel varié, solide et pratique, de bon marché.
13. J’aurais tendance à rejeter l’étude du zéro à une leçon ultérieure; même après l’étude des 9 premiers nombres (voir le paragraphe sur la progression, n° 4), lorsque les termes retirer, enlever, reste et même soustraire, ont déjà été employés dans d’assez nombreux exercices. A. C.
14 . J’aurais tendance à retarder l’emploi des signes et à le placer après l’étude des 5 premiers et même des 9 premiers nombres. Ceci peut permettre, à mon avis, de faire mieux sentir la souplesse de leur usage. Je pense aussi que dans l’expérience et, par suite dans l’écriture de l’addition. il ne faut pas toujours ajouter un nombre à un autre (écrire 1 et puis +2), mais ajouter deux nombres donnés aussi simultanément que possible (écrire, avec un intervalle les deux nombres 1, 2, puis placer le signe + entre les deux). La « commutativité » de l’addition nous est familière, elle ne l’est pas encore pour les enfants de 6 ans. On peut aussi relier la comparaison aux opérations, en ajoutant un livre à deux livres j’ai obtenu plus de livres. Je ne peux pas donner trois billes, quand je n’en ai que deux, parce que trois est plus grand que deux; ou que deux est plus petit que trois. A. C.
15. Voir une opinion légèrement différente dans l’Initiation, n° 10, p. 67.
16. L’emploi de la dizaine nous est aussi plus familier, donc plus aisé (et nous avons une tendance bien naturelle à trouver plus facile pour les élèves ce qui est plus facile pour nous, même si cette facilité n’est qu’une question d’habitude et de mémoire). On a déjà employé une formation analogue des nombres de 6 à 10 par addition à 5 (ou à une demi-dizaine), soit comme première présentation du nombre (voir ci-dessus), soit après l’avoir constitué en ajoutant 1 au précédent. A. C.
17. On remarquera que cet usage fait intervenir (implicitement, bien entendu) «l’associativité»: On veut ajouter à 3, le nombre 8, qui est le résultat de la soustraction 10— 2 (un dix de trèfle, dont on a caché 2 points), on peut ajouter d’abord 10, ce qui fait 13 (on supprime provisoirement le cache), puis, du résultat obtenu, retrancher 2 (on transporte le cache sur la carte de 3). Avec la notation des parenthèses indiquant l’ordre des opérations, l’opération proposée était 3 + (10 — 2), l’opération faite est (3 + 10) - 2. A. C.
18. On peut regretter que l’emploi de septante et nonante, familier à nos voisins de Belgique, ne se soit pas introduit en France. Je n’ose reprendre ici le conseil suggéré dans l’Initiation; noms des nombres; p. 60. A. C.
19. Je dois dire que j’ai ajouté personnellement ces considérations (et quelques autres précédentes) sur la multiplication et la division par 2 et par 5, et les manipulations qui peuvent les illustrer ou les justifier. M. et Mme Brandicourt y voient de grandes difficultés; ils pensent que la connaissance effective de la commutativité de la multiplication n’est expérimentale que d’apparence et ne devient familière qu’après l’apprentissage de la « table de multiplication ». Encore serait-il bon d’utiliser la table de Pythagore.
Ceci tient peut être plus à une conception traditionnelle de la multiplication qui en fait une « addition abrégée », de sorte que l’un des facteurs a un rôle abstrait de répétition. La multiplication par 2 (ainsi que les 2 fois 1; 2 fois 2,...) est ainsi la recherche d’un double, alors qu’elle est aussi bien le calcul des objets dans une collection de paires ou de couples.
De nombreux exemples montrent d’ailleurs que les deux facteurs d’une multiplication peuvent avoir tous deux des significations concrètes, ce qu’illustre notamment la multiplication et la division (actuellement familière) des nombres décimaux (les Instructions insistent sur ce point de vue; Cours élémentaire, III, 13). A. C.

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