Lire et écrire en maternelle : après la grande section, la moyenne section
Voici
tout d'abord une brève synthèse des quatre réponses que j'ai obtenues
des chercheurs suite à mon courrier de juin ; aucun des quatre ne fait
référence au "Journal d'une grande section en ZEP", auquel j'invitais
bien sûr chaque destinataire à se reporter.
- Si l'une de ces réponses, très elliptique, ne retient de mon courrier que la bonne intention de "donner de la culture aux enfants", une autre, plus chaleureuse, souligne le fait que l'approche que je décris rejoint les travaux de certains chercheurs (notamment au Canada) qui montrent l'importance de la production d'écrit dans l'apprentissage de la lecture.
- Concédant que mon approche par l'écriture n'est pas contredite par des données déjà recueillies, une troisième souligne néanmoins que, pour "guider l'action publique", on doit "se limiter aux résultats clairement validés dans la littérature scientifique internationale" (comprenons : seul est scientifiquement démontré le fait qu'il faut commencer par l'enseignement systématique des correspondances phonèmes-graphèmes).
- Les propos suivants, extraits de la quatrième réponse, ne sont pas sans me poser problème : "On pourrait penser à vous lire que ces enfants n'ont pas bénéficié d'un enseignement systématique du déchiffrage. Je pense qu'il n'en est rien [...]". Je m'étonne que des chercheurs qui ont inspiré la modification des programmes d'enseignement de la lecture au CP puissent ignorer qu'en GS d'école maternelle, les programmes ont toujours exclu formellement tout enseignement systématique des procédures de décodage. La redoutable confusion entre enseignement et apprentissage s'étale une fois de plus au grand jour : ce "chercheur" ne semble pas envisager une seconde que des enfants puissent explorer l'écrit et construire des savoirs en amont de tout enseignement systématique et décontextualisé, tel qu'il est maintenant imposé au CP (idéologie à laquelle la question de la grammaire donne une brûlante actualité).
C'est
pourquoi il m'a semblé important de saisir la nouvelle opportunité qui
m'était offerte d'accompagner, cette fois-ci, un groupe d'enfants du
début de la moyenne section jusqu'à la fin de la grande section, en juin
2008. Les interrogations de nombreux lecteurs devant les productions
écrites reproduites dans le "Journal d'une grande section en ZEP", comme
devant les compétences évaluées au mois de juin dernier, devraient
ainsi trouver quelques éléments de réponse... Cette "chronique" sera
trimestrielle, ce qui me permettra de mieux faire apparaître les
continuités pédagogiques et les progrès et/ou les difficultés de chacun
des enfants (surtout en ce début de MS où les progrès s'avèrent très
lents pour quelques-uns d'entre eux).
La
classe regroupe, comme l'an dernier, une vingtaine d'enfants de moyenne
et grande sections. Je m'intéresserai donc aux seuls moyens, que je
présente brièvement : initiale(s) des prénoms, sexe, mois de naissance
(tous sont nés en 2002), origine géographique :
A. | F | mai | Sri Lanka / Fr | L. | F | janvier | Fr | |
Ad. | G | août | Fr | M. | G | mai | Fr | |
Ah. | G | juin | Turquie (arrivée : sept. 06) | N. | G | mars | Turquie | |
B. | F | juillet | Fr | Ni. | F | novembre | Laos | |
D. | F | juin | Turquie | S. | F | février | Fr | |
K. | F | mai | Fr |
Les premières semaines de la moyenne section
Selon
mon point de vue et celui de l'enseignante, l'intérêt majeur de cette
chronique sera de montrer ce que peuvent construire sur deux années des
enfants qui, à la différence des précédents, arrivent en moyenne section
manifestement "démunis" :
- ils n'ont pas l'habitude d'écouter des histoires, se dispersent très vite ; corrélativement, ils n'ont aucune culture des albums ;
- ils n'ont pas conscience de la diversité des livres et des fonctions qu'ils remplissent - n'ont par exemple aucune idée de ce qu'est un documentaire, de ce qu'on peut y trouver, de l'organisation interne à laquelle il peut obéir ;
- ils ne donnent aucun sens aux situations proposées, ne se posent pas de question sur l'activité attendue à partir de tel support, oublient rapidement le but d'une recherche - par exemple, dans les premières situations d'écriture de septembre, quand ils ont repéré le nom d'une couleur, ils ne savent déjà plus à quelle fin ils l'ont recherché ;
- ils n'ont aucune pratique de l'écriture en capitales, ils n'ont pas été entraînés à écrire leur prénom.
- ils n'ont pas l'habitude d'écouter des histoires, se dispersent très vite ; corrélativement, ils n'ont aucune culture des albums ;
- ils n'ont pas conscience de la diversité des livres et des fonctions qu'ils remplissent - n'ont par exemple aucune idée de ce qu'est un documentaire, de ce qu'on peut y trouver, de l'organisation interne à laquelle il peut obéir ;
- ils ne donnent aucun sens aux situations proposées, ne se posent pas de question sur l'activité attendue à partir de tel support, oublient rapidement le but d'une recherche - par exemple, dans les premières situations d'écriture de septembre, quand ils ont repéré le nom d'une couleur, ils ne savent déjà plus à quelle fin ils l'ont recherché ;
- ils n'ont aucune pratique de l'écriture en capitales, ils n'ont pas été entraînés à écrire leur prénom.
Ecouter, lire, graphier, copier
Pour
l'enseignante, l'une des priorités est que chaque enfant, dès les jours
qui suivent la rentrée, commence à s'approprier les gestes graphiques
de l'écriture en majuscules "bâton" : pour cela, chacun apprend les
gestes graphiques de l'écriture de son prénom. Par ailleurs, dès le mois
de septembre, les enfants choisissent chaque semaine un album qu'ils
emportent à la maison : ils doivent en écrire le titre - qui est, sur
une feuille libre, "rétabli" en lettres capitales en début d'année quand
il ne figure pas sous cette forme sur la couverture. Les progrès de
l'écriture sont d'ailleurs assez rapides pour plusieurs des enfants, ce
qui montre qu'ils auraient pu être placés dans ces situations
d'apprentissage dès la petite section (je rappelle que dans certains
contextes familiaux, les enfants n'attendent pas d'avoir 4 ans pour
construire ces compétences élémentaires).
Il
faut également apprendre à écouter des histoires, avec pour objectif
d'augmenter aussi rapidement que possible le temps de concentration.
Voici les lectures d'albums de la première semaine (il faut y ajouter
notamment des comptines) - lecture d'albums répétitifs, les plus
favorables pour concentrer et prolonger l'attention des moyens, lecture
d'autres ouvrages qui vont appuyer les activités d'écriture des grands
dans cette première période : Pipiou dans son oeuf, Une amoureuse, c'est bien et la série "Les zigotos" de Benoît Charlat ; Même pas peur et La semaine d'Uki, de Claudia Bielinsky ; Paulette petite coquette de 100drine ; Bébécédaire de Bénédicte Guettier ; Hop! et Dans la maison du petit ver de Jean Maubille ; Mon doudou de Dominique Peysson ; Tous les loups de Bisinski et Sanders ; Papa dort et Papa se rase d'Alain Le Saux ; Papa trop de Michel Gay ; Papa ! de Philippe Corentin et une dizaine d'albums d'Edouard Manceau, Toc la poule, Tic-Tic la girafe, Poum la baleine,
etc. (E. Manceau étant intervenu dans l'école au printemps dernier,
beaucoup de ses albums ont été "fréquentés" par les enfants de PS à
cette occasion).
Différentes
situations de lecture sont proposées sur un rythme soutenu, la plupart
d'inspiration tout à fait classique mais rarement mises en oeuvre dès
les premiers jours de la moyenne section. En voici quelques exemples :
- repérer "PAPA" dans les textes répétitifs des deux albums d'Alain Le Saux ;
- dans le texte dactylographié de Dans la maison du petit ver, surligner la couleur qui se répète ;
- surligner d'une couleur différente les prénoms de quelques enfants de la classe (chaque prénom est répété plusieurs fois, de façon aléatoire, sur la feuille A4) ;
- associer des noms d'animaux aux vignettes "images + mots" distribuées séparément ;
- en s'aidant des titres des livres d'Edouard Manceau, compléter la liste des noms des animaux - ex : POUM ........ [LA BALEINE].
- repérer "PAPA" dans les textes répétitifs des deux albums d'Alain Le Saux ;
- dans le texte dactylographié de Dans la maison du petit ver, surligner la couleur qui se répète ;
- surligner d'une couleur différente les prénoms de quelques enfants de la classe (chaque prénom est répété plusieurs fois, de façon aléatoire, sur la feuille A4) ;
- associer des noms d'animaux aux vignettes "images + mots" distribuées séparément ;
- en s'aidant des titres des livres d'Edouard Manceau, compléter la liste des noms des animaux - ex : POUM ........ [LA BALEINE].
Lire-écrire... Ecrire-lire
Par
"activités d'écriture", j'entendrai constamment des activités qui ne
consistent pas en "copie", même problématique et "active" au plan
cognitif (par exemple, retrouver et replacer les "bons mots" aux "bons
endroits", comme dans l'exemple précédent), mais qui impliquent des
prises d'initiative de chacun, un projet personnel : en activité d'écriture, il y a donc autant de productions qu'il y a d'enfants.
Durant ces deux mois, les productions sont toutes réalisées en
majuscules "bâton", seule forme graphique à laquelle les enfants peuvent
accéder pour l'instant (et pour quelques-uns, ce n'est pas sans
difficulté). Voici quelques exemples des situations proposées.
- A partir de la question répétée Que regardent les vaches dans le pré ? (titre d'un album de Sylvain Victor) et des réponses proposées, compléter chaque énoncé par l'un des prénoms des enfants de la classe - exemples : "........ regarde les nuages passer / ........ regarde les motos passer".
- Après avoir choisi un animal dans un imagier, recopier son nom et ajouter une couleur, puis recommencer avec une nouvelle couleur - les enfants produisent donc des écrits de dimensions variables.
- A partir de l'album numérique Il n'y a plus de dodos, ajouter une couleur à la suite du nom de chaque animal : 1 TIGRE ........
- Compléter par des prénoms la structure ........ AIME LE [+ couleur] ;
Ecrire pour chaque animal de la série des albums d'Edouard Manceau, et
après feuilletage de l'album correspondant, une ou deux couleurs, sur la
structure suivante :
- pour les moins avancés, POUM AIME LE ........ : N. réussit assez bien [DOC 1], mais M. en est encore bien loin [DOC 2] ;
- ou, plus difficile, POUM AIME LE ........ ET LE ........ , ce qui ne pose pas de problème à D. [DOC 3].
DOC 1 | DOC 2 | |
DOC 3 |
- Le choix d'inscrire beaucoup d'activités dans des contextes peu nombreux et bien circonscrits (les couleurs, les animaux) vise à aider chacun à se familiariser avec les premiers éléments d'une méthodologie et à se l'approprier progressivement - notamment dans le va-et-vient entre lecture et écriture : que chercher ? où chercher ? pour quoi faire ? etc.
- Dans le même esprit, un cahier de références est mis en place dès le mois d'octobre : les enfants vont apprendre à y retrouver les outils dont ils ont besoin : ce sont dans un premier temps les noms de couleur, la bande numérique, l'alphabet, puis des textes de comptines et de chansons.
Les mois de novembre et décembre
Dès
la rentrée de novembre est lancé un projet de production d'albums à
compter, qui prend des formes plus ou moins complexes selon qu'il
concerne les moyens ou les grands. Les albums, qui seront réalisés par
petits groupes, seront tous construits sur une structure répétitive :
pour les moyens, ce sera "comptine numérique + nom d'un unique animal +
couleur" (pour les grands, "comptine numérique + nom d'un animal chaque
fois différent + localisation géographique"). L'implication des enfants
de grande section dans ce projet "contamine" rapidement les moyens qui
attribuent dès ce moment, et de façon visible, du sens aux situations
qui leur sont proposées : par exemple, plusieurs se souviennent d'un
jour sur l'autre de l'animal qu'ils ont choisi - cette mémoire leur
était, je le rappelle, parfaitement étrangère jusqu'en octobre. (Je
signale, sans développer ce point, que les productions des grands
dépassent pour certaines d'entre elles, dès le mois de novembre, le
nombre 10 : [...] "10 harpies féroces en Argentine / 11 tamarins au
Pérou / 12 pumas au Brésil" - pour cette production, l'enfant s'est
appuyé exclusivement sur une faune d'Amérique du Sud.)
Ecouter, lire, graphier, copier
L'habitude
de l'écoute progresse : prenant le relais des grands, certains moyens
(D. notamment) commencent à repérer les rimes lors de lectures de
comptines. Ils participent aux recherches de rimes orales sur le modèle
de "dans mon corbillon" (les grands prolongent ces recherches par des
essais d'écriture au tableau).
Les
situations de lecture gagnent en complexité (de façon très
progressive), en ménageant toujours la possibilité de plusieurs "niveaux
de réussite" :
- découper et regrouper en 2 séries les extraits mélangés de C'est méchant ! et C'est dangereux ! , deux albums de Pittau et Gervais (ex. : "Faire pipi sur les fleurs... c'est méchant !" / "Grimper sur les étagères... c'est dangereux !") ;
- retrouver les noms de couleur dans des titres de contes ou d'albums reproduits en capitales (sur A4) : Chien bleu, Tout vert, tout rouge, etc. ;
- associer des titres d'albums aux reproductions de couvertures (les typographies proposées sont différentes) ;
- compléter une information tronquée - la salamandre de ........ - en retrouvant dans un "texte long" l'énoncé original (la série "[animal] de + [prénom]" est la compilation de productions écrites individuelles précédentes).
- découper et regrouper en 2 séries les extraits mélangés de C'est méchant ! et C'est dangereux ! , deux albums de Pittau et Gervais (ex. : "Faire pipi sur les fleurs... c'est méchant !" / "Grimper sur les étagères... c'est dangereux !") ;
- retrouver les noms de couleur dans des titres de contes ou d'albums reproduits en capitales (sur A4) : Chien bleu, Tout vert, tout rouge, etc. ;
- associer des titres d'albums aux reproductions de couvertures (les typographies proposées sont différentes) ;
- compléter une information tronquée - la salamandre de ........ - en retrouvant dans un "texte long" l'énoncé original (la série "[animal] de + [prénom]" est la compilation de productions écrites individuelles précédentes).
A
la différence de l'écriture en majuscules "bâton", l'écriture cursive
implique la maîtrise de tracés complexes et une réelle fluidité
gestuelle : c'est pourquoi dès cette période les enfants pratiquent,
dans le cadre de l'éducation esthétique, des activités plus
spécifiquement graphiques - calligraphies abstraites aux mouvements
complexes, inspirées de reproductions affichées dans la classe, et
réalisées avec des "traceurs" variés.
Lire-écrire... Ecrire-lire
L'écriture
de l'album est quotidiennement reprise pendant plusieurs jours pour que
chacun puisse parvenir à la comptine numérique la plus ample possible -
par exemple : 1 éléphant bleu / 2 éléphants roses /...". Ces
productions impliquent des recherches dans des documentaires afin que
chaque enfant puisse déterminer l'animal de son choix. Pour les enfants à
qui l'écriture oppose le plus de résistance, l'enseignante reproduit
sur feuille libre les noms choisis en capitales : c'est le cas pour N.
[DOC 4]. Certains cependant commencent à écrire en cursive : ils ont dès
ce moment à leur disposition des alphabets présentant en parallèle les
différents "systèmes graphiques" d'usage quotidien (majuscules et
minuscules d'imprimerie, majuscules et minuscules cursives). S. commence
à s'en servir de façon efficace [DOC 5].
DOC 4 | DOC 5 |
Le
14 décembre, une situation enregistrée en video permet d'observer plus
précisément les stratégies d'écriture de chacun de ces enfants en cette
fin de premier trimestre. L'activité proposée est inspirée de l'album
Même pas peur, lu dès la première semaine (voir plus haut) et souvent
repris avec plaisir. Le document remis à chaque enfant est :
- soit proposé en capitales, c'est le cas pour Ah., dont l'écrit s'améliore au fil des lignes [DOC 6], ou pour M., qui a sensiblement progressé depuis octobre [DOC 7].
- soit proposé en écriture cursive, comme c'est le cas pour D. ou, dans l'exemple reproduit, pour S. [DOC 8] :
DOC 6 | |
DOC 7 | |
DOC 8 |
Des
albums et des documentaires ont été réunis dans un bac à proximité des
moyens ; ceux-ci vont choisir et rapporter à leurs tables, entre autres :
- les albums Victor et la sorcière d'Olga Lecaye, Une histoire à faire peur de M.G. Jullien et F. Muller, Bouh la petite bête d'Antonin Louchard, Squelette hoquette de M. Cuyler et S. D. Schindler ;
- les documentaires Insectes araignées serpents (Ed. Seine), Animaux qui piquent (Hachette jeunesse), Dans la nuit (Mango), Les quatre saisons du renard roux de H. Imazu et T. Kanzawa, etc.
- les albums Victor et la sorcière d'Olga Lecaye, Une histoire à faire peur de M.G. Jullien et F. Muller, Bouh la petite bête d'Antonin Louchard, Squelette hoquette de M. Cuyler et S. D. Schindler ;
- les documentaires Insectes araignées serpents (Ed. Seine), Animaux qui piquent (Hachette jeunesse), Dans la nuit (Mango), Les quatre saisons du renard roux de H. Imazu et T. Kanzawa, etc.
- " A l'exception d'A. qui a encore beaucoup de mal à rester "dans l'activité" pendant plus de quelques minutes, tous les moyens donnent la preuve que la pratique de l'écriture d'"invention" fait maintenant sens pour eux, qu'elle est génératrice d'engagement et, pour certains, d'un plaisir immédiatement lisible dans leurs attitudes.
- " La majorité d'entre eux, qui éprouvent encore des difficultés à tracer les caractères "bâton", font un effort manifeste pour y parvenir, même si certains résultats sont encore problématiques (caractères à l'envers, tracés approximatifs).
- " Certaines interactions révèlent la qualité des représentations de l'écrit dès maintenant construites par les plus avancés. S. cherche à écrire "sorcière", personnage qui illustre la couverture d'Une histoire à faire peur. D., sa voisine, dit après avoir repéré l'image : "Oui, ça fait peur !" ; puis, regardant le titre (l'album est bien connu des enfants), elle ajoute : "C'est pas la sorcière..." et, en suivant du doigt les mots du titre à l'adresse de S. : "Une histoire à peur ! Une histoire à peur !"
Bref bilan de ce premier trimestre
Des comportements en évolution, des compétences encore fragiles
- La capacité individuelle des enfants à se concentrer pour écouter les lectures magistrales progresse régulièrement à partir du mois d'octobre.
- Le matin, à l'image de l'enseignante qui lit des albums, des documentaires, des comptines..., des enfants plus nombreux osent lire devant le groupe l'album qu'ils ont choisi.
- Les énoncés répétitifs dans les textes écrits sont maintenant repérés et surlignés assez rapidement et avec peu d'erreurs.
- B., D., L., N., S. commencent à rechercher avec méthode les livres dont ils ont besoin, à consulter spontanément le cahier de références et y retrouver ce qu'ils y cherchent.
- D. et S., qui écrivent maintenant en cursive, manifestent simultanément une autonomie croissante dans leur rapport à l'écriture.
- Ni. et Ah., qui sont au contraire "partis de très loin", ont régulièrement progressé tout au long du trimestre.
Des difficultés manifestes pour plusieurs d'entre eux
- A., Ad., M., K. ont encore beaucoup de mal à se représenter les contraintes propres à l'écrit à produire et à mettre en oeuvre les procédures susceptibles de les aider à "traiter" le problème posé.
- Ils éprouvent de réelles difficultés à entrer en activité de façon autonome : pour l'instant, la présence de l'enseignante est indispensable pour cadrer, pendant les premières minutes, la situation spécifique et le travail attendu.
- Leurs tracés des majuscules "bâton" sont encore très aléatoires et la lecture de leurs écrits par l'adulte n'est possible que de façon très fragmentaire.
- K., qui est arrivée dans l'école fin novembre et qui n'avait jusqu'alors jamais écrit, commence à savoir repérer "quoi écrire" mais ne parvient pas à en reproduire la suite graphique - lettres oubliées, lettres en désordre, lettres répétées de façon aléatoire...
D'une
façon plus générale, beaucoup de ces enfants ont, dès ce premier
trimestre de moyenne section, établi un rapport "naturel" à la chose
écrite, qu'il s'agisse de la fréquentation des albums, des premiers
repérages qu'ils y opèrent, de la pratique d'activités d'écriture qui ne
provoque aucun découragement de leur part ou même qui, pour
quelques-uns d'entre eux, est déjà l'occasion d'implications attentives
entre écrits à produire et supports de référence. Nous suivrons tout
particulièrement au deuxième trimestre les progrès des quatre enfants
qui manifestent pour l'instant les plus lisibles "difficultés
d'apprentissage".
Bernard Devanne,
professeur à l'IUFM de Basse-Normandie
Lire et écrire en maternelle : un deuxième trimestre en moyenne section
Bernard Devanne
Pour lire le début de ce dossier
Lire et écrire en maternelle, après la grande section, la moyenne section (2006-2007) : Janvier 2007 : bilan du 1er trimestre
La suite :
Dans
l’académie de Caen, ce deuxième trimestre est relativement court :
5 semaines du 8 janvier au 9 février, 5 semaines à nouveau du 26 février
au 30 mars.
C’est
pourquoi je ne distinguerai pas ces deux périodes : les progrès des
enfants, sensibles pour la plupart d’entre eux, ne sont lisibles qu’à
l’échelle du trimestre (certains enfants de grande section, au
contraire, franchissent sur de brèves périodes des caps importants dans
la maîtrise du lire-écrire).
Des pratiques culturelles dans « l’espace-livres »
L’habitude
d’écouter chaque matin des histoires longues s’installe
progressivement : l’enseignante donne beaucoup d’importance à cette
capacité de concentration, en progrès – très relatif pour certains – à
la fin du premier trimestre. Pour alimenter par ailleurs l’élaboration
de références culturelles de qualité, elle propose de nombreux contes
traditionnels, ainsi que des "classiques" de Grimm ou de Perrault.
Ces lectures marquent les enfants au point qu’elles déterminent le fil conducteur de l’un des albums à compter des GS, Compte les animaux des contes :
« 1 chauve-souris chez le Petit Chaperon Rouge, 2 méduses chez la
Princesse au Petit Pois, 3 citrons [= papillons] chez le Bonhomme de
Pain d’Épices, 4 tamarins chez la Barbe-Bleue, 5 paresseux chez Hansel
et Gretel, 6 tamanoirs chez Boucle d’Or, 7 oryctéropes chez le Petit
Poucet, 8 tatous chez les Sept Chevreaux… »
On
n’oubliera pas que lire, lorsqu’il s’agit d’un album, ce peut être
d’abord faire du sens avec les illustrations des ouvrages présentés pour
la première fois. Ainsi, la découverte de quelques illustrations
(jugées "problématiques" par l’enseignante, qui neutralisent de plus la
chronologie) de la version d’Anthony Browne d’Hansel et Gretel
conduit-elle à identifier – plus rapidement qu’attendu ! – le conte de
référence, les enfants confirmant ensuite leur première intuition par le
rappel du récit au fil du feuilletage linéaire de l’album. Et si
l’essentiel des prises de parole est bien sûr dû aux enfants de grande
section, le silence relatif des moyens est pour eux l’occasion
d’apprécier la nature de l’"activité langagière" attendue lors d’une
telle présentation.
À
l’image des grands, qui commencent à relire des albums assez
consistants devant les autres, les moyens prennent plus d’initiatives en
ce sens : ils y sont encouragés par l’enseignante, qui recadre les
choix lorsque les albums choisis ne sont pas suffisamment répétitifs.
Ceux qui "osent" pour la première fois restent souvent muets, ce sont
les autres qui rappellent le texte à leur place quand ils tournent les
pages : pour eux, une étape importante est néanmoins franchie.
La réalisation individuelle d’un album à compter
Le
projet d’écriture d’albums à compter se termine : les enfants y ont
maintenu une réelle implication de bout en bout, malgré l’étirement dans
le temps qui l’a caractérisé (une dizaine de semaines effectives). Je
rappelle qu’il s’agit, pour les moyens, d’une production individuelle
(les grands élaborant des albums plus complexes par petits groupes) :
chacun doit donc, après la création du texte, procéder à la mise au
propre et réaliser la composition plastique de chaque double page.
Au fil des semaines, de nouvelles lectures d’albums à compter, comme Dix grenouilles de Quentin Blake (Gallimard Junior), 1,2,3 dans l’arbre d’Anushka Ravishangar (Actes Sud Junior), Un pour l’escargot, dix pour le crabe (Kaléidoscope), permettent à chaque fois d’établir des comparaisons avec ceux qui ont été précédemment lus :
- comparaisons sur les différentes présentations des chaînes numériques, les mises en texte ;
-
comparaisons sur la mise en page de chaque album, la composition de la
double page, la typographie, les techniques plastiques utilisées.
Le
temps consacré à l’élaboration de ces albums s’explique parce qu’il
s’est agi, pour les moyens comme pour les grands, de reprendre des
écrits de façon différée, de les évaluer, donc de procéder à des essais
successifs : dans la phase d’élaboration finale, chacun recommence
jusqu’à ce que les énoncés soient reproduits sans erreur. Ces nombreux
moments où les enfants doivent "graphier" et "copier" prolongent les
activités présentées sous le titre "graphier, copier" au premier
trimestre ; ce ne sont évidemment pas les seuls, des activités
calligraphiques poursuivant l’entraînement à la maîtrise des tracés de
l’écriture cursive.
Il
faut également imaginer la couverture, les pages de garde, les écrits
spécifiques à reporter sur la couverture et la page intérieure de
titre ; or, comprendre la "fonctionnalité" du titre puis en imaginer un,
expliciter la notion d’auteur, sont des élaborations cognitives qui,
pour des moyens, présentent de réelles difficultés.
Des activités variées de lecture-écriture
Très
"naturellement", la production des albums rend possible, à diverses
reprises, la mise en œuvre d’activités de relecture autonomes :
-
chaque enfant peut retrouver son propre texte ou celui d’un autre,
puisqu’il est capable d’y repérer le prénom ; en principe, il peut aussi
en retrouver le sens et même la littéralité du texte (chaîne numérique +
répétition du nom de l’animal choisi + couleur) sans l’intervention de
l’enseignant ;
-
à d’autres moments, les enfants ont à compléter un texte communiqué
sous forme tronquée (celui d’un autre) ; après avoir rétabli la ligne
manquante (par exemple, "3 salamandres vertes"), ils poursuivent
l’énumération là où leur camarade l’a interrompue (par exemple, "6
salamandres roses") : ils rencontrent ainsi différents animaux, dont la
reprise de l’écriture du nom constitue un bon entraînement graphique en
situation.
D’autres
d’activités articulant de façon étroite, comme au premier trimestre, la
lecture et l’écriture, sont proposées sur un rythme régulier en
alternance avec les séances consacrées à l’élaboration des albums à
compter. En voici quelques exemples (certaines de ces activités sont
spécifiques aux moyens, d’autres, avec certains aménagements, sont
également proposées aux grands).
À partir des albums de Tony Ross Je veux un chat (Mijade) et Je veux une petite soeur
(Gallimard, Folio benjamin), plusieurs situations sont proposées sur 2
semaines, un jour sur deux, en alternance avec d’autres activités
d’écriture :
- trouver les moyens d’écrire la séquence répétitive je veux + nom d’un animal ;
-
à partir des textes recopiés, reconnaître qui en sont les auteurs, puis
poursuivre l’énumération commencée par un autre (second exemple d’une
production "interactive") ;
- élaborer un énoncé plus complexe, incluant des adjectifs - par exemple, "je veux un petit ouistiti vert" - en s’appuyant sur la forme répétitive de l’album Un petit quoi ? d’Isabelle Carrier (Casterman) ;
-
reconnaître les textes maintenant typographiés, retrouver les couleurs,
localiser par surlignage les reprises de la formule "je veux".
Lecture de menus et prise de repères
-
transcrire un menu en cursive ; cette activité sera reprise car elle
présente de réelles difficultés : organisation de l’espace, disposition
du menu et de la date ;
-
inventer un menu (la contrainte de la composition du menu - entrée,
plat, dessert - ne leur est pas imposée, à la différence des grands ;
néanmoins, l’activité ne prend vraiment sens que pour ceux qui
fréquentent le restaurant scolaire, les autres mangeant parfois un plat
unique) ;
Imaginer, à partir d’imagiers ou de photocopies,
un texte répétitif sur la structure "Prénom d’enfant (de l’école, ou
frère ou sœur) + AIME + aliment : dans cette situation, les enfants
recherchent réellement des aliments qui peuvent convenir, ne serait-ce
que parce qu’ils correspondent à leurs propres goûts : chocolat,
frites... (cette situation est proposée fin janvier).
Parmi
les cinq enfants qui pratiquent maintenant l’écriture cursive, D.
(doc.1) et L. (doc.2) ont écrit les textes les plus longs :
-
les tracés cursifs de D. sont encore très approximatifs et sa copie est
mal assurée (voir la "décomposition" de aime au fil des lignes) ; D. ne
réussit pas encore à "convertir" les caractères imprimés de son imagier
en alphabet cursif (seuls les prénoms sont écrits en cursive) ou, plus
vraisemblablement, elle ne prend pas le temps de consulter sa fiche de
correspondance (cf. premier trimestre) pour être celle qui aura écrit
"le plus"... ;
-
L. maîtrise beaucoup mieux l’écriture cursive à la fois dans la
réalisation purement graphique et dans sa capacité à assurer la
conversion avec adresse (le lait, le yaourt), dès ce moment sans se
référer à sa fiche de correspondance (elle n’y aura donc eu recours que
pendant quelques semaines).
Ceux
qui écrivent encore en majuscules bâton disposent d’une feuille
assurant un plus fort guidage. Ici, Ah. (doc.3), après avoir écrit les
prénoms en majuscules, reproduit comme D. les caractères imprimés ; s’il
écrit deux fois la pomme en cursive, c’est parce que l’imagier qu’il a
alors dans les mains se présente ainsi (on le voit néanmoins, cette
première tentative est assez réussie).
Il
faut souligner que, si les activités articulant lecture et écriture
constituent le cœur de la démarche, elles sont renforcées par d’autres
situations visant à exercer, plus spécifiquement, les compétences de
lecture - par exemple au mois de mars :
- repérer des mots semblables dans des titres d’albums lus : Loup y-es-tu ?, Docteur loup, Arc-en-chat, Le chat botté, etc.;
- repérer dans une liste et classer ensuite dans un tableau : des prénoms, des couleurs, les jours de la semaine ;
-
dans des recettes, après s’être familiarisé avec l’organisation
textuelle, repérer les ingrédients de la liste dans le texte lui-même ;
- classer par ordre alphabétique des mots donnés, puis des mots trouvés en autonomie, etc.
Pendant ces mêmes semaines, les situations de lecture-écriture s’inspirent de différents albums répétitifs, entre autres :
- à partir de l’album de Bénédicte Guettier Je m’habille et je te croque (variation sur Loup y-es-tu ? L’école des loisirs), continuer à apprêter le personnage - par exemple, "je mets mes boucles d’oreilles rouges" ;
- à partir de l’album d’Anne Gutman Los colores
(Juventud, collection Mira mira) - "J’ai un papa bleu... Je suis une
baleine." -, imaginer des énoncés du même type avec le support d’images
d’animaux suffisamment caractéristiques ;
- à partir de l’album d’Alain Le Saux La maîtresse n’aime pas
(Rivages), lister les "interdits" de la classe : ainsi, l’interdit
imaginaire "la maîtresse n’aime pas qu’on mange des hamburgers" peut-il
être écrit en autonomie, alors que l’interdit bien réel "la maîtresse
n’aime pas qu’on jette les livres" suppose l’intervention de l’adulte.
Une séance filmée et analysée
Le
22 mars, une situation enregistrée en vidéo permet d’observer plus
précisément les progrès dans l’organisation et la gestion des
va-et-vient lecture / écriture de chacun de ces enfants en cette fin de
deuxième trimestre. L’activité proposée est inspirée de l’album Pourquoi les zèbres sont-ils en pyjama ?, de Lila Prap (Circonflexe), dont la lecture prolonge celle d’Il ne faut pas habiller les animaux, de J. et R. Barrett (L’école des loisirs). Il s’agit d’écrire un texte répétitif sur la structure "pourquoi + animal + a + vêtement + couleur ?" (Pour les GS, la construction interrogative a-t-il
est attendue, et elle devient même rapidement d’un usage spontané à
l’oral, dans le contexte spécifique de cette activité d’écriture).
Dans cette situation, chacun doit s’organiser pour choisir dans des livres :
- d’une part, un animal - des documentaires de complexité diverse sont à disposition sur les tables : l’album le Zoo des z’enfants de Tana Hoban (Kaléidoscope), la collection "Les animinis" (Milan), - Sur la banquise, Dans la nuit... -, des encyclopédies comme Tous les mammifères du monde (Milan), etc.
- d’autre part, un vêtement - des imagiers sont également disponibles : Mon premier imagier du corps et des vêtements (Maxi-livres), Des mots en images (Nathan), Le grand imagier Mes premières découvertes (Gallimard), etc.
Les
enfants sont sensibles à la dimension humoristique des énoncés
produits. L’écrit de N. (doc.4) mérite d’être commenté sur plusieurs
plans :
-
il fait apparaître la difficulté des enfants de cet âge à dépasser une
représentation "dessinée" de l’écriture - voir le point sur le i de hibou, la boucle du second r de marron -, comme celle de ne rien oublier au moment de la copie - voir pourqu ;
-
il montre également la complexité du problème à résoudre dans la
production de l’énoncé imaginé, "pourquoi la chauve-souris l a une les
bottes bleu" : choisir l’animal dans un livre et le recopier, poursuivre
l’énoncé en n’oubliant pas de s’"arrêter" avant le déterminant, choisir
un vêtement (avec son déterminant) sur un autre support, enfin choisir
une couleur toujours différente... ; une telle stratégie complexe
d’écriture suppose, pour être maîtrisée, la répétition suffisamment
fréquente de situations analogues ;
-
le détour par la structure orale "pourquoi la chauve souris elle a..."
conduit N. à résoudre le problème posé en recourant à la lettre "l",
prononcée bien sûr [El] ; voilà qui en dit long sur la connaissance de
la langue écrite que certains ont déjà construite, et sur leur capacité
naissante à inventer des solutions à leurs problèmes d’écriture.
Parmi
les cinq enfants qui écrivent encore en majuscules bâton, les écrits de
Ni. (doc.5) et d’Ad. (doc.6) traduisent deux "profils d’apprentissage"
différents :
-
Ni. progresse régulièrement, mais ses absences répétées du premier
trimestre ont retardé ses apprentissages ; dans les phrases "pourquoi le
pingouin a une culotte rose" et "pourquoi le panda a un pyjama violet",
on peut noter que les difficultés principales se concentrent sur les
termes désignant les vêtements, imprimés en minuscules dans l’imagier
qu’elle utilise ;
-
Ad., qui fréquente l’école avec assiduité, a encore besoin d’un
accompagnement soutenu pendant sa recherche ; ses difficultés d’écriture
- largement dues à sa nervosité - ne se résorbent pas encore : si l’on
peut lire "pourquoi le panda a un short vert", il est difficile de lire
"pourquoi moustiques a une robe bleu le" (la présence de "le" en fin de
phrase s’explique par l’intervention de la maîtresse "tu as oublié le, le moustique"...) ;
-
Ni. et Ad. ne disposent pas encore d’une fiche de correspondance,
qu’ils ne sauraient pour l’instant utiliser ; l’enseignante est de ce
fait régulièrement conduite à faire elle-même la "conversion" des
minuscules d’imprimerie en majuscules bâton, que l’enfant n’a plus qu’à
reproduire : faut-il se résoudre, pour eux et pendant la période la plus
brève possible, à limiter leur recherche dans les imagiers composés en
majuscules ?
De façon plus générale, le visionnement de cette séance fait apparaître des acquis importants pour la totalité des moyens :
- ils maîtrisent l’identification et le surlignage d’énoncés répétitifs, qu’il s’agisse de mots seuls ou de groupes de mots ;
-
ils se souviennent du mot qu’ils sont en train d’écrire ; s’ils
s’arrêtent (s’intéressent à autre chose), ils le retrouvent et en
reprennent la copie "au bon endroit" ;
-
ils demeurent de façon visible "dans l’activité" et savent quoi
chercher, même ceux qui ont encore besoin d’un accompagnement pour
organiser leur recherche ; les autres font preuve d’autonomie, notamment
lorsqu’il s’agit de chercher dans les imagiers maintenant familiers.
Quel bilan au terme de ce deuxième trimestre ?
Des progrès appréciables
-
Grâce, notamment, à l’écriture des albums à compter qui, mettant en
scène des animaux, impliquent des recherches dans des documentaires, les
enfants ont intégré la fonction de ce types d’ouvrages, ont appris à
les ranger dans des bacs spécifiques, ainsi d’ailleurs que les
imagiers ; en revanche, le rangement des recueils de contes n’est pas
encore clairement identifié par plusieurs des enfants de la moyenne
section.
-
Le matin à l’accueil, ils sont plus nombreux à aller spontanément vers
les tables sur lesquelles sont déposées des feuilles : ils recopient des
énoncés affichés (les jours de la semaine, "je veux un singe"...) ou
même reprennent de leur propre initiative telle idée d’écriture
précédemment proposée (par exemple, "pourquoi... ?").
-
Certains d’entre eux, qui écrivaient en janvier en capitales, sont
passés à l’écriture cursive avec feuille de correspondance, et n’en ont
déjà plus besoin ; en fin de trimestre, L., D., N., B., S. maîtrisent
donc la transposition en cursive de façon "automatisée" ;
-
Tous entrent maintenant en activité, selon des rythmes évidemment
différents : ils savent ce qu’ils doivent faire dans la situation
proposée, et ont appris à s’y tenir. Certains anticipent maintenant les
consignes implicites des documents distribués et peuvent se mettre
spontanément au travail (L.), voire même "se dépasser" au contact des
grands lorsque la situation d’écriture proposée est identique (D., B.).
-
Ils peuvent tous reproduire une phrase en autonomie, ce que M. et A. ne
parvenaient pas à faire précédemment : ils "perdaient le fil" de leur
copie si on ne leur resituait pas précisément, dans le mot, l’endroit
précis où ils se trouvaient.
-
Même si des difficultés proprement graphiques persistent chez certains,
la notion de mot (séparer par exemple les mots en recopiant un titre)
est acquise, ainsi que celle de la permanence de l’écrit (par exemple,
revenir à la ligne quand on n’a plus de place, alors que l’original
n’occupe qu’une ligne).
-
La capacité de concentration, en situation d’écoute dans
l’espace-livres comme pendant les activités aux tables, augmente de
façon régulière.
Pour quelques-uns, des progrès... et des difficultés persistantes
J’indiquais
en janvier mon intention de suivre plus précisément les progrès des
quatre enfants qui manifestaient alors les plus lisibles "difficultés
d’apprentissage".
-
K., qui a appris à se concentrer dans ses recherches, commence à
repérer les mots dont elle a besoin ; ses tracés graphiques sont encore
approximatifs ; elle a adopté un comportement très volontariste : elle
"lit" tous les matins un livre au groupe, et elle sait choisir des
albums suffisamment répétitifs pour y parvenir.
-
A. a accompli des progrès appréciables, remarqués notamment en fin de
trimestre : elle réussit à s’impliquer dans les activités, elle est plus
à l’aise tant dans la recherche des mots que dans la production
graphique.
-
Ad., dont les difficultés tenaient aussi à des problèmes de
prononciation et à un déficit langagier (syntaxe et vocabulaire),
progresse de façon notable sur ces plans-là : il lit maintenant des
livres devant les autres de façon à peu près compréhensible et comprend
mieux les énoncés complexes des albums présentés ; cependant, ses
difficultés de concentration persistent en situation de
lecture-écriture, il a toujours du mal à se repérer sur sa feuille et ne
progresse pas dans la maîtrise des tracés (en capitales).
-
M., qui au début de l’année présentait un profil comparable à celui
d’Ad., a lui gagné en autonomie : une fois la situation bien cadrée, il
réussit à prendre des initiatives d’écriture ; il a également réalisé
des progrès dans les tracés, mais n’est pas pour autant prêt à passer à
l’écriture cursive.
Les
apprentissages de deux autres enfants sont pour l’instant "retardés",
bien qu’ils progressent de façon régulière à l’écrit :
-
pour Ni., son immaturité - elle est, nous l’avons dit, du mois de
novembre - fait qu’elle demeure en retrait, participant très peu à la
communication, même en petit groupe ; elle sait néanmoins se montrer
très concentrée en situation de lecture-écriture ;
-
pour Ah., arrivé en France en septembre 2006, son peu de maîtrise de la
langue française est encore un lourd handicap lors de la lecture
magistrale d’albums (et plus encore de contes) : il n’accroche pour
l’instant qu’aux constructions fortement répétitives ; il va sans dire
qu’il n’est pas encore capable de participer aux échanges oraux.
Je
publierai le compte-rendu du troisième trimestre à la rentrée de
septembre, ce qui sera l’occasion, toutes énergies retrouvées, de
relancer la réflexion sur les enjeux d’apprentissage de l’école
maternelle dans le sens de la réussite de tous... en pensant à tous ces
enfants de CP auxquels on imposera, dès la même période, une longue
expérience de l’insignifiance, l’enseignement préalable et systématique
de la combinatoire.
Bernard DEVANNE,
Professeur à l’IUFM de Basse-Normandie
Les contributions de B. Devanne sur la lecture au primaire
Lire et écrire en maternelle, après la grande section, la moyenne section (2006-2007)
- Janvier 2007 : bilan du 1er trimestre
Lire et écrire en maternelle, journal d’une grande section en ZEP (2005-2006)
- Mai 2006Lire et écrire en maternelle : un troisième trimestre en moyenne section
Bernard Devanne
Pour lire le début de ce dossier
Lire et écrire en maternelle, après la grande section, la moyenne section (2006-2007) :
Ce troisième trimestre est rarement celui
d'une transformation profonde des attitudes ou des résultats scolaires.
Les enfants de moyenne section en donnent une nouvelle illustration :
ceux qui ont précédemment beaucoup progressé confirment leurs progrès,
d'autres avancent plus lentement... Après l'évocation des activités du
trimestre et le bilan de fin d'année, la parution de cette chronique en
ces jours de rentrée est l'occasion de préciser le projet pédagogique
« langue écrite » qui va être mis en oeuvre avec ces enfants, maintenant
en grande section.
Des pratiques culturelles dans "l'espace-livres"
Je rappelle que le premier moment de chaque matinée est l'occasion, avec toute la classe, de lectures en réseaux
: ce sont plutôt les grands qui « mènent le jeu » ; l'après-midi, entre
14h et 15h15, le décloisonnement permet de travailler avec le groupe
restreint des moyens, ce qui favorise pour chacun d'eux à la fois les
prises d'initiatives et les prises de parole.
Voici quelques-uns des titres proposés à la découverte des seuls moyens l'après-midi :
– Caca boudin et Au loup,
de Stéphanie Blake (L'école des loisirs), le second album sollicitant
des comparaisons spontanées avec le premier, qui prennent la forme d’une
« lecture croisée » ;
– Dis-moi, de Antje Damm
(Kaléidoscope) qui propose plus de 100 questions comme « Que fais-tu
quand tu t'ennuies ? », « Si tu étais roi ou reine, que changerais-tu
? » : c'est l'occasion de prises de parole nombreuses, souvent
imaginatives ;
– Mais qui a mangé le loup ?
d'Alex Sanders et Greg MacGregor (Gallimard J, Giboulées), qui invite à
retrouver les personnages des contes traditionnels connus et leurs
contextes narratifs ;
– Alice sourit de Jeanne Willis et Tony Ross (Folio b), Ce que j'aime faire, d'Anthony Browne (Kaléidoscope), Maman était petite avant d'être grande de Valérie Larrondo et Claudine Desmarteau (Seuil J), Vite, Vite, Chère Marie !
de Erik Blegvad (Autrement J), albums dans lesquels les textes sont
construits autour de « suites de verbes » (construction verbale
identique d'une phrase à l'autre) : ce groupement d'albums inspirera
plusieurs activités d'écriture.
D'autre part, la sensibilisation des enfants
aux rimes, aux « jeux phonologiques » se poursuit à l'aide de recueils
de comptines / de poèmes ou quelquefois d'albums (j'insiste sur le fait
qu'il n'y a dans cette classe aucun exercice scolaire de phonologie, à
l'image des « cartes phonologiques » très à la mode depuis peu). Ont été
régulièrement repris Jaffabules de Pierre Coran (Hachette J) et plusieurs recueils de sa collection « Direlire » (Casterman), Ma langue au chat (Milan poche), Poèmes à dire et à manger (Seuil J) ou, au nombre des albums, Les dames
de Nathalie Léger-Cresson et Isabelle Chatellard (« Quelle heure
est-il, Madame Persil ? – Une heure moins le quart, Madame Placard »)...
Des activités variées de lecture-écriture
Au titre des activités de lecture-écriture
quotidiennes, voici également quelques exemples qui me semblent montrer à
la fois la continuité de la démarche et la variété des situations
proposées aux enfants.
* Imaginer ses propres énoncés à partir
d'albums aux formules répétitives – repérer, surligner, puis écrire
individuellement :
- Et si je donnais... d'Emmanuelle Anquetil (Mango J) inspire « Et si je donnais mon gorille ? », « Et si je donnais Hansel ? »...
- Et si j'étais... toujours
d'Emmanuelle Anquetil (Mango J) – « Si j'étais une pieuvre, j'aurais
plein de bras... Si j'étais un crabe, j'aurais une belle armure » –
inspire « Si j'étais un lion, je serais gentil », « Si j'étais une auto, je roulerais vite »...
- Je suis une petite fille de
Peter Elliott et Nathalie Grignet (Pastel) – « Alors, c'est bon les
carottes, mon petit lapin ? – Je ne suis pas un petit lapin, je suis une
petite fille ! » – inspire « Je ne suis pas un short / je ne suis pas un jean / je ne suis pas un serpent... ».
* A partir de Maman était petite avant d'être grande déjà cité, de Ma maman de Rascal et des Mon papa et Ma maman d'Anthony Browne (Kaléidoscope), retenir certains énoncés (« maman, tu souris mieux que moi ») pour écrire une carte à l'occasion des inévitables fêtes... > maman
tu ris mieux que ma soeur, maman tu danses mieux que papa... papa tu
travailles mieux que mon tonton, papa tu chantes mieux que la
maîtresse...
* A partir de l'emploi du temps de la petite souris extrait du Mémo des gens merveilleux
de Régine Detambel, repérer les actions (les verbes d'action sont le
premier mot de chaque énoncé) et, comme l'ont fait les GS, inventer
d'autres emplois du temps ; trop difficile pour les moyens en situation
d'écriture individuelle, l'activité se poursuit sous forme orale et
collective.
* A partir du texte répétitif de l'album Le roi, c'est moi ! de Leo Timmers (Milan J) :
- sur le texte intégral tapé (moins une
phrase), repérer l'énoncé « Le roi, c'est moi ! », en surligner toutes
les reprises dans le texte et l'écrire là où il a été enlevé ;
- puis, à la séance suivante (fin mai), écrire sur la même structure ; les textes reproduits sont ceux de Ah., N. et L.
|
- « Le roi, c'est moi ! dit le serpent – Mais tu es trop long ! - Le roi, c'est moi ! dit hippopotame ». Pour
Ah., arrivé en France à la rentrée 2006, le cap du passage à l'écriture
cursive est franchi. Il sait organiser ses recherches, dans les livres
pour les noms d'animaux, ou sur un affichage pour l'adjectif (long).
- « Le roi, c'est moi ! dit le paon –
Mais tu es trop bleu ! Le roi, c'est moi ! dit le coq – est ». On
appréciera comment, en croisant un savoir construit par les lectures (un
paon) et la fiche informative (paon bleu), N. imagine de dissocier la
couleur pour en faire la caractéristique « rédhibitoire ».
- « Le roi, c'est moi ! dit l'âne –
Mais tu es trop doux ! Le roi, c'est moi ! dit veau – Mais tu es trop
petit ! Le roi, c'est moi ! dit le bison – Mais tu es trop ». L.
maîtrise à la fois l'écriture cursive (encore des progrès à faire, par
exemple sur le tracé du « i ») et la recherche dans les livres et sur
les affichages : d'où ce texte long, qui inclut, au dernier qualificatif
près, trois unités répétitives.
Sur un autre plan, et à la suite d'activités d'identification de textes photocopiés conduites
avec les grands, certaines situations analogues sont proposées aux
moyens – la complexité de l'activité étant conservée autant qu'il est
possible :
- premier exemple, avec 5 textes : un
documentaire sur le loup, deux comptines (« 1, 2, 3 je m'en vais au
bois... » et « 1 cuillère, c'est en vert ; 2 yeux, c'est en bleu ; 3
enfants, c'est en blanc... », un menu, un extrait de l'album Mon doudou ;
- deuxième exemple, avec 8 textes :
deux comptines (« haut les mains ! » et comptine avec nombres), un
extrait de l'album Pourquoi le zèbre a-t-il un pyjama rose ?, un poème (Toujours caresser l'étoile), deux listes (les jours de la semaine, les couleurs), une recette (la pâte à crêpes), un menu.
Nous évoquerons plus précisément les objectifs
et la conduite de cette activité (qui nous semble susceptible à la fois
de structurer et d'évaluer les compétences) dans des exemples que nous
emprunterons cette année à la grande section.
Une séance filmée et analysée
Le 15 juin, l'enregistrement vidéo d'une
activité d'écriture aide à dresser le bilan des attitudes et des
compétences construites par chacun des enfants pendant cette année de
moyenne section. La phrase inductrice, « Et si je donnais mon chat au
boulanger ? » s'appuie :
-sur la découverte récente de plusieurs albums de la série (humoristique) créée par Thierry Dedieu, « Les métiers de quand tu seras grand » (Seuil J) – Footballeur, Pompier, Rock star, Vétérinaire, Policier, Maîtresse d'école – et du jeu de cartes des métiers de 100drine Le jeu du chat perdu
(« A comme Artiste, B comme Boucher, C comme Coiffeuse [...] V comme
Voleur ! »), l'ensemble ayant conduit les jours précédents à rechercher
les métiers les plus familiers et à mémoriser leurs noms ;
-sur une structure à nouveau inspirée des albums d'Emmanuelle Anquetil, plus particulièrement Et si je donnais...
Après une brève recherche collective, les
enfants sont en activité d'écriture individuelle. Ils disposent d'une
feuille de format A3 reproduisant une dizaine des cartes des métiers du Jeu du chat perdu (les noms de métiers typographiés en majuscules sont accompagnés de la forme cursive). La
sélection des trois productions suivantes permet d'en montrer la
diversité et de faire apparaître des conduites d'écriture tout à fait
personnelles – successivement Ni., S. et B.
|
– « Et si je donnais mon dauphin
garagiste / Et si je donnais mon chat à maman ». Ni., la plus jeune des
enfants de moyenne section (née en novembre), commence à écrire en
cursive : un écrit de cette longueur et de cette qualité est pour elle
le résultat d'une réelle concentration.
– « Et si je donnais mon edelweiss au
policier / Et si je donnais mon panthère à Jean-Louis / Et si je donnais
mon flamant rose au danseur ». On voit comment S. passe d'un imagier
des fleurs, qui lui est un peu « extérieur » (et l'écriture d'edelweiss a
sans doute été dissuasive), à un imagier des animaux, beaucoup plus
familier. La taille des caractères de l'écriture cursive permet d'en
apprécier le modelé, souvent tracé avec précision.
– « Et si je donnais mon ane au
zoologiste / Et si je donnais mon salut ! bonjour à l'infirmière / Et si
je donnais mon papa au bateau / Et si je donnais mon robot / Et si je
donnais mon ours à maman ». Pour B., l'écriture devient
« effervescente » : à la quantité s'ajoutent des prises d'initiatives
ludiques (l'inversion de « papa » et « bateau » n'est pas une erreur)...
Lorsqu'elle écrit « salut ! bonjour », elle recopie le dialogue du
poussin et du chat, croyant recopier le nom des deux animaux (selon le
principe des autres albums de la série de Pierrick Bisinski et Alex
Sanders ; or celui-ci, Tous les petits mots, est nouveau dans la
classe et fonctionne différemment). Elle procède de la même manière à la
ligne suivante : les mots « dépêche-toi ! j'arrive » seront ensuite (à
demi) effacés.
Trois enfants écrivent encore en majuscules bâton. Voici les deux productions les plus contrastées, celle de K. et celle de M.
- « Et si je donnais mon chat au
boucher / Et si je donnais mon bison / Et si je donnais mon les / Et si
je donn / Et Et si je donnais mon loutre au voleur / Et si je donnais
mon Raiponce au dentiste ». K. écrit beaucoup, sans doute de façon
encore aléatoire, mais son plaisir d'écrire est manifeste. Elle prend
dans un bac l'album Raiponce, le conte de Grimm illustré par
Michaël Hague (Grasset, coll. « Monsieur Chat ») et en recopie
imperturbablement le titre... Autre compétence remarquable : à la
différence des exemples précédents, elle se plie tout au long de son
texte à la contrainte d’écriture (utiliser dans chaque phrase un nom de
métier).
- « Et si je donnais mon bateau au ba
barbe bleue bleue ». Même si le résultat obtenu est peu comparable aux
précédents, M. est maintenant capable d'une meilleure concentration, il
écrit plus et mieux. Il évite cependant d'avoir à rechercher un second
énoncé en se consacrant (longuement) à reproduire le nom « Barbe bleue »
(l'enseignante l'a recopié sous ses yeux en caractères bâton), puis à
répéter « bleue »...
Des compétences en fin de moyenne section
Le bilan des compétences établi à la fin du
deuxième trimestre pourrait être repris, dans ses grandes lignes, pour
ce troisième trimestre : les compétences identifiées pour chacun des
enfants se sont renforcées, les progrès se manifestent selon les rythmes
très différenciés que nous avons déjà soulignés.
* L., D., B., N. et S. sont maintenant
très autonomes en situation de lecture-écriture ; ils lisent sans
hésitation les prénoms, les couleurs, quelques « petits mots »
grammaticaux et sont capables de relire sans difficulté ce qu'ils
viennent d'écrire.
- L. est celle qui a développé les compétences
les plus manifestes : elle résoud l'ensemble des problèmes posés par
une situation sans demander d'aide, passe avec facilité d'une écriture à
l'autre, reconnaît de nombreux mots auxquels elle attribue un sens (si
elle ne les lit pas à voix haute, elle sait se servir de cette
compétence en situation). En même temps, elle prend peu la parole en
petit groupe, et demeure muette dans toute situation de grand groupe.
- D. se montre très concentrée et écrit
beaucoup. Elle est capable de s'interroger sur ce qu'elle vient d'écrire
: par exemple, dans la situation du 15 juin, après avoir écrit « mon
les poissons », elle prend conscience qu'elle ne doit pas conserver un
déterminant recopié « mécaniquement » du titre de l'encyclopédie Les poissons.
- B. écrit beaucoup, sait écrire quelques
« petits mots » de mémoire (je, un, si...), passe avec aisance des
écrits typographiés à l'écriture cursive. Pour ces trois enfants, des
progrès appréciables ont été réalisés à la suite des séances de
calligraphie (travail des mouvements de l'écriture cursive, notamment en
grand format au tableau).
- N. manifeste toujours un intérêt égal aux
activités proposées, passe sans difficulté d'une écriture à l'autre ; sa
lenteur est cependant une entrave à la cristallisation de progrès qui
pourraient, en fin d'année, être plus sensibles.
- S. a modifié son attitude et progresse vite
de ce fait : elle s'implique dans les situations, passe maintenant sans
difficulté en écriture cursive. C'était, dans les mois précédents,
plutôt pour manifester « son caractère » qu'elle ne se mettait pas au
travail ou écrivait le moins possible (contexte extrascolaire).
* Ah., Ni. et K. progressent de façon régulière.
- Ah. fait preuve d'une grande concentration,
passe maintenant d'une écriture à l'autre, recopie de façon lisible les
mots, quelle qu'en soit la forme graphique. Sa connaissance de la langue
française progresse rapidement : il connaît par exemple le nom de
toutes les lettres de l'alphabet et s'appuie sur cette connaissance pour
écrire (par exemple, en regardant « donnais », il épelle à mi-voix
« d-o-n-n-a » et écrit donna sans lever la tête). Attaché à son
autonomie, il ne demande rien, ce qui le conduit quelquefois à des
erreurs dans sa recherche.
- Ni., nous l'avons vu, commence à écrire en cursive et sait évaluer ses réussites et ses difficultés (elle
dit qu'elle sait écrire « p » en attaché mais pas « h » et demande à
l'enseignante). Elle comprend les situations d'écriture proposées et s'y
inscrit de façon autonome, ce qui constitue pour elle un important
progrès. Elle consulte patiemment son alphabet pour y trouver les
correspondances « typographie-calligraphie ».
- K. a très envie d'écrire en cursive, mais
n'y arrive pas encore et doit se satisfaire des tracés en caractères
bâton ; elle comprend les situations, progresse en autonomie, commence à
prendre en compte la dimension spatiale du texte (elle pense à revenir à
la ligne au début d'un nouvel énoncé, alors qu'auparavant elle écrivait
tout « en continu »).
* Pour des raisons diverses, A., Ad. et M. ont encore besoin d'un fort guidage de l'adulte.
- A. fait preuve d'une plus grande
disponibilité lors des activités d'écriture au cours du mois de mai,
mais ses absences nombreuses ne lui ont pas permis de donner le meilleur
d'elle-même... elle « disparaît » d'ailleurs de l'école dès le début du mois de juin.
- Ad. est capable d'écrire beaucoup (le 15
juin, trois énoncés complets), mais ses tracés des caractères bâton sont
toujours nerveux et approximatifs. Il sait recourir au capital culturel
constitué dans la classe au fil des mois, mais n'arrive toujours pas à
se maintenir en activité hors de la présence de l'adulte.
- M. commence à écrire en minuscules
d'imprimerie, en imitant la typographie des livres sur lesquels il
s'appuie. Sans accompagnement fort, il a encore des difficultés à se
repérer dans les livres, mais sa capacité à se repérer dans ses propres
écrits est en progrès.
A partir du mois de septembre, le groupe d'enfants auquel je vais m'intéresser est sensiblement modifié :
- A. et D. ont déménagé et changent d'école ;
- M. est éloigné d'Ad. et « glisse » vers la
grande section parallèle (ce que permet le choix de ce type de
fonctionnement d'école, avec 2 classes regroupant des moyens et des
grands) ;
- deux enfants arrivent quant à eux de cette
autre moyenne section (les deux classes ont travaillé l'an dernier de
façon coordonnée) : As. est d'origine marocaine, Mu. est d'origine
turque ;
- deux « nouveaux » sont inscrits : Ki. est un
enfant du voyage, scolarisé régulièrement mais dans plusieurs écoles
successives, Ma., d'origine française, vient d'une autre école de ZEP.
Un projet pour le premier trimestre de la grande section
L'idée de l'enseignante est de conduire les
enfants à produire, à partir de nombreux écrits individuels, un album
collectif dans lequel ils raconteront leur quotidien (personnel ou
scolaire), mais de façon distanciée, en donnant la meilleure place à
l'imagination et à la fantaisie... Ce projet implique la construction
d'une culture de telles références dès la rentrée et tout au long du
trimestre.
Une référence attendue pourrait être la collection de Jeanne Willis et Tony Ross, « Docteur Xorgol », Le grand livre des petits terriens, Le grand livre des toutous terriens, Le grand livre des titigres terriens, etc.
(Hatier J) ; le point de vue d'extraterrestres qui y est adopté est
cependant difficile à comprendre à cet âge... C'est pourquoi les
premières lectures seront plus accessibles, tout en étant marquées par
une mise à distance ironique, au moins humoristique. Les ouvrages réunis
pour l'instant sont d'inspiration très diverse, croisant albums
répétitifs, « documentaires », journaux intimes :
- Si le lit s'appelait loup, de Jérôme Ruillier (Casterman)
- Si je veux !, de Claudia Bielinsky (Casterman)
- Les garçons et les filles, de Grégoire Solotareff (L'école des Loisirs)
- Petits bonheurs de vacances, d'Henri Meunier (Grasset-Jeunesse)
- Le journal de Lucie, de Sara Fanelli (Seuil J)
- Lulu-Grenadine, l'histoire de ma vie, de Laurence Gillot et Lucie Durbiano (Nathan)
- Le monde de Lucien, de Fabienne Burckel (Seuil J)
- Le journal intime de Suzy Lapin, de Tracy Dockray (Editions PêchePommePoire)
Il s'agit pour l'instant d'une « idée-cadre »
de projet : celui-ci ne peut évidemment être arrêté à la rentrée, il
prendra corps en fonction des remarques des enfants, des initiatives qui
seront les leurs à mesure qu'ils construiront à partir des albums lus
des réseaux de significations et des « possibles narratifs »... On peut
entendre par « album », en ce premier trimestre et pour que ce projet ne
traîne pas en longueur, une simple compilation d'écrits individuels sur
grand cahier ligné, avec inclusion de dessins et de photos, le tout
sous la forme brute du « vrai » journal intime (voir par exemple le
dernier titre cité).
Les situations d'écriture faisant appel aux
jeux d'assonances, d'allitérations, aux rimes, donc à une « culture des
comptines » ne seront pas oubliées : elles constitueront au contraire un
autre vecteur d'apprentissages, fondamental pour la prise de pouvoir
sur la langue écrite. Nous retrouverons ainsi, au fil des mois, des
situations analogues à celles décrites dans le « Journal d'une grande
section » entre janvier et juin 2006, avec de nouveaux exemples,
d'autres manifestations des conduites d'apprentissages : autant
d'occasions d'illustrer le fait que l'apprentissage de la
lecture-écriture ne commence pas au CP, qu'il s'inscrit dans une
continuité des pratiques impliquant un réel travail d'équipe et un usage
créatif de la littérature de jeunesse – et que c'est cette exigence,
et elle seule, qui peut assurer la réussite des enfants les plus
fragiles. En un mot, que les apprentissages complexes ici en jeu n'ont
que peu de rapport avec ce que proposent des manuels censés « apprendre à
lire » en donnant priorité à l'enseignement (mécanique et in-signifiant) de la combinatoire... manuels sur lesquels commencent à souffrir des milliers d'élèves de CP.
Bernard DEVANNE,
Professeur à l’IUFM de Basse-Normandie
Les contributions de B. Devanne sur la lecture au primaire
Lire et écrire en maternelle, après la grande section, la moyenne section (2006-2007)
- Janvier 2007 : bilan du 1er trimestre
Lire et écrire en maternelle, journal d’une grande section en ZEP (2005-2006)
- Mai 2006
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