P.J. : Dans ma précédente chronique, j’évoquais le droit imprescriptible au baccalauréat, et bientôt à la licence.
Je ne croyais pas si bien dire ! Avec la nouvelle réforme, qui vient
d’être imposée par le ministre Laurent Wauquiez et l’UNEF contre les
syndicats enseignants unanimes, la licence est pour tout le monde.
L’idée
généreuse qui préside à cette réforme est que tout le monde devrait
avoir un diplôme. Certes. Mais cette formule est susceptible de deux
interprétations.
Soit on comprend qu’il s’agit de faire en sorte de donner à tout le monde un niveau honnête justifiant l’obtention d’un diplôme.
Soit
on comprend qu’il s’agit de bidouiller les diplômes de manière à ce que
tout le monde les obtienne, quel que soit son niveau, son travail et
son savoir.
Depuis des années, c’est la seconde solution qui est adoptée,
en laissant croire, bien entendu, que c’est la même chose que la
première. Mais cette fois-ci, on dépasse tout. Le mur de la démagogie et
de la connerie réunies vient d’être allègrement enfoncé par le ministre
et l’UNEF. L’UNEF myope, pour ne pas dire aveugle, convaincu que
défendre les étudiants, c’est faire en sorte qu’ils obtiennent tous des
diplômes en peau de lapin, sans voir que cela conduit à achever
l’université, désormais considérée comme une usine bonne à occuper le
chômeur en le berçant d’illusions. Les choses sérieuses auront lieu
ailleurs.
Jusqu’à
présent, malgré toutes les facilités possibles, il fallait quand même
une moyenne générale pour passer d’une année sur l’autre. Désormais,
c’est fini. Voilà résolu le grave problème de l’échec en première année.
Il suffisait d’y penser.
Vous êtes étudiants en première année de Lettres, mettons.
Vous avez eu deux ou trois de moyenne à peu près dans toutes les
matières? Peu importe. Il vous suffira d’un petit quelque chose, mettons
un 15 en initiation à l’informatique (tout le monde a 17) et en
«découverte du système éducatif» (vous pondez un petit rapport de quatre
pages et vous avez forcément au-dessus de 14), voire en sport, pour
passer en deuxième année. Là, rebelote pour passer en troisième année.
Jusque là, tout cela n’a pas exigé trop d’efforts de votre part.
Problème: à la fin de la troisième année, votre moyenne générale est
tout de même quasi nulle. Les matières littéraires vous ont plombé.
Qu’à
cela ne tienne: Si vous avez réussi à obtenir la moyenne dans la moitié
des enseignements, quand bien même vous auriez des 4 partout ailleurs,
vous avez la licence. Et vous serez titulaire d’une licence de lettres
avec du sport, de l’informatique rudimentaire et toutes sortes d’options
rigolotes. D’UNE LICENCE DE LETTRES. Vous avez donc le droit de vous
inscrire au master, puis à vous présenter aux concours. Vous échouez?
Peu importe. L’éducation nationale a besoin de vacataires mal payés et
sous-diplômés (les titulaires diplômés coûtent cher). Vous voilà prof.
De Lettres. Le tour est joué. Merci UNEF, merci M. le Ministre. Voilà
une réforme adoptée par un ministre de droite et un syndicat paraît-il
de gauche. Inutile de dire que si la droite s’est efficacement employée,
depuis l’élection de Sarkozy, à démolir l’université, il n’y a aucun
recours à attendre de la gauche sur ce sujet.
Personnellement, en tant qu’universitaire, j’estime que la coupe à n’importe quoi est pleine
et que, cette fois, on se paie ma tête ouvertement. On me demande de
présider à une pure mascarade, de faire semblant d’enseigner pour faire
semblant de délivrer des diplômes ayant un contenu, alors qu’il ne
s’agit que de faire du chiffre. L’université est définitivement devenue
un village Potemkine, un faux-semblant général où le savoir n’a plus
aucune importance. S’il ne s’agit que de balancer des 18 à la pelle, si
c’est cela qu’on me demande, aucun problème, ils vont pleuvoir. Mais
qu’on ne me demande pas en plus de m’intéresser à la guignolade.
P.J.Le blog de Pierre Jourde Confitures de Culture
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