Les proverbes, si chers à nos aïeux, et dont Franklin savait
tirer un si bon parti, ont bien perdu de leur prestige. C’est encore un legs du
passé que nous répudions trop légèrement, sans nous demander par quoi nous
remplacerons tout ce bon sens ramassé en courtes sentences. Il est bien vrai
que c’est une arme à deux tranchants, et que sur la plupart des sujets on peut
ranger les proverbes par paires qui se contredisent. Mais s’il en est beaucoup
qui plaident la cause de l’égoïsme, il y en a encore plus qui sont des maximes
d’honneur et de vertu.
C’est la tâche de l’école de les mettre en pleine lumière et de les graver en traits profonds dans l’esprit de l’enfant, pour qu’il les emporte dans la vie comme un sûr viatique. Plus d’une fois, durant le cours de son existence, l’ancien écolier sera placé entre deux conduites à suivre, et dans la délibération qu’il tiendra avec lui-même, il appellera à son aide, pour s’éclairer et pour se soutenir, tout ce que lui pourra fournir sa mémoire : exemples, récits, conseils. Alors une maxime apprise à l’école, se présentant avec la voix, le geste et le visage de l’instituteur, s’il a été à la hauteur de sa mission et digne de ce nom, le retiendra peut-être dans la bonne voie.
L’école dédaigne cette sagesse des peuples : de ce magasin qui contient de l’excellent et du détestable, très-souvent le mauvais seul vient jusqu’aux oreilles de l’enfant. Le maître ne devrait pas craindre de citer, à l’occasion, quelque dicton égoïste pour le mettre en parallèle avec les maximes honnêtes; il n’aura point de peine à montrer de quel côté se trouvent la supériorité morale et le véritable esprit de conduite.
C’est la tâche de l’école de les mettre en pleine lumière et de les graver en traits profonds dans l’esprit de l’enfant, pour qu’il les emporte dans la vie comme un sûr viatique. Plus d’une fois, durant le cours de son existence, l’ancien écolier sera placé entre deux conduites à suivre, et dans la délibération qu’il tiendra avec lui-même, il appellera à son aide, pour s’éclairer et pour se soutenir, tout ce que lui pourra fournir sa mémoire : exemples, récits, conseils. Alors une maxime apprise à l’école, se présentant avec la voix, le geste et le visage de l’instituteur, s’il a été à la hauteur de sa mission et digne de ce nom, le retiendra peut-être dans la bonne voie.
L’école dédaigne cette sagesse des peuples : de ce magasin qui contient de l’excellent et du détestable, très-souvent le mauvais seul vient jusqu’aux oreilles de l’enfant. Le maître ne devrait pas craindre de citer, à l’occasion, quelque dicton égoïste pour le mettre en parallèle avec les maximes honnêtes; il n’aura point de peine à montrer de quel côté se trouvent la supériorité morale et le véritable esprit de conduite.
Michel Bréal,
L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE
Conférence aux instituteurs et institutrices de la Seine, 1876
L’enseignement de la langue maternelle nous paraît donc avoir sa place légitime à l’école : voyons comment on pourra le mieux la lui assurer.
- premier moyen : la leçon de choses
- deuxième moyen : la lecture par le maître de textes, les questions orales, le compte-rendu de lecture de livres empruntés à la bibliothèque
- troisième moyen : -->
Le troisième moyen, qui est sans
contredit le meilleur auxiliaire de la grammaire, c’est la composition
française. Si j’en crois les statistiques, ce serait encore là le côté défectueux
de nos écoles. « Orthographe bonne, très-bonne ; composition faible. » Ainsi s’exprime
l’un des derniers rapports sur les examens de l’hôtel de ville. Cependant la
composition devrait être la pierre de touche des études; sur un sujet qui ne
dépasse pas notre horizon habituel, écrire deux pages où les idées soient exposées
avec ordre et clarté, et où tout se tienne dans le raisonnement, il n’en faut
ni plus ni moins pour attester de bonnes études, et c’est à ce résultat que
devrait tendre tout bon enseignement primaire. Je n’accuse pas nos écoles ; je
sais qu’on les quitte trop tôt. Mais quand, à défaut de la loi, une
organisation meilleure parviendra à retenir plus longtemps les élèves, la
composition française prendra dans les occupations scolaires la place qui lui
est due. Il ne s’agit pas de donner des sujets de fantaisie ; je voudrais des
narrations, des lettres, des développements d’idées morales comme en suggère la
vie quotidienne. Vous n’aurez pas de peine à trouver des sujets. Une mine
abondante pourra être fournie par les proverbes, trop dédaignés de l’école.
Voici, par exemple, le Véritable
Sancho-Panza, un volume précieux où les proverbes sont rangés par centuries
et par dizains. Écoutez le Dizain des
amis : « L’ami par intérêt est une hirondelle sur les toits. — L’ami de
tout le monde n’est l’ami de personne. — Il n’est meilleur ami ni parent que
soi-même. » Vous reconnaissez ici la morale égoïste, triste fruit de l’expérience.
Mais le correctif n’est pas loin; écoutez ceux-ci : « Il est toujours fête
quand amis s’entr’assemblent. — Plus font deux amis que ne font quatre ennemis
(car les ennemis se diviseront). — Il n’y a pas de meilleur miroir qu’un vieil
ami… » Voulez-vous entendre quelque chose du Dizain des vases ? « Si vous cassez la bouteille, vous n’y
boirez plus. — Les tonneaux vides sont les plus bruyants. — Qui s’attend à l’écuelle
d’autrui a souvent mal dîné. — Le mauvais vase empire tout ce qu’on y met. » Ou
du Dizain des jeux ? « Au bon joueur
la balle lui vient. » Ou du Dizain de l’attelage
: « La plus mauvaise roue du char est celle qui crie toujours. » En fait de
proverbes, je pense comme l’ami de Don Quichotte : il faut les prendre par
grappes. C’est comme les fraises des bois, qui doivent être mangées à la
cuiller. Ainsi sont faites les productions populaires, chansons, légendes,
contes ; le premier parait d’un goût assez médiocre ; mais le palais s’y fait,
et bientôt on en redemande jusqu’à ce qu’on les ait dévorés tous.
Voici d’autres sujets faits pour
un âge plus avancé, et, qui ressemblent aux questions que des hommes réfléchis,
aimant à se rendre compte des choses, peuvent débattre pour leur instruction.
Vous verrez qu’ils ne ressemblent pas à des thèmes d’école. « Pourquoi la
chaleur augmente-t-elle à mesure qu’on approche de l’équateur ? — Pourquoi une
surface inclinée ou une roue facilite-t-elle le travail de l’ouvrier ? —
Pourquoi les hommes contents de peu sont-ils les plus heureux ? — Pourquoi nos
défauts augmentent-ils toujours ? — Vaut-il mieux appartenir à une grande ou à
une petite nation ? » Si ces questions paraissent un peu difficiles, on pourra
d’abord les discuter de vive voix avec les élèves. Je voudrais que les maîtres
fissent collection de ces sortes de sujets, comme dans nos lycées les professeurs
se transmettent des matières de discours et de vers latins.
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