« Vous dites qu'il faut connaître l'enfant pour l'instruire ; mais ce n'est point vrai ; je dirais plutôt qu'il faut l'instruire pour le connaître ; car sa vraie nature c'est sa nature développée par l'étude des langues, des auteurs et des sciences. C'est en le formant à chanter que je saurai s'il est musicien. » (Alain, Propos sur l’éducation, XVI)
« Il reste ceux que l'on n'instruit guère, soit parce qu'ils ne veulent pas apprendre, soit parce qu'ils ne peuvent. Ici se trouve le problème véritable. J'ai connu un temps où le jeune garçon qui raisonnait mal une fois ou deux sur les triangles était aussitôt abandonné. Conduite raisonnable, si le pouvoir ne cherche que des recrues pour la partie gouvernante ; conduite ridicule, si le pouvoir veut réellement des citoyens éclairés. Qu'un garçon ne fasse voir aucune aptitude pour les mathématiques, cela avertit qu'il faut les lui enseigner obstinément et ingénieusement. S'il ne comprend pas ce qui est le plus simple, que comprendra-t-il jamais ? Évidemment, le plus facile est de s'en tenir à ce jugement sommaire, que l'on entend encore trop : « Ce garçon n'est pas intelligent. » Mais ce n'est point permis. Tout au contraire, c'est la
faute capitale à l'égard de l'homme, et c'est l'injustice essentielle, de le renvoyer ainsi parmi les bêtes, sans avoir employé tout l'esprit que l'on a, et toute la chaleur d'amitié dont on est capable, à rendre à la vie ces parties gelées. Si l'art d'instruire ne prend pour fin que d'éclairer les génies, il faut en rire, car les génies bondissent au premier appel, et percent la broussaille. Mais ceux qui s'accrochent partout et se trompent sur tout, ceux qui sont sujets à perdre courage et à désespérer de leur esprit, c'est ceux-là qu'il faut aider. » (Alain, op. cit., XX)
« Les psychologues se trompent sur tout et sur eux-mêmes, par cette manie de vouloir connaître au lieu de changer et élever. Connaître ma pensée, c'est la faire ; connaître mon sentiment, c'est l'élever et l'humaniser. » (op. cit., XXI)
« Il est plus vite fait de changer les hommes que de les connaître. » (op. cit., XXII)
« Il y a longtemps que je suis las d'entendre dire que l'un est intelligent et l'autre non. Je suis effrayé, comme de la pire sottise, de cette légèreté à juger les esprits. Quel est l'homme, aussi médiocre qu'on le juge, qui ne se rendra maître de la géométrie, s'il va par ordre et s'il ne se rebute point ? De la géométrie aux plus hautes recherches et aux plus ardues, le passage est le même que de l'imagination errante à la géométrie ; les difficultés sont les mêmes ; insurmontables pour l'impatient, nulles pour qui a patience et n'en considère qu'une à la fois.
[…]
J'en viens à ceci, que les travaux d'écolier sont des épreuves pour le caractère, et non point pour l'intelligence. Que ce soit orthographe, version ou calcul, il s'agit de surmonter l'humeur, il s'agit d'apprendre a vouloir. » (op. cit., XXIV)
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