Début du chapitre XIII de Vers une école totalitaire ? L’enfance massifiée à l’école et dans la société de Mme Liliane
Lurçat, François-Xavier de Guibert, 2001, pp. 172-174
Chapitre XIII
L’ordinateur remplace les professeurs
Une solution idéologiquement correcte…
Marie-Danielle Pierrelée est une
disciple de P. Meirieu. Dans le
livre que lui a préfacé Meirieu (Pourquoi
vos enfants s’ennuient en classe ? Syros, 1999), elle met en cause le
fonctionnement du collège unique, car l’enseignement qu’il dispense serait
« théorique, à prétention
encyclopédique, conçu pour une petite minorité de forts en thème ».
L’organisation du collège provoquerait même une bonne partie des violences chez
les jeunes évincés du savoir.
Elle
ne propose pas seulement de réorganiser l’enseignement du collège. Elle veut
substituer à l’enseignement des professeurs le tutorat et l’usage généralisé de
l’ordinateur. A l’aide de logiciels choisis en fonction des compétences des
élèves, l’ordinateur deviendrait précepteur, et le professeur n’aurait plus
pour fonction d’instruire, mais de choisir des logiciels. Plus besoin pour lui
de rédiger des cours et de rassembler des documents.
… et économique !
Le
tuteur doit jouer le rôle « que
jouait autrefois la mère de famille cultivée, exigeante et confiante ».
Ce tuteur devra accompagner un petit groupe d’élèves tout au long de leur
scolarité au collège. Cette fonction pouvant être avantageusement remplie par
les bénéficiaires des emplois-jeunes. (Mais pourquoi les comparer à des mères
de famille cultivées ?)
Dans
le projet de M.-D. Pierrelée, les heures de tutorat remplacent les heures de
cours, car « trois heures de cours
peuvent suffire à amener les jeunes à un niveau largement équivalent. »
L’essentiel
doit être fait au collège avec le tuteur, ce qui demanderait une dizaine
d’heures par semaine. L’hétérogénéité subsistera dans le petit groupe, car
« il faut apprendre à vivre ensemble, quels que soient le milieu
d’origine, l’âge, la religion. »
Dès
lors, il devient possible de créer des groupes de niveau pour les
apprentissages strictement scolaires, l’essentiel étant l’éducation en commun.
« Le brassage social n’implique pas
que les apprentissages proposés le soient d’une façon uniforme. »
La cuisine pédagogiste
L’enfant
est testé dans chaque discipline au début de l’année. Le diagnostic qu’on
établira permettra de prescrire un programme de cours « que la société (qui se cache derrière
cette entité ? N.d.A.) considérerait
comme minimal. »
Les
professeurs doivent se plier aux exigences bien-pensantes des pédagogistes.
« Les professeurs subiront des
contraintes plus fortes qu’aujourd’hui, ils seront obligés de travailler en
équipe pour concevoir des tests, établir des groupes de niveau, préciser les
objectifs (…) leurs cours seront moins nombreux mais plus efficaces et plus
gratifiants. »
La suppression des professeurs
M.-D.
Pierrelée veut supprimer radicalement la fonction des professeurs en supprimant
les classes. L’enseignement oral lui paraît obsolète, elle veut le remplacer
par : « les livres, les radios, les télés, ordinateurs et
internet ». Qualifié de « cours
magistral », l’enseignement du professeur est condamné.
C’est
une mise en cause radicale de la transmission. « Les heures de cours consacrés au transfert des connaissances n’ont plus
la même nécessité qu’auparavant, les élèves pourront s’entraîner sur ordinateur
avec des exercices auto-corrigés chacun selon son rythme d’apprentissage. »
L’ordinateur-précepteur supprime
l’autorité du maître
Réduit
au rôle d’« accompagnateur efficace »,
le professeur devra se contenter de construire des parcours adaptés aux
capacités des élèves, et d’évaluer au fur et à mesure les acquis.
Les
ordinateurs sont parés de tous les mérites, y compris celui d’évaluer les
élèves : « ils facilitent beaucoup la pédagogie par objectifs. On
peut visualiser d’un seul coup l’évolution de l’enfant et l’endroit où il se
situe par rapport à la norme. » De plus, l’ordinateur « peut
permettre à chaque élève d’avoir un cursus à la carte tout à fait personnalisé,
comme autrefois il l’aurait eu avec un précepteur. »
Grâce
à l’ordinateur et aux tuteurs le collège pourra enfin changer, il ne sera plus
un lieu « où les jeunes apprennent avant tout la nécessité de se soumettre
à l’autorité, de se conformer aux normes. »
On
ne sait pas en quoi les élèves pourront bénéficier d’une telle idolâtrie de
l’ordinateur. Mais on peut imaginer les bénéfices bien réels des fabricants de
logiciels qui séduisent tellement les pédagogistes, déjà prêts à leur sacrifier
le corps professoral.
Annexes :
Sur la pédagogie par
objectifs, voir L’imposture
pédagogique de M. Bernard Berthelot
Le
pédagogisme facteur d'échec (Liliane Lurçat)
80
avant Liliane Lurçat, ALAIN avait déjà anticipé les ravages que pouvait faire
le pédagogisme et le sociologisme si on ne les tenait pas en bride :
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TICE et MARCHANDISATION
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