Remarques (Spinoza1670) : Nous avons mis en gras certaines expressions pour mettre en évidence l'idée principale de chaque paragraphe. A la fin de cet article est contenu l'exposé des programmes de Chimie pour les écoles primaires élémentaires (1887), les écoles primaires supérieures (1893), les écoles normales d'instituteurs (1905) et les écoles normales d'institutrices (1905).
Consulter :
- le Dictionnaire Buisson 1887.
- le Dictionnaire Buisson 1911 (article Chimie).
Chimie
Il est
des phrases que l’on a souvent entendues : celle affirmant l’impossibilité
d’apprendre la chimie ailleurs qu’au laboratoire est du nombre ; comme elle
rallie à peu près tous les suffrages, ce n’est pas un médiocre sujet
d’étonnement de voir certains programmes prescrire un enseignement de la chimie
purement verbal ; d’autres comporter, il est vrai, des manipulations, mais
n’accorder à celles-ci qu’un temps dérisoire, le séjour au laboratoire de
chimie n’étant réellement profitable que s’il est très prolongé.
Il est
évident qu’on ne saurait augmenter le nombre des heures consacrées à la pratique de la chimie dans les écoles sans
diminuer d’autant la part actuellement faite à d’autres matières, les élèves
des enseignements primaire ou secondaire n’étant déjà que trop chargés de
besogne ; or, ce n’est point une opinion courante que la chimie soit digne de
prendre une telle importance : nombreux sont les gens, instruits d’ailleurs à
d’autres égards, qui n’accordent à cette science aucune valeur éducative et n’y
voient qu’un exercice de mémoire très inférieur à la récitation des vers
latins.
On
pourrait leur répondre que le côté
utilitaire des choses ne doit pas être trop profondément méprisé, que la
prospérité de l’industrie allemande est due en grande partie au nombre et à
l’habileté des chimistes qu’elle emploie, et que seuls les bénéfices réalisés
par le commerce et l’industrie d’un pays permettent à certains de s’y livrer à
des occupations dont la valeur marchande est à peu près nulle.
D’ailleurs,
rien n’oblige la chimie à accepter la place inférieure qu’on lui octroie si
facilement. II ne faut pas oublier que les élèves ne resteront pas
éternellement sur les bancs de l’école ; ils deviendront des hommes, la vie
leur posera à chaque instant des problèmes d’une grande complexité. Ces problèmes, ils les discuteront en dépit
du bon sens s’ils n’ont jamais exercé leur jugement que sur des concepts sans
existence réelle, pures créations de l’esprit, n’ayant d’autres qualités que
celles qu’on leur prête ; ils se verront complètement déroutés lorsqu’ils se
trouveront en présence du monde
extérieur, où les objets ne sont point susceptibles d’être définis avec
précision.
Si par
contre nos élèves se sont exercés quelque peu dans l’étude de la chimie, ils auront
eu à prendre contact avec ce monde extérieur, ils auront eu à
raisonner sur des objets doués de propriétés multiples, complexes, en partie
mal ou pas connues ; il leur aura fallu faire le triage des propriétés utiles à
considérer dans un cas donné, et compter avec l’inconnu, tout cela comme dans
la vie pratique, avec cette différence que les problèmes du monde chimique
étant beaucoup plus simples que ceux du monde social, leur étude peut servir de
préparation à l’étude de ces derniers.
D’autres
sciences peuvent difficilement prétendre au même rôle éducatif, même parmi les sciences expérimentales. La physique
s’occupe trop de mesures pour qu’un esprit moyen n’y succombe pas à la
tentation de remplacer l’étude d’un phénomène réel par la discussion purement
algébrique d’une équation paraissant relier entre elles les mesures effectuées
; si bien qu’un esprit ordinaire ne trouve trop souvent dans la physique qu’un
prétexte à de mauvaises mathématiques : cela s’est vu et M. Appell l’a fort
bien constaté. Par contre, si importants et si intéressants que soient les
problèmes qu’étudient les sciences naturelles, ils ont l’inconvénient d’être
plus difficiles à poser et plus pénibles à résoudre que ceux dont s’occupe la
chimie.
A vrai
dire, certains iraient même, s’ils l’osaient, jusqu’à refuser le nom de science à la chimie proprement dite, et
cela au fond parce qu’ils n’y voient guère faire usage de raisonnements aboutissant à une équation. Cela prouve tout
simplement l’incompétence des susdits pour tout ce qui n’est pas mathématique.
D’après eux, on ne raisonne pas dans la chimie pure, laquelle n’est, au fond,
qu’une sorte de cuisine à peine perfectionnée ? Seuls peuvent avoir une telle
opinion ceux qui ignorent totalement ce dont ils parlent. Comment, si l’on ne
jouit pas d’une telle ignorance, ne pas s’apercevoir que le chimiste, sans
avoir besoin d’équations ou d’inégalités algébriques, est parvenu assez avant
dans l’intimité de la matière pour prévoir des réactions ? En chimie organique
surtout, de telles prévisions ne sont-elles pas fréquentes et ne
reçoivent-elles pas d’éclatantes confirmations ? Je sais bien que parfois aussi
la prévision est en défaut : cela prouve simplement que la science n’est pas
finie, mais n’est-ce point déjà digne d’intérêt que d’arriver juste aussi
souvent ? Comment l’esprit humain, par la simple inspection de quelques
réactions, peu nombreuses, en apparence indépendantes les unes des autres,
serait arrivé à reconnaître qu’il existe très fréquemment un lien entre les
diverses propriétés chimiques des corps, et à connaître assez ce lien pour
prévoir des réactions ; il serait arrivé à fixer à l’avance le nombre
d’isomères d’un composé donné ; il serait arrivé à pouvoir indiquer, avant
toute observation, si un corps inactif vis-à-vis de la lumière polarisée pourra
ou non être dédoublé en deux inverses optiques, — et tous ces résultats, toutes
ces prévisions n’auraient nécessité aucun effort de logique, aucun raisonnement
? ce n’est vraiment pas sérieux.
Il y a
encore un autre point de vue à propos duquel on peut parler de l’utilité de la
chimie et de la physique. Sans arriver à faire dans nos écoles primaires ou
secondaires des menuisiers, des serruriers ou des maçons, il est certainement à
désirer qu’on y pratique le travail
manuel ; or les manipulations de la chimie sont à chaque instant l’occasion
de tels travaux ; il y faut monter des appareils fragiles et délicats, ce qui
exige une certaine adresse ; il faut concevoir ces appareils, les monter, les
réparer : ce faisant, on apprend peu à peu à travailler le verre, à se servir
d’une lime, à utiliser le gaz et l’électricité, à faire une distillation, etc.,
etc.
Pour
ces dernières raisons, nous croyons que les élèves gagneraient beaucoup à ce
qu’on augmente le nombre d’heures où ils pratiquent la chimie, quand bien même
il serait nécessaire pour cela de diminuer le temps consacré aux autres
matières. Néanmoins, s’il est naturel de désirer une amélioration des
programmes dans ce sens, il n’en est pas moins évident que l’on doit s’efforcer
de tirer le meilleur parti du temps dont on dispose.
On ne
saurait nier que l’étude de la chimie présente aux débutants de très grosses
difficultés ; cela tient, d’abord, à ce que cette science s’occupe de faits
dont les non-initiés n’ont pour ainsi dire aucune idée, et dont on ne peut
prendre connaissance par une observation superficielle : tous les élèves ont vu
brûler du charbon, aucun pourtant ne se doute, avant qu’on le lui ait fait
connaître, de ce qu’est devenu le charbon qui a disparu à leurs yeux ; d’autre
part, l’étude chimique d’un corps, c’est l’étude des façons dont ce corps se
comporte vis-à-vis des autres corps ; comment étudier chimiquement l’oxygène
sans parler de l’hydrogène, du phosphore, du soufre, du fer, etc.? en sorte
qu’on ne peut étudier les corps un à un, il faut les étudier un peu pêle-mêle,
et, dès qu’on parle de l’un d’eux, supposer les autres partiellement connus.
Cependant
ces difficultés sont loin d’être insurmontables ; s’il ne peut être question
dans l’enseignement de la chimie de procéder toujours du connu à l’inconnu, on
peut néanmoins y arriver parfois ; pour savoir dans quelle mesure, il faut
commencer par faire le bilan des connaissances chimiques possédées déjà par les
futurs élèves ; celles-ci ne sont pas très nombreuses, disions-nous plus haut :
néanmoins, elles ne se réduisent pas à zéro. Exemple : il n’y a pas d’enfant
qui ne sache qu’en soumettant le vin à la distillation on en tire de
l’eau-de-vie, laquelle a de tout autres propriétés que celles du vin. Cette simple
connaissance va fournir au professeur une excellente base lorsqu’il jugera le
moment venu de parler de l’analyse immédiate.
Néanmoins,
la tâche du professeur de chimie serait singulièrement facilitée, si les élèves
qui lui arrivent avaient entendu précédemment une dizaine de leçons préparatoires à la chimie ; je
ne dis pas dix leçons de chimie : non seulement ce serait un cercle vicieux,
mais de plus ce serait tout différent de ce que j’imagine ici. Je voudrais que l’élève ait été familiarisé
avec les corps simples ou composés les plus usuels, c’est-à-dire qu’il
devrait les avoir assez vus pour les reconnaître ; cela ne demanderait
d’ailleurs que peu de temps, puisqu’il ne s’agit guère, en définitive, que du
soufre, du phosphore, du charbon, des métaux communs, du sodium, de l’acide
sulfurique, de la potasse, du carbonate de sodium, du sel marin, etc. A propos
de chacun de ces corps, on aurait montré un fait ou deux, faciles à observer et
suffisamment frappants : l’élève saurait que le soufre brûle en répandant une
odeur suffocante, que le sodium attaque vivement l’eau, que l’acide sulfurique
étendu ronge le zinc, etc. ; l’élève aurait constaté des propriétés, mais le
maître ne serait entré à ce sujet dans aucune explication, il ne se serait
adressé qu’aux yeux ; ceci fait, il aurait donné au futur chimiste une idée
très sommaire des opérations industrielles où l’on met en pratique des méthodes
simples d’analyse immédiate (extraction du sel marin, fabrication du sucre,
distillation du bois, de la houille ou du pétrole), mais qui ne nécessitent
point pour être comprises grosso modo des connaissances chimiques
spéciales ; on profiterait, bien entendu, du fait que certaines connaissances
peuvent être courantes chez les enfants d’un pays où une industrie chimique est
florissante ; ajoutons encore quelques expériences sur le maniement des gaz, et
voici terminé le programme de notre enseignement préparatoire.
Cet enseignement devrait être confié au professeur de
chimie, car mieux qu’un autre il
saura se borner et faire un choix judicieux ; mieux qu’un autre il saura
ensuite sur quelles bases il pourra tabler. Et puis, ce sont surtout les notions de début qui demandent à
être traitées par un homme au courant de la science, car ce sont les plus
difficiles à exposer. II est d’ailleurs certain que si l’on voulait présenter
aux débutants la chimie dans toute sa complexité, il leur serait impossible d’y
comprendre quoi que ce soit : il faut donc procéder par approximations
successives, par retouches, d’où la nécessité de revoir deux fois de suite les
mêmes matières. Dans l’enseignement secondaire, cette nécessité a été bien
comprise ; aussi les programmes du premier cycle et ceux des premières années
du deuxième cycle offrent-ils de très grosses ressemblances ; il va sans dire,
néanmoins, que si les questions dont on doit s’occuper sont les mêmes dans les
deux cycles, la manière de les y traiter peut être assez différente.
Ce qui
est bon ici pour l’enseignement secondaire ne saurait être mauvais pour
l’enseignement primaire ; il n’y a pas en effet une chimie primaire et une
chimie secondaire, et vouloir créer une différence entre ces deux ordres
d’enseignement serait absolument artificiel en ce cas ; on peut s’étendre plus
ou moins sur les propriétés de l’oxygène, suivant le temps dont on dispose et
suivant l’état des connaissances chimiques déjà acquises par les élèves
auxquels on parle ; mais il est bien certain que, les phénomènes de combustion
ne se passant pas autrement à l’école communale qu’au lycée, il n’y a pas lieu
de les montrer différents.
[Progression
possible]
Dans
une première année de chimie, le cours débutera avantageusement, s’il commence
par l’étude de l’air et de l’eau ;
l’élève se sentira tout de suite en pays de connaissance et rassuré par la
présence de ces êtres qu’il a toujours vus à ses côtés, il ne sera pas intimidé
quand ils lui amèneront trois figures nouvelles : l’oxygène, l’hydrogène, l’azote. La connaissance de celles-ci
étant acquise, un grand pas sera fait ; on pourra passer ensuite à l’étude du sel marin ; celui-ci est aussi très
connu des élèves, il se décompose aussi par électrolyse, mot qui n’effraie plus les élèves, puisqu’ils l’ont vu
définir à propos de l’eau, et l’on arrive sans difficulté à parler de corps
fort importants : le chlore, le sodium, l’acide chlorhydrique, la soude.
Le
professeur est alors en mesure d’exposer quelques
généralités en faisant appel aux notions précédemment acquises : il pourra
parler d’acide, car il a amorcé
cette notion a propos de l’acide chlorhydrique ; de base, car on a déjà vu la soude ; de sel, puisqu’on a parle du sel marin ; de corps composés, puisque l’eau, le chlorure de sodium offrent
l’exemple de tels corps ; de mélanges
homogènes, etc. Après avoir glissé légèrement sur les mélanges non homogènes, dont tous les élèves ont immédiatement la
compréhension, et sur la notion de corps
simple, le maître expliquera que les chimistes ont cru devoir classer les
substances homogènes, dont on peut tirer plus d’une espèce de matière, en deux
catégories : les mélanges homogènes
d’une part, les combinaisons de
l’autre ; il n’éclaircira pas cela par des phrases creuses, aussi vides
qu’inexactes, ainsi qu’on a trop souvent l’habitude de le faire ; il supposera
qu’il est au laboratoire en présence d’une substance homogène, dont il se
demande si l’on doit la classer parmi les mélanges ou parmi les combinaisons ;
il décrira les opérations qu’il ferait pour décider de cette question, et le
parti qu’il prendra suivant qu’elles donneraient tel ou tel résultat, c’est-à-dire
qu’il étudiera ici les procédés
d’analyse immédiate les plus usuels.
Les questions de notation et de nomenclature chimique seront alors exposées ; mais on se gardera de faire
leur historique, on ne parlera pas des lois de Dalton, de Richter, de Gay-Lussac,
on n’expliquera pas les raisons qui conduisent à prendre Az égal à 14 plutôt
qu’à tout autre nombre ; les débutants ne comprendraient rien à ces questions,
dont l’étude ne ferait que les rebuter. Ne serait-il pas comique de voir un
grand clerc, assis dans un fauteuil, expliquer, pendant quelques heures, à une
trentaine de bébés, qu’il est possible de marcher, alors qu’il lui suffirait de
marcher deux minutes pour convaincre son auditoire ? Tel est pourtant le rôle
que prétend assigner au professeur de chimie certain programme officiel ; on y
voit les lois des combinaisons apparaître dès le début, après avoir, il est
vrai, étudié juste de l’eau « ce qui est indispensable pour l’exposé desdites
lois ». Les débutants arrivent très bien à utiliser le langage et l’écriture
chimique sans rien savoir des lois en question, de même qu’ils arrivent très
bien à faire une division sans connaître la théorie de cette opération. C’est
là un fait dont les derniers programmes de l’enseignement secondaire ont très
judicieusement tenu compte ; seuls des gens rompus à l’usage des formules
peuvent étudier avec quelque fruit les lois des combinaisons, encore n’est-il
pas téméraire de dire que cette étude est sans objet, si elle n’est pas suivie
de la discussion de la théorie atomique, discussion qu’on pourrait laisser sans
inconvénient à l’enseignement supérieur.
Au
point où en sera le cours de chimie, compris comme il vient d’être dit, il ne
nous paraît plus nécessaire d’indiquer en détail la façon dont il devra
progresser, parce qu’il n’y a pas une façon, mais bien une infinité de façons
de faire un cours convenable ; parce qu’il faut tenir compte non seulement de
l’état de la science, mais aussi du degré d’instruction de l’auditoire et du
temps dont on disposera. On devra fréquemment revenir en arrière, et s’assurer
souvent qu’on a été suivi.
En
principe, on attribuera plus ou moins d’importance à un corps ou à une
réaction, suivant qu’ils joueront un rôle plus ou moins important dans les
phénomènes naturels ou dans l’industrie ; on n’oubliera pas que la chimie est
une science pratique, que ses progrès ont une répercussion immédiate sur
l’agriculture, l’hygiène, l’industrie, etc., et on essaiera, toutes les fois
que l’occasion s’en présentera, de le faire comprendre aux élèves.
Néanmoins,
il ne faut pas s’y tromper, cette compréhension n’est pas facile à obtenir avec
des élèves dont les connaissances chimiques ne sont pas avancées. Ainsi, au
lycée, les programmes comportent bien l’étude de l’aniline ; mais on n’y
rencontre pas les mots « matières colorantes » ; pourtant l’intérêt de
l’aniline ne réside-t-il pas dans sa propriété de fournir des colorants ?
Evidemment le professeur a le droit et même le devoir de le dire ; mais il ne
saurait faire autre chose que de se borner à une simple affirmation : aller
plus avant nécessiterait un temps dont il ne dispose pas.
Dans
l’enseignement primaire, la même difficulté se présente, et cela à tout propos.
Nous avons dit plus haut qu’il n’y a pas une chimie primaire et une chimie
secondaire, que l’on doit présenter cette science de la même manière, — si
l’on dispose du même temps, en particulier si l’on veut former de futurs
professeurs.
Mais, dira-t-on, le programme esquissé ci-dessus fait
une part trop grande au côté purement spéculatif de la science, et il ne
saurait être question de l’appliquer dans les écoles communales ; dans celles-ci, en effet, il n’est pour ainsi dire
pas question de chimie : quelques notions sur l’air, l’eau, la combustion, idée
des corps simples et composés, notions sur les métaux usuels, voilà ce qu’il
est prescrit d’enseigner dans les cours moyen ou supérieur. Ce programme est
interprété d’une façon assez différente par les uns et par les autres ; j’avoue
que je considère cela comme un bien : chaque maître étant en mesure de
connaître ses élèves, s’il le veut, saura bien mieux que personne ce qu’il peut
leur dire sans risquer de perdre son temps et celui de son auditoire : à mon avis, un programme doit être
indicatif et jamais impératif. (voir a
contrario les observations de Hirsch sur la différence entre standards
et curriculum) Je crois d’ailleurs que le cours sera d’autant meilleur que
l’instruction théorique du maître sera plus forte.
Beaucoup
d’instituteurs voudraient arriver à enseigner à leurs élèves ce qu’il est
indispensable de connaître en chimie pour comprendre le pourquoi des règles
d’hygiène, la raison d’être des travaux habituels de culture ordinaire, ou les
opérations de l’économie ménagère.
Je ne
sais si cette tâche peut être remplie : on peut affirmer à des élèves l’utilité
de telle ou telle pratique, on peut parfois leur montrer, par des résultats
obtenus sous leurs yeux, que cette utilité est incontestable ; mais, dès qu’on
veut se risquer dans les explications
chimiques, on est amené à faire appel à des connaissances chimiques fort
étendues: si les élèves ne possèdent point ces dernières, et si l’on n’a pas le
temps de les leur faire sérieusement acquérir, il ne faut pas entreprendre les
explications en question ; loin d’élargir l’esprit des élèves, on n’arriverait
qu’à élargir le champ dans lequel il leur sera loisible de dire des bêtises par
la suite ; c’est là un résultat qu’on atteint trop souvent dans les trois
ordres d’enseignement pour qu’il ne soit pas utile d’en signaler le danger
lorsqu’on le pressent.
[R. LESPIEAU.]
Programmes de Chimie (1887 et 1893).
- Ecoles primaires élémentaires
- Ecoles primaires supérieures
- Ecoles normales d’instituteurs
- Ecoles normales d’institutrices
ECOLES PRIMAIRES ELEMENTAIRES.
(Arrêté
du 18 janvier 1887.)
Cours
supérieur. — Premières notions de
chimie. Idée des corps simples, des corps composés. Métaux et sels usuels.
ECOLES PRIMAIRES SUPERIEURES DE GARÇONS ET DE FILLES.
(Arrêtés
du 21 janvier 1893 et du 18 août 1893.)
Première année.
Corps
simples. — Montrer par des expériences simples qu’ils peuvent s’unir entre eux
et former des corps composés. — Distinction entre le mélange et la combinaison.
— Exemples simples.
Acides.
Bases. Corps neutres, définis par les réactifs colorés. — Métalloïdes. —
Métaux. — Sels.
Air
atmosphérique. — Oxygène, — Azote. — Combustion. — Eau. Notions sur sa
composition. Propriétés principales de l’eau. — Hydrogène. — Applications.
Carbone.
Charbons naturels et artificiels. Principaux combustibles.
Notions
sur l’acide carbonique et l’oxyde de carbone. Leur action sur l’économie.
Notions
sur la silice et les principaux silicates.
Deuxième année.
Le
professeur fera une révision rapide du cours de première année, révision sur
laquelle il s’appuiera pour établir les règles de la nomenclature, les
généralités et les lois principales. — Usage des formules chimiques, avec la
notation atomique. — Montrer par des exemples simples qu’elles sont la
représentation symbolique des corps, de leur composition et des réactions
chimiques.
Notions
sur l’acide azotique et l’ammoniaque.
Notions
sur le phosphore. Allumettes chimiques.
Notions
sur l’acide phosphorique. Phosphates employés en agriculture.
Soufre.
— Acide sulfureux. Application au blanchiment de la laine et de la soie, au
soufrage des tonneaux, etc.
Acide
sulfurique. Applications principales. Acide sulfhydrique.
Chlore.
Application au blanchiment du lin et du coton. Acide chlorhydrique.
Action
de l’oxygène, du soufre, du chlore et des acides sulfurique, chlorhydrique et
azotique, sur les métaux usuels. (On citera, à cette occasion, les oxydes,
sulfures, chlorures, et sels importants par leurs applications.)
Potasses
et soudes du commerce. Application au blanchissage.
Azotates
de potasse et de soude. Notions sur la nitrification. Applications.
Sel
marin. — Sel gemme.
Chaux.
— Mortiers. Ciments. — Verreries et poteries.
Carbonate
de chaux. Sulfate de chaux. Plâtre. Applications.
Notions
sur les métaux usuels.
Troisième année.
Matières
organiques. Leur composition.
Notions
sommaires sur les principaux carbures d’hydrogène. — Gaz d’éclairage.
Alcool
ordinaire. Fermentation alcoolique.
Application
à la fabrication de l’alcool, du vin, de la bière et du cidre.
Ether
ordinaire.
Indiquer
qu’il y a d’autres alcools que l’alcool ordinaire.
Notions
sur les acides organiques les plus communs. — Acide acétique. Vinaigre. — Acide
oxalique. — Acide tartrique. — Acide tannique ou tanin. Appli cation au
tannage.
Corps
gras. — Saponification. — Bougies stéariques.
Sucre
de canne et de betterave.
Amidon.
Fécules. Farines. Panification.
Cellulose.
— Papiers.
Notions
sur les principales matières albuminoïdes.
Principales
matières alimentaires. — Leur conservation »
ECOLES NORMALES D’INSTITUTEURS.
(Arrêté
du 4 août 1905.)
Première année
(une
heure par semaine).
Indications
générales sur les appareils utilisés en chimie.
Etude
sommaire de l’eau, de l’hydrogène, de l’oxygène, du carbone et du gaz
carbonique, en se bornant à ce qui est indispensable pour l’exposé des lois des
combinaisons.
Analyse
et synthèse. Corps simples et composés.
Lois
des combinaisons en poids et en volumes.
Nombres
proportionnels. — Symboles et formules chimiques. — Poids moléculaires. — Poids
atomiques. — Valence des atomes.
Nomenclature
chimiques. — Acides, bases, sels.
Hydrogène
(compléments). — Oxygène (compléments]. — Eau (compléments). — Eau oxygénée.
Chlore.
— Acide chlorhydrique. — Chlorures. — Chlorure de chaux. — Eau de Javel. —
Chlorates.
Brome,
iode, fluor (en s’attachant surtout aux analogies que ces corps présentent avec
le chlore). — Acide fluorhydrique.
Soufre
(insister sur les analogies avec l’oxygène). — Acide sulfhydrique. — Sulfures.
— Anhydride sulfurique. Sulfates.
Azote.
— Air atmosphérique ; gaz constitutifs. — Ammoniaque. — Fixation de l’azote par
les végétaux. — Sels ammoniacaux. — Engrais ammoniacaux.
Acide
azotique. — Azotates de sodium et de potassium. — Nitrification. — Poudre
noire. « Phosphore blanc et phosphore rouge. « Acide phosphorique. — Phosphates
de calcium. — Engrais phosphatés.
Anhydride
arsénieux.
Carbone
et oxyde de carbone (compléments). — Anhydride carbonique (compléments). —
Carbonates. — Acide cyanhydrique. — Cyanures.
Silice.
— Silicates.
Acide
borique. — Borax.
Deuxième année
(deux
heures par semaine). — Généralités sur les métaux. — Alliages.
Généralités
sur les oxydes, les hydrates métalliques et les sels.
Sodium.
— Soude.
Potassium.
— Potasse. — Origine des sels de potassium. — Chlorure et carbonate.
Chaux.
— Sulfate et carbonate de calcium. Rôle de ces sels en agriculture.
Etude
sommaire de la baryte, du bioxyde de baryum, du sulfate et de l’azotate de
baryum.
Aluminium.
— Alumine. — Sulfate "d’aluminium et aluns. — Silicates d’aluminium.
Chromate
et bichromate de potassium.
Fer. —
Oxydes. — Sulfate ferreux. — Chlorure ferrique.
Notions
générales de métallurgie. « Métallurgie du fer. — Fontes et aciers.
Zinc.
— Oxyde et sulfate.
Nickel.
— Etain. — Oxyde et chlorures d’étain.
Plomb.
— Action sur les eaux. — Oxydes. — Carbonate.
Cuivre.
— Principaux alliages (bronze, laiton, maillechort).
Mercure.
— Argent. — Or. — Platine.
Carbures
d’hydrogène : méthane (mention du chloroforme). — Carbures saturés ; pétroles.
— Ethylène. — Acétylène. — Gaz d’éclairage.
Fonction
alcool. — Alcool éthylique. — Alcool méthylique. — Distillation du bois
(obtention simultanée de l’alcool méthylique, de l’acide acétique, de
l’acétone, de la créosote).
Fonction
éther. — Ethers oxydes (éther ordinaire). — Ethers sels (éthérification,
saponification).
Fonctions
aldéhydes et cétones. — Formol. — Chloral. — Acétone.
Fonction
acide. — Acide acétique.
Fonction
amide. — Urée.
Notions
sommaires sur les composés polyatomiques ou à fonctions multiples.
Corps
gras naturels. — Glycérine. — Acides gras.
Acide
oxalique. — Acide tartrique.
Glucose.
— Saccharose.
Dextrines.
— Gommes.
Matières
amylacées. — Amidon.
Celluloses.
— Nitrocelluloses. — Poudres pyroxylées. — Papier.
Industrie
du goudron de houille. — Série aromatique.
Benzine
et toluène. — Phénol. — Acide phénique. — Nitrobenzine. — Aniline et matières
colorantes qui en dérivent. — Tanins et tannage des peaux.
Naphtaline
et naphtols (notions sommaires).
Essence
de térébenthine. — Camphre et essences diverses.
Notions
générales sur les alcaloïdes naturels extraits des végétaux et des animaux.
Substances
azotées de l’organisme. — Albumine. — Fibrine. — Caséine. — Peptones. —
Hémoglobine. — Gélatine.
Troisième année.
Compléments
de chimie (dix leçons environ).
I.
Généralités sur la classification des corps simples. — Dissociation. —
Principes de thermochimie.
II.
Principales industries chimiques.
Industries
de l’acide sulfurique, de la soude, des verres, poteries et ciments.
Fabrication
des alcools d’industrie, du vinaigre.
Industrie
des corps gras. Bougies stéariques et savons.
Industrie
des matières colorantes.
Fermentations
(vin, bière, cidre et poiré). Maladies du vin.
III. Manipulations chimiques et agricoles. —
Expériences sur les propriétés essentielles des produits employés en
agriculture et en hygiène, réactions qui la caractérisent.
Séparation
des éléments constitutifs d’une cendre, d’une terre, d’un terreau.
Préparation
des engrais pour cultures démonstratives.
Préparation
des graines pour semences et des substances employées à combattre les maladies
des plantes.
Expériences
de germination.
Préparation
et propriétés essentielles des principes immédiats les plus importants contenus
dans les matières suivantes : farine, pomme de terre, lait, bois.
Dosages
simples : calcaire d’une terre, alcool d’un vin.
IV. —
Exercices d’adaptation en vue de l’école primaire. — Expériences propres à
illustrer les leçons
de choses et l’enseignement élémentaire des sciences à l’école primaire. »
On lit
dans les « Directions pédagogiques » qui accompagnent le programme de troisième
année :
… Il
serait à désirer que chaque élève-maître pût emporter de l’école normale un
choix d’appareils simples, en partie fabriqués par lui, ainsi que la liste des
objets usuels et des produits qui lui serviraient plus tard à réaliser ses
expériences.
… Le
professeur établira son programme de manipulations de manière à réaliser les
principales expériences que l’on peut faire au cours moyen de l’école primaire.
Il ne séparera pas la physique, la chimie, l’histoire naturelle de manière à en
faire des enseignements distincts, mais il les réunira au point de vue de leurs
explications pratiques. »
ECOLES NORMALES D’INSTITUTRICES
(Arrêté
du 4 août 1905).
Première année
(une
heure par semaine).
Indications
générales sur le montage des appareils (préparation de l’hydrogène et de
l’oxygène).
Hydrogène.
— Oxygène. — Eau.
Air et
azote atmosphérique. — Gaz carbonique de l’air.
Analyse
et synthèse (décomposition et recomposition de l’eau et de la craie). Corps
composés, corps simples.
Système
des nombres proportionnels. — Symboles. — Nomenclature.
Soufre.
— Acide sulfurique ; sulfures. — Anhydride sulfureux. — Acide sulfurique:
sulfates.
Chlore.
— Acide chlorhydrique. — Chlorures métalliques. — Chlorures décolorants.
Notions
très élémentaires sur le fluor, le brome, l’iode. — Familles naturelles.
Ammoniaque
et sels ammoniacaux.
Acide
azotique et azotates.
Acide
phosphorique. — Phosphore et phosphates (notions élémentaires).
Silice.
— Acide borique et borax.
Carbone.
— Oxyde de carbone. — Anhydride carbonique. — Carbonates.
Généralités
sur les métaux et les alliages. — Métaux usuels, métaux précieux.
Généralités
sur les oxydes, les hydrates métalliques et les sels.
Industrie
de la soude. — Potasse et sels de potassium. — Fonction base.
Ciments
et mortiers. — Verres et poteries,
Fonte,
fer, acier.
Deuxième année
(une
heure par semaine).
Lois
générales de la chimie. — Poids moléculaires et poids atomiques. — Valence.
Notions
sommaires sur la composition élémentaire, l’analyse et la synthèse des
substances organiques, et sur leur classification d’après leur fonction
chimique.
Carbures
d’hydrogène : méthane, éthylène, acétylène.
Gaz
d’éclairage. — Goudron de houille. — Benzine et toluène.
Alcool
méthylique. — Fonction alcool. — Aldéhyde.
Ether
ordinaire. — Ethers sels (éthérification, saponification).
Acide
acétique. — Fonction acide. — Distillation du bois. — Acide oxalique. — Acide
tartrique.
Glycérine.
— Industrie des corps gras neutres.
Dextrine.
— Gommes. — Matières amylacées. — Amidon. — Cellulose. — Papier.
Albuminoïdes
(œuf, lait, viande, pain).
Principes
extraits des végétaux (tanins, alcaloïdes, essences, camphres).
Matières
colorantes. — Phénols. — Acide picrique. — Nitrobenzine. — Aniline, toluidine.
— Fuchsine. — Naphtaline.
Gélatine.
Troisième année.
Manipulations.
Les «
Directions pédagogiques » contiennent ici des recommandations identiques à
celles qui ont été données au programme des écoles normales d’instituteurs,
avec ces indications en plus :
-
Le professeur
insistera sur les observations que les
principales opérations culinaires suscitent, et sur l’explication des
phénomènes constatés et le parti qu’on peut en tirer : Ebullition de l’eau, de
l’alcool, et de leur mélange. Corps que la chaleur décompose avant leur
changement d’état (bois, sucre, graisses). Conductibilité des corps usités pour
la fabrication des ustensiles de cuisine. Oxydations causées par les fourneaux
à gaz ; action de l’eau, de la chaleur sur les matières sucrées, féculentes, les
viandes, les graisses, etc.
-
Il expliquera, au
moyen d’expériences, les propriétés des principaux produits employés dans les industries domestiques : corps gras et
alcalis, potasse, soude, ammoniaque, borax, sel d’oseille, eau de Javel, eau de
cuivre, tripoli, blanc d’Espagne, essence de térébenthine, cire, etc.
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