31 mars 2012

Antipoison pédagogique (Guide critique des termes- et expressions-pièges qui parsèment le débat éducatif)

La terminologie scolaire que tout parent doit comprendre
Conception formaliste-utilitaire de l’enseignement

Développementalisme romantique

Antipathie au contenu disciplinaire

Antipathie envers la notation et le classement  
Pédagogie naturaliste

Ce document est la traduction du Guide critique des termes et des expressions en éducation qui est en annexe du livre The Schools We Need and Why We Don't Have Them de E. D. Hirsch. Texte en anglais : Critical Guide to Educational Terms and Phrases.
La traduction française est de Pierre Lariba [lariba@wanadoo.fr].
Un abrégé de ce texte, écrit par la Texas Education Consumers Association pour son site Web se trouve sur le site de l'association NYC HOLD, Honest Open Logical Decisions on Mathematics Education Reform.
Publication sur le site de Michel Delord : http://michel.delord.free.fr/hirsch-terminology-fr.pdf


Apprendre à apprendre. Expression utilisée pour dénoter le principal but de l’École selon la conception utilitaire de l’enseignement. L’idée est que la possession de beaucoup de savoir qui sera très vite démodée est utile du point de vue éducatif tandis que si on a la capacité à apprendre, ce sera une acquisition permanente. La théorie est illustrée par le proverbe « il vaut mieux enseigner à un enfant à pêcher que de lui donner un poisson ». Enseigner à un enfant comment apprendre, serait, selon cette analogie, mieux que de lui enseigner beaucoup de faits. Chacun s’accorde comme quoi l’enseignement devrait fournir aux élèves la capacité d’apprendre un nouveau savoir et même de nouveaux métiers. Cependant la conception utilitaire qui fait que le poisson est inférieur à l’hameçon, à la canne ou au bouchon est basée sur une métaphore gravement inadéquate sur la compétence à apprendre. En réalité, même apprendre à pêcher requiert beaucoup de savoir spécifique et pas seulement un équipement de pêcheur et quelques techniques. Comme ce livre l’expose en détail, l’opposition entre apprendre des techniques et le savoir factuel est une opposition totalement trompeuse qui a eu des conséquences économiques et sociales tragiques.

Apprendre dans les manuels. Phrase dénigrant les formes traditionnelles d’enseignement, symbolisées par les manuels, en faveur de modes d’instruction plus « holistiques » et réalistes dans lesquels le savoir est obtenu par l’expérience la main à la pâte plutôt que par des énoncés verbaux dans des manuels. Souvent l’objection à l’enseignement à l’aide de manuels est très pertinente car beaucoup de manuels couramment disponibles sont non sélectifs, ayant été conçus pour passer devant des comités d’adoption de manuels dans des États très peuplés et donc pour plaire à tout le monde. Par conséquent, beaucoup de manuels tendent à être décousus, mal écrits, fades, difficiles à lire et ne faisant pas la différence entre les aspects plus ou moins importants d’une discipline. Seulement, la solution alternative aux manuels sous la forme d’enseignement la main à la pâte ou de projet, a montré sa grande inefficacité. On doit donc être prudent pour distinguer une attaque justifiée contre les mauvais manuels et une attaque contre l’enseignement soigneusement focalisé d’une matière grâce à de bons manuels. Le plus efficace des apprentissages disciplinaires est souvent obtenu grâce à l’usage de manuels bien écrits et bien pensés. Dans les sciences et dans les professions telles que la médecine et l’ingénierie, les manuels bien conçus ont toujours été une nécessité.

Apprendre en faisant. Phrase autrefois utilisée pour caractériser le mouvement progressiste, bien que la phrase ne soit plus beaucoup utilisée aujourd’hui car cette formulation a été l’objet de beaucoup de critiques et même ridiculisée. Il est instructif toutefois de l’inclure ici car elle continue d’illuminer la tradition progressiste. Les termes qui lui sont actuellement préférés sont « apprendre par la découverte » et « la main à la pâte ». Mais il est important de se souvenir que ce sont des expressions qui sont des adaptations d’une formule précédente. L’idée derrière tous ces termes est que la pédagogie la plus désirable est naturelle au sens qu’elle ressemble aux activités de la vie réelle pour lesquelles l’apprentissage particulier est de préparer l’élève. On prétend que la meilleure forme d’apprentissage est celle qui permet à aux élèves d’apprendre d’après la manière naturelle, comme un apprenti selon laquelle les hommes ont toujours appris. Cela s’oppose implicitement à l’enseignement principalement verbal aussi bien qu’à un enseignement orga­nisé artificiellement autour d’exercices et de l’entraînement. On prétend qu’en accomplissant des activités « holistiques », l’élève découvrira certainement les savoirs dont il a besoin. C’est une doctrine attrayante mais qui est aussi hautement théorique dont on a démontré qu’elle était fausse. La valeur d’une telle méthode dépend de son efficacité réelle. Si par « efficace » on entend que tous les élèves apprennent de manière sûre et efficace par cette méthode, alors la théorie a été entièrement discréditée par les études comparatives. À la fois l’histoire de l’enseignement américain et les observations contrôlées ont montré que « l’apprentissage en faisant » et ses adaptations sont parmi les moins efficaces des pédagogies disponibles pour l’enseignant.

Apprendre par la main à la pâte. Phrase impliquant la supériorité de l’apprentissage direct, tactile, réaliste sur celui qui est verbal, indirect et par cœur. L’apprentissage multi sensoriel est en fait une méthode excellente pour intégrer et fixer ce qu’un enfant apprend, par exemple l’utilisation de méthodes tactiles pour aider les enfants à apprendre les lettres de l’alphabet. (Dans une version de cette méthode, les enfants font courir leurs doigts sur des silhouettes irrégulières des lettres et cette expérience manuelle combinée avec la perception visuelle et en « écoutant et prononçant le nom des lettres aide à relier les formes des lettres aux noms par de multiples moyens sensoriels qui se renforcent l’un l’autre.) Enseigner comme à des apprentis est aussi un mode d’apprentissage un mode manuel très efficace, intégré pour métier ou une profession. Très souvent la main à la pâte est un terme honorifique utilisé pour faire l’éloge de la « méthode du projet » progressiste d’éducation et pour rabaisser l’instruction « à la classe entière » qui est conduite surtout de manière verbale et visuelle. L’expérience ne démontre pas cette supériorité revendiquée pour cette méthode du projet quelles que soient ses manifestations variées nommées « apprentissage par la découverte », « apprentissage holistique » et « apprentissage thématique ». La recherche suggère que de telles méthodes sont incertaines, injustes (tous les enfants n’apprennent pas avec elle) et donc doit être utilisée à petites doses. La prudence est spécialement requise quand l’expression « main à la pâte » est utilisée pour insinuer que l’apprentissage verbal et visuel est artificiel et peu engageant. Les préjugés anti verbaux représentent un désastre pour les enfants défavorisés qui n’ont pas été exposés à un grand éventail d’apprentissage verbal en dehors de l’école. Dans la vie contemporaine, l’aspect verbal peut revendiquer d’être aussi réaliste que le tactile.

Apprendre par cœur. « Apprendre par cœur » est souvent suivi par l’expression « de simples faits ». La pratique du par cœur date de la méthode aujourd’hui peu utilisée qui consiste à demander à la classe de réciter des réponses à l’unisson des questions a été employé pour vouloir dire demander à toute la classe de réciter à l’unisson des réponses fixes à des questions fixes qu’on ait compris ou pas ce que veut dire la récitation. Cette pratique a aujourd’hui disparu. Les enseignants de maintenant, quand on leur demande de définir ce qu’ils entendent par « par cœur », définissent le par cœur de manière variée comme : « mots débités » sans en comprendre le sens ou « mémorisation des choses sans les comprendre », ou bien apprendre des faits isolés. Les enseignants objectent que mémoriser par cœur entraîne une attitude passive et non critique chez les élèves, qui, comme nous l’espérons tous, grandiront en devenant des citoyens indépendants d’esprit. Toutes ces objections ont leur validité. Il vaut mieux encourager la compréhension intégrée du savoir plutôt que la répétition purement verbale de faits séparés. Il vaut mieux pour les élèves qu’ils pensent par eux-mêmes que de répéter purement ce qu’on leur a dit. Pour toutes ces raisons, le par cœur est inférieur à l’apprentissage intériorisé et qui peut être exprimé avec les propres mots de l’élève. Ces objections valides ont toutefois été utilisées comme instrument contondant pour attaquer tout accent mis sur le savoir et le vocabulaire factuels. Apprendre purement par cœur est par exemple indispensable pour apprendre les mots de sa propre langue étant donné qu’il y a rarement une raison qui ne soit pas arbitraire pour laquelle des noms particuliers sont attachés à des choses particulières dans le monde. Il n’y a pas vraiment de raison en anglais pour utiliser le « i » devant le « e » sauf après « c » ou quand il sonne comme un « é » dans « neighbour » ou « weigh ». Ou pourquoi il y a trente jours en septembre. Il est pourtant très utile d’apprendre par cœur ces faits ainsi que beaucoup d’autres. La manière dont les choses ont été apprises que ce soit par cœur ou par d’autres moyens, s’efface très souvent de la mémoire. Les psychologues distinguent la mémoire « épisodique » qui est à court terme et la mémoire « sémantique » qui est très durable. Dans la tradition progressiste, attaquer le cœur a été utilisé pour attaquer le savoir factuel et la mémorisation au grand désavantage des compétences scolaires des enfants. Le moment de l’apprentissage est stocké dans la mémoire épisodique volatile ; donc la façon dont les choses sont apprises n’est souvent pas importante, du moment qu’elles sont apprises. Dans la traduction progressiste, attaquer le par cœur a été utilisé pour attaquer le savoir factuel et la mémorisation au grand désavantage des compétences scolaires de nos enfants.

Apprendre par la découverte. Cette expression se réfère à la méthode d’enseignement qui organise des projets ou des problèmes de façon que les élèves puissent découvrir le savoir par eux-mêmes à travers des expériences de la main à la pâte et la résolution de problèmes plutôt qu’à travers des manuels et des cours. Les progressistes ont fait de cet apprentissage la forme principale ou exclusive de l’enseignement à commencer par la « méthode du projet » (v. cette entrée). La prémisse est vraie que le savoir acquis par soi-même, avec difficulté et en dépensant beaucoup de temps et d’effort, est plus probablement retenu que le savoir présenté verbalement. Il est aussi vrai que le savoir gagné dans un contexte réaliste comme faisant partie d’un effort pour résoudre un problème sera probablement un savoir qui est bien compris et intégré. Incontestablement, alors l’apprentissage par la découverte est une méthode efficace, quand elle marche. Mais il y a deux inconvénients majeurs à la dépendance prépondérante ou exclusive sur l’apprentissage par la découverte. D’abord les élèves ne font pas toujours par eux-mêmes la découverte qu’ils étaient censés faire ; en fait parfois ils font des « découvertes » qui ne sont pas vraies. D’où il est essentiel de contrôler les élèves pour examiner si le but d’apprentissage désiré a été atteint, et sinon pour atteindre le but par des moyens directs. Deuxièmement, on a prouvé que l’apprentissage par la découverte est très inefficace. No seulement certains élèves ne trouvent jamais le savoir et le savoir-faire qu’ils sont supposés gagner mais ils ne le gagnent pas très vite. La recherche sur les méthodes d’enseignement a démontré invariablement que l’apprentissage par la découverte est la méthode la moins efficace d’instruction dans le répertoire de l’enseignant.

Apprendre tout au long de la vie. Expression qui reflète un but partagé par presque tous les éducateurs depuis l’Antiquité. Aujourd’hui alors que de nouvelles techniques doivent être maîtrisées et que même de nouvelles professions doivent être apprises, la tâche de faire que tout le monde puisse être capable d’apprendre tout au long de sa vie est un devoir primaire de l’école. Il existe néanmoins un désaccord sur la nature de l’enseignement qui assurerait le mieux une capacité à apprendre toute sa vie. Dans la conception utilitaire de l’apprentissage, on doit donner aux élèves la capacité à lire, à écrire et à calculer mais aussi des capacités à plus élevées et abstraites comme les « compétences d’accès », des « capacités de pensée critique » et des « compétences supérieures », en croyant que ces compétences abstraites peuvent alors être dirigées vers un nombre indéfini de tâches futures. Bien sûr, on doit pouvoir donner à chacun les outils pour apprendre et pour penser de manière critique. Cependant la tradition progressiste qui domine commet une erreur empirique fondamentale en croyant que ces compétences générales ne dépendent pas de l’accumulation de savoir et de vocabulaire et en croyant que des compétences transférables tout au long de la vie résulteraient naturellement d’activités « intégrées », « holistiques ». Les compétences qui durent toute la vie, y compris savoir lire et écrire et la pensée critique dépendent du savoir factuel et verbal spécifique à chaque domaine écarté avec mépris par les « réformateurs » actuels.

Apprentissage coopératif. Expression décrivant la méthode pédagogique consistant à faire éclater une classe en groupes d’environ cinq élèves qui coopèrent sur une tâche ou un projet en commun. Un de ses avantages réside dans le fait que les élèves les plus avancés aideraient les moins avancés et leur enseigneraient, provoquant ainsi la progression des deux groupes à condition que ces deux ensembles ne soient pas trop éloignés dans leur parcours scolaire. Cette méthode conserve encore des vestiges de ses origines historiques venant des pratiques progressistes quand la coopération en groupe était mise au-dessus de la compétition et de la réussite individuelle. Récemment des parents se sont plaint que les enfants qui en sont capables et qui veulent en faire plus et mieux en sont souvent découragés au motif de « ne pas coopérer » avec le groupe. Orchestrer de manière sage et efficace plusieurs groupes dans une classe est difficile à bien faire, on a besoin d’un contrôle minutieux, de buts clairs et de motivations bien définies. La confiance que la méthode elle-même s’occupera des résultats de manière providentielle n’est pas garantie. L’apprentissage coopératif, utilisé avec parcimonie, peut être une excellente méthode d’instruction quant on l’utilise en conjonction avec l’enseignement en classe entière. Il n’est pas efficace quand on l’utilise comme principal ou exclusif moyen d’enseignement.

Apprentissage holistique. Termes désignant l’apprentissage d’une classe organisée autour de problèmes et de projets intégrés, inspirés de la vie plutôt qu’autour de disciplines standard. L’apprentissage holistique des maths, par exemple, les intègre avec des situations de la vie et avec d’autres disciplines. Parmi les avantages espérés de l’apprentissage holistique sont, primo une motivation accru pour les enfants au motif qu’ils peuvent voir la pertinence des apprentissages qui font partie de contextes plus larges et réalistes et deuxio un mode plus naturel d’enseignement comme il pourrait être gagné par l’expérience de la vie elle-même. L’organisation holistique de l’enseignement est souvent combiné avec la méthode de « l’apprentissage par la découverte » (v. ces mots). L’apprentissage « holistique » a essentiellement le même sens que « apprentissage thématique » et « méthode du projet ». Il n’est pas toutefois limité aux projets de style progressistes. Un apprentissage holistique, contextualisé a toujours été une partie de l’instruction disciplinaire standard, comme quand l’histoire est intégrée à l’art dans le but de fournir un sentiment plus vif du passé. La méthode est moins efficace quand elle est utilisée pour enseigner une matière ou une méthode spécialisée comme les mathématiques qui requièrent beaucoup de pratique. On a montré que l’usage exclusif de méthodes naturalistes ou holistiques est moins efficace que quand elles sont utilisées à plus petites doses dans le cadre de pédagogies plus focalisées et plus orientées vers un but. Comme pour la plupart des méthodes progressistes, ce n’est pas la technique elle-même mais son utilisation excessive, avec la certitude que les méthodes naturalistes mènent automatiquement à de bons résultats, qui a souvent rendu l’enseignement holistique inefficace.

Apprentissage thématique, multidisciplinaire. « Formule employée pour décrire l’enseignement « holistique » de différentes disciplines à travers un thème commun. Par exemple, le thème des saisons pourrait combiner une étude de l’histoire, de l’art, de sciences et de mathématiques dans une classe particulière, ou bien dans l’école entière. Il y a beaucoup à dire à propos de l’apprentissage intégré qui contextualise les matières et les renforce. Comme avec les formes diverses de la méthode du projet, cependant, l’apprentissage thématique n’a prouvé qu’il était une réussite que quand il est employé avec prudence comme outil occasionnel plutôt qu’employé comme mode principal d’enseignement. Une raison de prendre cette précaution est que certains sujets requièrent une familiarité plus grande que d’autres pour être appris. L’histoire et la littérature, par exemple, requièrent généralement moins de consolidations pour atteindre un objectif d’apprentissage que certains aspects des maths et des sciences dont les procédures doivent être souvent répétées et pratiquées. L’approche thématique peut ou ne peut pas fournir ces consolidations nécessaires. Comme pour d’autres méthodes pédagogiques, la clé réside dans le sens commun. Si les élèves ont été bien contrôlés et qu’on sait qu’ils ont maîtrisé les sujets principaux qu’on doit rencontrer dans le projet thématique, alors la méthode peut être une manière attractive de d’encourager l’enthousiasme des élèves et l’apprentissage ultérieur.

Approprié au développement. Phrase exprimant l’idée que l’éducation est un épanouissement naturel et que pour chaque enfant il y a un meilleur moment naturel pour apprendre certains sujets et compétences. Ces termes accompagnent souvent un désir de préserver l’innocence de l’enfance de la civilisation adulte. Les spécialistes de la petite enfance utilisent les termes « approprié au développement » qui impliquent que « prématurément » exposer et faire travailler durement un enfant c’est nocif et c’est une perte de temps. Ainsi, les termes « approprié au développement » sont généralement utilisés pour décourager les écoles d’enseigner certains sujets trop tôt, mais rarement, pour ainsi dire jamais, pour suggérer que les sujets ne sont pas appropriés au développement parce qu’ils sont enseignés trop tard. Les psychologues ont découvert qu’il y a d’ordinaire une hausse distincte de la « capacité de traitement » des enfants entre l’âge de trois et cinq ans. Mais ils ont trouvé aussi qu’il y a une grande quantité de variation individuelle dans le développement intellectuel des enfants. Dans l’acception sous laquelle ils sont généralement utilisés, les termes « approprié au développement » sont dépourvus de sens scientifique et manquent d’autorité scientifique. Il n’est pas scientifiquement crédible, par exemple, que les apprentissages que des millions d’enfants à travers le monde acquièrent facilement au CE1 devraient être étiquetés « inappropriés au développement» pour les élèves de CE1 américains. Pourtant c’est précisément ce que les spécialistes américains de la petite enfance ont déclaré de l’enseignement de la valeur de position en mathématiques. L’accord parmi les psychologues est qu’après l’âge de six ans ou à peu près, les apprentissages scolaires suivent une séquence déterminée non pas principalement par leur nature ou par âge chronologique mais principalement par la connaissance précoce, la pratique et l’expérience. Beaucoup d’enfants privilégiés reçoivent dans leurs foyers la pratique et la connaissance précoces dont ils ont besoin, tandis que beaucoup d’enfants défavorisés gagnent ces apprentissages préparatoires, sinon tous, seulement à l’école. Les processus d’apprentissage impliqués dans les compétences non naturelles comme lire, écrire et l’arithmétique sont en elles-mêmes lentes au début, et ensuite s’accélèrent de façon cumulative et exponentielle. À cause du caractère cumulatif de l’apprentissage scolaire, les enfants retardés sur le plan éducatif rattrapent rarement leur retard. Quand une école élémentaire refuse d’enseigner le savoir et les compétences exigeants à un âge précoce, l’école freine involontairement l’éducation de manière différentielle pour les différentes classes sociales. Par conséquent, cette doctrine de l’enseignement « approprié au développement », qui retient tous les élèves, a eu surtout des effets nuisibles sur les enfants défavorisés et sur la justice sociale.

Capital intellectuel. Expression signifiant le savoir et les compétences qu’une personne possède à un moment donné. Des études ont montré que le niveau du capital intellectuel d’une personne est étroitement corrélé à la capacité de cette personne à gagner plus d’argent et à gagner toujours plus de savoir et de compétences. Comme pour le capital monétaire, plus on a déjà de savoir et de compétences, plus on peut en gagner facilement. L’idée de capital intellectuel s’oppose à la conception utilitaire de l’apprentissage selon laquelle un pur stock de savoir est jugé moins important que de gagner des compétences d’apprentissage. Dans ce livre, on a cité le travail des sociologues et des psychologues cognitifs pour montrer que la conception utilitaire est beaucoup trop simpliste et que les compétences requièrent toujours un savoir spécifique à un domaine. D’où le fait que le capital intellectuel, répudié dans la conception utilitaire de l’enseignement parce qu’il serait inerte et serait un bagage vite dépassé, est en réalité l’outil principal de l’apprentissage et de gains futurs.

Cassent le moule (écoles qui). Phrase utilisée par les réformateurs depuis les années 1980-1990 pour encourager l’amélioration de l’école. Certains des changements qui « cassent le moule » ont donné un pouvoir plus grand de direction aux écoles et les parents. Ces changements ont parfois été bénéfiques. D’autres changements proposés, concernant les buts, les contenus et les méthodes d’enseignement, se sont transformés en versions ayant déjà échoué des méthodes progressistes qui devraient être améliorées grâce à la « technique » (v. promesses de la technique). La rhétorique de « casser le moule » implique que de nouvelles expériences pédagogiques devraient être tentées sur les enfants à une grande échelle. Étant donné qu’il existe déjà des écoles très efficaces dispersées dans le pays et ailleurs, on ne voit pas bien pourquoi ces modèles qui réussissent devraient être rejetés en faveur de nouvelles expériences.

Classe ouverte. Expression désignant une classe dans laquelle les enfants d’âges différents peuvent apprendre « à leur propre rythme » et recevoir une attention individuelle plutôt que de suivre le rythme de la classe entière. Dans sa forme pure, « ouverte » signifie aussi une description architecturale (pas de murs entre les classes). Comme pour toutes les formes de pédagogies naturalistes, on a prouvé que la classe ouverte a montré son inefficacité en tant que technique principale d’enseignement. (v. aussi classes d’âges multiples).

Classes d’âges multiples. Phrase faisant référence au fait de regrouper les enfants La résurgence de ce concept conduit à des classes groupées par compétence plutôt que par âge avec pour résultat que des enfants de différents âges se trouvent regroupés. La récente popularité de cette idée doit plus à des pressions politiques et idéologiques qu’à une efficacité démontrée de cette pratique. Une des grandes pressions est la grande diversité de la préparation scolaire des enfants du même âge dans les écoles américaines. La fracture de préparation serait réduite par un programme scolaire plus cohérent et spécifique et par une plus grande responsabilité pour des normes précises niveau par niveau. Une autre cause est la réaction égalitariste contre les classes de niveau ce qui veut dire que quand ce système, s’il existe, doit marcher sous al bannière « d’apprendre à son propre rythme. » Le caractère le plus troublant de la classe d’âges multiples est un nombre disproportionné d’élèves plus âgés dans chaque groupe d’apprentissage qui viennent de foyers défavorisés et qui appartiennent de façon disproportionnée à des minorités ethniques. La conséquence de sanctionner officiellement leur lente progression est une perpétuation de l’injustice sociale, comme c’est détaillé dans l’entrée « à son propre rythme ».

Compétences d’accès. Expression utilisée pour définir un aspect « d’apprendre à apprendre ». Les écoles mettent actuellement l’accent sur les compétences d’accès au motif que le savoir d’aujourd’hui change si rapidement qu’il sera dépassé demain. Il vaut mieux apprendre comment « accéder à l’information » (càd comment chercher les choses ou comment utiliser une bibliothèque ou un ordinateur ou un programme de correction orthographique) que d’apprendre beaucoup de faits vite démodés. L’accent mis sur les compétences d’accès est une expression de la métaphore utilitaire de l’école qui s’oppose à la « théorie bancaire » ou à la « théorie de la transmission » de l’enseignement » (v. ces mots). La conception utilitaire considère que l’école devrait mettre l’accent les stratégies instrumentales, telles que comment trouver le savoir, plutôt que mettre l’accent sur le savoir lui-même. La domination de cette idée utilitaire, qui remonte aux débuts du mouvement progressiste, a conduit nos écoles à dépenser beaucoup de temps à enseigner des techniques comme se servir d’un dictionnaire (ou d’une encyclopédie) qui devrait être en fait enseignées aux enfants mais qui ne sont pas en elles-mêmes des compétences difficiles qui prennent beaucoup de temps à être acquises. Elles ne peuvent remplacer le savoir prêt à servir des élèves sur divers matières et sens de mots. Quelqu’un qui parle à la radio ou à la télévision ne fait pas de pauses pour que les auditeurs cherchent les mots qu’ils ne connaissent pas. Même quand ils se servent d’une encyclopédie ou d’un CD-ROM, les élèves sans connaissances préalables ne peuvent comprendre les choses qu’ils cherchent. Préparer les élèves à se débrouiller avec un nouveau savoir est vraiment central à un bon enseignement. Mais savoir comment chercher des choses, même si c’est important, n’est pas en soi une compétence qui rend les élèves capables d’apprendre de s choses nouvelles. La capacité à apprendre des choses nouvelles consiste à la fois en tactiques générales comme les compétences d’accès et en une généreuse quantité de savoir « spécifique à un domaine ». Contrairement à la métaphore utilitaire, une capacité générale à apprendre des nouvelles compétences ne consiste jamais seulement en stratégies d’accès mais exige aussi une familiarité avec le savoir le plus important en mathématiques, en sciences, dans les humanités et dans les arts.

Compétences d’ordre supérieur. Expression pour les compétences supérieures de réflexion que beaucoup de réformes de l’enseignement prétendent atteindre. Le but est de produire des élèves qui peuvent penser et lire de manière critique, qui peuvent trouver de l’information, qui maîtrisent des stratégies de métacognition et qui savent comment résoudre des problèmes. De tels élèves, assure-t-on, seront bien mieux préparés à faire face aux défis du XXIe siècle que ceux qui possèdent simplement beaucoup de connaissances traditionnelles, vite dépassées, apprises par cœur. Derrière ce contraste entre les compétences d’ordre supérieur et l’information de bas niveau se trouve la conception utilitaire et formaliste de l’éducation qui a été réfutée par le courant principal de la psychologie cognitive. Si en fait, l’apprentissage de compétences d’ordre supérieur avait vraiment suffi à produire des penseurs critiques préparés aux défis du XXIe siècle, nous et nos élèves aurions vraiment de la chance et nous pourrions renoncer à beaucoup de ce dur labeur associé à acquérir du savoir factuel et à des compétences bien pratiquées en lecture, écriture et en mathématiques. Étant donné que malheureusement cette conception utilitaire est incorrecte, la perspective d’avenir pour l’efficacité de telles « réformes » est faible. Les compétences d’ordre supérieur sont liées invariablement et nécessairement à une grande quantité d’information pertinente et spécifique à un domaine. D’où il n’y a pas moyen d’acquérir les compétences sans acquérir le savoir qui y est associé. C’est un pur préjugé que d’affirmer que les stratégies associées à l’utilisation d’information spécifique à un domaine sont d’un ordre supérieur au savoir lui-même. Ce fait a conduit certains scientifiques cognitifs à utiliser le terme lus neutre de « stratégies associées » plutôt que « compétences d’ordre supérieur ».

Compétences de pensée critique. Expression qui suppose une capacité à analyser des idées et à résoudre des problèmes tout en adoptant une position suffisamment indépendante et « critique » envers l’autorité pour pouvoir bien réfléchir par soi-même. C’est un but pédagogique admirable pour les citoyens d’une démocratie, et un de ceux qui ont été préconisés aux États-Unis depuis Jefferson. La capacité à penser de manière critique est un but qui est probablement accepté par tous les théoriciens de la pédagogie. Mais c’est un but qui peut être facilement simplifié à l’excès et transformé en slogans. Dans la tradition progressiste qui domine actuellement nos écoles, la « pensée critique » en set venue à laisser entendre que c’est un contrepoison à l’enseignement de « simples faits », dans laquelle, selon la caricature dominante, des élèves moutonniers absorbent passivement des faits à partir de manuels ou de cours. La pensée critique, par contraste, est associée à l’apprentissage actif, par la découverte et à la tournure d’esprit autonome et indépendante qui est désirable pour les citoyens d’une démocratie. Conçue dans cette tradition progressiste, la pensée critique appartient à la conception utilitaire et formaliste de l’éducation qui suppose qu’une habitude critique de pensée, couplée à une capacité à trouver en lisant l’idée principale et à une capacité à chercher les choses, est le principal composant des capacités de pensée critique. Cette conception utilitaire est pourtant un modèle incorrect de la pensée critique dans le monde réel. L’indépendance d’esprit est toujours basée sur un savoir pertinent : on ne peut pas penser de manière critique à moins d’avoir beaucoup de savoir pertinent concernant le problème abordé. Penser de manière critique ce n’est pas simplement donner son opinion. Opposer « pensée critique » et « simples faits » est une profonde erreur empirique. De la même façon le sens commun et la psychologie cognitive sont en faveur de la vision de Jefferson comme quoi la pensée critique dépend toujours d’un savoir factuel.

Compétences métacognitives. Expression qui comme « constructivisme » a un sens technique légitime mais un sens non technique illégitime. L’application illégitime du terme au sens le plus large le terme est assimilé avec « capacités d’accès », « compétences de pensée critique » et « capacités à résoudre des problèmes » et à d’autres expressions de la conception anti-savoir de l’enseignement. Le sens technique, plus étroit, a une application utile. Techniquement dans la littérature scientifique « métacognition » veut dire qu’on est conscient de ses propres procédures quand on accomplit des activités spécialisées (meta signifie après ou au-delà en grec). Par exemple, en résolvant des problèmes de maths, un mathématicien aguerri pourrait penser : « D’abord, je vais estimer la fourchette dans laquelle la bonne réponse va tomber pour pouvoir être plus sûr que je vais dans le bon sens et que je n’ai commis pas une erreur technique. » Ou bien un bon lecteur pourrait penser en silence : « Je me demande quel est vraiment le sentiment principal que ce texte essaie de traduire. Sachant que cela m’aidera à entrer dans les passages individuels que je suis en train lire. » Un tel contrôle par soi-même de ses propres activités est caractéristique de la performance de l’expert. Les enfants qui ont appris comment établir et à atteindre de tels buts d’étude par eux-mêmes (par ex. comment parcourir un texte pour en trouver le sens principal, comment décider de ce qui est plus ou moins important dans un sujet en rapport avec leurs propres buts d’études) sont des élèves qui sont plus capables de travailler de manière indépendante. De telles compétences d’étude devraient être clairement encouragées là où cela peut être fait efficacement sans déplacer ou distraire d’un savoir disciplinaire solide. L’enseignement d’un tel contrôle conscient peut accélérer l’apprentissage de la lecture et des compétences à résoudre des problèmes. Mais étant donné que les compétences de l’expert sont aussi dépendantes d’un domaine de savoir spécifique, l’enseignement de la métacognition au sens étroit est reconnue pour une aide utile mais non suffisante pour apprendre une compétence.

Compétition. Mot négatif dans la tradition progressiste. La doctrine scolaire progressiste déconseille les tests notés parce que donner des notes hautes ou basses détruit l’esprit de coopération et d’égalitarisme et aussi que cela entraîne les élèves à travailler de manière non productive pour les notes plutôt que pour l’amour d’apprendre. Il est certainement vrai que si on met trop l’accent sur le classement et qu’on identifie trop la valeur intrinsèque avec les notes scolaires est à la fois gênant et inhumain. Mais l’esprit de compétition n’a pas été éliminé dans les écoles progressistes qui ont tenté de l’abolir, et ce qui est même plus important du point de vue pédagogique, l’effort et l’apprentissage ont décliné chaque fois que les notes et les tests ont été abolis. La nature humaine a prouvé qu’elle est robuste. Les psychologues de l’évolution ont affirmé que tous les êtres humains conservaient un résidu d’esprit de compétition. Bien sûr, ces instincts primaires devraient être modérés et civilisés. Mais il a été démontré que l’usage de notes et de tests bien conçus pendant l’étude d’un sujet démontrent qu’ils améliorent l’apprentissage. Ceci suggère que, au lieu d’essayer sans résultat d’abolir la compétition en tant qu’élément de la nature humaine, nous devrions essayer de la guider vers des directions productives pour la pédagogie.

Constructivisme. Terme de psychologie utilisé par des spécialistes de l’éducation pour favoriser la pratique de « l’apprentissage à son propre rythme » et « l’apprentissage par la découverte ». Le terme implique que seul le savoir construit (le savoir que l’on trouve par soi-même) est vraiment intégré et compris. Il est certainement vrai qu’on se souvient très probablement d’un tel savoir et qu’on le comprend mais il n’est pas vrai, comme les constructivistes le suggèrent, que seul un tel savoir découvert par soi-même sera compris et retenu de manière fiable. Cette affirmation incorrecte joue sur l’ambigüité entre les usages techniques et non techniques du terme « construit » dans la littérature psychologique. Beaucoup de lecteurs peuvent ne pas être intéressés par les détails techniques mais ceux qui le sont peuvent vouloir savoir que cette ambigüité trompeuse est survenue de la façon suivante. Apprendre est étroitement associé à la mémoire étant donné que l’expérience dont on ne se souvient pas ne peut pas être dite « apprise ». Depuis longtemps on sait que la plupart des souvenirs ne sont pas seulement des souvenirs mécaniques mais des constructions bâties sur tout un ensemble d’expériences précédentes pertinentes (on tient compte du caractère construit de la mémoire pour le manque de fiabilité des témoins oculaires). Un autre exemple du caractère construit du savoir est la compréhension de la langue. Le sens de ce que nous lisons ou entendons n’est pas directement transféré d’une personne à une autre mais est construit par l’auditeur, parfois de façon incorrecte. Comme la mémoire et le sens linguistique constituent une grande part de l’apprentissage scolaire ces deux seuls exemples rendent plausible que l’apprentissage scolaire est construit. L’extension erronée du mot à une méthode pédagogique vient de l’ambigüité entre l’idée que le sens des mots et des souvenirs est construit et l’idée que la seule manière d’apprendre correctement les choses est de les construire ou de les découvrir par soi-même plutôt qu’on vous les dise. Mais étant donné que quand on vous dit les choses c’est aussi un processus constructif, non passif, la prétention quasi-scientifique selon laquelle le constructivisme plaiderait pour l’apprentissage par la découverte est complètement infondée. En fait, l’expérience a montré que l’apprentissage par la découverte est la méthode pédagogique la moins efficace dans la panoplie de l’enseignant. Le « constructivisme » est un bon exemple de la façon dont des termes techniques sont parfois utilisés pour donner aux idées progressistes une fallacieuse autorité pseudo-scientifique. Par exemple, certains pédagogistes font le distinguo entre le constructivisme « endogène » et le constructivisme « exogène ». Le « constructivisme endogène » est une expression mystifiante pour désigner l’apprentissage qui est auto-induit par l’élève ; le « constructivisme exogène » par contre désigne l’apprentissage qui est induit de l’extérieur, d’habitude par l’enseignant. Mais notez que derrière la rhétorique pesante se trouve l’aveu tacite qu’à la fois l’apprentissage par la découverte et l’apprentissage guidé sont construits. Cela veut finalement dire que le terme « constructivisme » n’apporte que peu ou pas de lumière.

Différences individuelles. Termes qui reflètent l’admirable désir de combiner l’enseignement de masse avec le respect de la diversité et de l’individualité. Un des premiers usages importants de cette expression a été dans un manifeste de pédagogie les Cardinal Principles de 1918. Les différences individuelles dont il est question étaient principalement des différences de préparation et de compétence scolaires et l’accommodation de ces différences prit la forme des classes de niveau. Actuellement, une utilisation plus égalitariste du terme implique que les enfants diffèrent par le tempérament, la personnalité et le genre de talents qu’ils ont et par le fait qu’ils avancent « à leur propre rythme », parfois dans des classes d’âges multiples et sont encouragés à développer leurs talents particuliers. Toutefois, comme l’enseignement de masse ne peut être organisé en tutorats individuels, le résultat pratique de la terminologie égalitariste a été de facto les classes de niveau. Trop souvent, les termes « différences individuelles » peuvent devenir une rationalisation à attendre et à exiger moins des enfants pour lesquels nous avons besoin de fournir plus de soutien – des élèves fondamentalement capables issus de foyers défavorisés.

Écoles sur le modèle de l’usine. Expression péjorative utilisée par les progressistes pour décrire le type de système scolaire créé pour recevoir un nombre toujours plus grand d’élèves au début du XXe siècle. Le nouveau système scolaire de masse est dépeint comme une bureaucratie hiérarchique surmontée d’un surintendant ou d’un contremaître d’usine dont le travail est de s’assurer que toutes les écoles dans la chaîne de fabrication marchent en cadence. Dans la classe, l’école sur le modèle de l’usine est aussi dépeinte comme imposant l’uniformité aux élèves. Elles sont décrites avec des enfants assis en rangs, écoutant passivement pendant qu’un enseignant autoritaire les endoctrine dans ce que le système veut qu’ils pensent. Pour beaucoup de progressistes la plus grande objection aux écoles sur le modèle de l’usine est leur association avec l’enseignement « traditionnel », c’est-à-dire avec les cours, le maître-patron autoritaire, les tables en rang et la passivité des élèves aussi bien qu’avec la mémorisation par cœur, la « régurgitation » de faits et le manque de joie et de pensée indépendante. Avec une telle image comme la seule solution disponible, il aurait été dur de ne pas préférer l’image joyeuse de la classe naturaliste dépeinte par les progressistes. Les deux images sont des mythes. La réalité historique est plus déroutante. Au début du XXe siècle, les systèmes scolaires durent s’agrandir pour recevoir un énorme accroissement de la population allant à l’école. Le mouvement progressiste lui-même présida la création de systèmes scolaires élargis dans les années 1920-1930, même quand il promouvait des réformes pédagogiques progressistes ; par exemple, les auteurs des Cardinal Principles (1918), le projet des nouvelles écoles sur le modèle de l’usine, adhéraient globalement aux thèmes progressistes tels que les « différences individuelles ». Aucune nation industrielle moderne n’a été capable d’éviter certains éléments du « modèle de l’usine » dans ses efforts pour simplement éduquer de toujours plus forts pourcentages de la population. Ce qui est vraiment en jeu dans l’usage polémique du terme est l’association du modèle de l’usine avec la pédagogie « traditionnelle », comme si les deux étaient liés de manière indissoluble. Au contraire, dans un système scolaire hiérarchique sur le modèle de l’usine, il est possible d’avoir des classes non traditionnelles, de style progressiste. C’est précisément l’arrangement que nous avons aujourd’hui aux États-Unis. Les idées progressistes dominent la hiérarchie du système. Ce qui rend notre système actuel inefficace est l’inefficacité de ces idées. Le meilleur espoir d’améliorer notre « système de l’usine » dans lequel sont englués d’une certaine manière tous les pays modernes, est de procurer un enseignement plus cohérent et plus concentré, en ayant pour but d’atteindre des buts plus spécifiques et cohérents.

Écoute passive. Expression des progressistes pour caricaturer l’enseignement « traditionnel », qui voudrait que les enfants soient assis silencieusement à leurs tables dans des « écoles sur le modèle de l’usine », écoutant passivement ce que le maître a à dire, mémorisant ensuite purement des faits par cœur et régurgitant finalement les faits mot pour mot. Si cette image caractérisait vraiment l’enseignement en classe entière, les progressistes auraient raison de la rejeter. Mais l’observation de « l’instruction à la classe entière » (v. cette entrée) au États-Unis et ailleurs fournit une image très différente, bien loin d’être passive, de ce que les enfants font et apprennent vraiment dans l’enseignement en classe entière. La caricature est un autre exemple de la manière dont un point de vue valide est poussé trop loin à travers des slogans simplistes, entraînant les enseignants à se polariser et à rejeter des pratiques raisonnables. Ce qui est insinué est que l’instruction en classe entière ferait de l’enseignant un patron au lieu d’un moniteur amical, conduirait l’élève à devenir docile et à être incapable de penser par lui-même. Les progressistes prétendent que cette docilité est justement ce que les traditionalistes veulent obtenir, alors que les méthodes progressistes produiront des élèves actifs à l’esprit indépendant qui penseront par eux-mêmes. Dans la mesure où des méthodes plus « actives » comme l’apprentissage par la découverte donnent aux enfants un savoir moins factuel sur lequel baser des jugements indépendants, la prétention à produire des gens à l’esprit ouvert semble douteuse.

Enseignement basé sur les résultats. Formule au sens incertain qui devint dans les années 1990 une cause symbolique de guerre verbale entre les gens de gauche et les conservateurs. On comprend mieux en examinant l’histoire. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, alors que le mécontentement du public se manifestait à propos des scores des élèves aux tests de lecture et de maths, certains éducateurs professionnels proposèrent que les écoles fassent moins attention aux méthodes pédagogiques comme l’apprentissage par la découverte, et davantage aux résultats. Ils appelèrent cette idée « enseignement basé sur les résultats. » Leur but était de corréler les méthodes d’enseignement plus étroitement avec les résultats. L’étiquette est restée mais l’idée derrière a subtilement changé dans les années 1990, quand des commissions d’enseignants et d’administrateurs se réunirent pour définir quels résultats devaient être atteints. À cause de l’antipathie générale dans la communauté éducative envers l’accent mis sur les faits, les matières et le contenu, les résultats choisis par ces comités ne tendirent pas à mettre tellement l’accent sur le savoir mais plutôt sur diverses métaphores utilitaires de l’éducation et de la vertu, sous la forme d’attitudes démocratiques et d’émotions. Cela inclut le respect pour tous les gens, y compris les personnes de races, de religions et d’orientations sexuelles variées. Ce fut cette dernière idée, ainsi que d’autres notions socialement de gauche qui ont agité le drapeau rouge pour les conservateurs. Alors la bataille commença, les termes « enseignement basé sur les résultats » étant vus comme une conspiration de gauche. Cela peut être vu aussi comme la transformation d’une idée raisonnable en une idée vague et peu réaliste à cause de l’antipathie des progressistes envers le savoir disciplinaire.

Élève au centre. Autre expression pour « enseignement centré sur l’enfant » sauf que le mot « élève » est substitué à « enfant » pour importer le principe au collège et au lycée. Elle exprime l’idée qu’il est plus humain de se concentrer sur le bien-être de l’enfant que sur le « pur apprentissage scolaire. Mais les écoles ne sont pas organisées et leur personnel n’est pas formé pour assurer le bien-être psychologique et spirituel des élèves, bien que de bons enseignants inspirent par leur exemple. Les écoles sont d’abord organisées et instituées pour enseigner des matières et des méthodes, et que leur premier devoir est de le faire aussi efficacement que possible.

Enseignement centré sur l’enfant. Parfois aussi formulé « éducation centrée sur l’élève » pour y inclure les classes de lycée. Cette expression est l’autodescription de l’enseignement progressiste comme dans The Child-Centered School de Rugg (1928). Cette idée est incarnée par l’injonction « enseigner à l’enfant et non pas enseigner la matière ». L’opposition entre l’enseignement centré sur l’enfant et celui centré sur les disciplines implique que l’enseignement qui se concentre sur la discipline tend à ignorer les sentiments, les intérêts et l’individualité de l’enfant. Les progressistes décrivent l’instruction centrée sur les matières comme consistant en cours, en écoute passive, en exercices machinaux et en apprentissage par cœur. Et c’est dirigé vers des problèmes purement scolaires qui n’ont aucun intérêt intrinsèque pour les enfants. L’opposition entre les matières et l’enfant implique que se concentrer sur les matières équivaut à faire une école inhumaine et inefficace. Cette image est une pure caricature. L’observation a monté qu’au contraire les enfants sont plus intéressés par un bon enseignement disciplinaire que par une classe orientée par l’affectif et centrée sur l’enfant. La position antidisciplinaire est par essence anti-intellectuelle. La dichotomie entre les matières et l’enfant a eu trop souvent pour résultat l’échec à enseigner aux enfants les matières et les compétences dont ils avaient besoin. Un tel échec ne peut pas, sous aucune acceptation être décrit comme « centré sur l’enfant ».
Enseignement en classe entière. Une description neutre qui a des connotations négatives dans la tradition progressiste puisqu’on comprend qu’elle suggère un enseignement sur le modèle de l’usine. On la caricature avec un enseignant autoritaire bourdonnant au dessus de la classe ou par des élèves passifs, qui s’ennuient, à peine conscients et s’affalant sur leurs chaises, ou bien par des élèves intimidés, craintifs, assis raides sur leur chaise et ne désirant que répéter les mots du professeur comme des perroquets. Ce ne sont pas des descriptions exactes de l’enseignement efficace en classe entière. Celui-ci est à prédominance interactive avec beaucoup d’échanges entre enseignant et élèves ; il fait un usage fréquent des performances de l’élève et des commentaires de l’élève sur ses performances ; il implique un contrôle informel et cohérent de ce que l’élève a compris ; il engage tous les élèves en dramatisant l’apprentissage de façons variées. Un accord écrasant venant de rapports d’études des résultats du processus montre qu’un usage prédominant de l’enseignement à la classe entière constitue l’organisation la plus efficace de l’enseignement. Essayer de mettre de côté l’enseignement en classe entière et essayer de fournir une sorte de tutorat individuel dans des classes de vingt à trente élèves a pour conséquence une négligence de l’individu. On a démontré également qu’un mode interactif de transactions avec la classe entière est l’approche la plus vivante et la plus efficace pour enseigner et qu’il est utile de varier le mélange avec une certaine dose d’entraînement individuel, d’apprentissage coopératif et de devoirs sur table. Toutes ces autres approches devraient être employées dans le contexte de la classe entière dans le but d’arriver à des résultats meilleurs et plus justes.

Enseignement individualisé. Un des idéaux de l’éducation qui reconnaît les différences individuelles dans le talent, l’intérêt et la préparation. Il est universellement reconnu que le tutorat individuel est la forme la plus efficace d’enseignement connue. Cette instruction n’est pas possible toutefois dans les écoles publiques où le rapport élève-maître est de vingt pour un. Pour cette raison une tentative de fournir dans les écoles publiques une instruction individuelle à certains élèves a souvent pour résultat une négligence individuelle pour les autres, sous la forme d’un travail silencieux à leurs tables. Dans la plupart des écoles, les meilleurs résultats pour la plupart des élèves individuellement sont acquis non par le tutorat un par un mais par une utilisation prédominante de l’instruction en classe entière dans laquelle tous les élèves participent. Cette pédagogie interactive en classe entière est ensuite complétée par de l’apprentissage coopératif en petits groupes, par du travail individuel modéré et par des conseils individuels.

Enseigner à l’enfant tel qu’il est. Troisième des trois phrases originelles centrées sur l’enfant du progressisme : « enseignement centré sur l’enfant », « enseigner à l’enfant et non enseigner la matière » et « enseigner à l’enfant tel qu’il est ». Ces trois phases enjoignent les écoles à prendre dans l’enseignement une position plus humaine, moins orientée vers les disciplines. C’est vrai que la responsabilité de l’école s’étend au-delà des compétences purement scolaires. Peu de gens pourraient être contre l’espoir qu’en plus de fournir une formation dans les compétences scolaires, les écoles devraient nourrir le bien-être physique et émotionnel des enfants, aussi bien qu’améliorer la vertu personnelle et civique. Les progressistes, toutefois, n’enseignaient pas explicitement ces différentes sphères de l’éducation mais prétendaient que le développement de l’enfant dans son entier se produirait automatiquement grâce à l’instruction holistique dans laquelle les enfants devaient travailler de manière coopérative dans des simulations de la vie réelle. Dans leur foi romantique ils avaient tort. Il était compréhensible que dans les années 1930-1930, les Américains pussent entretenir de tels espoirs naturalistes et providentiels. Si nous voulons inculquer les vertus civiques et personnelles, on a besoin que cela soit également l’objet d’une instruction guidée, quoiqu’indirecte et subtile et contrôlée de sa compréhension. La théorie de l’apprentissage holistique automatique s’est révélée incorrecte.

Enseigner à l’enfant et non enseigner la matière. L’interprétation bénigne et raisonnable de ce fameux cri de guerre du progressisme signifie qu’on devrait s’occuper du bien-être moral, émotionnel et spirituel de l’enfant en même temps qu’on lui procure un excellent bagage en lecture, écriture et arithmétique. Seule une personne sans cœur ne serait pas d’accord avec ce but. Cependant, du point de vue historique, la tradition progressiste a continué d’attaquer l’enseignement discipliné de la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique en faveur des méthodes « holistiques » qui sont supposées motiver et éduquer l’enfant dans son entier. Les progressistes ont aussi continué à dénigrer l’apprentissage purement scolaire. Il n’est pas surprenant que le dénigrement de la « matière » ait eu pour résultat une diminution de la compétence des élèves dans les matières scolaires.

Enseigner la compréhension, le sens. Phrase qui fait contraste avec l’enseignement de « simples faits ». Elle est associée au slogan « moins c’est plus » qui implique que la profondeur est préférable à l’ampleur dans l’éducation sous prétexte que la profondeur conduit à la compréhension alors que l’ampleur mène à la superficialité et à la fragmentation. Peu de gens seraient contre le but d’enseigner pour faire comprendre. L’expression a clairement besoin d’interprétations différentes dans les niveaux différents. Prenez l’alphabet. Un enfant en maternelle devrait comprendre le principe que les lettres de l’alphabet représentent des sons. Plus tard, les élèves devraient comprendre certaines particularités de l’orthographe et les différences entre voyelles et consonnes. Encore plus tard, les élèves devraient arriver à comprendre le caractère unique du système alphabétique d’écriture par contraste avec les divers autres modes.

Estime de soi (amour propre). Terme dénotant un but psychologique de l’éducation largement accepté. Il y a un consensus dans la littérature psychologique selon lequel un sentiment positif de soi-même est d’une grande valeur pour la réussite, le bonheur et la civilité envers les autres. Tandis qu’un sentiment négatif mène à l’échec, au mécontentement et à l’amertume sociale. La question critique pour la politique scolaire et l’enseignement est jusqu’où, en moyenne, l’amour propre peut être induit par un renforcement positif de la part de l’enseignant. Il y a un accord sur le fait qu’un certain degré de renforcement positif est nécessaire et que les enseignants devraient être gentils et encourager tous les élèves. Mais il y a un accord grandissant parmi les psychologues qui dit que le renforcement verbal n’est pas suffisant et peut être en fait contre-productif si l’enfant n’est pas convaincu. Il y a de fortes preuves dans la littérature dominante selon lesquelles les éloges en l’absence de réussite n’améliorent pas la réussite. L’amélioration la plus efficace de l’amour propre, selon à la fois littérature psychologique et le traitement des résultats, se produit avec l’évaluation précise et prosaïque du travail de l’élève, en même temps qu’avec des encouragements réalistes à l’effort ainsi qu’avec une réussite réelle.

Évaluation authentique. Terme élogieux pour « évaluation de la performance » dans laquelle les élèves reçoivent des notes pour leurs performances sur des tâches réalistes comme écrire une lettre, produire une pièce et résoudre un problème de mathématiques du » monde réel ». De telles performances sont aussi qualifiées d’ »expositions ». La tradition progressiste a longtemps recommandé d’enseigner et de tester au moyen de projets « réalistes » au lieu de le faire au moyen de disciplines séparées et a longtemps rejeté les testes qui examinent des faits et des compétences isolés. On prétend que les évaluations de performances réalistes ont de nombreux avantages sur les QCM car elles incluent le fait d’être plus instructives, plus motivantes et sont plus justes pour les élèves des minorités et ceux qui sont non verbaux. Ces prétentions sont souvent plausibles, en particulier quand les tests sont utilisés comme procédés d’enseignement et de contrôle dans le cadre de la classe ; par exemple dans un cours sur l’écriture, il est clairement préférable d’utiliser des exercices d’écriture comme tests plutôt que d’utiliser des QCM. Toutefois les tests de performance ne sont qu’un des nombreux procédés de contrôle dans l’enseignement en classe et on a démontré qu’ils sont irrévocablement subjectifs et arbitraires dans leur notation. Ils ne sont pas appropriés pour des tests à grand échelle et à gros enjeux parce que personne n’a été capable, même en théorie, de faire de tels tests justes et précis à un coût raisonnable en argent et en temps. Pour servir des buts démocratiques, les éducateurs américains ont été à l’avant-garde pour créer des QCM justes et précis qui évaluent une grande variété de savoirs et de compétences. Le consensus parmi les psychomotriciens est que ces tests objectifs (QCM), bien plus que les tests de performance, sont les plus justes et les plus précis des tests de réussite possibles. Les tests de performance, bien qu’importants en tant qu’outils pour un usage en classe, ne devraient pas jouer un rôle décisif dans les tests à gros enjeux où l’impartialité et la précision sont d’une importance capitale.
11
Évaluation basée sur la performance. Terme originellement utilisé par les spécialistes dans la littérature psychométrique pour ce qu’on nomme de manière diverse « évaluation authentique », « expositions » et « évaluation de portfolio ». C’est une forme d’évaluation dans laquelle l’élève est noté pour une production unifiée similaire qu’on lui demanderait de produire dans le monde réel en dehors de la classe. Par exemple, on demanderait à un pianiste de jouer une pièce, un écrivain devrait produire un essai, un élève de mathématiques devait résoudre un problème de maths réaliste. Un avantage de l’évaluation basée sur la performance est qu’elle exige des élèves d’intégrer les sous-apprentissages qui font une compétence. Cela encourage à la fois les enseignants et leurs élèves à insister sur une telle intégration au cours de l’enseignement et de l’apprentissage. Un autre avantage mis en avant est d’améliorer la motivation de l’élève étant donné que de tels modes d’évaluation réalistes illustrent les utilisations pratiques sans lesquels de tels apprentissages entrent. Les critiques faites de l’évaluation de la performance par les psychomotriciens incluent l’observation que les « performances » dans un contexte scolaire ne reproduisent pas la performance dans le monde réel et ne les prédisent pas de manière prévisible. La critique la plus importante est que, quand ils ont utilisés pour des tests à gros enjeux, les tests de performance sont beaucoup moins justes et faibles que des tests objectifs et bien construits. Les meilleurs usages des tests de performance sont les tests « formatifs » à moins gros enjeux qui aident à servir les buts de l’enseignement et de l’apprentissage dans le contexte d’un simple cours.

Évaluation par portfolio. Termes synonymes d’évaluation basée sur la performance. Dans cette évaluation, les élèves conservent dans un portfolio tout ou partie de leurs productions durant le trimestre ou l’année. À la fin de la période, les élèves sont notés pour la totalité de leur production. C’est un procédé qui est utilisé depuis longtemps pour l’enseignement de l’écriture et de la peinture. Mais là s’arrête son utilité. On a prouvé que c’était virtuellement inutile pour des tests à grande échelle et à gros enjeux. (v. compétition, productions et évaluation basée sur la performance).

Exercice tue (l’). Formule péjorative utilisée pour diminuer l’importance des exercices et de la pratique pour enseigner des compétences à des enfants.
Comme le l’expression « par cœur », c’est une bonne illustration du ton agressif d’une certaine rhétorique progressiste. Cette phrase implique que l’exercice et la pratique tuent l’intérêt et la joie que les enfants ont dans l’apprentissage. En même temps, cela implique que les apprentissages dont on a besoin seront acquis automatiquement dans le cours ordinaire de la scolarité grâce à l’utilisation de pédagogie naturalistes comme « l’apprentissage par la découverte », « l’apprentissage thématique » et la « méthode du projet » (v. ces termes). Les bases factuelles pour de telles affirmations n’existent pas et sont invariablement contredites par les attitudes que les écoles prennent concernant la pédagogie quand elle a trait au sport. Des chercheurs renommés ont ressenti le besoin de déclarer :
« Le développement d’un savoir et de méthodes de base jusqu’à en arriver à une performance automatique et sans erreur nécessitera beaucoup d’exercices et d’entraînement. Ainsi les activités d’exercices et d’entraînement ne devraient pas être sous-estimées comme étant de « bas niveau ». Il apparaît qu’elles sont aussi essentielles à la performance intellectuelle complexe et créative qu’elles le sont à la performance d’un violoniste virtuose. »
Cette vue est fortement appuyée par les psychologues cognitifs et les neuropsychologues, qui ont montré que de nombreuses capacités requièrent une expérience répétée et une « pratique étendue » pour être apprises. Il est vrai qu’une telle pratique devrait être rendue aussi intéressante, aussi variée et aussi motivée que possible grâce à l’art du maître. Mais l’hypothèse selon laquelle on pourrait éviter avec succès la pratique ou bien qu’elle pourrait être garantie en étant incorporée dans des thèmes ou des projets naturalistes, a été discréditée.

Faits inférieurs à la compréhension. L’opposition exprimée ici et dans des phrases similaires, entre les faits et la compréhension est caractéristique du progressisme. Il est vrai que des faits isolés ont moins de valeur que des faits dont les relations ont été comprises. Mais ces relations sont aussi des faits (s’il arrive qu’elles soient vraies) et leur existence dépend aussi entièrement d’un savoir de faits subordonnés qui ont été mis en relation. Étant donné que la compréhension dépend des faits, il est simplement contradictoire de louer la compréhension et de dénigrer les faits.

Faits vite dépassés. Exprimée de façons diverses, il s’agit d’une des propositions anti-faits les plus fréquemment énoncées dans la communauté scolaire américaine. Ayant été tellement souvent répétée, elle en a acquis un statut axiomatique. Son tout premier créateur peut bien ne pas en être William Heard Kilpatrick, mais dans les années 1920 il était certainement celui qui a principalement promulgué et popularisé la doctrine. Il a enseigné et envouté potentiellement quelque trente-cinq mille professeurs de pédagogie pendant sa brillante carrière au Teachers College de l’université Columbia. Il en fit le thème central de son livre Education for a Changing Civilization (1926). L’idée les-faits-changent-sans-arrêt tire sa modeste crédibilité de l’observation que l’histoire et la technique changent en effet constamment. Il s’agit d’une excuse utilisée pour éviter l’enseignement direct du savoir. Mais ce truisme semblerait être un bon argument pour enseigner les faits centraux (par exemple les éléments de la table périodique) qui ne changent pas rapidement sinon pas du tout, et qui sont utiles pour comprendre et pour se débrouiller avec les changements qui se produisent. Les faits qui perdent vite leur utilité pédagogique devraient en effet être chassés des programmes au profit de ceux qui ont une durée de vie plus longue. Mais un usage méticuleux n’a pas encore été établi du caractère passager du savoir factuel significatif. Les faits sont centraux pour les « compétences d’ordre supérieur » et ainsi ont besoin d’être fortement mis en valeur même (ou spécialement) quand le but de l’enseignement est le développement de la « compréhension » et des « capacités à penser ».

Intelligences multiples. Expression popularisée par l’auteur et psychologue Howard Gardner. Elle est censée remplacer le concept de QI (qui mesure une seule intelligence générale) par une théorie de sept domaines de capacités selon laquelle presque chaque enfant peut être bon dans quelque chose. Les sept domaines d’intelligence sont : linguistique, logico-mathématique, spatial, musical, corporel-kinesthésique, interpersonnel, intrapersonnel. Ni la taxonomie spécifique de Gardner ni son interprétation générale ne sont largement acceptées par la communauté des psychologues. Néanmoins, les spécialistes et les profanes concèdent également à Gardner le point principal de sa théorie selon lequel certaines personnes sont meilleures (plus « intelligentes ») dans certaines activités que dans d’autres. En dépit du fait que les écoles ne soient pas compétentes pour classer et ranger les enfants d’après ces mesures psychologiques hautement spéculatives, le concept est devenu très populaire, probablement parce qu’il s’intègre aux notions déjà populaires de « différences individuelles », de « styles individuels d’apprentissage », « d’apprentissage à son rythme », etc., sans parler de son attrait pour notre espoir bénin que tous les enfants puissent être bon dans quelque chose et qu’ils puissent être heureux de le faire. L’éminent psychologue George A. Miller a dit que les classifications de Gardner sont « presque certainement fausses ». Miller va jusqu’au cœur éducatif de la question quand il observe que même si ces classifications étaient vraies, aucune théorie descriptive des intelligences multiples ne pourrait nous dire quelles politiques et quelles méthodes les écoles devraient suivre. Devraient-elles faire ressortir les forces des élèves, ou combattre leurs faiblesses ou les deux ? La tradition de la common school selon Horace Mann (avec laquelle Gardner serait probablement d’accord) implique que nous devrions encourager à la fois les forces des élèves et surmonter leurs faiblesses, surtout dans ces compétences comme savoir lire, savoir calculer et dans le savoir général qui rend possible leur participation effective à la vie économique, sociale et politique de la nation. Une fois qu’on est d’accord sur ces buts communs, des classifications psychologiques sembleraient avoir peu d’effet au-delà de l’encouragement au respect et à l’égalitarisme – vertus admirables qui ne requièrent pas le soutien de la spéculation psychologique.

La recherche montre. Phrase employée pour précéder et étayer des prétentions pédagogiques. Elle est souvent utilisée sélectivement, même quand la recherche prédominante ou la plus fiable ne le confirme pas, comme dans l’affirmation : « La recherche a montré que les enfants apprennent mieux avec les méthodes de la main à la pâte. » La recherche pédagogique varie énormément en qualité et en fiabilité. Certaines recherches sont peu sures car la taille de leurs échantillons tend à être petite et car un grand nombre de variables significatives (sociales, historiques, culturelles et personnelles) ne peuvent être contrôlées. Si un article décrit une stratégie « qui réussit », telle que construire un village de pionnier avec des bâtons de sucettes au lieu de lire plutôt des choses à propos des pionniers, le succès ne pourra pas être pleinement documenté et l’idée que la méthode marchera pour tous les élèves et toutes les classes est une simple supposition. Il y a de fortes limites éthiques sur le degré jusqu’où les variables de la recherche peuvent ou devraient être contrôlées quand les sujets de la recherche sont des enfants. Beaucoup de constatations de la recherche pédagogique sont hautement contradictoires. La plus grande confiance peut être placée dans les revues de référence dans les disciplines dominantes. (Une revue de référence est une revue dont les articles ont été vérifiés par des scientifiques ou des personnes de référence respectés dans une spécialité donnée). Vient ensuite en degré de fiabilité la recherche qui apparaît dans les plus prestigieuses revues pédagogiques de référence. Très peu de confiance peut être placée dans la recherche publiée dans des revues moins prestigieuses et dans des publications non vérifiées. Le type le plus fiable de recherche pédagogique (comme en médecine) tend à être la « recherche épidémiologique », c’est-à-dire des études sur des effets définitivement observables trouvés dans de grandes populations de sujets sur des périodes de temps considérables. La taille de l’échantillon et la durée de telles études à grande échelle aident à éliminer les influences trompeuses des variables non contrôlées. Un degré supplémentaire de confiance peut être placé dans la recherche pédagogique si elle est cohérente avec des résultats bien acceptés dans des disciplines voisines comme la psychologie et la sociologie. La recherche pédagogique qui contredit de tels résultats de la recherche dominante est à traiter avec un scepticisme tout particulier. Moralité : ce qui est imprimé ne confère pas une autorité fiable à une prétention pédagogique. Dans le doute, demandez des références spécifiques et vérifiez-les. Beaucoup de prétentions s’évaporent sous un examen minutieux.

Méthode du projet. Expression utilisée pour décrire la forme naturaliste d’enseignement imaginée par W. H. Kilpatrick au début du mouvement d’éducation progressiste en 1918. Son article « La méthode du projet » (1918) a été l’article sur l’enseignement américain le plus distribué jusqu’à aujourd’hui. Dans la méthode du projet, faire classe dans une discipline fut abandonné en faveur de projets « holistiques » inspirés de la vie qui permettraient aux élèves de gagner les compétences dont ils ont besoin pour la vie en travaillant en coopération avec leurs camarades. Cette méthode se présentait comme une opposition à l’enseignement traditionnel en disciplines. Elle abolissait le format cours, récitation, tests, notes et exercices. La méthode était basée sur une foi romantique dans la supériorité d’une approche naturelle de l’apprentissage sur une approche artificielle. Elle prétendait de manière erronée être aussi basée sur les dernières découvertes en psychologie. Par la suite les observateurs découvrirent que la méthode du projet était la moins efficace des méthodes pédagogiques utilisées dans l’enseignement américain. La méthode devint de plus en plus critiquée et les termes « méthode du projet » tombèrent en défaveur. Mais la terminologie a changé au fil des ans et la pratique elle-même demeura sous différentes formes et différents noms tels que « apprentissage par la découverte », « la main à la pâte », « apprentissage holistique », « apprendre en faisant » et « apprentissage thématique. »

Méthode globale. Expression caractérisant une approche de l’enseignement de la lecture qui met l’accent sur la joie de la bonne littérature et qui évite l’enseignement des sons et des lettres sous forme d’exercices. En théorie, la méthode est supposée motiver les enfants en faisant ressortir l’intérêt et le plaisir des livres et en encourageant les élèves à apprendre à lire de façon holistique, de la même manière qu’ils ont appris leur langue maternelle - comme un « jeu de devinettes psycholinguistique ». Certains enfants apprennent à lire avec cette méthode mais beaucoup n’y arrivent pas. La méthode globale, comme l’enseignement par objectifs, s’est développée et s’est répandue bien au-delà de son sens initial limité pour devenir une philosophie de la vie et de l’enseignement, rendue confuse par des associations pseudo politiques. Le terme est devenu si vague et est tellement teinté de sous-entendus non pédagogiques qu’on pourrait probablement en laisser tomber complètement l’usage. Après une expérience à grande échelle avec des résultats insatisfaisants, spécialement en Californie, certains anciens partisans de la globale préconisent aujourd’hui une approche « mixte » dans laquelle certaines correspondances lettre-mot sont enseignées explicitement. Aucun spécialiste de la lecture ne plaide actuellement pour une approche négligeant l’approche phonique et la prise de conscience phonémique. Beaucoup d’experts croient qu’avec un enseignement approprié presque tous les enfants savent lire à la fin du CP ou au CE 1.

Moins c’est plus. Ici cette expression veut dire que la profondeur est plus importante que l’ampleur dans un enseignement. Dans certaines circonstances, l’idée est certainement vraie mais le caractère accrocheur de cette formule paradoxale ne devrait pas permettre de masquer le caractère douteux de l’idée en tant que proposition générale qui peut de manière fiable guider l’enseignement ou les programmes à différents niveaux de l’école. La devise est généralement valide dans un aspect limité : la sélection du savoir est importante à tous les niveaux. Mais l’équilibre entre profondeur et ampleur dans l’enseignement est un problème épineux qui n’est pas réductible à un simple slogan, en particulier c’est un de ceux qui a trop souvent encouragé à la fois les enseignants et les élèves à négliger leur travail. Si moins c’est plus, alors passer sur un sujet pourrait sembler être une vertu - attitude qui n’est à la fois ni étrangère à la tradition progressiste ni aux nombreux enseignants qui ont été influencés par elle. En général, contrairement au slogan, l’ampleur est préférable à la profondeur au début de l’école où l’enfant devrait être exposé à une grande variété des divers domaines de savoir et de l’expérience afin que ces nouveaux apprentissages puissent être facilement intégrés dans son réseau de sens et de croyances. Quand ils arrivent au lycée et à l’université, quand un étudiant a déjà acquis un assez large bagage pour rendre possible un apprentissage futur dans beaucoup de domaines, on devrait l’encourager à se concentrer plus étroitement et à fouiller plus profondément. Dans la plupart des cas, l’équilibre entre profondeur et ampleur est sujet à un jugement complexe qui prend en compte les disciplines, l’objectif et la période de la scolarité.

Productions. Encore un terme qui se réfère à « l’évaluation basée sur les performances ». À la fin d’une période d’étude, on demande aux élèves d’exposer leurs réalisations en composant un portfolio, en exposant un projet, en faisant la démonstration d’une compétence ou quelque combinaison des précédentes. Les productions sont des procédés intéressants, bien que subjectifs, pour motiver les élèves au niveau de la classe. Dans la classe, l’impartialité et la précision dans la notation de l’effort de chaque élève, bien que toujours recherchées, peuvent parfois être des valeurs moins importantes qu’un apprentissage et qu’un enseignement efficaces. Ainsi les productions ne devraient pas être désavouées simplement à cause du fait qu’on a démontré que leur notation est arbitraire et inconstante. Les productions ne peuvent être toutefois utilisées pour des tests à grande échelle, comportant de grands enjeux au-delà du cadre d’une seule école ou d’une classe sans sacrifier l’économie, la précision et l’impartialité.

Programme culturellement biaisé. Termes courants depuis les années 1980 quand l’orientation européenne et masculine des programmes scolaires fut attaquée. Ces attaques eurent du succès et il se produisit un consensus (avec des degrés variés d’enthousiasme et de réticence dans différents milieux) selon lequel les programmes de l’école publique américaine devraient comprendre davantage de choses concernant les contributions des femmes et des groupes ethniques exclus. Aujourd’hui (1995), cette vision en est venue à dominer. L’essor de ce consensus sur les programmes est heureux car la fonction de l’école commune est de permettre à tous les citoyens de maîtriser, en plus de leurs cultures d’origine, une culture basée sur l’école qui leur permette de communiquer et de travailler ensemble dans la sphère publique. Le caractère changeant de cette culture scolaire est un sujet continuel de négociation démocratique. Il est vrai que parce que la distance entre la culture du foyer et celle de l’école est grande pour certains élèves, la maîtrise de la culture scolaire est plus difficile pour eux que pour d’autres élèves. Il est sage de prendre en compte ces conditions culturelles en essayant d’évaluer les capacités et les réussites réelles de tels élèves. (v. aussi « tests biaisés culturellement », « différences individuelles » et « capital intellectuel »).

Promesses de la technique. Cette expression suggère que les ordinateurs révolutionneront et transformeront l’école. La prudence est recommandée. On a besoin d’explication sur le fait que les scores des élèves n’ont pas monté de façon significative dans les écoles qui ont bien équipées en ordinateurs. Beaucoup de raisons de cette déception ont été proposées : les enseignants n’ont pas appris à utiliser ces instruments ; de bons logiciels sont lents à venir ; l’école n’a pas été entièrement informatisée. Sans aucun doute les ordinateurs pourront améliorer les principes pédagogiques qui ont montré qu’ils marchaient. On craint toutefois que l’enthousiasme pour les ordinateurs soit basé sur une confiance dans les solutions techniques qui n’a pas été bien expliquée en théorie ou bien documentée par l’expérience. Par-dessus tout on craint que l’enthousiasme pour les ordinateurs renforcera et prolongera simplement la conception utilitaire de l’école qui prétend faussement que l’enseignement consiste idéalement à apprendre les outils qui permettront d’apprendre des choses dans l’avenir – et quel meilleur outil pour cet objet pourrait-il y avoir que l’ordinateur ? Mais il n’y a aucune preuve que l’arrivée des ordinateurs ait réduit le besoin pour les élèves d’avoir en tête des habitudes bien établies et un savoir facilement disponible. Tout au contraire, plus on cherche des choses avec un ordinateur, plus on a besoin de comprendre ce qu’on cherche. Il n’y a pas de preuve qu’un esprit bien équipé et bien documenté puisse être remplacé par des « compétences d’accès ».

Simples faits (de). La phrase « mémorisation par cœur de faits isolés » est peut-être la plus vigoureuse dénonciation de l’enseignement traditionnel qu’on puisse trouver dans l’arsenal des progressistes. La phrase décrit une activité qui aggrave une pédagogie mortelle (càd la mémorisation par cœur) par un contenu mortel (càd de simples faits). Dans le progressisme romantique, les faits ont morts mais l’expérience vécue la main à la pâte est vivante. ; les faits sont inertes et déconnectés tandis que le sens est vital et intégré. William Wordsworth, romantique du XIXe siècle, a dit un jour que « nous dépérissons à nous plonger » dans des faits « déconnectés, morts et sans énergie », et il nous encourageait à voir les faits de manière imaginative. Pour ses successeurs américains, de simples faits sont toujours déconnectés, morts et sans énergie. Leur « simplicité » implique leur déconnection et leur artificialité intrinsèques. Aussitôt qu’une « compréhension » réelle se produit toutefois, les simples faits sont transcendés. Il y a quelque vérité à cette conception comme il y en a d’habitude dans les points de vue qu’on a depuis longtemps et largement maintenus. La compréhension veut dire relier des faits ; les faits isolés n’ont pas de sens. Là où l’accusation romantique et progressiste contre les faits tombe à plat c’est dans l’idée exagérée que les faits qui ne sont pas directement et immédiatement reliés à notre propre vie sont intrinsèquement fragmentés et morts. Cette accusation globale n’est autre qu’une distorsion anti verbale et anti-intellectuelle. Les faits sont absolument nécessaires à la compréhension. Que les faits soient morts et fragmentés dépend des enseignants et des élèves, non des faits eux-mêmes dont on a besoin non seulement pour la compréhension mais qui sont parfois immensément vitaux et intéressants en eux-mêmes.

Son propre rythme (à). Concept impliquant que les enfants devraient se développer naturellement plutôt qu’en étant forcé à apprendre trop rapidement ; également appelé « apprentissage à son rythme ». L’idée est la conséquence logique de l’approche individualiste adoptée par le « développementalisme romantique ». Aller à son propre rythme semblerait plus naturel que de suivre celui de quelqu’un d’autre. Au contraire, les données montrent que l’imposition de buts opportuns définis de l’extérieur et de récompenses améliore grandement la réussite. Il est vrai que des enfants différents apprennent à des vitesses différentes à cause de la variété de leurs capacités, de leur niveau d’énergie et de leurs motivations. Certains élèves doués sont paresseux et certains, moins doués sont appliqués ; certains apprennent vite, d’autres avec une lenteur douloureuse. Bien que des enseignants soient en fait capables de juger si la lenteur d’un enfant est due à son manque de préparation sur un sujet, même des psychologues aguerris ne peuvent dire avec autorité à quel point la nature ou la culture prédominent pour déterminer le rythme des enfants lents. Si un enfant doué par nature est lent à cause de handicaps sociaux ou scolaires, est-il raisonnable de dire que son rythme « naturel » est lent ? Les écoles devraient-elles permettre à de tels enfants de chuter encore plus ou bien des efforts de compensation devraient-ils être employés pour les amener au niveau de la classe ? De même les élèves qui apprennent vite devraient-ils être livrés à eux-mêmes ou devraient-ils être stimulés par des tâches qui les poussent plus loin que leur rythme « naturel » ? Un bon exemple des graves problèmes soulevés par le rythme « naturel » est quand on enseigne à lire. Certains enfants n’apprennent jamais à décoder naturellement ; d’autres développent la capacité à lire par eux-mêmes, simplement après qu’on leur a fait la lecture. Toutefois les spécialistes de la lecture ont conclu que presque tous les enfants peuvent être conduits au niveau en lecture, bien qu’un plus grand effort doive être fait pour les enfants qui sont plus lents. Cet effort devait-il leur être refusé d’après le principe naturaliste ? La doctrine du rythme « naturel » a atteint son expression la plus alarmante dans la pratique des groupes d’âges multiples, pratique expérimentale pour laquelle il y a peu de appui empirique et au contraire beaucoup de preuves de son injustice. Dans les petites classes quand personne n’est en position de se prononcer définitivement sur le rythme « naturel » de l’enfant, les systèmes éducatifs les plus efficaces au monde essaient de conduire tous les enfants au niveau sans retenir les élèves les plus rapides. Dans l’ensemble ils réussissent.

Styles d’apprentissage multiple. v.oir « différences individuelles », « styles individuels d’apprentissage » et « intelligences multiples ».

Styles d’apprentissages individuels. Expression faisant référence au fait que des élèves différents n’apprennent pas tous de la même manière. Cette phrase est souvent utilisée pour soutenir un accent mis sur une taille de classe plus petite et sur une attention individuelle envers les élèves et comme terme qui ne porte pas de jugement pour qualifier différents niveaux de compétence scolaire. Les résultats de la recherche sont résolument mitigés. Les affirmations selon lesquelles il y aurait des styles différents parmi les différents groupes ethniques sont discutés dans la littérature. Il semble y avoir une base solide pour l’idée que certains élèves apprennent mieux par des moyens verbaux et visuels que par seulement des moyens verbaux. Les enseignants efficaces ont toujours enseigné avec une diversité d’approches, à la fois pour éviter d’ennuyer les élèves par des répétitions lourdes et dans l’espoir que différentes approches conviendront à différents élèves. Étant donné que le seul système scolaire viable économiquement et juste est celui qui rassemble tous les élèves dans une seule classe la plupart du temps (c’est-à-dire un système qui utilise une grande dose d’enseignement en classe entière), une implication politique des styles d’apprentissage différents est que les enseignants devraient varier leur enseignement en se servant de moyens visuels, d’exemples concrets et d’expériences tactiles aussi bien que de concepts verbaux dans la présentation de ce qui doit être enseigné. L’attrait évident des différents styles d’apprentissage, comme l’attrait des « différences individuelles », ont été utilisés comme dénigrement de l’apprentissage verbal et comme rationalisation pour ne pas avoir atteint de meilleurs résultats avec des élèves défavorisés mais naturellement capables. (v. aussi « styles d’apprentissage multiples », « intelligences multiples »).

Tests biaisés culturellement. Ce terme vient de la revendication selon laquelle le SAT (test des élèves pour entrer à l’université) et d’autres tests standardisés sont biaisés culturellement parce que différents groupes culturels y obtiennent des résultats différents. L’argument en faveur de ceci est basé sur les deux prémisses suivantes qui sont correctes : les capacités innées des différents groupes culturels (comme tous les groupes importants) sont similaires ; les groupes ont été confrontés à une scolarisation similaire. De ces deux prémisses on peut tirer la conclusion que, étant donné que capacités et scolarisation étant similaires et étant donné que les résultats aux tests sont dissimilaires, les tests doivent contenir un biais caché. L’argument est raisonnable mais il n’épuise pas les possibilités logiques ou même les probabilités. Par exemple différents groupes culturels pourraient atteindre différents niveaux de réussite réelle dans les mêmes écoles si la culture de leurs foyers ne les a pas préparés à maîtriser la culture basée sur l’école et les matières qu’on y enseigne. Les différences fans les performances des groupes aux tests soulèvent deux questions distinctes :
1. Les tests eux-mêmes sont-ils biaisés techniquement ? (Sinon tout le monde est d’accord pour qu’on les change).
2. Si les tests ne sont pas biaisés techniquement, quelles décisions politiques devraient-elles être prises à la lumière des performances des différents groupes aux tests ?
Selon l’Association Psychologique Américaine, le biais technique se manifeste par une différence constante entre la façon dont un groupe se comporte à un test et entre la façon il se comporte selon un certain critère du monde réel que le test est censé mesurer. La plupart des tests standardisés sont à l’abri de biais technique en ce sens, ce qui laisse ouverte la question politique concernant ce qu’il faut faire à propos des performances des différents groupes à ces tests. Faire des reproches à des tests non biaisés n’est pas une solution plausible. (v. ; aussi « programmes biaisés culturellement », « différences culturelles » et « capital intellectuel »).

Théorie bancaire de l’enseignement. Phrase rejetant l’idée selon laquelle les adultes transmettent la sagesse aux élèves et nourrissent l’esprit des élèves avec des un savoir important qui sera important pour l’avenir. Un tel savoir, disent les opposants à la théorie bancaire, endoctrine purement les élèves à accepter le statu quo. Ils recommandent que la théorie bancaire soit remplacée par des « compétences de pensée critique » (v. ces mots) qui développeront un esprit indépendant et conduiront à la justice sociale. Cette attaque idéologique de la transmission du savoir n’a pas été prouvée comme étant plus efficace ou plus pratique que d’autres conceptions utilitaires de l’école. Alors que l’attaque contre la théorie bancaire a été privilégiée par certains théoriciens de la gauche, elle n’est pas actuellement acceptée par tous étant donné que cette théorie alternative a échoué à améliorer la condition des élèves défavorisés. Une version positive de la théorie bancaire développée par d’autres sociologies de gauche est appelée « capital intellectuel » (v. ces mots). Dans cette théorie, le savoir fonctionne comme le capital monétaire (idée cohérente avec les découvertes en psychologie cognitive. En résumé, l’attaque contre la théorie bancaire a échoué à la fois empiriquement et idéologiquement (v. aussi « théorie de la transmission).

Théorie de la transmission. Expression péjorative employée par les progressistes et qui impliquerait que l’enseignement traditionnel transmet purement un ordre social établi en perpétuant sa culture, son savoir et ses valeurs. On l’oppose à la conception utilitaire plus « moderne » de l’école, qui a pour but de produire des élèves capables de penser de manière indépendante, de critiquer et d’améliorer l’ordre social établi. Dans les écrits progressistes des années 1920 et 1930, la théorie de la transmission de l’éducation était identifiée à l’Europe décadente et stagnante alors que la conception utilitaire et flexible était identifiée aux États-Unis dynamiques et allant de l’avant. John Dewey, malgré le fait d’être revendiqué par les progressistes comme leur guide intellectuel, affirma explicitement dans Démocratie et Éducation que la théorie de la transmission est à la fois sensée en elle-même et est un principe absolument nécessaire à la civilisation : « La société ne continue pas seulement à exister par la transmission, par la communication mais on peut dire avec justesse qu’elle n’existe que dans la transmission. » Dewey avait certainement raison en énonçant ce point de vue qui coïncide avec le sens commun et avec le point de vue général.

Un seul convient à tous (Taille unique). Expression qui dénigre l’idée de buts communs d’apprentissage pour tous les enfants sans égard pour leurs intérêts et leurs capacités. La phrase suggère implicitement que l’individualisation de l’enseignement autant que possible, vue très défendable, étant donné que l’instruction individuelle par le tutorat est, comme tout le monde le dit, la meilleure forme d’enseignement. Ainsi simplement au motif de l’utilité pédagogique, en dehors d’autres raisons comme la valeur de la diversité, on doit désirer une sensibilité à l’individualité de chaque enfant. Mais comme beaucoup de slogans dans la bataille entre progressistes et traditionalistes, on oblitère la subtilité et la complexité dans la chaleur du combat. Le slogan ne fait aucune concession au besoin pratique de standardisation dans les classes élémentaires qui est requise simplement pour s’assurer que chaque enfant d’une classe est prêt pour faire le pas suivant dans l’apprentissage. D’autre part au lycée, une fois que les bases fondamentales des maths, de la lecture, de l’écriture, de l’art et de la science ont été apprises, c’est vraiment du bon sens, pour le bien de l’enfant aussi bien que de la société, que d’insister sur les intérêts et les capacités individuelles d’un enfant.

Follow on Bloglovin
 

Archives (2011 à 2014)

Vous aimerez peut-être :

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...