15 mars 2012

Culture littéraire commune : Mission impossible

Dans l'état actuel des programmes, il est strictement impossible que les élèves de France et de Navarre acquièrent une culture littéraire commune. (source de l'image : http://static.skynetblogs.be/media/16035/dyn003_original_479_360_pjpeg_10304_5e4884f7f94fad5f312a7d2aa0fe3f3f.jpg)

Voici ce que disent les Instructions officielles pour l’école élémentaire :


« Le programme de littérature vise à donner à chaque élève un répertoire de références appropriées à son âge, puisées dans le patrimoine et dans la littérature de jeunesse d’hier et d’aujourd’hui ; il participe ainsi à la constitution d’une culture littéraire commune. Chaque année, les élèves lisent intégralement des ouvrages relevant de divers genres et appartenant aux classiques de l’enfance et à la bibliographie de littérature de jeunesse que le ministère de l’éducation nationale publie régulièrement. Ces lectures cursives sont conduites avec le souci de développer chez l’élève le plaisir de lire. »

La culture, pour le dire vite, c'est ce qui cultive, que ce soit nouveau ou ancien. On peut dire toutefois que les œuvres qui sont passées au crible de l’oubli ont plus de chance d’être bonnes et belles. Et par le fait même qu’elles sont plus connues, elles méritent aussi d’être plus connues. Il y a plus d’intérêt à connaître Le petit chaperon rouge qu’une œuvre tout à fait de même valeur culturelle, esthétique, etc, mais sensiblement moins connue.

Mais, là n’est pas l’objet de mon propos qui porte plutôt sur le terme de « commun ».

 Le problème, c'est l’expression « culture commune ». Pour moi, et j’espère pour tout le monde, sinon il faut lancer le débat, il est nécessaire que l’école propose d’acquérir une culture commune (de haut niveau) qui sera la plus utile possible pour comprendre le monde et se comprendre les uns les autres. Il est tout de même plus facile de lire le journal (ou chose équivalente : sites d’information, etc.) quand on maîtrise les connaissances culturelles de base censées être connues de tous. Et un des objectifs d’une école primaire dans une démocratie, c’est grosso modo d’être capable de lire le journal pour participer au débat public.
A ce titre, la culture littéraire est un élément important de cette culture générale. Voilà pour la nécessité d’une culture commune qui permettra de comprendre le plus de choses possibles et le plus de gens possibles et de se faire comprendre d’eux.

Mais si on suit à la lettre les IO, on remarque qu’ils sont contradictoires et ne permettent en rien d’acquérir une culture commune.
Ce que je m’en vais montrer tout de suite.
Le raisonnement est long mais il n’est pas compliqué (enfin j’espère). Et si je le poursuivais jusqu’au bout, il serait vingt fois plus long.
Je ne parle que de l’école élémentaire pour raccourcir.
Attention, c’est parti…

Dans l’hypothèse la plus optimiste du point de vue de l’homogénéité des parcours des élèves,
(Un seul parcours de classe possible dans l’école : il n’y a pas deux classes différentes pour faire son cp, son ce1, autrement dit un seul maître(sse) possible tous les élèves chaque année.
Aucun changement d’école en cours d’année ou en cours de scolarité. Exemple : école de 5 classes uniques ou de 2 classes de cycle.), les enfants qui sont dans une telle école auront eu à la fin de leur cm2 l'occasion d'acquérir la même culture, donc une culture commune.

Mais cette culture sera-t-elle commune à celle qu'auront eu l'occasion de recevoir les enfants de l'école d'à côté, qui pourtant n'est séparée de la première que par une rue, école qui elle aussi, dans une hypothèse optimiste, n'a qu'une classe par niveau ?

Donc, même dans l’hypothèse la plus optimiste (on n’a pas deux maîtresses différ. pour le cp, le ce1, etc. ; les élèves ne changent pas d’école au cours de leur scolarité), on voit déjà qu’il n’y a pas de culture commune possible avec un tel programme, tout simplement parce que les professeurs sont libres de choisir les contenus d’enseignement qui leur conviennent du moment qu’ils respectent un intitulé vague et général.

Evidemment, cela se complique encore si l’on a une hypothèse moins pessimiste, et la culture devient de moins en moins commune :

- changement d’école au cours de la scolarité élémentaire : brièvement, l’élève qui change d’école et passe de l’école A à l’école B en CE2 par exemple aura une culture commune avec les élèves de l’école A qui ont fait CP-CE1 mais ensuite puisqu’il change d’école, ce qu’il aura appris en ce2-cm1-cm2 ne sera pas la même chose que ce qu’ont appris ses anciens camarades de l’école A.

- 2 maîtres ou + pour le même niveau : supposons que 2 élèves : Ali et Baba entrent en CP. Lun va en CP 1, l’autre en CP 2. En CP1 c’est Mme contes sur les loups et en CP2 c’est M. Albums sur les insectes. Vous voyez la culture commune ?

Cela pose donc le problème de l’égalité de tous les enfants, surtout si on étend le raisonnement à l’échelle de tout le pays et pour tous les cas particuliers de parcours. Si l’on regarde la culture littéraire étudiée, lue, récitée en classe par tous les élèves de CM2 de France d’une même année de naissance, on aperçoit un véritable patchwork de livres, textes, auteurs, références étudiées. Pour apercevoir ce qu’il y a de commun, il faudra faire des statistiques :
15 % des élèves ont lu L’œil du loup, 90 % ont appris une fable de La Fontaine, etc.

De plus, étant donné qu’aucun contenu précis n’est donné par niveau, il se pourra que tel élève ait vu deux ou trois fois Le petit chaperon rouge mais n’ait jamais entendu parler du Petit Poucet.

Il y a les progressions de cycle qui sont censés couvrir ce problème de redites et de trous, je sais. Si l’on fait l’hypothèse que ces progressions de cycle sont aussi précises que cela sur les contenus, ce que je n’ai pas souvent vu (jamais en fait) dans les nombreuses écoles où je suis allé, on pourra à la rigueur se dire que les élèves d’une école quelles que soient les classes différentes par lesquelles ils sont passés au cours de leur scolarité dans cette école, auront reçu à la fin de leur dernière année la même culture commune, puisque par définition les progressions ont permis aux enseignants des différentes classes de se mettre d’accord sur un contenu cohérent et progressif par niveau.

Mais, étant donné que ces progressions fixant précisément le contenu à voir par niveau (rappelons que c’est une expérience de pensée, puisque nous n’avons jamais vu de progression fixant pour chaque classe le contenu précis à étudier) sont particulières à une école donnée et non communes à toutes les écoles de France, il serait vraiment extraordinaire que les élèves d’une école donnée aient pu bénéficier de la même culture commune que ceux d’une autre école.

Donc il est impossible que les élèves acquièrent une culture littéraire (et dans les autres matières puisque c’est le même problème, sauf peut-être en mathématiques) commune.

Or, la précision de cette culture littéraire commune niveau par niveau permettrait au professeur de savoir avec beaucoup de précision quelles sont les connaissances, le niveau des élèves pour proposer des livres que l’enfant puisse comprendre et qui permettraient à leur tour d’enrichir la compréhension des élèves et leurs connaissances.

Toutes choses étant égales par ailleurs, cette progression précise niveau par niveau permettrait à tous les élèves d’avoir les mêmes chances de réussir au niveau supérieur, sans lacunes et sans répétitions inutiles.


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Cette réflexion est discutée à deux endroits sur le forum Neoprofs :

La littérature de jeunesse, c'est quoi ? 

Textes de la Littérature accessibles à des élèves de CE1/CE2/CM1/CM2


Un sujet a été créé spécialement :

Culture littéraire commune : mission impossible car programmes imprécis !!

 

http://litteratureprimaire.eklablog.com/ :       des extraits d'oeuvres classiques de la Littérature, adaptés aux différents niveaux de l'école élémentaire

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