23 octobre 2011

Traiter la violence scolaire, par Michel Segal

Il y a quelques mois, des faits divers spectaculaires amenaient le thème de la violence scolaire sur le devant de la scène. Les plus remarqués d’entre eux étaient la mort d’un lycéen du Kremlin-Bicêtre en février 2010 poignardé par un autre élève dans son lycée, et l’agression d’un lycéen de Vitry-sur-Seine dans le gymnase de son établissement par une bande armée de cutters et de tournevis. Ces évènements sont-ils isolés et sans signification particulière, ou bien sont-ils les signes d’une lente et inquiétante mutation de l’école ?

Croire que le phénomène restera circonscrit à quelques lieux et à quelques évènements dramatiques serait dangereux. En effet, il existe un risque réel  qu’une accumulation d’incidents jointe au climat  d’hostilité répandu dans un nombre significatif  d’établissements rendent les conditions d’apprentissage inopérantes et jettent le discrédit sur la capacité de l’institution toute entière à assumer ses fonctions. Si, à moyen terme, il s’agit d’un enjeu sociétal et économique considérable, ce phénomène est déjà aujourd’hui un terrible et cruel démultiplicateur des inégalités sociales face à l’école puisque les enfants de pauvres en sont les premières victimes, ce qui entrave gravement le processus de leur éducation.





Voir aussi :

Avis d'un principal de collège à propos de la note de M. Segal sur les violences scolaires

et le commentaire d'AdLib qui pourrait s'intituler  "La violence scolaire commence au primaire et est aussi le fait des adultes et de l'institution" :

Je trouve aussi qu'il est bien peu question, dans ce débat sur la violence scolaire, de la violence subie par certains élèves, je dirais, plus généralement, non pas seulement via des propos venant de certains adultes – enseignants, animateurs, etc. –, parfois hyper-agressifs, mais via la situation récurrente d'échec scolaire dans laquelle nombre d'élèves sont plongés et maintenus, des années durant, sans que l'institution fasse autre chose que d'aligner les chiffres statistiques : si "4 élèves sur 10" sortent du primaire, chaque année, pour intégrer le collège, où l'on sait qu'ils ne disposeront pas des bases indispensables pour suivre une scolarité normale, c'est, à mes yeux :

- une violence qu'ils ont subie depuis des années au primaire : cet échec ne se déclare pas juste à la fin du primaire, mais est quelque chose qui les met en souffrance des années durant,

- une violence qu'ils subiront au collège, où le monde des adultes les catapulte tout en sachant qu'ils ne pourront pas suivre, et qu'ils y seront donc en grande souffrance, encore.

Lorsque l'école devient, ainsi, un lieu de souffrance durable, à laquelle nul ne remédie, n'est-il pas à attendre que certaines petites "victimes" se rebiffent, perdent confiance et respect envers cette institution et ses représentants : les enseignants, et perdant toute estime de soi aussi, deviennent violents ?

Il serait intéressant d'avoir, là, des statistiques sur la relation niveau scolaire/difficultés scolaires/violences exercées...

Par ailleurs, nombre d'enfants se sentent ou se voient, parfois, au sein même de l'école, menacés par des pairs ou des "plus grands", sans trouver la protection d'un adulte.

Est-il, ainsi, normal de voir son fils (le mien) revenir de l'école, en CE 2, le visage décomposé parce qu'un autre lui a dit qu'il lui couperait la gorge, mimant le geste du doigt, et que ce type de menace ne fasse pas l'objet d'un rappel à l'ordre ? Réponse du directeur et de l'enseignant : "Bof ! Font tous ça !"...

N'importe quel adulte, en dehors de l'école, peut porter plainte pour s'être fait menacer de mort par un voisin... : c'est légalement interdit. A l'école, c'est permis ???

Est-il "normal", encore, que, à l'heure du déjeuner, un manque flagrant de surveillance laisse la liberté à certains "grands" de plonger dans la cuvette des WC la tête d'un gamin qu'on a fait s'agenouiller devant ???
Il paraît que ledit gamin "doit apprendre la vie", bon...

Eh bien, si c'est ça "la vie", vue par l'enseignant contacté à ce sujet, par la maman que je connais, pas étonnant que, plus tard, il finisse "violent", non ?

Quant au mien, de gamin, quoique taillé en armoire à glace, ou peut-être à cause de cela, parce que les "grands" le pensaient de leur âge, quand il était bien plus jeune, eh bien, en pleine cour de récré, "où on n'a pas le droit de courir ni de jouer au ballon" (! où va donc le trop-plein d'énergie, alors ?), il s'est fait suspendre par les pieds et balancer comme un balancier d'horloge comtoise...

Qu'a fait l'adulte supposé surveiller, et qui est enfin intervenu, avant qu'on lui fracasse le crâne, à cet enfant ? Réponse de mon fils : "Rien, maman, il a juste dit aux autres d'arrêter"...

Il n'y a pas que les vitres cassées ou les insultes aux adultes, à prendre en compte... Il y a aussi la violence subie par les enfants, dans les petites classes, tolérée ou ignorée par les adultes... avant qu'on ne la retrouve au collège, bien plus exacerbée, chez les mêmes, ou chez leurs anciennes victimes, qui auront "appris la vie", n'est-ce pas ?

Il faut, bien sûr, sanctionner toute violence, mais encore faut-il, aussi, que les enfants se sentent, à l'école, en sécurité. Encore faut-il que, dès les plus petites classes, on fasse la distinction entre "jeux violents", parfois innocents, même s'ils peuvent se révéler dangereux, et violence tout court... Pour les premiers, il faut peut-être juste mettre le holà !, pour la seconde, elle doit être sanctionnée à temps, et avant d'empirer ou de faire des émules.

La "norme" scolaire s'apprend... à l'école, et les enseignants du collège récoltent, à mon avis, bien souvent, les fruits de la négligence, de la tolérance, voire de la complaisance, au primaire.

Et, quand on parle de l'école "lieu de socialisation", nous sommes nombreux à trouver que cette "socialisation"-là n'est pas, pour le moins, exemplaire ni très positive.

 

 

 

source de l'image : http://s4.e-monsite.com/2011/03/20/12/bullying-bagarre-ecole-david-contre-goliath-d.gif

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