De l’enseignement élémentaire de
l’arithmétique
dans les écoles primaires
Des bouliers-compteurs ou numérateurs
et du calcul mental 5/6
par A. Lenient
Journal des instituteurs, 4 mars 1877
La publication s'étale sur 6 n° :
1) 4 fév 1877 ; 2) 11 fév 1877 ; 3) 18 fév 1877 ; 4) 25 fév 1877 ; 5) 4 mars 1877 ; 6) 11 mars 1877
L'original est à : http://www.inrp.fr/numerisations/
L'article BOULIER du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire Buisson 1887 reprend massivement les analyses développées dans cet article par Lenient :
Pour un recueil d'articles du Dictionnaire Buisson de 1887, consulter la page
LIRE ÉCRIRE COMPTER ; LA PÉDAGOGIE OUBLIÉE (site de michel Delord)
ou
LIRE ÉCRIRE COMPTER ; LA PÉDAGOGIE OUBLIÉE (site du SLECC)
La publication s'étale sur 6 n° :
1) 4 fév 1877 ; 2) 11 fév 1877 ; 3) 18 fév 1877 ; 4) 25 fév 1877 ; 5) 4 mars 1877 ; 6) 11 mars 1877
L'original est à : http://www.inrp.fr/numerisations/
L'article BOULIER du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire Buisson 1887 reprend massivement les analyses développées dans cet article par Lenient :
Pour un recueil d'articles du Dictionnaire Buisson de 1887, consulter la page
LIRE ÉCRIRE COMPTER ; LA PÉDAGOGIE OUBLIÉE (site de michel Delord)
ou
LIRE ÉCRIRE COMPTER ; LA PÉDAGOGIE OUBLIÉE (site du SLECC)
Les bouliers et les
numérateurs, comme tous les objets matériels sensibles dont nous avons conseillé l’usage, doivent avoir
pour résultat de donner à l’enfant une connaissance exacte, claire et précise
des nombres, de leur mode de composition et de décomposition, de leurs rapports
mutuels.
Sans les exercices sur lesquels nous avons insisté dans nos
précédents articles, l’enfant, en effet, ne connaîtrait pas réellement les nombres : il n’en
saurait que les noms, lesquels,
pour lui, resteraient bien longtemps des mots vides de sens.
Le boulier, les bûchettes et
les billes sont donc éminemment propres à conduire au calcul mental. Préparé par ces
exercices préliminaires, l’enfant, lorsqu’il opérera de tête,
se représentera facilement les nombres comme des collections de boules, de
billes ou de jetons ; il verra ces nombres eux-mêmes, et non plus seulement les chiffres de convention par
lesquels nous les indiquons. Grâce à cette faculté d’intuition, il trouvera, il
découvrira souvent lui-même des moyens rapides et sûrs d’opérer les
compositions ou les décompositions qu’on lui proposera.
Le calcul mental a été, pendant trop
longtemps, négligé dans nos écoles.
À chaque instant, pour la
plus simple question, pour le problème le plus facile, nos élèves sont obligés,
comme nous le disions dernièrement, de recourir à la plume ; et encore
effectuent-ils les opérations lentement, avec difficulté, et commettent-ils
souvent de grosses erreurs.
Non seulement, le calcul
mental leur permettrait de résoudre de tête une foule de questions qui se
présentent journellement dans la vie, et les mettrait à même de trouver la
solution de beaucoup de petits problèmes qui demandent à être résolus
immédiatement, lorsqu’ils se présentent, dans une conversation, sur un marché,
dans la boutique d’un commerçant ou sur le chantier d’un constructeur ;
mais l’habitude du calcul mental leur ferait encore acquérir une habileté
remarquable dans les opérations du calcul écrit.
Et ces avantages ne sont pas
les seuls que procure la pratique du calcul mental.
L’attention, l’observation
et le jugement de l’enfant, dans le calcul de tête, sont continuellement en
éveil. Obligé de chercher par lui-même, de réfléchir, de raisonner, son
intelligence tout entière, est exercée ; son esprit acquiert de la vivacité, de la
spontanéité, de la souplesse et de la force. « Le calcul mental, dit M.
Hoffet, oblige l’enfant à une tension d’esprit et à une durée d’attention
telles qu’il n’y a pas de gymnastique de l’intelligence plus précieuse, plus
efficace, ni de meilleur moyen de donner de la logique à l’activité de
l’esprit. »
Mais il importe d’établir
ici une distinction essentielle. On donne parfois le nom de calcul mental à des opérations qui sont
simplement des exercices de calcul écrit exécutés de mémoire, des opérations
purement machinales, ne pouvant avoir aucun effet utile sur les facultés de l’intelligence.
Si, par exemple, pour
effectuer l’addition des nombres 58 et 36, je suppose ces deux nombres écrits l’un
au-dessous de l’autre, et que je dise : « 8 + 6 = 14, je pose 4 et
retiens 1 ; 5 + 3 = 8, et 1 de retenue font 9 ; total 94. » - je
ne fais pas là un exercice de calcul mental proprement dit : j’opère sur
les chiffres, et non sur les nombres eux-mêmes.
Le calcul mental procède
autrement : il décompose les nombres proposés. Je dirai, pax
exemple : 58 = 5 dizaines et 8 unités; et 36 = 3 dizaines
6 unités; 5 dizaines + 3 dizaines = 8 dizaines; 8 unités + 6 unités = 14 unités; 8 dizaines + 14 unités = 8 dizaines + 1 dizaine + 4 unités ; 9
dizaines + 4 unités = 94.
6 unités; 5 dizaines + 3 dizaines = 8 dizaines; 8 unités + 6 unités = 14 unités; 8 dizaines + 14 unités = 8 dizaines + 1 dizaine + 4 unités ; 9
dizaines + 4 unités = 94.
Je pourrais dire encore : 58
+ 30 = 88; 88 + 6 = 94; ou encore : 50 + 40 = 90 ; 8 - 4 = 4 ; 90 + 4 = 94.
Ces diverses opérations
entraînent un certain travail, exigent un certain effort de l’intelligence : la
première n’était qu’un pur exercice de
mémoire.
Il en est de même pour tontes les autres opérations.
Si, pour multiplier 218 par
7, je pose, dans mon imagination, le 7 sous le nombre 218 et que je dise, comme
dans le calcul écrit : « 7 fois 8, 56; je pose 6 et retiens 5 ; 7 fois 1,
7, et 5 de retenus, 12 ; je pose 2 et retiens 1 ; 7 fois 2, 14, et 1 de retenu 15
; je pose 5 et avance 1 : Produit 1526; » je fais une opération
mécanique, qui n’exige qu’un effort de mémoire, le souvenir des chiffres posés
au produit : ce n’est point
du calcul mental, comme nous le comprenons.
Il faudrait dire, en
multipliant d’abord les centaines, puis les dizaines et les unités : 7 fois 200
=1400; 7 fois 10 = 70; 1400 + 70 = 1470; 7 fois 8 = 56 ; 1470 + 56 = (147
dizaines + 5 dizaines + 6 unités = 152 dizaines + 6 unités ) = 1526.
Ce calcul machinal, purement
mnémonique, qu’on appelle à tort, selon nous, calcul mental, est d’ailleurs d’un usage forcément restreint : on
ne pourrait guère effectuer de cette façon des multiplications par un nombre de
2, de 3 ou de 4 chiffres. Si l’on avait même à trouver le produit de nombres de
2 chiffres seulement, celui, par exemple, de 36 par 23, il serait déjà bien
difficile de conserver le souvenir des chiffres de chaque produit partiel pour
trouver ensuite ceux du produit total, tandis que ce dernier produit se
trouvera facilement par la décomposition des nombres en leurs diverses unités :
36 X 20 = 720; 36 X 3 = 108; 720 + 108 = 828.
En outre le calcul mental
enseigne une foule de procédés
rationnels, logiques, pour effectuer
rapidement un certain nombre d’opérations particulières, comme les
multiplications par 5, par 9, par 11, par 15, par 25, etc., etc.
Mais nous n’avons pas ici à
tracer le programme d’un cours de calcul mental. Nous voulons seulement appeler
l’attention des maîtres sur le caractère propre de ces exercices et sur la
nécessité de les employer fréquemment dans leurs classes. Conformément aux
instructions contenues dans l’Organisation pédagogique des écoles de la Seine, toute leçon d’arithmétique, dans les
écoles primaires, devrait commencer ou se terminer par quelques exercices de calcul mental. Ces exercices, du
reste, ne réclament que fort peu de temps; et les avantages qu’en retireraient les élèves, à tous les points
de vue, sont considérables.
Fidèle, toutefois, à notre
habitude de ne jamais rien exagérer, nous croyons que ces exercices doivent
restés enfermés dans de certaines
limites.
Vouloir faire exécuter de tête
aux enfants des opérations très compliquées, prétendre leur faire résoudre
mentalement toute espèce de problème,
même les plus complexes, ce serait aller contre le but que nous
nous proposons, qui est de simplifier l’enseignement de l’arithmétique.
Si le calcul mental devenait
plus difficile et plus long que le calcul écrit, il n’aurait plus sa raison d’être.
Nous n’avons pas du tout l’intention
de faire de nos élèves des calculateurs phénoménaux : les Henri Mondeux et les
Grandemange, véritables machines à calculer que nous avons vues fonctionner
autrefois, ne nous semblent point des
types que nous dussions chercher à propager.
MM. les instituteurs, du
reste, trouveront de très bons guides dans les ouvrages qui se publient
actuellement. Si les traités en usage depuis longtemps dans les écoles, même
ceux qui ont été adoptés par la ville de Paris[1],
ne contiennent que très peu d’exercices de ce genre, voici que les auteurs se
mettent à l’œuvre. Après le livre de Mlle Clarisse Juranville[2]
qui, malgré quelques erreurs, est encore un des plus complets et des mieux conçus;
après le consciencieux travail de M.
Heinrich[3],
l’honorable inspecteur de Châlons-sur-Marne, connu depuis longtemps par ses
publications à l’usage des écoles primaires, les ouvrages de MM. Leyssenne[4],
André[5],
Bailly[6],
Breunig, etc., sont de
nature à rendre d’utiles services aux maîtres.
Un des meilleurs qu’il nous
a été donné d’examiner dans ces derniers temps est le petit traité d’un
instituteur de Paris, M. Eidenschenck[7].
Simple, exact et complet dans sa concision, c’est celui qui se rapproche le plus des directions que
nous avons données. Il renferme une foule
de questions variées sur la suite naturelle des nombres; chaque
opération fondamentale est précédée d’exercices préparatoires de calcul mental,
simples d’abord, plus difficiles ensuite;
et la théorie de l’opération, très accessible à l’intelligence de l’enfant, est
toujours suivie de nombreux problèmes d’application bien choisis, intéressants
et sagement gradués.
A.
L.
(La fin
au prochain numéro.)
[1] Tarnier (Hachette);
Laboureau (Belin); Bos, etc.
[2] Méthode de
calcul oral (Boyer, rue Saint-André-des Arts).
[3] Nouvelle méthode
rationnelle de calcul oral (A. Fourant, rue Saint-André-des-Arts, 47.)
[4] Colin, rue de Condé, 16.
[5] André-Guédon,
rue Séguier, 15.
[6] Delagrave.
[7] De l’enseignement de l’arithmétique dans les
cours élémentaires. — Paris.
— Eug. Belin, rue de Vaugirard, 52.
* A. Lenient, Journal des instituteurs, février-mars 1877 : "Les bouliers-compteurs et numérateurs et le calcul mental", gros article que j'ai divisé en plusieurs sous-chapitres :
1) Les bouliers-compteurs et numérateurs : introduction, la méthode intuitive
2) Le calcul intuitif et le calcul abstrait
3) Le boulier-numérateur de Marie-Pape Carpantier
4) Le numérateur-Antoine ou le compteur-Antoine
5) Le numérateur Bardot
6) Le calcul mental et le calcul écrit
7) Les exercices d'arithmétique doivent être utiles et pratiques
8) Connaître et utiliser le système métrique
9) Utilité pratique et morale du calcul
Autres articles sur les bouliers :
* Pascal Dupré, "Des outils pour apprendre à calculer".
* Rosalie Hattemer, "De l'emploi du boulier" (1925)
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