...Au théâtre, il est convenu qu’on n’interrompe pas les acteurs. Les agents chargés de la sécurité de la salle doivent rarement intervenir pour faire taire les spectateurs : voilà un exemple de discipline. Qu’un maître d’école et un professeur de collège ou de lycée puissent s’adresser à sa classe requiert la même discipline. La même discipline peut seule rendre possible l’intervention d’un élève qui s’adresse à tous ses camarades et à son professeur dans le cadre d’un cours, etc. On comprend aisément à partir de cette remarque en quel sens la discipline est la condition nécessaire de tout enseignement, et même du préceptorat : il faut que l’élève soit attentif tout le temps qu’on lui donne une explication....
Quelques remarques sur la discipline
par Jean-Michel Muglioni
En ligne le 12 décembre 2011
Jean-Michel Muglioni développe sur Mezetulle sa réponse à divers commentaires provoqués par ses réflexions sur la discipline (Voir notamment l'article L'éducation par l'instruction.).
Elles ont manifestement
choqué certains lecteurs qui ont cru qu’il défendait une sorte de
militarisation de l’école, ce qui ne l’étonne pas, étant donné les
idéologies ambiantes et le silence qui est fait sur la
violence qui règne à l’école. Il rappelle donc ici la nécessité de
la discipline et surtout ceci que, séparée de la volonté d’instruire,
elle n’aurait aucun sens. Le mépris où elle est tenue a
pour principe l’incompréhension de l’idée même d’instruction.
Sommaire de l'article :
- La discipline scolaire n'est pas une nécessité sociale
- La vraie discipline n’a pas besoin de gendarmes
- Discipline et non pas n’importe quelle obéissance
- Discipline n’est pas dressage
- La discipline n’est pas plus une « valeur » que l’effort
- Il n’y a pas de hiérarchie entre le maître et l’élève
- Ressentiment à l’égard de l’école
- Docilité
1 - La discipline scolaire n’est pas une nécessité sociale
Au théâtre, il est convenu qu’on
n’interrompe pas les acteurs. Les agents chargés de la sécurité de la
salle doivent rarement intervenir pour faire taire les
spectateurs : voilà un exemple de discipline. Qu’un maître d’école
et un professeur de collège ou de lycée puissent s’adresser à sa classe
requiert la même discipline. La même discipline peut
seule rendre possible l’intervention d’un élève qui s’adresse à tous
ses camarades et à son professeur dans le cadre d’un cours, etc. On
comprend aisément à partir de cette remarque en quel sens
la discipline est la condition nécessaire de tout enseignement, et
même du préceptorat : il faut que l’élève soit attentif tout le temps
qu’on lui donne une explication. Ce qui est vrai aussi
bien de celui qui, seul dans sa chambre, cherche à résoudre un
problème de mathématiques ou développe une analyse : il faut la même
concentration pour conduire ses pensées que pour suivre celles
d’un autre. On voit donc que la nécessité de ne pas interrompre les
acteurs au théâtre ou le maître en classe, nécessité en effet de ne pas
gêner les autres, n’est pourtant pas une contrainte
sociale (encore moins une contrainte arbitraire), mais tient
fondamentalement à la nature de l’attention. Apprendre, écrire, lire,
penser suppose la volonté de suivre une direction et de ne pas
se laisser distraire par la première idée qui passe par la tête,
comme on dit, que cette idée nous soit proposée par notre imagination ou
par quelque cause extérieure.
Je me souviens avoir dû changer de
salle dans un lycée « de centre ville » parce que le couloir était
régulièrement le lieu de courses bruyantes et de cris. J’ai
toujours éprouvé d’une manière aigüe la difficulté de mon métier de
professeur de philosophie : il est difficile de conduire un discours
cohérent, c’est-à-dire de faire un cours digne de ce nom,
et ce genre de perturbation m’en rend incapable. Qu’on me permette
donc une conjecture. Ceux qui craignent la discipline et ne comprennent
pas pourquoi elle est essentielle sont de bonnes natures
: ils sont disciplinés sans avoir à se contraindre et ne comprennent
pas que la plupart des hommes, comme l’auteur de ces lignes, ont dû
s’entraîner afin qu’être attentif devienne pour eux une
seconde nature et même ont toujours besoin de calme et de silence
autour d’eux pour réfléchir.
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