15 juillet 2011

Cultures et culture : distinguo nécessaire

« Remarque polémique sur le ministère de la culture

Si un ministère dit de la culture se propose de faire cohabiter la diversité des mœurs et des cultures au sens de coutumes, sans faire valoir l'idée d'une culture universelle et donc d'une hiérarchie (car il y a des productions culturelles qui ne concourent pas à la culture au sens universel), alors le ministère de la culture est une annexe du ministère de l'intérieur, comme le ministère des cultes. Il a seulement à assurer à chacun la liberté de pratiquer la culture qu'il désire. La République a le devoir de garantir cette liberté.
Si, dans ministère de la culture, on entend culture au sens latin, alors c'est une tout autre affaire. La confusion entre les deux sens du mot culture est très grave et peut avoir des conséquences budgétaires énormes : car on ne paie pas le même prix selon qu'on envoie ceux qu'on appelle les exclus des banlieues assister à l'opéra au Don Juan de Mozart ou selon qu'on les abandonne aux spectacles dont ils sont assaillis sans même qu'un ministère les leur propose. Si on se contente d'enfermer chacun dans sa culture, dans son milieu culturel, le ministère de la culture a pour seule signification de maintenir l'ordre aux moindres frais par des mesures démagogiques. Ce qui coûtera plus cher à moyen terme.

Cultures et culture

La réduction de toute culture à la culture entendue au sens ethnologique aboutit aux particularismes, et on ne voit pas alors comment un dialogue entre les cultures est possible, sinon comme une sorte de cantonnement réciproque où chacun respecte l'autre sans rien avoir avec lui de commun sinon d'être parqué, cantonné. Il y aurait alors des mémoires correspondant à des humanités par essence étrangères les unes aux autres. L'idée de culture au sens latin du terme est au contraire inséparable d'une exigence d'universalité qui ne réduit pas la pensée à ce qu'en font des conditions sociales et historiques particulières, et dès lors la mémoire n'est plus seulement mémoire d'un peuple mais de l'humanité entière, et l'éducation enfin cesse d'être nationale ou seulement européenne. Par là s'est constituée une tradition extraordinaire en ce qu'elle n'est pas la répétition du même et qu'elle est tournée vers l'avenir : on n'y appartient pas par sa naissance, par la couleur de sa peau, par son appartenance sociale, mais par une mémoire volontaire. Elle seule est capable alors d'assumer la diversité des œuvres humaines, comme l'humaniste Dürer (1471-1538) dessinant les statues que les voyageurs rapportaient d'Afrique noire. La culture ainsi comprise n'est pas la négation de la diversité mais la découverte de la même humanité sous ses formes les plus variées ; alors des hommes nés dans des contrées différentes, parlant des langues différentes, reconnaissent leur parenté fondamentale ; alors seulement les formes particulières sous lesquelles ils réalisent cette humanité commune, au lieu de les enfermer chacun dans une culture, peuvent être comprises comme l'expression de l'universel. »

Extrait de : Jean-Michel Muglioni, Mémoire et lien humain publié sur le site Mezetulle.

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