Les méthodes en
vigueur aujourd’hui à l’école primaire ont un double objectif : donner à l’enfant
un certain nombre de connaissances reconnues indispensables dans l’état social,
politique et économique où il doit tenir sa place et vivre de son travail ;
développer en même temps, et d’une manière simultanée, toutes ses facultés par
un travail rationnel et continu. Pour la destinée qui l’attend, il importe avant
tout de donner une bonne trempe à son esprit et de bien « forger sa teste »,
pour qu’il ait le jugement sain et la volonté ferme. Qu’il quitte les bancs,
sans doute avec un minimum de savoir, mais sûrement avec le goût et la capacité
d’apprendre et l’énergie de vouloir, et il possédera l’instrument certain de
son perfectionnement.
C’est pourquoi ne pas
enseigner beaucoup, mais bien enseigner, peut être considéré, dans cet ordre d’études,
comme le précepte pédagogique par excellence. Obtenir que l’élève comprenne toujours
bien ce qu’il est essentiel qu’il retienne : pour cela, ne demander à sa
mémoire que le strict nécessaire ; exercer
ses sens et son jugement sur les diverses matières qui doivent solliciter son
attention ; traiter l’esprit comme l’estomac et lui choisir les aliments
vraiment assimilables.
Comme le corps, l’esprit
tout entier (intelligence, sensibilité, volonté) se développe et se trempe par
l’exercice. Soumettons-le donc au régime de l’action, du mouvement. C’est par
ces moyens seulement qu’il peut atteindre son plein épanouissement. De là,
cette série d’exercices bien gradués, bien adaptés à la puissance de compréhension
des élèves, propres à les faire agir intellectuellement, c’est-à-dire observer, réfléchir,
analyser, raisonner, trouver et parler, et moralement, c’est-à-dire à vouloir le
bien, à prendre de bonnes résolutions.
Et c’est ce que nous
appelons aujourd’hui les méthodes actives, qui font surtout appel à la personnalité et à la
liberté de l’enfant[1]. Tout instituteur, bien
maître de ces méthodes, sait vraiment simplifier ce qu’il enseigne, s’en
tenir aux notions essentielles, y concentrer toutes les forces de l’esprit de
ses élèves et y exercer leurs facultés.
Entre tous, l’enseignement
du français et celui de l’histoire ne sauraient être trop débarrassés de toute
la série des exercices mécaniques et mnémoniques, fastidieux autant qu’inutiles,
où la réflexion et le jugement ont une part trop restreinte. Un grand pas a été
fait pour ce qui est de la langue : on l’enseigne davantage par la lecture ;
les enfants se pénètrent, surtout par l’usage, des principales règles de
grammaire ; les dictées tendent à empiéter moins et à être plus raisonnées ; les
textes en sont presque toujours bien choisis, expliqués d’une manière complète,
pour le fond comme pour la forme. Grâce à un emploi plus fréquent de l’interrogation,
on rompt les élèves à la parole ; par une pratique rationnelle des deux
analyses, on les amène à se rendre compte, dans les lectures et les dictées, de
la nature des mots, de leurs rapports et de leurs fonctions dans le discours,
ainsi que de la construction des phrases et de leur enchaînement logique. La
même activité règne, sous l’impulsion des bons maîtres, dans les exercices de
composition française ; ils font trouver les idées sur le sujet proposé et
tracer des plans en commun, le plus souvent au tableau noir. Chacun bénéficie
des pensées des autres. Dans ce travail collectif qui fait ressembler la classe
à une ruche laborieuse, on s’ingénie à classer les idées en appliquant à la
lettre le précepte connu : « Ajoutez quelquefois et souvent effacez. » Les
exercices de récitation viennent contribuer aussi à cet enseignement naturel de
la langue maternelle ; l’élève se pénètre peu à peu des règles fondamentales au
cours de ces diverses leçons, au lieu de les apprendre ab abstracto.
Double objectif des
méthodes actuelles : instruire et développer les facultés.
Extrait du Rapport sur l’Organisation de
l’Enseignement primaire public.
Ministère de l’Instruction
publique, 1900, p. 279.
Extrait de :
1900 :
"Congrès international de l'enseignement primaire du 2 au 5 août 1900 à
la Sorbonne", par Édouard
Petit, Émilien Cazes, Jules Payot,
Paul
Strauss, Jean-Cyrille Cavé, Mlle. Brès, Guillaume, Gilles,
A. Lacabe, ...
Document
administratif de l'Éducation nationale, 1900.
Imprimeur :
Emile Kapp, Paris, 1900.
Extrait de :
MODES, MÉTHODES ET PROCÉDÉS D'ENSEIGNEMENT
F. Brémond, Lectures de pédagogie pratique, Librairie Delagrave , Paris, 1931, pages 39-61 :
La méthode intuitive, F. BUISSON
La méthode active, H. MARION
Comment doit-on interroger ? E. BOUTROUX
De la manière d’interroger, E. CAZES
Chapitre disponible en entier : http://michel.delord.free.fr/bremond_37-61-methodes.pdf
Article Wikipedia :
Émilien Cazes, inspecteur général de l'instruction publique, pédagogue, historien et sociologue de l'Éducation nationale
Émilien Cazes fut un pédagogue et inspecteur général de l'instruction
publique. Il contribua à la réalisation de nombreux manuels scolaires
entre 1895 et 1921. Il dirigea la collection "Cours des écoles primaires élémentaires", aux éditions Delagrave à Paris.
Avec son collègue Octave Gréard
(1828-1904), ils se battirent pour l’égalité des sexes au sein de
l’éducation. Ils dénoncèrent la faille entre la théorie prônant
l'égalité des sexes, et la pratique qui mettait en relief une réalité
machiste au sein du système éducatif et les lenteurs du changement des
comportements.
Œuvres
- 1894 : "Organisation pédagogique des écoles maternelles et des écoles primaires élémentaires du département de Seine-et-Oise", imprimerie de Cerf
- 1900 : "Congrès international de l'enseignement primaire du 2 au 5 août 1900 à la Sorbonne", par Jules Payot, Édouard Petit, Émilien Cazes, Paul Strauss, Jean-Cyrille Cavé, A. Lacabe,... Document administratif de l'Éducation nationale, 1900
- 1900 : "Ministère de l'Instruction publique et des beaux-arts. Direction de l'enseignement primaire. L'Inspection de l'enseignement primaire", par Jost et É. Cazes, Imprimerie nationale
- 1900 : "Lectures géographiques (Bibliothèque des écoles primaires supérieures)", éditions Delagrave
- 1902 : "Pensées et maximes pour la pratique de la vie extraits des écrivains, philosophes et moralistes de tous les temps et de tous les pays", éditions Delagrave
- 1904 : "Vade-mecum de l'enseignement primaire, public et privé, au point de vue administratif", Octave Forsant, Émilien Cazes, éditions Delagrave
- 1910 : "La provence et les provençaux", éditions Gedalge
- 1910 : "Le Château de Versailles et ses dépendances. L'histoire et l'art", éditions L. Bernard
- 1929 : "Pensées et maximes pour la pratique de la vie", éditions Delagrave
Liens externes
- Liste des manuels scolaires, toutes disciplines, d'Émilien Cazes
- Manuels scolaires d'histoire et de géographie d'Émilien Cazes
[1] M. Octave Gréard résume
toute cette méthode éducative en ces mots : « Profiter de tous les exercices de
la classe pour faire prendre de bonnes habitudes d’esprit et cultiver le bon
sens et le sens moral. »
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