Tout d’abord, l’auteur, après nous avoir décrit l’état de
« jungle » dans lequel se trouvent l’école et le collège, désigne nommément
trois responsables, ceux qui ont donné « le coup de grâce » : il s’agit, par
ordre d’apparition à l’écran, de Jacques Natanson qui, le 8 avril 1968 a
prononcé le « discours fondateur » ou « sacrificiel » comme le dit J.-P.
Riocreux, aux Journées universitaires de Rouen, suivi de celui d’André de
Peretti prononcé le même jour, discours qui ne mentionnent aucun contenu
d’enseignement mais parlent plutôt « d’animation de groupes ». Ce processus de
« détournement d’école » se clôt, après presque trente ans d’errements, par ce
que notre inspecteur d’académie appelle le « décret d’apartheid », c’est à dire
l’ouvrage intitulé « Une école pour la justice et la démocratie », contenant
l’arrêt sans appel de la Cour assené par Louis Legrand en 1995 :
« L’exclusion systématique du relationnel ne peut manquer
d’avoir des conséquences importantes sur la prise en compte des élèves venus de
milieux qui ne participent pas naturellement au savoir universitaire… C’est
pourquoi l’enseignement des enfants des classes populaires nécessite
obligatoirement le détour par le concret, le pratique et le relationnel, c’est à
dire la pédagogie. » Autrement dit, les enfants des classes populaires, avec ce
décret, subissent une « double peine » : non seulement ils appartiennent à un
milieu populaire mais en plus, ils doivent, de ce fait, subir les conséquences
pédagogiques d’une appartenance dont ils ne sont nullement responsables et qui
ne préjuge en rien de leurs capacités intellectuelles, sauf pour M. Louis
Legrand et ses acolytes.
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Préface de Laurent Lafforgue : Peut-on sauver l'école ?
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Mireille Grange de l'Association des Professeurs de Lettres présente le livre :
Jean-Paul RIOCREUX, L'École en désarroi,
PUF, 2008, 304 pages.
Le mois de septembre 2008 a apporté son lot de livres sur
l’école. Néanmoins, au sein de cette production saisonnière, un livre sonne
différemment car son auteur , Jean-Paul Riocreux, ancien élève de l’École
Normale Supérieure, agrégé de Lettres classiques, n’a pas fait une carrière de
professeur mais une carrière d’inspecteur d’académie. C’est donc la voix de
quelqu’un qui a sillonné des départements entiers et visité des dizaines
d’écoles qui s’exprime et qui relate ce qu’il a vu. « L’école en désarroi,
livre paru aux Presses Universitaires de France, avec une préface de Laurent
Lafforgue, médaille Fields de mathématiques, brosse de ce fait le tableau de
l’école depuis plus de trente ans.
Pour ce faire, Jean-Paul Riocreux, en parfait lettré, suit
un plan aussi rigoureux que son style : dans une première partie il dresse
l’état des lieux et fait un diagnostic, dans une seconde partie il se livre à un
pronostic en humant « l’air du temps » et dans une troisième partie il fait des
propositions. Franchissons donc la porte du livre.
I- Diagnostic
Tout d’abord, l’auteur, après nous avoir décrit l’état de
« jungle » dans lequel se trouvent l’école et le collège, désigne nommément
trois responsables, ceux qui ont donné « le coup de grâce » : il s’agit, par
ordre d’apparition à l’écran, de Jacques Natanson qui, le 8 avril 1968 a
prononcé le « discours fondateur » ou « sacrificiel » comme le dit J.-P.
Riocreux, aux Journées universitaires de Rouen, suivi de celui d’André de
Peretti prononcé le même jour, discours qui ne mentionnent aucun contenu
d’enseignement mais parlent plutôt « d’animation de groupes ». Ce processus de
« détournement d’école » se clôt, après presque trente ans d’errements, par ce
que notre inspecteur d’académie appelle le « décret d’apartheid », c’est à dire
l’ouvrage intitulé « Une école pour la justice et la démocratie », contenant
l’arrêt sans appel de la Cour assené par Louis Legrand en 1995 :
« L’exclusion systématique du relationnel ne peut manquer
d’avoir des conséquences importantes sur la prise en compte des élèves venus de
milieux qui ne participent pas naturellement au savoir universitaire… C’est
pourquoi l’enseignement des enfants des classes populaires nécessite
obligatoirement le détour par le concret, le pratique et le relationnel, c’est à
dire la pédagogie. » Autrement dit, les enfants des classes populaires, avec ce
décret, subissent une « double peine » : non seulement ils appartiennent à un
milieu populaire mais en plus, ils doivent, de ce fait, subir les conséquences
pédagogiques d’une appartenance dont ils ne sont nullement responsables et qui
ne préjuge en rien de leurs capacités intellectuelles, sauf pour M. Louis
Legrand et ses acolytes.
Voilà comment a été créé ce que l’auteur appelle l’école
« de deuxième classe ». Le problème majeur de l’école à l’heure actuelle réside
précisément dans la cohabitation d’une école de première classe réservée à une
« élite » très limitée — nos « experts » ne se gênent d’ailleurs pas pour placer
leurs rejetons dans cette école tout en militant pour celle de la seconde classe
— et d’une école de seconde classe réservée à ce qu’on pourrait appeler le
« tout venant » : l’arbre cache ainsi la forêt et l’école de la République peut
impunément pratiquer l’iniquité la plus grande qui soit c’est-à-dire l’iniquité
sociale. Non sans humour, J.-P. Riocreux , se souvenant de ses propres origines
, se demande si, selon « le discriminant de nature décrété par Louis Legrand, il
ne serait pas le rejeton de Madame sans Gène ».
II- Pronostic
Ces bases étant posées, dans une deuxième partie, l’auteur
nous présente les différentes mamelles du « forfait » : la facilité,
l’hypocrisie, l’impunité qui conduisent tout naturellement au meurtre de la
lettre, puis des lettres, puis des textes, puis des œuvres, puis des auteurs,
puis de la raison, tout en plaçant l’élève « au centre de la cible » et « le
maître sous narcose », c’est à dire sous la contrainte du pédagogisme. Et J.-P.
Riocreux de nous montrer tout ce que risquent les maîtres qui veulent encore
faire de l’école dans une école devenue institutionnellement une « non-école ».
III- Solutions
Dans une dernière partie, J.-P. Riocreux nous présente,
entre autres, ses « cinq commandements » :
1) « l’obligation de la prise en charge
de TOUS les élèves »,
2) « l’obligation de lecture et le devoir d’écriture »,
3) « le
devoir de faire autorité tant sur le registre de la discipline que sur celui des
disciplines »,
4) celui de « ne pas renoncer aux contrôles ni aux classements de
l’école » et de
5) celui de « mettre fin à toute forme de retard institué », c’est à dire à
tout délai de transmission des connaissances au prétexte que l’enfant issu de
milieu populaire serait « rétif aux apprentissages traditionnels ».
Mais bien sûr tout cela ne sera possible que si la
« matrice de l’iniquité » est supprimée et la « matrice de l’iniquité » ce sont
« les instituts de la conformation » c’est à dire les instituts universitaires
de formation des maîtres, plus connus sous le nom d’IUFM, créés par la loi
Jospin de 1989 et malheureusement confirmés par la loi Fillon de 2005. C’est de
très verte manière que J.-P. Riocreux fustige ces IUFM : « L’État s’est laissé
dépouiller de son territoire républicain de l’instruction par ce qu’il faut bien
appeler de son nom : un coup de secte. Les instituts ont été conçus et créés
pour installer dans la durée les effets de ce coup de secte. » (p. 227). Il faut
donc, en préalable à toute évolution de l’institution-école, s’en défaire, et le
plus rapidement sera le mieux.
Ce livre foisonnant, de lecture revigorante et plaisante
parce que la langue de notre inspecteur est non seulement imagée mais encore
châtiée, ne serait pas complet sans une « annexe » qui présente les « écrits »
incohérents des élèves de collège qui, malgré des lacunes criantes, font des
« fiches de lecture » dans les centres de documentation : « Eric est sûre
qu’il y a une fille dans le manoir. Elle se cache mais est la et David l’a bien
vu, c’est bien lui qui est tombé sous le coup de foudre. Quand il ramène
Virginie ches elle au manoir, sa grand-mère affolé, avait appelé les policiers
pour la retrouvé. J’ai bien apprécié ce livre, car il y a un petit peu de
suspence comme je l’aime. »
Suivent les copies, carrément ahurissantes, des candidats
aux concours externes de recrutement des conseillers principaux d’éducation,
pourtant titulaires d’une licence : « L’accès aux études supérieures
n’étaient pas autorisée » ; « il avait été créés différents collèges » ;
« il permette aux élèves d’en faire des hommes » ; « cela permet
d’apaiser le relationnel et de policé et de régulé le quotidien » ...
Certains incrédules pourraient penser que J.-P. Riocreux
exagère, qu’il n’a pas chaussé les bonnes lunettes ni choisi les bonnes copies,
bref qu’il est de mauvaise foi. À ceux-là, je conseille vivement d’aller voir la
Palme d’or 2008 du festival de Cannes : Entre les murs de Laurent Cantet,
dont le réalisateur nous serine que ce n’est pas un documentaire mais une
fiction, met en scène une « non-école » en pleine action, c’est-à-dire un
« prof » qui applique tout ce que dénonce J.-P. Riocreux dans son livre. Le
« prof » de français, héros du film, donne la parole à ses élèves selon les
préceptes des IUFM, il va même jusqu’à imiter leur langue « créative » avec un
brio certain, sans doute pour se mettre à leur niveau, comme le préconisent les
mêmes IUFM. Malheureusement, « pétasses » a été le mot de trop prononcé par le
professeur à l’encontre de deux élèves : à partir de ce moment-là, la belle
machine à « tchacher » de manière « conviviale » dérape et l’on arrive, outre un
conseil de discipline qui exclut définitivement un élève qui a voulu profiter du
système, à l’image pathétique d’une élève métisse qui, à la fin de l’année
scolaire, avoue à son professeur qu’elle n’a RIEN appris avec lui et qu’elle ne
comprend pas ce qu’elle fait « ici ».
Gageons que cette fable qui n’a, prétendument, rien à voir
avec la réalité et encore moins avec le livre de J.-P. Riocreux, sera cependant
très instructive pour nombre de spectateurs, éberlués par ce qui se passe — ou
plutôt ce qui ne se passe pas — au cours de François Marin, excellemment formaté
par les IUFM et l’idéologie sectaire mise à l’index par J.-P. Riocreux : ce
« prof » pratique en effet « l'animation de groupes » chère à Jacques Natanson
et à André de Peretti depuis avril 1968, mais il finit par se brûler les ailes
et, pire encore, par condamner ses élèves au néant.
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Table des matières
Préface : Peut-on sauver l'école ? par Laurent Lafforgue, médaille Fields, membre de l'Institut.Première partie : Diagnostiquer, ou l'air du lieu
1/ Le grand forfait de la République - 2/ Quand la réalité fait outrance : l'état de désarroi - haro sur la lecture - sur l'école - sur le collège : les bons s'en sortiront toujours ! - la friche organisée - la jungle et son ressort, la violence - la jungle et son principe, l'iniquité - le mécanisme du forfait - 3/ Les trois coups de grâce : l'école sacrifiée - le buisson obscur - le décret d'apartheid - les pygmées
Deuxième partie : Pronostiquer, ou l'air du temps
1/ La descente aux enfers - 2/ Les fondements du forfait : - la facilité - l'hypocrisie - l'impunité - 3/ Les voies et les moyens du forfait : l'école vidée d'elle-même - l'élève au centre de la cible - le maître sous narcose
Troisième partie : Mener à mieux
1/ Les trois exigences : les leurres - les postulats erronés - les substituts pernicieux : la pseudo-démocratie et l'indisponibilité intellectuelle organisée - l'ouverture qui vaut fermeture - les absurdités de l'innovation - l'évaluation, caricature et imposture - Il faut vouloir ou subir les conséquences, l'école nouvelle ne peut que mutiler - 2/ Les trois réponses : d'abord les cinq commandements - Première réponse : restituer l'identité de l'école ouverte à l'école ouvrée - culture scolaire - mise au travail - Deuxième réponse : organiser la diversité - Troisième réponse : supprimer la matrice de l'iniquité - devoir d'État et disgrâce d'État
Annexe -- Bibliographie -- Post-scriptum
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Philippe Meirieu, prix Lyssenko en 2011, pour sa contribution majeure à la ruine de l'enseignement
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