On dit souvent que le point de départ de la crise
de l’instruction est la loi Jospin
de 89. Cette théorisation largement diffusée, qui tient du leitmotiv,
a acquis la consistance d’un fait. C’est aussi vrai pour ses partisans que pour
ses ennemis, créant ainsi un consensus objectif. Celui-ci constitue la base
même de l’impossibilité de penser les problèmes réels de l’instruction et
d’entreprendre une réelle action pratique.
Car, en réalité, 1) la Loi Jospin de 89 ne fait qu'introduire une nouvelle
inflexion à l'intérieur d'un phénomène plus profond et plus ancien, elle ne
fait qu’entériner des politiques mises en place bien plus tôt et ne pourrait
exister sans elles. Par exemple, les projets d’établissements, fondement de la
loi de 89, sont expérimentés depuis octobre 1982, la suppression de
l’arithmétique dans tout l’enseignement secondaire date de 1986, etc.
Ensuite, 2) placer le point de départ de la crise de
l’instruction en 1989 indique bien que l’on ne place pas la rupture principale
au moment où les contenus sont attaqués mais au moment du triomphe des méthodes
promues par les sciences de l’éducation.
Plus grave encore, 3) on présente ainsi comme
potentiellement positifs tous les programmes et toutes les réformes
pédagogiques des années 70-80, années pendant lesquelles s’opèrent les
véritables renoncements.
En ce sens, la focalisation de la critique sur la Loi
Jospin de 89 est devenu exclusivement un frein au développement du courant
partisan de l’instruction.
Au moment où la discussion publique et officielle
s’est déplacée, notamment sous l’influence du GRIP, sur les contenus de
l’enseignement, la nécessité de « l’enseignement des quatre opérations en CP»
(supprimé en 1970), la critique de la nomenclature grammaticale (1975) et la
compréhension, dissoute dans les mêmes années, du rapport entre la grammaire
structurale et la grammaire classique, il devient manifeste qu’il ne
suffit plus pour avoir l’illusion d’avancer - si cela n’a jamais suffit - de
s’en prendre, à la manière des médias traitant les problèmes de société,
à la loi de 89, à l’élève au centre ou au référentiel bondissant…
Sur la base d’une connaissance des disciplines
allant de la maternelle à l’université, il convient de s’attaquer en tout
premier lieu aux programmes et progressions. C’est la principale justification
de l’existence du GRIP, Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les
Programmes.
Extrait du texte modifié.
Texte intégral :
La situation de l'école primaire sur
le plan international
Quelques éléments historiques sur le
danger récurrent de l’utilitarisme
Michel Delord
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