► Faîtes un don pour soutenir le travail de TV Libertés : http://www.tvlibertes.com/don/ ► Retrouvez l'actualité de la WebTV sur notre site : http://www.tvlibertes.com/ ► Suivez-nous sur Facebook : https://www.facebook.com/tvlibertes ► Suivez ce lien pour nous suivre sur Twitter : https://twitter.com/tvlofficiel ► Vous pouvez également faire un don directement via Facebook : https://www.facebook.com/tvlibertes/a...
Entretien avec un ex-djihadiste pas comme les autres : David
Vallat, des gangs islamistes de Lyon à la prévention de la radicalisation en
passant par la case prison…
David Vallat a accepté de répondre à nos questions, en
ces temps où l’on parle constamment de « déradicalisation ». Il vient de fonder
avec l’universitaire Amélie Myriam Chelly, un Centre d’analyse des islamismes
et des radicalismes, l’AIPER, qui ambitionne d’être le premier réel instrument
efficace de déradicalisation.
Géopolitico-scanner
Publié le 23 Mars 2018
David Vallat a accepté de répondre à nos questions, en
ces temps où l’on parle constamment de "déradicalisation". Il était
intéressant de donner la parole à quelqu’un qui sait de quoi il parle.
D’autant qu’il vient de fonder avec l’universitaire Amely Myriam Chely, un
Centre d’analyse des islamismes et des radicalismes, l’AIPER, qui ambitionne
d’être le premier réel instrument efficace de déradicalisation, ceci après des
échecs ubuesques d’associations tantôt opportunistes tantôt incompétentes qui
n’ont enregistré à ce jour aucun résultat probant.
Souhaitons à l’AIPER de parvenir à relever ce défi en
jouant un rôle croissant au service de la sécurité de nos concitoyens qui
doivent évoluer dans des sociétés multiculturelles de plus en plus
multi-conflictuelles…
Vallat est parti en mars 1994 en Afghanistan dans le camp
de Khalden. Récupéré par les terroristes algériens et en contact avec des émirs
du GIA (abou Fares, Rachid Ramda) ou avec l'idéologue palestinien Abou Qatada,
réfugié à Londres, il met sur pied une filière d'armes depuis la Bosnie jusqu'à
l’Algérie. Il est alors désigné responsable du fameux groupe islamo-terroriste
de "Chasse sur Rhône". Il fréquentera dans ce cadre le célèbre
terroriste franco-algérien Khaled Kelkal, auteur d’une série d’attentats en
1995. Arrêté le 29 septembre 1995, Vallat purge sa peine sans victimisme ni
culture de l’excuse. Libéré pour bonne conduiteen décembre 1999, fort d’une
culture acquise en prison par l’obtention de diplômes et la lecture de milliers
de livres, il ressortira étonnamment meilleur du pourtant terrible univers
carcéral.
En 2012, c’est de son "silence radio" qu’il va
sortir, notamment après les tueries de Mohamed Merah. Et en 2015, il commence
même à apparaître au grand jour dans les médias. Face à l’horreur croissance du
terrorisme de "troisième génération" et à la montée du phénomène
Daesh qui fascine de plus en plus de jeunes en France, il décide de mettre en
place "une riposte vidéo d'explication du phénomène djihadiste", en
association avec le collectif du LBB, notamment après la tuerie du 13 novembre
au Bataclan. En 2016, il publie un essai intitulé "Terreur de
jeunesse". Il participe à la campagne "on a toujours le
choix", avec le ministère de l’intérieur et "stop djihadisme" en
novembre 2016. Il intervient régulièrement dans les prisons. Une nouvelle
vocation de contre-radicalisation est née. Il ne s’arrêtera plus.
Alexandre Del Valle : Avec votre parcours atypique
d’ancien djihadiste repenti mais qui a purgé sa peine et sans ressentiment ni
culture de l’excuse, vous êtes un des rares ex-djihadistes véritablement
déradicalisé. Comment avez-vous changé ? Quand ? Dans quelles
conditions ?
David Vallat : On peut considérer que ma
déradicalisation s'est passée en trois étapes principales : la première,
c’est le traitement qui m’est réservé lors de ma garde à vue, lors de l’instruction
de l’enquête ainsi que lors mon procès. Lors de ma garde à vue, en pleine vague
d’attentats, après une tentative d’attentat sur le TGV Lyon-Paris, le 26 août
1995, je ne suis pas maltraité, moins encore torturé, on me fait passer une
visite médicale à l’issue de la garde à vue alors que – et je l’apprendrai plus
tard – deux tentatives d’attentat auront lieu durant ces quatre jours,
attentats dont les revendications seront prises au sérieux car apportant des
détails techniques que seuls les terroristes pouvaient connaître. Et dans ces
revendications il y aura la demande de me faire libérer. Je suis donc
clairement identifié comme un membre, à ce moment-là, de ce groupe qui frappent
mon pays mais pour autant, je ne subirais aucun mauvais traitement.
Lors de l’instruction, la juge fera part d’une vraie
objectivité, et considérera les éléments factuels me mettant hors de cause à
partir du 29 juin 1995. Cette instruction se fera à charge et à décharge. La
seule inéquité pénale avec tous les autres mis en examen de mon pays aura été
une aggravation de la peine encourue pour association de malfaiteurs en
relation avec une entreprise terroriste qui passera de cinq à dix ans. C’est le
seul cas avéré de rétroactivité pénale de la Ve République. Mis à part ce
traitement particulier, je n’ai pas eu à subir de loi scélérate.
Lors de ma détention également, j’ai pu passer des diplômes.
Il s’agit là pour moi d’un premier doute dans mes convictions s’agissant de
définir qui étaient mes réels adversaires. Ceux que je considérais être mes
frères me faisaient passer sous le coup d’une fatwa de
condamnation à mort en juillet 1995, alors que ceux que je considérais être mes
adversaires me traitaient avec humanité.
Il y a eu ensuite la lecture intensive. Lors de mon
incarcération, l’administration pénitentiaire me signifie que je n’ai le droit
d’emprunter que deux livres par semaine à la bibliothèque. Avec mon esprit
retors, je déciderai d’en lire deux par jour en plus d’une lecture complète du
Coran, en arabe, par mois. Au bout de quelques mois de cette lecture intensive,
mes critères et ma grille de lecture du monde changeront. Je procèderai à un
"reset" total de mes convictions politiques pour
commencer à voir le monde de façon plus large.
La troisième chose aura été la proximité avec des détenus
n’ayant pas du tout le même profil que moi. Il y avait bien quelques mises en
examen pour terrorisme et appartenant aux mouvances corses, kurdes et basques.
J’ai été la première promotion de mise en examen pour terrorisme en lien avec
l’islamisme, issu du cru national. Cette proximité avec d’autres détenus, dont
certains sont devenus des amis alors que nous étions tous dans la même galère, m’a fait prendre conscience de l’ineptie de les considérer comme des "charbons
de l’enfer".
Vous intervenez régulièrement dans la presse et vous avez
votre propre vision de la déradicalisation. Est-elle réellement possible ?
Elle ne peut l’être à mon sens que si le sujet concerné en
émet la volonté. A défaut de quoi celle-ci restera impossible. En revanche, il
est possible de faciliter ou permettre les conditions qui puissent amener le
sujet concerné à se poser à nouveau des questions. C’est le préalable
nécessaire, le questionnement intérieur à toute réforme de son engagement. Il faut
donc, pour ce faire, créer ces conditions et notamment éviter le regroupement
des profils dans des unités où ils seraient tous réunis. Car l’effet de groupe
primera sur les individualités. Il y a également nécessité absolue à former les
agents intervenants auprès des personnes concernées sur l’idéologie et l’univers de sens qui les animent. Nous pouvons nous inspirer également des
programmes à destination de nos soldats sur la gestion du stress
post-traumatique. Nous savons aujourd’hui que même nos soldats, lorsqu’ils ont
été en zone de guerre, ont besoin d’une prise en charge de sorte qu’ils ne
rentrent pas chez eux sans avoir évacué leurs traumatismes. Nous pouvons
conclure donc que l’articulation de la déradicalisation doit se faire sur a. la
connaissance de l’idéologie et de l’univers de sens des sujets concernés, b.
l’évitement du regroupement de ce type de profils, c. l’application du retour
d’expérience de la gestion du stress post-traumatique.
Nous n’avons peut-être pas encore la méthode dans ses détails mais nous sommes en demeure de nous atteler à la tâche, car nous n’avons pas le choix. En effet, si nous considérons que l’on ne peut revenir de l’idéologie de nos adversaires, c’est qu’ils ont déjà gagné sur le plan des idées alors que c’est bien là que se joue la réussite. Sans angélisme, il faut bien considérer également que même en mettant au point une méthode (des méthodes) s’appuyant sur ces trois aspects, nous ne pourrons pas récupérer tous les profils concernés.
En revanche, si nous ne le faisons pas, nous les aurons tous perdus et ce serait un terrible aveu d’échec s’agissant de nos valeurs humanistes.
Peut-on prévenir la radicalisation et si oui, n’est-il pas plus compliqué, voire impossible de déradicaliser un fanatique suicidaire coupeur de tête ?
C’est justement pour cette raison qu’il faut absolument nous pencher et mettre tous nos efforts sur la prévention. Cela devra se faire, notamment par le biais de l’éducation nationale, pour laquelle une réelle politique de prévention et la mise à disposition d’outils pédagogiques devront se faire au niveau national. Cela existe déjà pour la prévention routière, la prévention aux addictions à la drogue, à la cigarette, il faut donc que nous le fassions également sur la mise en garde auprès des plus jeunes des dangers d’un discours totalisant et tendant à considérer l’autre comme différent ou inférieur. Par exemple, on ne peut pas accepter qu’au nom d’une croyance, on puisse voir des élèves ne pas accepter de jouer avec leurs camarades. Nous en voyons les effets aujourd’hui de sorte que dans certains établissements publics des directeurs refusent de scolariser de jeunes enfants juifs car ne pouvant assurer leur sécurité. Si dans l’école de la République laïque et gratuite, il existe des enfants dont la seule faute est celle de leur Etat civil, c’est que nous sommes en face d’un terrible constat d’échec. Il faut absolument que l’école redevienne ce pour quoi elle a été conçue en 1793 par Condorcet et ses pairs, à savoir apporter à nos enfants à comprendre le monde et à en faire de futurs citoyens sans que le monde et ses travers ne viennent perturber leur scolarité.
Il est inadmissible que ce sanctuaire puisse devenir l’écho de haines confessionnelles.
Parlez-nous de votre centre sur les islamismes et les radicalismes créé par l’universitaire iranologue Amélie Myriam Chelly.
C’est une structure qui entend réussir là où les tentatives, balbutiements, hypothèses relatives à la question de radicalisation ont échoué par le passé en France, voire en Europe. D’abord, nous entendons sortir des sempiternels conflits de chapelles (arabophones contre persanophones, islamisation de la radicalité contre radicalisation de l’islam, etc.) Le centre concentre, en effet, une aptitude à appréhender les textes arabes, persans et turcs. Ensuite, nous entendons nous affranchir de deux problèmes français majeurs : a. le manque d’interdisciplinarité et b. la croyance en une méthode unique à appliquer à chaque sujet radicalisé indistinctement. Penser comprendre un phénomène par un angle unique (seulement par la sociologie ou seulement par la théologie ou la psychiatrie) relève du delirium. Mon empirisme, mes connaissances stratégiques, militaires, théologiques doivent se conjuguer avec les approches objectives, sociologiques, psychologiques, les connaissances de la postmodernité occidentale et de la modernité orientale que d’autres membres, académiques, comme le docteure Chelly, peuvent apporter. Nous sommes tous d’accord par ailleurs pour admettre qu’il doit y avoir autant de processus de déradicalisation qu’il y a d’individus radicalisés. Nous sommes dans de l’humain. L’humain, c’est l’indéterminisme et l’exception. Il faut donc du temps, des convictions, de l’honnêteté et une connaissance des mentalités où sont fomentées ces grilles de lecture idéologiques.
Nos buts ? Ce dont nous parlions : former le personnel pénitentiaire, réinvestir la prévention dans le système scolaire, former les enseignants à gérer les situations délicates et à repérer des signes d’éventuelle radicalisation. Deux d’entre nous enquêtent sur des tendances lourdes sociologiques, économiques et politiques, relevant par bien des aspects des constats d’échecs de la politique de la ville depuis trente ans. La fondatrice et moi aimons bien dire que je suis l’empirie, qu’elle est l’analyse.
Que conseilleriez-vous à nos dirigeants en matière de lutte contre le terrorisme et l’islamisme en général ?
Il est grand temps de faire le lien du continuum idéologique entre les actions violentes et leurs assises idéologiques, car toute violente que puisse être une action, celle-ci est toujours précédée de la pensée. Pensée qui, elle, s’appuie toujours sur le discours et la littérature. Il faut bien considérer qu’un individu – et je sais de quoi je parle – ne va jamais justifier de tuer et de se faire tuer sans s’appuyer sur une idéologie qui porte cette pensée. Aujourd’hui, nous savons que l’édition en français de Mein Kampf serait ouvertement une incitation à la haine antisémite pour peu que ce livre soit placé entre n’importe quelles mains. Nous avons dans la littérature islamiste de véritables bréviaires de la haine confessionnelle. Par exemple La Voie du musulman d’Abou Bakar El Djezeaïri qui est en vente libre à la FNAC. Comment pouvons-nous prétendre à la lutte contre le terrorisme et la violence religieuse islamiste si nous laissons libre cours à sa doctrine (c’est pour cette raison que nous avons besoin des chercheurs !). Ce livre est, parmi des dizaines d’autres, distribué sans la moindre censure et relayé par la plupart des imams.
Il faut arrêter de craindre également ce procès en "islamophobie" que l'on nous fait lorsque nous condamnons l’inacceptable. Nos dirigeants ne savent pas faire la différence entre un islam spirituel stricto sensu qui a toute sa place dans notre République et un islamisme qui entend régir la cité. Exemple : enterrer un musulman en direction de la Mecque dans un cimetière relève d’une demande que l’on peut considérer comme recevable car spirituelle alors que d’exiger des carrés musulmans relève déjà de la revendication politique. Comment pouvons-nous prétendre au vivre-ensemble si nous ne sommes pas capables d’être enterrés les uns avec les autres ? Il faut bien considérer que toutes les demandes de traitement particulier des pseudo-représentants des musulmans de France s’inscrivent dans la volonté de nous imposer un mode de vie qui relève d’une culture éminemment politique. Nous avons également à considérer le salafisme pour ce qu’il est, à savoir une mouvance sectaire. Exemple : jusqu’à présent on nous a dit que les salafistes quiétistes n’étaient pas dangereux et ne représentaient pas de risque puisqu’ils se désintéressent de la politique. Sauf qu’un salafiste ne va pas voter, non pas parce qu’il ne s’intéresse pas à la politique, mais parce que, à ses yeux, le seul législateur ne peut être que Dieu lui-même et qu’en aucun cas l’homme ne peut prétendre être son propre législateur car ce faisant, il commettrait le plus grand péché qui soit. Nous pouvons donc en conclure que de ne pas aller voter est un geste éminemment politique. Il en est de même des Frères musulmans qui produisent des éléments de langage consistant à relativiser sous couvert d’un discours de spiritualité et de liberté, l’obligation du port du voile par exemple. C’est un sacré tour de force tout de même que de nous vendre qu’une prison portable relève d’une liberté de choix ! Je dis cela tout en faisant bien la différence entre le voile traditionnel que peuvent porter des femmes issues de pays musulmans et celui qui est porté en terme de revendication identitaire par des jeunes femmes nées en France.
Par ailleurs, on voudrait nous faire croire que la critique objective d’une religion serait une atteinte directe à ses adeptes avec le terme "islamophobie", alors que c’est justement la possibilité de critique objective que nous confère la liberté de conscience. Si je condamne de couper la main d’un voleur, cela relève-t-il de l’"islamophobie" ? En effet, selon les tenants de ce terme, la critique du verset qui enjoint de couper la main relèverait d’une sorte de racisme envers les musulmans alors que l’immense majorité des musulmans de ce pays serait horrifiée d’avoir à le faire ou d’y assister.
Le terrain sur lequel nous emmènent les islamistes pour nous censurer est celui de la laïcité car l’Etat n’est pas fondé à se prononcer sur l’orthodoxie d’une pratique religieuse. En revanche, le vrai terrain où nous devons reconquérir notre position vis-à-vis de cette lecture de l’islam (l’islamisme) est celui des libertés et des droits individuels et collectifs fondamentaux. Exemple : on voudrait nous faire croire que cela relève de la culture que de nous faire pratiquer l’excision alors qu’il ne s’agit de rien moins d’autre que l’ablation in vivo des parties génitales d’une femme relevant de l’atteinte à son intégrité physique, voire d’actes de torture ou de barbarie. Je précise pour les confusionnistes que cela n’a rien à voir avec la circoncision qui, elle, peut être prescrite pour des raisons sanitaires. Sans avoir fait d’études de médecine, il ne me semble pas que les parties génitales d’une femme puisse relever d’un traitement médical sanitaire.
image: http://www.atlantico.fr/sites/atlantico.fr/files/styles/page-profil/public/fiches/2016/12/del_valle.jpg?itok=BaGcwyYB
Alexandre Del Valle
Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France Soir, Il Liberal, etc.), il intervient à l'Ipag, pour le groupe Sup de Co La Rochelle, et des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme.
Il est notamment l'auteur des livres Comprendre le chaos syrien (avec Randa Kassis, L'Artilleur, 2016), Pourquoi on tue des chrétiens dans le monde aujourd'hui ? : La nouvelle christianophobie (éditions Maxima), Le dilemme turc : Ou les vrais enjeux de la candidature d'Ankara (éditions des Syrtes) et Le complexe occidental, petit traité de déculpabilisation (éditions du Toucan), Les vrais ennemis de l'Occident : du rejet de la Russie à l'islamisation de nos sociétés ouvertes (Editions du Toucan)
Son dernier ouvrage, La statégie de l'intimidation (Editions de l'Artilleur) est paru en mars 2018
ALEXANDRE DEL VALLE : « LES STRATÈGES DU DJIHADISME
S’APPUIENT SUR LES TEXTES SACRÉS »
Alexandre Del Valle est spécialiste des questions liées
au terrorisme islamiste. Fait rare, il n’hésite pas à parler librement et à
décrire ce réel qui nous effraie. Auteur de nombreux ouvrages, dont Comprendre
le chaos syrien : des révolutions arabes au jihad mondial (Regards
d’Orient) en collaboration avec Randa Kassis, il est actuellement en pleine
promotion de La Stratégie de l’Intimidation (L’Artilleur) publié
le 21 mars. Durant une heure d’entretien, Alexandre Del Valle a livré un regard
sans complaisance sur les problèmes que l’islam pose à nos sociétés ouvertes.
Emmanuel Macron a jugé que nous luttions contre un
terrorisme « endogène ». Pourtant, tout porte à penser que ses
racines sont exogènes. Qu’en pensez-vous ?
C’est évident. Je ne suis pas contre l’idée qui voudrait que
le terrorisme islamiste en France soit un phénomène endogène. Mais
l’explication est insuffisante. Il y a évidemment des personnalités
incontrôlables et des populations que la France ne parvient pas à intégrer, qui
font sécession. Si vous voulez, la menace est endogène dans la mesure où elle n’est
pas toujours liée à des bases arrières à l’étranger, que tous les terroristes
n’ont pas été formés au maniement des armes par des structures telles que
l’État islamique ou al-Qaïda. Pour autant, il serait grandement abusif
d’affirmer que la menace se bornerait à une dimension strictement
endogène ; car les terroristes, y compris quand on les juge
« autoradicalisés », un terme que je réprouve, ou quand ils ne sont
pas soumis à des liens hiérarchiques au sein d’une organisation djihadiste,
sont toujours influencés par les « cerveaux » du djihad mondialisé.
Aujourd’hui, on peut se radicaliser seul chez soi, mais non
sans aide extérieure. Il existe des outils destinés à appuyer la diffusion de
l’idéologie djihadiste, des kits, des modes d’emploi ou des protocoles conçus
par les penseurs du terrorisme islamiste. Il y a un manuel idéologique,
comme Le Management de la Sauvagerie d’Abu Bakr Naji, qui a
appelé au djihad mondial, ou les textes d’Abou Mousab al-Souri, deux
théoriciens liés à al-Qaïda. Vous avez aussi des magazines, comme celui édité
en français par l’État islamique. En outre, des documents techniques circulent
dans ces milieux, pour apprendre la fabrication de bombes artisanales, les
méthodes pour se fondre dans la population (dans mon livre La stratégie
de l’intimidation, je cite dans les annexes tous les textes sacrés
islamiques relatifs à la ruse de guerre). L’ensemble forme un modus
operandi prêt à l’emploi à destination des candidats au terrorisme.
J’ai peur qu’Emmanuel Macron ne nie le fait que les
organisations islamistes internationales aient une influence mondiale et un
réel enracinement théologique.
Les stratèges du djihadisme s’appuient par ailleurs sur les
textes sacrés. De cette manière, ils sont parvenus à légitimer et à décomplexer
ceux qui commettent des crimes au nom d’Allah. Imaginez qu’un homme aille poser
une bombe dans une synagogue après avoir lu Mein Kampf, en se réclamant des
idées d’Adolf Hilter. Dirait-on d’un tel homme qu’il se
serait « autoradicalisé » ou qu’il serait un terroriste
nazi ? J’ai peur qu’Emmanuel Macron ne nie le fait que les organisations
islamistes internationales aient une influence mondiale et un réel enracinement
théologique. Car elles sont doctrinalement très attachées par le corpus
orthodoxe de l’islam sunnite qu’elles citent savamment. On ne peut pas réduire
le terrorisme islamiste à ses petits soldats, si l’on veut l’appréhender
correctement et lutter efficacement contre les dangers qu’il pose.
La guerre de Syrie a-t-elle été un accélérateur pour le
djihadisme en Europe ? Peut-on dire qu’elle fut la guerre d’Espagne des
jeunes musulmans des quartiers de l’immigration présents en Europe, notamment
en France ?
C’est une question intéressante. Non, ce ne fut pas leur
guerre d’Espagne, car celle-ci a attiré à elle les progressistes du monde
entier, les volontaires. On se souvient notamment du parcours de l’écrivain
britannique George Orwell. Pour ce qui concerne la guerre de Syrie, elle a
permis à une fraction des musulmans vivant en France de donner de la cohérence
à leurs aspirations à la sécession ou à la haine
anti-française/anti-occidentale, préexistante ou latente, c’est-à-dire au
séparatisme communautariste-islamiste, en leur permettant de répondre à l’appel
lancé par l’État islamique à faire la Hijra, c’est-à-dire
l’immigration sacrée pour quitter l’Etat mécréant (dar al harb, territoire
de la guerre) vers un État régi par la charia et par le Califat rétabli (dar
al-islam).
L’État islamique leur a dit : l’Hijra est possible en
Syrie, ne ratez pas ce moment historique. L’idée de Califat islamique a pris de
la consistance. L’utopie devenait une réalité concrète. Donc, la Syrie a été un
accélérateur et un révélateur, parce que l’État islamique a convaincu ces
musulmans souvent déjà en rupture dans le monde occidental qu’il n’y avait que
deux solutions : soit quitter le monde mécréant en faisant son hijra, soit
rester dans le dar al-Harb infidèle à condition d’y pratiquer le jihad
terroriste.
Car, dans leur idéologie islamique classique et pas
seulement islamiste radicale, notre monde est une terre qui ne peut être qu’en
situation de guerre (Dar al Harb) avec le Dar al Islam qu’était alors
l’État islamique, mythifié et incarné par le néo-Califat de l’État islamique.
La revue de Daesh en français qui s’appelle justement dar al islam explique
très clairement et de façon théologiquement convaincante qu’un musulman vivant
sur les terres des mécréants est appelé à devenir lui-même un mécréant. De
nombreux textes juridiquement incontestables décrivent cette idée d’un combat
permanent entre dar al harb et dar al islam tant que le pays mécréant n’est pas
converti ou transformé en dhimmi.
L’appel à la désassimilation précède l’existence de
l’Etat islamique.
J’ajoute à cela une chose très importante que l’appel à la
désassimilation précède l’existence de l’Etat islamique. Il est ainsi
prôné de longue date d’une façon édulcorée ou habile par les Frères musulmans
qui ont pignon sur rue en Occident, ou par d’autres mouvances islamistes comme
le Tabligh ou les salafistes quiétistes ou encore le Milli Görüs turc. L’État
islamique n’a donc fait que révéler au grand public une réalité déjà prégnante.
Au fond, les combattants Daeshiens ne sont rien de moins qu’une avant-garde
révolutionnaire et militarisée d’un phénomène panislamiste bien plus large. Il
ne sont que la face émergée de l’iceberg ! L’islamisme forme un bloc
idéologique polymorphe qui poursuit un même but global
d’islamisation-soumission de la planète mais dont les branches multiples,
jihadistes et « institutionnelles », divergent plus sur les moyens
que sur les fins.
De ce fait, je pense que quand toute la Syrie sera reprise,
la menace persistera. Elle a existé avant Daesh et avant le chaos syrien, elle
sévira après, peut-être de façon encore plus massive, plus violente, et plus
forte. L’idée centrale de mon livre est que plus on tue au nom de l’islam, plus
puissant est le marketing djihadiste qui consiste en fait à
promouvoir « l’islam pur » et son ordre totalitaire
califalo-chariatique. Al Adnani, l’ex-porte-parole et cerveau de l’Etat
islamique, avait bien compris et expliqué qu’il y avait une loi de la
répétition et que la vraie victoire du jihadisme est de promouvoir l’idée de
l’islam et de la charia. Il l’a dit clairement : « Vous
n’avez rien compris si vous croyez que nous sommes vaincus parce que nous
perdons notre territoire en Syrie ou ailleurs. Notre territoire c’est le Coran
et la charia. Tant que ses idées progressent dans les cœurs, nous sommes
vainqueurs ».
Quand toute la Syrie sera reprise, la menace persistera.
Il existe de ce point de vue une réelle forme d’efficacité
et de génie de la communication islamiste : depuis les atrocités du 11
septembre, de Ben Laden à Daesh, au lieu d’une autocritique massive, les
communautés musulmanes ont été gagnées par une accélération de leur processus
amorcé de radicalisation, d’islamisation et de sécession. Et Erdogan est passé
de l’équivalent de l’islamo-centrisme au projet de rétablir le Califat ottoman…
Il y a un portrait-robot du terroriste islamiste
français. En un sens, Khaled Kelkal en est le patient zéro. Quand Gérard
Collomb nous dit à propos de Redouane Ladkim, auteur de l’attentat de
Trèbes, « nous l’avons suivi et nous pensions qu’il n’y avait pas
de radicalisation, mais il est passé à l’acte brusquement. Il était connu pour
possession et deal de stupéfiants. On ne pouvait pas dire qu’il allait être un
radical passant à l’acte dans les temps qui venaient » : ne
prend-il pas un peu les Français pour des idiots ?
Écoutez, il n’y a que trois possibilités dans pareil cas de
figure : soit on prend quelqu’un pour un idiot, soit on est soi-même
idiot, soit on est ignorant. Récemment je parlais avec David Vallat,
ex-terroriste islamiste de la première vague appartenant au réseau de
Chasse-sur-Rhône, qui était proche de Khaled Kelkal [terroriste islamiste
algérien, responsable des attentats perpétrés en France à l’été 1995, abattu
par la gendarmerie en septembre 1995, ndlr]. Il est aujourd’hui repenti et
engagé dans la contre-radicalisation au sein de sa courageuse organisation
AIPER aux côtés de Myriam Amély Chelly.
Voici ce qu’il m’a dit en relatant sa formation
terroriste en Afghanistan dans les années 1990 : « C’est une
profonde ignorance de croire qu’un type qui fume du cannabis de temps en temps
ne peut pas être un sincèrement un islamiste radical et un croyant désireux de
gagner le paradis. Toute l’idéologie djihadiste repose sur le fait que le sacrifice
suprême pour Allah – mourir en martyr – est la seule voie qui GARANTIT d’aller
tout droit au paradis, peu importe ce qu’on a pu faire durant le reste de sa
vie ». Et de nombreux textes de l’islam officiel, classique,
vont dans ce sens.
De fait, la tradition islamique accorde clairement des
libertés supérieures aux candidats au djihad, car il s’agit d’un don de soi
supérieur qui dépasse même les prières et rituels en acquisitions de
« crédits spirituels ». Le « martyr » guerrier valorisé par
le Coran, les hadith et la Sîrah (vie de Mahomet) est même le seul acte exceptionnel
qui autorise d’enfreindre des rituels ou des comportements habituellement
impératifs. L’islam est donc, sur ce point, très différent du christianisme. Un
chrétien ne peut être à la fois pécheur et racheté, amour et haine à la fois,
sa religion n’acceptant pas cette contradiction. Alors qu’un islamiste a le
droit de pécher même de façon ultra-violente s’il meurt en martyr dans le but
d’étendre le règne de l’islam. Cela prouve que c’est une religion qui est
d’abord une religion politique. Qui peut aujourd’hui l’ignorer ?
Un islamiste a le droit de pécher même de façon
ultra-violente s’il meurt en martyr dans le but d’étendre le règne de l’islam.
Depuis les années 1990, on sait que certains terroristes
peuvent être aussi des voyous, des braqueurs de banque ou des trafiquants. Il
est inexcusable de ne pas le savoir et de croire que cela
« prouverait » qu’ils ne sont pas musulmans. Même la grande université
Al-Azhar du Caire, la plus haute autorité sunnite, refuse de les qualifier de
non-musulmans. Des gens fort paradoxaux existent donc dans la mouvance
islamiste. Mais une personne prête à donner sa vie pour son dieu est une
personne profondément religieuse, qui ne fait pas semblant, car le don de sa
vie n’est pas rien. Certains assument même leurs paradoxes, parce qu’ils ont la
certitude d’être « purifiés » grâce à un sacrifice qui vaut
absolution de tous les mauvais comportements passés. David Vallat l’a su dès
son adhésion à la mouvance islamiste pro-GIA et pro-bosniaque, on le lui a
expliqué. Cette contradiction apparente fait partie du « package ».
Que pensez-vous des mesures contenues dans le projet de
loi anti-terrorisme d’Emmanuel Macron ? Nécessaires ?
Suffisantes ? Je pense notamment aux visites domiciliaires remplaçant les
perquisitions, aux assignations à résidence élargies ou aux facilités pour
fermer les lieux de culte.
Ces mesures vont dans le bon sens, oui. Cela dit, la loi est
largement insuffisante. Le premier acte, si l’on voulait vraiment éradiquer le
phénomène de la radicalisation aujourd’hui, serait d’assécher les sources
doctrinales, en fermant les centres islamiques et les mosquées de la haine,
mais aussi en ôtant toute légitimité aux sources islamiques qui glorifient
l’usage de la violence. Il faudrait notamment retirer certains livres de la
vente. Les ouvrages d’Aboubaker Djaber el Djazaïri sont vendus à la Fnac !
C’est un homme qui écrit, dans des livres traduits en français, que l’homme
musulman a le devoir de tout faire pour s’armer et tuer des mécréants !
Avant de mourir, il a donné des dizaines de conférences dans l’hexagone. Il
faut aussi travailler en ligne et sur les réseaux sociaux, où le gouvernement
fait la chasse aux fachos et où les musulmans les plus extrémistes ou
l’extrême-gauche peuvent tranquillement répandre leurs messages les plus
morbides et anti-occidentaux. Songez que Youssef Al-Qardaoui a formé des imams
à Château-Chinon tous les étés pendant trente ans. Son livre, qui appelle à
tuer les apostats, les blasphémateurs et à frapper sa femme, Le Licite
et l’Illicite, est également en vente libre sur Amazone et à la FNAC !
Voilà où nous en sommes.
Youssef Al-Qardaoui a formé des imams à Château-Chinon
tous les étés pendant trente ans.
Le second acte serait, tout simplement, que l’État reprenne
en main l’école et l’éducation des jeunes dans les endroits où la République et
la France sont bafoués, et où l’autorité des professeurs est écrasée par celle
des caïds.
Le troisième acte consisterait à s’occuper plus correctement
du problème des prisons. Il faut doubler le nombre de prisons pour en finir
avec la surpopulation carcérale. Les prisonniers sont détenus dans des
conditions inhumaines qui, par ailleurs, favorisent les pires dérives. Le fait
de mélanger des profils de prisonniers très différents fait que les
prédicateurs peuvent massivement islamiser, convertir et reconvertir. Les
prisons sont des incubateurs de l’islamisme depuis trente ans. Je me rappelle
d’une note des renseignements émises dans les années 1990, que j’avais pu
consulter, il y était écrit qu’un surveillant pénitentiaire s’était radicalisé,
ayant même pris un congé sans solde pour se rendre en Afghanistan !
Il faut doubler le nombre de prisons pour en finir avec
la surpopulation carcérale.
Le quatrième acte serait d’en finir avec le laxisme
judiciaire. La justice française est structurellement incapable de mettre hors
d’état de nuire les gens dangereux. Regardez Jawad Bendaoud qui a été relaxé
faute de preuve. Il s’est quand même vanté au procès d’être un dealer de
cocaïne et de loger des clandestins ! Malheureusement, les parquets ne
sont pas transversaux. Par exemple, un type jugé pour une affaire terroriste
peut très bien dire qu’il a découpé une fille en morceaux pendant la
plaidoirie, on ne pourra pas le retenir contre lui, car « hors
sujet ». C’est pourtant en mélangeant les griefs de façon transversale que
l’Amérique a fini par coincer Al Capone, pour une simple question de fisc. Il y
a aussi un grave problème de laxisme des juges d’application des peines. Les
meurtriers ressortent au bout de trois ou quatre ans. Ce n’est pas normal.
Enfin, le cinquième acte essentiel pour juguler l’adhésion
aux thèses islamistes serait de tout faire pour que ces idées ne soient plus
attirantes, tant les idées djihadistes que celles de l’islamisme tout court. Ce
sont des idées complotistes, séduisantes car elles donnent un sentiment de
supériorité à celui qui y adhère. On peut d’ailleurs parler de suprémacisme
islamique. Il y est expliqué qu’il ne faut pas vivre avec les mécréants gaulois
ou juifs, maléfiques par nature, etc.
Donc, une fois que l’État aura été repris en main, il faudra
opposer à la fierté suprémaciste de l’islamisme, la fierté assumée d’être
français.
Je reste convaincu que le meilleur moyen de détourner une
personne attirée par le séparatisme islamique est le patriotisme assimilateur.
Plus une entité développe et transmet de la fierté, moins l’interlocuteur se
replie sur ses propres racines d’origine. On le voit en Argentine avec les
Arabes syro-libanais, qui sont totalement assimilés. Carlos Menem, ancien
président, est d’origine syrienne. Parce que là-bas on intègre avec le
patriotisme plutôt que la haine de soi.
La lutte contre le djihadisme passe-t-elle aussi par la
lutte contre les propagandistes de l’islam rigoriste, qu’ils soient ouvertement
salafistes ou abrités derrière des associations pseudo humanitaires, utilisant
le registre de la victimisation, à l’image du CCIF ?
Évidemment. Il faut détruire les pôles de l’islam
institutionnel qui distillent le suprémacisme, la haine ou le séparatisme
islamiques. Ce sont des « coupeurs de langues » prétendument
victimes, promouvant le séparatisme d’une manière insidieuse. Ils font taire
ceux qui osent associer l’islamisme à la violence, hurlant au « pas
d’amalgame ». Les djihadistes sont, quant à eux, des coupeurs de têtes.
Ils nous intimident en tuant. Mais les islamistes « coupeurs de
langues » sont complémentaires plus qu’opposés aux « coupeurs de
têtes ». Les premiers aident les seconds car ils entendent interdire de
remonter à la source idéologique du djihadisme, à la charia. Or on ne peut pas
lutter efficacement contre le djihadisme sans déjouer les attaques
culpabilisantes et liberticides des propagandistes de l’islamiquement correct.
Il faut détruire les pôles de l’islam institutionnel qui
distillent le suprémacisme, la haine ou le séparatisme islamiques.
Ces derniers utilisent tous les moyens offerts par le
politiquement correct en vigueur : en appliquant l’antiracisme à l’islam,
en mélangeant ainsi les genres (faire passer la critique de l’islam pour une
critique des musulmans), ils agissent en empêcheurs de désigner les sources.
Ces coupeurs de langues islamiquement corrects sont à la fois les Frères
musulmans, les lobbys wahhabites du Golfe, l’Organisation de la Coopération
islamique mondiale, l’ISESCO (UNESCO de l’Islam), le « pôle
turco-ottoman » porté par Erdogan, etc, pôles que j’analyse en détails
dans mon ouvrage. Ces pôles très actifs et influents qui exercent des pressions
sur tous les gouvernements occidentaux, les médias et les universités, ont
réussi à criminaliser la critique de l’islam notamment en nouant une alliance
rouge-verte avec les antiracistes de gauche, unis par un même
anti-occidentalisme viscéral.
Combien de fichés S sont-ils susceptibles de passer à
l’acte ? Et combien de personnes gagnées à cette idéologie ne sont pas
suivies par les services de renseignement…
Les radicalisés idéologiques qui pourraient passer à l’acte
violent sont entre 12000 et 20000 en France. Là, je vous parle des durs de
durs, des partisans de l’Etat islamique ou d’Al-Qaïda peut être un jour prêts à
mourir. Les islamistes plus habituels, ou, au moins favorables à l’idéologie
islamiste globale, comprenant la charia, la supériorité de l’islam sur les
autres religions et modes de vie, sont quant à eux au minimum 100.000. Mais ce
chiffre peut exploser, si on ajoute à ces 100.000 individus tous les musulmans
qui, lorsqu’ils sont interrogés, répondent préférer l’islam à la République.
L’étude de l’Institut Montaigne, menée par un musulman, a ainsi démontré que 46
% des musulmans français sont de bons républicains, mais que 25 % sont au moins
conservateurs (favorables au voile islamique et à l’essentiel de la Charia), et
que 28 % d’entre eux sont entrés en sécession islamiste contre la société
française. Plus de la moitié des musulmans de nationalité française se
reconnaissent donc d’abord et prioritairement musulmans. Faites le calcul, il y
a du monde.
Nous sommes donc confrontés à un véritable problème
géopolitique de fracture civilisationnelle. Cela ne détruira pas la France, je
ne souscris pas à cette thèse. Toutefois, une partie de la population
s’inscrira de plus en plus en rupture avec la majorité de manière chronique,
comme ce peut être le cas dans d’autres régions du monde (sud de la Thaïlande,
Philippines, Nigéria, Liban, la Tchétchénie en Russie ou l’ouest de la
Macédoine). Le politiquement correct et le padamalgamisme islamo-gauchiste agit
en fin de compte, comme je l’ai dit à Edwy Plenel sur le plateau de Salut
les terriensle 24 mars devant Ardisson, comme un « facilitateur
d’islamisme », une forme de collaboration.
Comprenons bien en effet que cette idéologie ne s’implante
que dans les endroits où elle trouve un écho, un terreau favorable. En
Argentine, les musulmans ne sont pas radicalisés grâce au patriotisme argentin.
Idem au Brésil, pays fier de son identité chrétienne. Le djihadisme s’épanouit
en revanche sur le communautarisme, même quand il est non violent, un
communautarisme fruit de la haine de soi de l’Européen culpabilisé prêt à
disparaître civilisationnellement pour se faire pardonner ses
« fautes » passées. Vous avez en effet des gens qui se placent
volontairement dans un ghetto identitaire, car la nouvelle limite entre
l’ennemi géo-civilisationnel panislamiste et nos sociétés ne se situe plus en
mer méditerranée mais à l’intérieur de nos villes… Il s’agit là d’un
« Limes intérieur », car il y a dans nos sociétés multiculturelles
-devenues inévitablement multiconflictuelles – des extraterriorialités
juridiques et civilisationnelles, ceci à l’intérieur de nos propres cités.
Pourquoi le spectre de la 3ème Guerre mondiale n'est pas une
simple vue d'esprits en mal de frissons
Après les mouvements de l’OTAN en Europe de l’Est aux
frontières de la Russie puis ceux de la marine américaine et en Mer de Chine,
puis après les bombardements américains en Syrie (7 avril) et en Afghanistan
(13 avril), subitement décidés par une Administration Trump qui semble ainsi
rompre brutalement avec l’isolationnisme annoncé pendant la campagne
présidentielle américaine, le spectre d’une "troisième Guerre
mondiale" a recommencé à hanter les esprits.
Géopolitico-scanner
Publié le 21 Avril 2017
L’idée que l’Europe et l’Occident puissent connaître à
nouveau la guerre en conséquence des tensions occidentalo-russes autour de
l’Ukraine du bourbier syrien - où se côtoient dangereusement les armées
occidentales, russe, syrienne, turque et iranienne, - ou en réaction aux essais
nucléaires et balistiques de la Corée du Nord (sans oublier la revendication de
la Mer de Chine Méridionale par Pékin), ne cesse de gagner du terrain. Et les
attentats islamistes presque mensuels et parfois même hebdomadaires dans des
capitales européennes font dire à certains qu’une guerre est déjà livrée depuis
des années sur notre sol et qu’il s’agit à la fois d’une guerre
civilisationnelle et pas seulement terroriste puis d’une guerre asymétrique à
la laquelle nous avons le plus grand mal de faire face.
Deux décennies de doctrine pacifiste béate qui ont bercé les
Européens dans l’illusion de la Paix universelle et de la tolérance ont
finalement débouché sur un brutal atterrissage dans le réel et dans le retour
de la tragédie.
L’expression Troisième Guerre mondiale paraît,
donc, exagérée, dans la mesure où les risques de guerre les plus imminents sont
régionaux, locaux (Inde-Pakistan ; Inde-Chine ; Corée du
Nord/Asie méridionale et orientale; Syrie ; Iran ; ou Ukraine),
et dans la mesure où l’arme atomique a un fort pouvoir de dissuasion,
puisqu’elle peut décourager à la fois le faible et le fort, dès lors que l’un
des deux ennemis est capable de rayer de la carte la capitale de l’autre avec
des conséquences et séquelles inimaginables à côtés desquels ceux d’Hiroshima
et Nagasaki seraient des détails.
En janvier 2017, c’est une personne plutôt réputée pour sa
modération verbale ; Michaël Gorbatchev, qui a tiré la sonnette
d’alarme et a averti qu’une troisième guerre mondiale semblait en phase de
préparation à la lumière du réarmement constaté partout dans les grands pays du
monde et autres puissances émergentes, exceptées la vielle Europe de l’Ouest.
Ainsi, le rapport sur le Monde en 2035, publié par la CIA évoque
« les paradoxes du progrès » selon lesquels en dépit des opportunités
économiques et technologiques, jamais nos sociétés n’ont été menacées par
autant de risques de guerre (Ukraine, les tensions en mer de Chine méridionale,
la Syrie, l’Iran, etc).
Déjà, avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, l’ex-Chef
d'État-Major de l'Armée de Terre américaine, le général Mark Milley,
déclarait à son auditoire sur un ton très martial, lors de la réunion
annuelle de l'Association of the United States Army à
Washington-DC : "La volonté stratégique de notre nation, les
États-Unis, est remise en cause et nos alliances sont testées de manières
auxquelles nous n'avons pas été confrontées depuis de nombreuses décennies (…).
Je veux être bien clair avec ceux qui veulent nous faire du mal ... l'armée des
États-Unis - en dépit de tous nos défis, en dépit de notre tempo opérationnel,
en dépit de tout ce que nous avons fait, nous allons vous stopper et nous
allons vous battre plus durement que vous ne l'avez jamais été auparavant. Ne
vous méprenez pas à ce sujet (…).
Il faut que tout change pour que tout reste pareil
Le monde a changé. Aussi nombre d’analystes estiment, comme
le défunt Samuel Huntington, que la pire menace pour nos sociétés occidentales
ouvertes à tous les vents et repentantes est essentiellement civilisationnelle,
incarnée qu’elle est par le projet néo-impérial islamiste. Pourtant, d’après
les stratèges de l’OTAN et les principaux idéologues et politiques américains
interventionnistes, démocrates ou républicains, qui ont violemment dénoncé la
passivité d’Obama et le programme néo-isolationniste et pro-russe de Donald
Trump, le monde de l’Après guerre froide ne serait pas très différent de celui
de l’affrontement Est-Ouest - qui s’est soldé par la chute de l’Ex-URSS et le
démantèlement du parc de Varsovie - puisque la menace soviétique aurait laissé
la place à une menace russo-chinoise vue comme une continuité du Heartland
soviétique. Selon cette thèse, exprimée le plus clairement par le penseur
américain Robert Kagan, le danger principal ne serait pas le terrorisme
islamiste, mais viendrait des puissances » révisionnistes » dont le
noyau-dur serait le tandem Russie-Chine. Ces outsiders auraient l’ambition de
« défier » l’ordre planétaire instauré par les États-Unis depuis la
seconde guerre mondiale et devraient être stoppés d’urgence « avant qu’il
ne soit trop tard ». Selon Kagan, si l’Amérique renonce à être le
gendarme du monde, l’ordre actuel (occidentalo-centré et américain)
s’effondrera et le monde sera plongé dans « une phase d’anarchie
violente » et « le coût de cette descente aux enfers défiera
l’entendement ». Pour ce faucon interventionniste résolument russophobe,
l’idée initiale de Donald Trump d’un « rapprochement américain avec la
Russie ne pouvait qu’enhardir Vladimir Poutine, et le durcissement des rapports
avec la Chine ne pouvait qu’inciter Beijing à tester la détermination militaire
de la nouvelle administration ». Dans cette optique, tout signal de
faiblesse envoyé par l’Amérique et tout désengagement de l’armée américaine comme
Obama l’a voulu en Irak, Syrie, Afghanistan, Asie du sud et Europe de l’Est,
aiguisera les appétits revanchards de la Chine et de la Russie qui se sentiront
encouragés à avancer encore plus leurs pions et à prendre la place des
Occidentaux aux portes du Japon, en Corée du Sud dans les pays de l'Asie
du Sud-Est, en Syrie, en Ukraine, en Géorgie, et jusque dans les Pays Baltes et
même en Pologne et dans les Balkans. Et ceci débouchera inévitablement sur une
conflagration planétaire de par les jeux d’alliances stratégiques entre Etats.
D’après Kagan, les tentatives de reset ou de «réinitialisation» des
relations avec la Russie portées par Obama et Trump (brièvement) ont porté le
premier coup à la réputation d’allié fiable de l’Amérique car les Russes
qui venaient d’envahir la Géorgie se sont crus récompensés pour cette agression
tournée contre des alliés des Américains en Europe centrale. En Asie de l’Est,
l’administration Obama se serait également discréditée car son fameux «pivot» stratégique
vers l’Asie aurait été essentiellement velléitaire puisque non associé à des
dépenses de défense significatives pour assurer une présence militaire
américaine dissuasive dans la région.
Les logiciels n’ont pas été changé et ont la vie longue
malgré leur désuétude
Comme nous l’avons vu précédemment, alors que l’ennemi du
III ème type, asymétrique et civilisationnel, n’est pas un ennemi classique et
qu’il se réfère à une idéolgie planétaire qui est diffusée en toute liberté
dans les réseaux sociaux et nombre de mosquées ou centres islamistes radicaux
dans nos propres territoires et auprès de nos propres citoyens, nos stratèges
atlantistes pensent toujours que l’ennemi est la Russie et que le terrorisme
salafiste doit être combattue de façon exclusivement sécuritaire comme le
terrorisme classique d’extrême gauche, et qu’il ne doit être différencié non
seulement de l’islam mais aussi de l’islamisme politique type Frères musulmans
qui serait de nature différente et qui apparaît même pour beaucoup comme
l’antidote aux salafistes jihadistes. Pour eux, la barbarie terroriste n’est
liée qu’à une réalité « nihiliste » qui n’aurait « rien à voir
avec l’islam », et cette menace serait d’autant plus sous-estimée par
rapport aux Etats nucléaires Russie Chine ou Corée du Nord que nos stratèges
occidentaux n’ont pas hésité depuis des décennies à jouer avec l’islamisme
radial sunnite contre jadis la Russie communiste puis ensuite la Serbie, l’Irak
de Saddam, la Libye de Kadhafi et la Syrie de Bachar où Laurent Fabius estimait
que Al-Qaïda (Al-Nosra /Fatah al Sham/Tahrir al-Sham) « fait du bon
boulot »...
En réalité, la guerre asymétrique livrée par l’islamisme
planétaire et ses stratèges adeptes du mythe impérial Califal est une des
facettes d’une véritable guerre de civilisation, globale, multiforme, dont la
source idéologique et le moteur est le projet totalitaire panislamiste
chariatique, qui doit être combatte dans sa globalité idéologique et sa forte
dimension subversive, et pas seulement dans sa dimension terroriste, simple
face émergée de l’iceberg. L’islamisme radical terroriste ou non, tel qu’il a
frappé jeudi soir aux Champs Elysée ou avant au Bataclan, à Nice ou à Berlin,
nous livre essentiellement une guerre du « troisième type » qui revêt
une très forte dimension psychologique. En effet, le terrorisme islamiste
violent, tout comme « l’islamisme de gouvernement » ou
communautariste, à la Frères musulmans ou à la Erdogan, repose en
grande partie sur la stratégie de sidération-culpabilisation et sur le
victimisme qui consiste à justifier le projet totalitaire impérial islamiste au
nom de la dénonciation de « l’islamophobie » et de la persécution des
musulmans, chères à tous les islamistes, hard ou soft. Cette guerre doit
d’abord être gagnée contre nous-mêmes, c’est-à-dire contre la haine de soi et
l’ouverture des démocraties à ses prédateurs, tel celui des Champs Elysées,
qui, comme presque la quasi-totalité de ses prédécesseurs soi-disant
« loups solitaires », avaient été repérés, emprisonnés, relâchés, et
ont pu compter sur la passivité et le laxisme de notre justice pour narguer les
policiers et recommencer à s’en prendre à eux dès leur libération anticipée…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Aidez-moi à améliorer l'article par vos remarques, critiques, suggestions... Merci beaucoup.