FIGAROVOX/TRIBUNE - Frappant le Royaume-Uni pour la troisième fois en trois mois, l'État Islamique utilise un mode opératoire toujours plus simplifié en Europe, après l'avoir expérimenté au Moyen-Orient. Décryptage de cette technique funeste avec Marc Crapez.
Marc Crapez est chercheur en science politique associé à Sophiapol (Paris-X). Il est l'auteur des Antagonismes Français(éd. du Cerf - 2017).
L‘attentat du 3 juin, couplant véhicule-bélier plus arme blanche, ressemble à celui du 22 mars dernier. L'attentat à l'explosif du 22 mai était, par contre, exceptionnel. Les bombes du petit chimiste sont supplantées par des attentats sporadiques, qui reposent sur la technique de l'arme blanche, du véhicule-bélier, ou du tir en rafale, et sont parfois perpétrées par des adolescents.
Daesh a d'ailleurs recommandé les moyens de fortune que sont le couteau et le véhicule-bélier. En novembre 2015, un journal titrait: «Attaque à la voiture bélier en Judée Samarie. Attaque aux ciseaux à Jérusalem». En Israël, de septembre 2015 à juillet 2016, on dénombrait 155 attaques au couteau, 96 tirs à l'arme à feu, 45 attaques de véhicules et une seule bombe.
Ces modes opératoires aboutissent à des attentats spectaculaires à l'issue d'un déroulement en trois étapes: le précédent anti-israélien ou anti-juif, la séquence du déni anti-amalgames et la scène inaugurale. Les apprentis-terroristes s'enhardissent par mimétisme, renforcé par la minimisation ou le déni des autorités.
Véhicule-bélier
L'attentat de Nice fut suivi par celui du 19 décembre 2016, camion fonçant sur un marché de noël allemand, celui du 8 janvier 2017, camion tuant 4 soldats israéliens, celui du 22 mars à la voiture-bélier puis à coups de poignard au Royaume-Uni et celui du 7 avril au camion-bélier en Suède.
Les précédents contre Israël ou la communauté juive: la veille de l‘attentat de Nice, le 13 juillet, au nord de Jérusalem, un terroriste palestinien est abattu après avoir tenté de percuter des soldats.
Le déni anti-amalgames: en France, les 21 et 22 décembre 2014, à Dijon et Nantes, une dizaine de piétons sont fauchés.
La scène inaugurale: en Israël, le véhicule-bélier est fréquent en 2008-2009, puis mai 2011, novembre 2014, avril 2015, mai 2015, octobre 2015; en Chine, il est employé en juillet 2011 et mai 2014; au Canada, en octobre 2014, un assaillant utilise sa voiture pour écraser des soldats.
Arme blanche
C'est le plus fréquent. 2017: en mars à Orly et à la machette en Allemagne, en février à Paris à la machette. 2016: en janvier au couperet en France, en septembre dans un centre commercial aux USA, en octobre au couteau et en août à la machette en Belgique, en juillet un prêtre égorgé près de Rouen, en juin meurtre d'un policier et de sa compagne à Magnanville, en juillet attaque à la machette en Allemagne. 2015: en juin décapitation à la machette en Isère, en septembre en Allemagne, en décembre dans le métro de Londres.
Les précédents contre Israël ou la communauté juive: le 3 février 2015, trois militaires en faction devant un centre communautaire juif à Nice sont agressés au couteau.
Le déni anti-amalgames: sont successivement rejetés comme relevant de la psychiatrie les attentats de Joué-les-Tours, en décembre 2014, en Allemagne, en mai 2016, et dans les Hautes-Alpes, en juillet 2016 (hypothèse du «coup de sang»).
La scène inaugurale: en Israël notamment en novembre 2014, janvier et surtout octobre 2015, février, mars, mai 2016; en Chine deux cas en 2011; à La Défense, en mai 2013; à Londres, en mai 2013 au couperet; en Australie, en septembre 2014; aux USA, en octobre 2014.
Tir en rafale
Utilisé le 20 avril dernier à Paris, en janvier et novembre 2015, contre Charlie Hebdo et Le Bataclan, et en juin 2016, contre une boîte de nuit gay aux USA.
Les précédents contre Israël ou la communauté juive: en juin 2016, juste avant les USA, sont abattus 4 Israéliens attablés à un café; en mai 2014, 4 personnes sont assassinées au Musée juif de Belgique.
Le déni anti-amalgames: mars 2012, Toulouse, et novembre 2013, le «tireur de Libé», sont d'abord imputés à l'extrême droite ; aux USA, Nidal Malik Hasan tue 13 militaires en 2009 (la consigne est de ne pas «sauter aux conclusions») et Mohammad Youssuf Abdulazeez, en tue 5 en juillet 2015 (un «tireur dépressif» souffrant de troubles mentaux).
La scène inaugurale: en mars puis juin 2015 des tirs en rafale font des carnages en Tunisie.
Adolescent endoctriné
L'action retentissante est à venir. Le 10 février dernier, à Montpellier, une adolescente de 16 ans est interpellée pour préparation d'acte terroriste.
Les précédents contre Israël ou la communauté juive: en France, le 11 janvier 2016, un Turc de 15 ans agresse à la machette un enseignant juif.
Le déni anti-amalgames: en Allemagne, en février 2016, une adolescente de 15 ans tente de poignarder un policier; une semaine auparavant avaient été poignardés deux Israéliens, le 9 février au couteau par un adolescent de 16 ans et le 3 février aux ciseaux par deux adolescentes de 14 ans; en novembre 2015 déjà, deux adolescentes de 14 et 16 ans avaient attaqué des passants avec des ciseaux à Jérusalem.
La scène inaugurale: en mai 2015, au Nigeria, une adolescente d'une douzaine d'années fait 7 morts; en novembre 2015, au Cameroun, deux jeunes filles se font exploser tuant 5 personnes.
Résumons-nous. Les attentats islamistes ne tombent pas du ciel. La scène inaugurale se joue ailleurs qu'en Occident. La couverture médiatique est minimaliste. Puis la technique migre vers l'Occident, avec d'abord une phase de refoulement anti-amalgames. Alors même que la technique touche déjà de plein fouet Israël. Désormais bien rodée, la technique frappe alors l'Occident spectaculairement.
FIGAROVOX/TRIBUNE- Au lendemain de l'attentat des Champs-Élysées, l'avocat Guillaume Jeanson rappelle que les moyens mis en œuvre pour lutter contre le terrorisme ne sont pas encore suffisants.
Guillaume Jeanson est avocat au Barreau de Paris et porte-parole de l'Institut pour la Justice.
Aucune surprise mais une profonde tristesse. La mort violente qui promettait mardi de frapper l'un des candidats est venue souiller hier soir la plus belle avenue du monde emportant tragiquement la vie d'un policier de 37 ans. Comment en est-on arrivé là? Que faisait un tel individu en liberté? Est-ce que ceux qui briguent la magistrature suprême réalisent pleinement l'ampleur du drame qui se joue, depuis des années, sous les yeux effarés de ceux dont ils réclament les suffrages?
À lire les programmes et à comptabiliser le temps d'antenne accordé sérieusement à ces sujets, il est permis d'en douter. À titre d'exemple, le débat du 20 mars, grande messe cathodique de la campagne, n'a consacré aux thèmes de la justice et de la sécurité que 17 minutes sur ses 3 heures 12 minutes d'échanges. Soit seulement trois minutes par candidats.
Il n'est donc guère étonnant de relever que posture et cynisme semblent largement de rigueur sur ce sujet, alors même qu'il compte parmi les deux premières préoccupations des Français à la veille de cette élection. Devant l'expansion du terrorisme islamiste, est-il en effet raisonnable de vanter le désarmement d'une police qui constitue désormais une cible privilégiée? Devant l'état désespéré des prisons françaises, victimes de plusieurs décennies de lâchetés politiques, est-il crédible de promettre que chaque peine prononcée sera exécutée et de n'envisager, dans le même temps, que la création d'un nombre de nouvelles places de prison qui couvrira à peine le nombre actuel de détenus en surnombre, alors que plus personne n'ignore qu'il existe toujours, à côté, près de 100.000 peines de prison en attente d'exécution?
Poser la question c'est non seulement y répondre mais c'est aussi, chose inquiétante pour une démocratie si soucieuse de sa liberté d'expression, s'exposer aux pires anathèmes. En ce mal réside sans doute une part des freins aux mesures ambitieuses que devra prendre celui ou celle qui accédera à la fonction présidentielle.
À ce dernier ou cette dernière, il faudra non seulement une vision mais aussi du courage. Car le chantier est aussi immense que les réponses à y apporter peuvent être multiples. Devant un tel péril, il faut revoir l'échelle des peines, dont l'érosion a pu être soulignée par des historiens du droit tels que Marie-Hélène Renaut et des criminologues de renom comme Maurice Cusson. Il faut repenser la prison. Construire, diversifier et rendre le temps carcéral utile pour la société, le détenu et ses victimes. Il faut reprendre le milieu ouvert et se donner les moyens d'un véritable suivi. Le Parisien révèle aujourd'hui que Karim Cheurfi dont la dangerosité était, au regard de ses très graves antécédents, évidemment avérée, «ne se soumettait plus à ses obligations auprès du juge.» De telles informations ne peuvent que susciter une incompréhension et une indignation légitime. Il faut enfin poursuivre le développement du droit et de l'accompagnement des victimes afin de combler ce fossé qui se creuse toujours plus entre la justice et les justiciables.
Devant ces évidences, il y a ceux qui se réfugient dans un angélisme toujours plus forcené après chaque attentat. L'aggravation à craindre de la situation dans les mois et les années à venir devrait éclaircir leurs rangs. Il y a aussi ceux qui se drapent de sérieux en opposant l'argument budgétaire. Mais combien parmi eux se sont intéressés aux travaux qu'avait réalisés en 2010 pour le compte de l'Institut pour la Justice, le professeur Jacques Bichot?
Son étude, actualisée en 2012, s'essayait à un exercice aussi délicat que nécessaire pour toute personne désireuse de porter une réforme ambitieuse de la justice: le chiffrage du coût du crime et de la délinquance. Bien sûr l'entreprise en elle-même est délicate et on peut regretter d'ailleurs que l'État lui-même n'y consacre guère de réels efforts.
Du résumé de cette étude de 130 pages on lit notamment qu'«une évaluation prudente conduit l'auteur à chiffrer à un minimum de 150 milliards d'euros annuels le coût économique et social de la criminalité pour la collectivité, ce qui représente 7,5% du PIB. Le coût pour la société, hors dépenses publiques, du noyau dur de la criminalité (et donc de ce que l'on appelle «insécurité») s'élève à près de 80 milliards d'euros - chiffre auquel on peut mettre en regard le budget affecté à la justice pénale qui ne dépasse pas 5,3 milliards d'euros.»
Les chiffres ont depuis évolué. Dans quelques jours, le Professeur Jacques Bichot dévoilera la mise à jour de cette étude dont les montants se sont, pour un certain nombre de raisons, très fortement accrus. Aujourd'hui, le coût du crime et de la délinquance serait plus de trois fois supérieur au produit de l'impôt sur le revenu.
Si on ne saurait décemment lutter contre le crime et la délinquance pour de seules raisons budgétaires, il est en revanche désormais impensable de se refuser à lutter efficacement contre le crime et la délinquance, pour ces mêmes raisons budgétaires.
Le profil des terroristes de l'état islamique qui se succèdent attentats après attentats, nous conforte dans notre certitude de cette porosité manifeste qui existe entre délinquants et candidats au djihad. La lutte contre le terrorisme implique donc nécessairement d'accroître celle contre la délinquance.
Passées les minutes de silence et l'ivresse de la victoire par les urnes, il faudra agir.
FIGAROVOX/TRIBUNE- Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme, fait le bilan des dernières années en matière de lutte contre le terrorisme, et énumère les défis que devra relever le prochain président de la République.
Jean-Charles Brisard est président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT).
Une récente table ronde sur le terrorisme réunissant les représentants des principaux candidats à l'élection présidentielle organisée par le Centre d'Analyse du Terrorisme (CAT) a montré qu'en dépit de convergences sur les aspects techniques dépassant les clivages partisans, le sujet reste empreint de dogmatisme. Les défis que le futur Président de la République devra relever dans ce domaine sont pourtant cruciaux pour la sécurité nationale, et ce quelle que soit l'évolution de l'organisation terroriste État Islamique: l'adaptation de notre outil de renseignement à la massification du phénomène djihadiste et de ses manifestations violentes dans notre pays, la prise en compte des évolutions tactiques des individus et des groupes djihadistes, la question des retours, et, au-delà, l'enracinement du phénomène djihadiste et de la radicalisation.
Depuis 2012, six lois ont été adoptées sur le terrorisme, soit plus d'une par an, sans compter les lois relatives à l'état d'urgence et à sa prorogation. Aucune autre législature sous la Vème République n'avait autant légiféré pour adapter les outils à la menace, sans toutefois réformer les structures et les méthodes.
Nous continuons à privilégier une approche centralisée et spécialisée de la lutte antiterroriste héritée des premières lois de 1986, soit il y a plus de 30 ans, alors que nous ne sommes plus seulement confrontés à la menace directe de groupes, mais de plus en plus à une menace diffuse et implantée. Cette évolution devrait nous inciter au renforcement des outils de détection précoce des signaux faibles à travers un maillage territorial du renseignement, ainsi qu'à un travail d'analyse pluridisciplinaire de la menace face à des profils multiples. Ainsi des équipes interservices permanentes et thématiques pourraient être mises en place afin d'appréhender la menace sous différents angles, plutôt que de multiplier les dispositifs de coordination d'une architecture administrative devenue trop complexe.
Outre le renforcement du renseignement territorial, qui fait l'objet d'un quasi-consensus parmi les candidats à l'élection présidentielle, cette évolution implique une véritable révolution culturelle au sein de nos services, dont la culture d'enquête demeure essentielle, mais qui doit s'enrichir de l'analyse, notamment prospective, d'un phénomène en perpétuel mouvement. Cela nécessite également une ouverture au monde de la recherche et de l'université sur ces questions, dynamique qui était d'ailleurs souhaitée par l'ancien ministre de l'intérieur et actuel premier ministre. Il s'agirait notamment, sur le modèle de nombreux pays européens et anglo-saxons, d'adosser au ministère de l'intérieur un organe parapublic permanent d'analyse et de prospective destiné à anticiper les mutations de la menace.
S'agissant de l'anticipation et du traitement de la menace, un programme de formation tous azimuts au phénomène djihadiste et aux nouveaux modes opératoires terroristes est devenu nécessaire, tant pour les personnels de sécurité publics et privés, que pour les magistrats et avocats non spécialisés. Ces derniers auront à traiter dans les prochaines années un contentieux de masse lié aux filières djihadistes ainsi qu'aux retours du théâtre des opérations terroristes, notamment de femmes et de mineurs.
Le retour des djihadistes du théâtre des opérations syro-irakien constitue une source de préoccupation. Cette perspective doit cependant être appréciée à sa juste mesure, notamment au regard de l'histoire moderne de l'engagement de combattants étrangers sur des terres de djihad. Le spectre d'un retour massif de djihadistes est improbable compte tenu des mesures préventives et dissuasives déjà mises en œuvre ; ils se disperseront plus vraisemblablement dans d'autres régions, créant potentiellement des foyers de risques locaux ou régionaux. Pour ceux d'entre eux qui choisiront de revenir, il conviendra d'être sélectif dans le traitement de ces individus mais vigilants à l'égard de tous. Si certains expriment le désir de renoncer à leur engagement, et que d'autres reviennent pour des raisons de sécurité, notamment les femmes et les enfants, il ne faut pas pour autant céder à l'angélisme ; depuis sa création l'État Islamique s'est structuré pour frapper les pays occidentaux et les combattants européens sont les premiers vecteurs de cette menace globale. Ainsi depuis 2013, plus de 10% des revenants français ont été impliqués dans des projets terroristes. Face à cela, nous devons nous garder de solutions simplistes, voire contre-productives, comme la déchéance de nationalité ou l'interdiction du territoire, qui ne feraient que reporter le problème sur d'autres pays en privant nos services policiers et judiciaires de la capacité de mettre ces revenants hors d'état de nuire.
La dimension européenne de la lutte contre le terrorisme s'impose progressivement comme une réalité face à des filières et des réseaux transnationaux. Outre le renforcement des contrôles aux frontières et la création d'un PNR (Passenger Name Record) européen, qui devrait être étendu au transport ferroviaire, maritime et terrestre, la mutualisation de capacités d'analyse et de prévention des États membres est devenue une priorité, avec la création d'une base de données et d'une plateforme d'échange et de traitement de l'information sur le terrorisme islamiste à vocation opérationnelle. Sur le plan judiciaire, les procédures de coopération et d'entraide en matière pénale devraient être facilitées et automatisées. Dans ce domaine, la France devra avoir un rôle moteur pour convaincre ses partenaires de mieux partager l'information.
Dans le domaine de la propagande djihadiste en ligne, la France pourrait être à l'origine d'une initiative internationale visant non pas à s'opposer frontalement aux grands acteurs de l'internet, par ailleurs protégés par leurs lois nationales, mais à leur donner les moyens, notamment juridiques, de lutter efficacement contre l'État Islamique virtuel. Il s'agirait de proposer à l'ONU, comme l'y autorisent les résolutions du Conseil de Sécurité relatives aux sanctions contre les organisations terroristes, la désignation des organes médiatiques ainsi que des publications diffusées sur internet et les réseaux sociaux qui participent à la propagande, au recrutement, au financement, à l'incitation, à la facilitation et à la préparation d'actes ou d'activités terroristes. La désignation de ces entités (une quinzaine d'organes médiatiques et de publications) «associées» à l'État Islamique, constituerait un levier très important pour assurer la suppression des contenus par les acteurs de l'internet.
Un autre axe concerne le financement du terrorisme. En dépit des revers militaires subis par l'État Islamique et de la contraction de son assise territoriale, réduisant mécaniquement son accès aux ressources naturelles, l'organisation parvient à maintenir un niveau de revenus élevé en pratiquant l'extorsion généralisée, et en recourant à des intermédiaires pour écouler ses productions. Les sanctions adoptées par l'ONU notamment le gel des avoirs, calquées sur celles qui s'appliquaient à al-Qaida, se sont révélées inefficaces contre le financement de l'État Islamique, dont le modèle économique est radicalement distinct. La mise en place d'un embargo sous régime de l'ONU visant l'ensemble des ressources acheminées et des transactions effectuées à partir du territoire contrôlé par l'État Islamique, permettrait non seulement de sanctionner les États, entités ou individus le violant, mais surtout de garantir son effectivité par les moyens de la coalition internationale, avec des exemptions humanitaires appropriées. Une telle mesure a déjà été mise en œuvre par l'ONU en 1993 à l'encontre d'un autre acteur non-étatique, l'UNITA, qui exerçait à l'époque un contrôle territorial sur des champs pétroliers en Angola.
Sur le plan national, les récents attentats ont démontré l'usage récurrent, par les terroristes, de moyens de paiement et de communication anonymes, et la facilité avec laquelle ils ont pu déjouer la vigilance des opérateurs de crédits à la consommation. Un meilleur encadrement de ces services est devenu essentiel pour limiter l'anonymat, ainsi que des mesures visant à renforcer les obligations de vigilance des acteurs concernés. En raison de la nature transnationale du terrorisme, de telles mesures devraient également faire l'objet d'une harmonisation européenne pour être véritablement efficaces.
Enfin, il conviendra de mieux garantir le respect de la dignité des victimes et de leurs familles, tant dans le traitement médiatique des attentats que lorsqu'il est porté atteinte à leur mémoire par la contestation de crimes terroristes, dans des conditions s'apparentant à une forme de «révisionnisme». La France s'honorerait d'adopter des dispositions sanctionnant ces atteintes inacceptables, à l'instar de ce qui est fait dans plusieurs pays, notamment en Espagne, dont le code pénal réprime le fait «de discréditer, de mépriser ou d'humilier» les victimes du terrorisme ou leur famille.
FIGAROVOX/TRIBUNE- Guillaume Peltier, porte-parole des Républicains, estime que François Fillon est le seul candidat à la campagne présidentielle capable de défendre les Français face au terrorisme islamique.
Guillaume Peltier est porte-parole national des Républicains et maire de Neung-sur-Beuvron.
Les attentats qui ont touché la communauté chrétienne des Coptes, le jour du dimanche des Rameaux en Égypte, qui font suite aux attentats de Stockholm, Saint-Pétersbourg et Londres, ou bien encore les atrocités commises en Syrie ou dans le Moyen-Orient, viennent nous rappeler que nous vivons dans un monde dangereux. Un monde confronté à un véritable ennemi: le totalitarisme islamique.
Cet ennemi s'est attaqué très violemment à la France et aux Français. Paris, Nice, Saint-Denis, Montrouge, Magnanville, Saint-Quentin-Fallavier, Saint-Etienne-du-Rouvray… Depuis un peu plus de deux ans, ces noms de villes ont été associés à des attentats ou des projets d'attentats comme il y a encore quelques semaines à l'aéroport d'Orly ou au musée du Louvre. Depuis hier, nous savons ce que nous redoutions: l'élection présidentielle, qui symbolise le rendez-vous de la France avec son avenir, est aussi la cible de nos ennemis. Tout aura été fait pendant cette campagne pour nous détourner de l'essentiel, c'est-à-dire des sujets de fond. Et pourtant le réel, aussi tragique soit-il, finit toujours par réapparaître pour ceux qui, par lâcheté, incompétence ou facilité, tentent de le cacher, de le nier ou de le contourner.
Cet ennemi, nous devons l'identifier, le désigner, le combattre et le vaincre. Le désigner tout d'abord parce que mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. François Fillon est le seul candidat à l'élection présidentielle à avoir publié un livre consacré spécifiquement à cet enjeu crucial et historique et qui n'a pas peur de dire clairement les choses: nous devons impérativement vaincre le totalitarisme islamique. Cette position courageuse et les propositions fortes qu'il a formulées pour combattre le totalitarisme islamique en font aujourd'hui une cible privilégiée de nos ennemis. Nous ne nous laisserons pas intimider.
Alors que le monde est traversé par des crises particulièrement menaçantes, nous devons élire un chef d'État qui ait de l'expérience, du courage et du sang-froid.
Seul François Fillon présente cette force de caractère et cette connaissance des enjeux internationaux. Face à Donald Trump, Vladimir Poutine, Angela Merkel ou Xi Jinping, il faut un homme d'État capable de représenter la France et de défendre, avec détermination, son avenir et ses intérêts. Face au totalitarisme islamique, il faut un chef de guerre qui soit capable de relancer notre action diplomatique et de soutenir notre armée et nos militaires.
Je souhaite que les Français votent en faveur d'une alternance qui les protège, d'une alternance qui veille à renforcer la sécurité en France et dans le monde, d'une alternance qui lutte, de façon implacable, contre le terrorisme et le totalitarisme islamique. Pour cette alternance du courage et de l'autorité, la main de nos dirigeants ne doit pas trembler. Pour cela, nous devons tourner la page des commentaires stériles et des bavardages inutiles ; nous devons prendre des mesures fortes, crédibles et courageuses.
Nous devrons interdire à tout Français parti combattre à l'étranger dans les rangs terroristes de rentrer sur le territoire national, notamment grâce au recours à la déchéance de la nationalité, et expulser du territoire national les étrangers proches des réseaux terroristes. L'action des préfets et de l'autorité judiciaire devra être facilitée, renforcée et appuyée, notamment en moyens humains et matériels mais aussi par un véritable tour de vis dans l'exécution des peines et dans le suivi des détenus ou fichés S.
Ce combat contre le totalitarisme islamique, nous le mènerons avec nos voisins européens qui sont attachés, comme nous, à la sécurité et à la liberté. Nous devrons refonder Schengen pour assurer la protection de nos frontières notamment grâce à des garde-côtes plus nombreux, une agence Frontex largement renforcée et la mise à l'écart, temporaire ou non, des pays ne jouant pas le jeu de la sécurité des frontières extérieures et intérieures.
Ce combat contre le totalitarisme, nous le mènerons avec tous nos concitoyens musulmans qui sont attachés à leur culte mais veulent que l'autorité des lois et des valeurs de notre République soit garantie et respectée. Les lieux de culte portant atteinte à l'ordre public seront fermés. Les prédicateurs étrangers extrémistes devront être expulsés sans attendre. L'Islam de France devra être l'un des tout premiers acteurs de ce combat à travers une charte républicaine des mosquées qui imposera, par exemple, l'interdiction des prêches extrémistes ou encore le respect absolu de l'égalité homme/femme qui n'est pas une valeur négociable. Je propose qu'une future majorité de la droite et du centre dépose un texte sur ce sujet, le 3 juillet prochain, date anniversaire de la loi de 1905.
Enfin, ce combat contre le totalitarisme islamique doit faire l'objet d'une coalition internationale dans laquelle la France aura un rôle clef de facilitateur et de médiateur entre toutes les puissances concernées du fait de sa position particulière et de l'élection d'un nouveau Président de la République capable de fédérer toutes les grandes puissances.
Dans le prolongement de la politique d'indépendance du Général De Gaulle et du magnifique discours de Dominique de Villepin à l'ONU, la France doit redevenir une grande puissance d'équilibre et de contrepoids à toutes les hégémonies dans le monde. En lien avec la Russie, les Etats-Unis et les pays arabes, la France doit redevenir une puissance internationale, souveraine et libre, capable de défendre nos civilisations face à la barbarie. C'est unis, forts et fiers de nos valeurs que nous pourrons éradiquer le terrorisme. Sur tous les continents, nous devons combattre les terroristes qui tentent de nous diviser et de nous faire reculer.
L'élection présidentielle française de 2017 est un rendez-vous historique pour protéger les Français de périls extérieurs et intérieurs qui n'ont jamais été aussi élevés depuis des décennies. Nous devons voter en conscience et avec gravité, avec la connaissance de ces enjeux. Pour vaincre le terrorisme et le totalitarisme islamique, il nous faut un chef d'Etat à la hauteur des enjeux, François Fillon, et une majorité parlementaire forte et déterminée à ses côtés. Les Français ont les clefs de leur avenir et de leur sécurité entre leurs mains. Dimanche, sans état d'âme, nous devons voter au nom de l'intérêt de la France, de la liberté de notre patrie et de la sécurité de notre peuple.
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans un entretien fleuve, Renaud Girard décrypte les stratégies d'influence des Etats-Unis, de la Russie et des acteurs régionaux au Levant. Pour le Grand reporter, seul un réalisme assumé peut amener à ne pas répéter les erreurs passées en Irak et en Syrie.
Renaud Girard est géopoliticien, grand reporter et correspondant de guerre. Chroniqueur international du Figaro, journal pour lequel il a couvert les principaux conflits de la planète depuis 1984, il est également professeur de Stratégie à Sciences Po Paris. Il a notamment publié Retour à Peshawar(éd. Grasset, 2010) et dernièrement Le Monde en guerre (éd. Montparnasse, 2016).
FIGAROVOX. - La bataille de Mossoul a commencé. Peut-on dire qu'il s'agit du début de la fin pour l'État islamique?
Renaud GIRARD. - Il s'agit du début de la fin pour l'État islamique en tant qu'État, de la fin de cette espèce de Sunnistan qui a essayé de vivre de manière indépendante. En revanche ce n'est pas la fin de l'organisation terroriste «État islamique». Il faut bien faire la différence. On a trop souvent dit que l'État islamique n'était pas un État. La BBC dit toujours «te so called Islamic State» («le soi-disant État Islamique»). Pourtant, Daech contrôle un territoire, qui, certes, se réduit. Il dispose d'une administration et de tribunaux, qui nous paraissent certes barbares. Il y a aussi une hiérarchie civile avec le Calife Abou Bakr al-Baghdadi et militaire avec les anciens généraux de l'armée de Saddam Hussein. Enfin, l'État islamique prélève l'impôt. Daech a donc bien les éléments constitutifs d'un État. L'État islamique va donc disparaître comme État, mais pas comme organisation terroriste. Sur le terrain militaire à Mossoul, à l'image de toutes les guerres asymétriques, les militants islamistes sont passés maîtres dans l'art de l'esquive. Ils ne vont pas avoir la sottise de se prêter à un combat frontal. Ils vont reculer, s'évaporer, laissant des milliers de pièges et de mines derrière eux. Ils vont donc préférer la dissimulation pour ressurgir ailleurs. On peut par exemple penser au désert libyen. De plus, la fin prochaine de Daech en tant qu'État contrôlant un territoire (ni même son éventuelle disparition en tant qu'organisation terroriste, ce qui n'est pas à l'ordre du jour) n'implique la fin des attentats islamistes en Occident. Il y a eu des attentats avant Daech, il y en aura après, ils seront juste commis sous le drapeau d'autres organisations.
Il y a encore près d'un million et demi de civils à Mossoul. Alors que les opinions occidentales se sont émues de la situation à Alep, à quoi peut-on s'attendre sur un plan humanitaire pour cette bataille urbaine qui s'engage?
Pour l'instant, la situation à Mossoul est très dure pour les civils, principalement parce que Daech enlève des habitants pour s'en servir comme boucliers humains. Les Américains et la coalition internationale arriveront-ils à Mossoul à un résultat plus rapide, plus efficace que l'Armée syrienne à Alep, laquelle obtient des résultats très mauvais et utilise la torture, l'emprisonnement politique à vaste échelle? Cela reste à voir. On ose imaginer que cela a été pensé et qu'on ne va pas rééditer les erreurs passées de l'Irak. La bonne idée serait de faire en sorte que ce soient les tribus sunnites qui, elles-mêmes, se débarrassent des djihadistes de Daech. Si ça fonctionne, ça serait un très grand succès. L'Histoire est imprévisible, attendons de voir.
La plupart des observateurs parlent de crimes de guerre à Alep. La Russie s'est empressée de faire savoir qu'elle constatait aussi des crimes de guerre à Mossoul. Qu'en pensez-vous?
Quand il y a une guerre, il y a toujours des crimes de guerre! La guerre n'est pas belle. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Japonais en ont commis. Ils ont ensuite été sanctionnés lors du procès de Tokyo. Mais qu'en est-il du bombardement américain de Tokyo par bombes incendiaires en 1944 qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts civiles? N'était-ce pas aussi des crimes de guerre? Le bombardement aérien n'est pas nouveau, il n'a pas commencé à Alep. En 1944, quand les Américains veulent mettre pied sur le continent européen, la ville de Saint-Lô est entièrement rasée la nuit du 6 au 7 juin 1944 parce que les Américains pensaient qu'il y avait des Allemands dans la gare. Il se trouve qu'il n'y en avait pas… mais il aurait pu y en avoir. Pourtant, cela ne donne pas raison aux nazis pour autant! Croire que dans la guerre, il n'y a que des militaires qui meurent, c'est une vision naïve de l'histoire. Ceci a pu correspondre à certaines guerres pendant une période relativement courte de l'histoire, disons de la bataille de Fontenoy en 1744 - «Messieurs les Anglais, tirez les premiers» - jusqu'à la Guerre de 14. Mais dès la Première Guerre mondiale, il y a eu beaucoup de civils tués et des atrocités commises.
Ce qui est immoral, c'est la guerre! C'est pour ça que je combats dans mes écrits depuis trente ans le néoconservatisme et tous les acteurs politiques qui pensent, à la suite du sénateur Jackson aux États-Unis et dans une mauvaise interprétation du philosophe Leo Strauss, que leur idée de la justice, de la démocratie et des droits de l'Homme est plus importante que la paix et peut s'imposer par la force. En défenseur du réalisme politique, c'est-à-dire en Metternichien ou en Kissingerien, je pense que la paix est le bien le plus précieux.
Contrairement à ce que l'on pense parfois, la position réaliste n'a rien de cynique. Les réalistes ne sont pas des désabusés qui entre la paix et la démocratie choisiraient la paix. Au contraire, je pense que ce choix est illusoire, car il ne peut pas y avoir de démocratie s'il n'y a pas la paix. Comme la paix est la condition de la démocratie, vouloir imposer la démocratie par la force, comme le souhaitent les néoconservateurs, est un contresens. C'est ce que prouve l'exemple irakien: l'invasion de l'Irak a non seulement plongé le pays dans le chaos et nourri le terrorisme islamiste, mais en plus l'Irak n'a pas progressé d'un pouce vers la démocratie. Les Irakiens ont perdu la paix, mais n'ont pas gagné la liberté.
Quel est votre regard sur la situation à Alep?
La souffrance des populations civiles à Alep est intolérable. Si notre compassion était réelle, nous ne resterions pas là, les bras ballants, nous contentant d'une indignation médiatique de bon aloi. Nous passerions à l'action. Mais pour agir, il faut tenir compte des réalités, car, par définition, la réalité exerce un pouvoir de contrainte. Comme disait Lacan, «le réel, c'est quand on se cogne.» Or, ici, la réalité, c'est que des exactions sont commises des deux côtés et que nous ne pouvons pas intervenir militairement contre Bachar, ne serait-ce que parce qu'il est protégé par la Russie et que nous n'avons personne à mettre à sa place. Il faut donc prendre les réalités telles qu'elles sont et parler avec Bachar.
D'ailleurs, c'est le réalisme seul qui pourra sauver Alep. C'est justement parce que cette guerre est horrible qu'il faut parler avec Bachar. Bachar appartient à un clan qui est au pouvoir depuis 46 ans. Il est soutenu par les Russes et l'Iran, représente l'appareil d'État, est puissant militairement et a le soutien d'une partie importante de la population (toutes les minorités, mais aussi une partie des sunnites), c'est donc un acteur incontournable. Et, puisqu'on ne fait de la politique que sur des réalités il faut lui parler (comme il faut aussi parler aux rebelles salafistes), même si c'est désagréable. Si la guerre est si longue et sanglante, c'est parce que Bachar et les rebelles représentent tous deux l'une des faces de la société syrienne, qui est très polarisée: il n'y aura donc pas de sortie de crise si on refuse de parler aux rebelles ou à Bachar. Si on ne parle pas à Bachar, nous n'aurons jamais la paix et le bain de sang continuera. N'oublions pas qu'il a fallu parler aux Serbes pour faire les accords de Dayton et en finir avec la guerre de Bosnie. Si on avait parlé à Bachar et si on avait proposé/imposé une médiation, il n'y aurait pas aujourd'hui le massacre d'Alep. En rompant avec lui, nous nous sommes donc privés de tout moyen de négociation avec lui, ce qui l'a incité à durcir sa répression. Nous avons donc une part de responsabilité dans les massacres par notre refus de parler à Bachar. La vraie morale (qui est d'aider les habitants d'Alep) se moque de nos indignations.
Si notre compassion pour Alep est sincère, alors nous devons surmonter notre répugnance instinctive (et légitime) et accepter de parler avec Bachar pour sauver ce qui peut encore l'être.
Pour Alep, je propose la solution suivante: ne pas attendre un grand règlement global de la question syrienne, mais conclure une paix locale. Pour cela, les rebelles doivent déposer les armes et en appeler à l'ONU, aux États-Unis, à la Russie (qui, en tant que soutien de Damas, peut contrôler le régime syrien) et à la Turquie (qui est le protecteur des rebelles) pour garantir leur sécurité et s'assurer que le régime syrien ne commettra pas d'exactions contre eux.
Ne faudrait-il pas en plus venir en aide aux rebelles à Alep?
Non. À Alep, il y a deux catégories de gens: les rebelles et les civils, qui sont utilisés comme boucliers par les rebelles. Ce sont les civils qu'il faut aider (par la diplomatie et l'action humanitaire), pas les rebelles. Les rebelles sont des militants islamistes, qui se livrent à de nombreuses exactions.
Méditons les leçons du passé. Ne commettons pas la même erreur qu'en Afghanistan où pour lutter contre les Soviétiques, nous avons nourri un serpent dans notre sein en soutenant Ben Laden ou le fanatique Gulbuddin Hekmatyar (responsable de la mort de 10 soldats français en 2008). Ne commettons pas la même erreur qu'en Irak où le renversement d'un dictateur laïc et inoffensif pour l'Occident a déstabilisé toute la région et mené au chaos, à la persécution des chrétiens et à Daech.
N'oublions pas que, comme le décrivait déjà Michel Seurat, Alep est une ville où l'implantation islamiste est très ancienne. En 1973, Hafez el-Assad propose une constitution laïque, mais des émeutes islamistes éclatent à Hama, Oms et surtout à Alep (qui est la deuxième ville du pays, le poumon économique). Il accepte de faire une concession en faisant inscrire dans la Constitution que le Président doit être musulman.
Le principal groupe rebelle à Alep est le Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al Qaeda. Pour des raisons médiatiques. En reprenant le nom antique de «Cham» pour désigner la Syrie, il montre son mépris pour la réalité nationale moderne de la Syrie. Or, ce groupe a commis de nombreuses exactions. Le 9 septembre 2013, la ville historique chrétienne de Maaloula, au nord de Damas, est attaquée par le front Al-Nosra. Dans la ville, les djihadistes saccagent alors les églises, occupent les monastères et tuent au moins 20 civils et en enlèvent 15 autres. Le 11 décembre 2013, Al-Nosra a infiltré la ville industrielle d'Adra (au nord-est de Damas): au moins 32 civils alaouites, chrétiens, druzes et ismaélites ont été massacrés. Certaines personnes ont été décapitées.
À cause de son idéologie et de ces exactions, Al-Nosra n'a pas bonne presse auprès de l'opinion syrienne. D'après un sondage mené en juillet 2015 en Syrie par l'institut international ORB, 63% des Syriens ont une mauvaise image d'Al-Nosra (22 plutôt négative et 41 très négative). En mars 2016, des centaines d'habitants sunnites de la ville de Ma'arrat al-Numan (nord-ouest) ont manifesté dans les rues, au péril de leur vie, pour demander le départ du Front al-Nosra.
À Alep, il reste encore beaucoup de civils. Pourquoi les rebelles n'ont-ils pas pris le contrôle de toute la ville? Parce que beaucoup d'habitants d'Alep leur sont hostiles. La principale division entre rebelles et factions progouvernementales n'est pas fondée sur une opposition confessionnelle, car tout le monde est sunnite - à l'exception de la minorité chrétienne, favorable au régime - mais principalement sur des divisions sociales et sur un clivage historique et géographique entre les populations qui sont urbaines depuis longtemps (à l'ouest), qui forment les classes commerçantes et qui sont hostiles à Al-Nosra et les populations d'origine rurale, plus pauvres et beaucoup plus islamistes (à l'est).
Si les rebelles gagnaient, il y aurait de grands massacres à Alep et ils formeraient un émirat islamique, à la fois imitation et rival de Daech, d'où des attentats seraient lancés contre Israël et contre l'Occident (notamment pour pouvoir rivaliser médiatiquement avec les attentats de Daech). Souvenons-nous que les attentats du 11 septembre 2001 (les plus meurtriers de l'histoire du terrorisme), ceux de Madrid en 2004, ceux de Londres en 2005 et ceux de Charlie Hebdo (les frères Kouachi se revendiquant de Al-Qaeda dans la Péninsule Arabique) sont l'œuvre d'Al-Qaeda. De même que l'assassinat du consul américain en Libye en septembre 2012. Souvenons-nous aussi que Merah se réclamait d'Al Qaeda. D'ailleurs, juste après les attentats de novembre 2015 à Paris, Al-Nosra, bien que rivale de Daech, a émis un communiqué pour dire qu'elle approuvait les attentats et félicitait Daech. En outre, il serait vraiment étrange de combattre Al-Qaeda au Mali comme nous le faisons, en engageant pour cela la vie de nos soldats et l'argent du contribuable, et en même temps de soutenir Al-Qaeda en Syrie.
On ne saurait donc mettre Bachar et Al-Nosra sur le même plan, car Al-Nosra est allergique à la liberté religieuse, dont Bachar est le garant. De plus, Al-Nosra, qu'Assad combat à Alep, appartient à une organisation (Al-Qaeda) qui, comme Daech, commet des attentats contre nous, tue nos enfants dans nos rues, ce que ne fait absolument pas Bachar. Souvenons de l'histoire. Staline était un dictateur sanguinaire, mais la France a fait une grave erreur en refusant de nous allier avec lui en en 1935. Heureusement que les Alliés l'ont soutenu à partir de 1941, sinon le nazisme aurait triomphé. La différence entre Hitler et Staline est que Staline ne voulait pas attaquer la France et n'était donc pas notre ennemi principal. Aujourd'hui, c'est le djihadisme sunnite qui est notre ennemi principal. Pas Bachar.
Pour autant, je ne pense pas que les puissances occidentales doivent renoncer aux opérations militaires. Seulement, elles doivent selon moi respecter trois conditions avant toute intervention. En plus de l'indispensable respect du droit international, elles doivent s'assurer qu'elles ont un interlocuteur crédible pour remplacer le dirigeant qu'elles vont renverser, que l'intervention va améliorer le sort concret des populations locales et que cette intervention, très coûteuse et payée par le contribuable, servira aussi leurs propres intérêts. Or, aucune de ces conditions ne serait respectée par une attaque contre Bachar. Le veto russe à l'ONU nous mettrait en violation du droit international. Nous n'avons personne à mettre à la place de Bachar. Son renversement plongerait encore un peu plus la Syrie dans le chaos. Et cette intervention, non seulement ne nous rapporterait rien, mais en plus nous mettrions en danger en renforçant nos ennemis islamistes. Dans ce contexte, il faut donc préférer la diplomatie à la guerre.
Qu'en est-il de la situation des civils dans les guerres modernes?
Dans les guerres contemporaines, asymétriques, ce sont les civils qui meurent. Lorsque les Américains ont pris l'Irak ou lorsqu'ils ont fait la guerre en Afghanistan, ils ont bombardé massivement des rassemblements de population. Il y a eu beaucoup de bavures. Il se trouve que j'ai couvert ces deux conflits. En Afghanistan il y a eu le bombardement d'un mariage. 140 civils sont morts. Pourquoi ces bombardements? Parce que l'armée américaine avait décidé d'aider le gouvernement afghan de Hamid Karzai à reconquérir le territoire afghan contre des militants islamistes. Aujourd'hui, de la même façon, la Russie a décidé de prêter main-forte au régime de Bachar al-Assad pour l'aider à contrôler son territoire contre des rebelles islamistes. Les Occidentaux n'ont donc aucune leçon à donner. Il y a eu deux phases dans l'intervention russe. D'abord en septembre 2015 la phase de sauvetage du régime parce que Damas allait tomber. Il faut bien comprendre que si ça avait été le cas, on aurait eu un génocide des alaouites et des druzes et, avec de la chance, tous les Chrétiens auraient été expulsés vers le Liban et toutes les églises de Damas brûlées (voire purement et simplement massacrés). Un fait est révélateur des projets des rebelles. Le Front Al-Nosra a baptisé son opération de conquête d'Alep «Opération Ibrahim Youssef», en hommage au terroriste Ibrahim Youssef qui a massacré 83 cadets alaouites dans l'école militaire d'artillerie d'Alep en 1979. Ensuite, dans un second temps, les Russes - et l'on peut bien sûr critiquer cette option - ont décidé d'appuyer la tentative de Bachar al-Assad de reconquérir par la force le territoire perdu aux mains des rebelles. La façon dont l'Armée syrienne (dont les officiers ont été formés par les Soviétiques) reprend ou tente de reprendre Alep ressemble à celle des Russes quand ils ont repris Grozny en Tchétchénie avec des bombardements considérables sur la ville. Les Russes ne connaissent pas et ne maîtrisent pas vraiment les frappes dites chirurgicales. Finalement, c'est déjà la manière dont les Soviétiques ont pris Berlin en 1945.
La Turquie a annoncé qu'elle pourrait intervenir dans la bataille de Mossoul. Après l'opération turque «Bouclier de l'Euphrate» en Syrie, peut-on s'attendre à une opération «Bouclier du Tigre» en Irak?
La Turquie considère comme un atout - et c'en est un! - le fait que son armée est sunnite. C'est aussi une très bonne armée qui n'est pas si loin de la zone du conflit. Il y a un néanmoins un problème majeur. Erdogan a choisi une ligne politique néo-ottomane. Il considère que les anciennes provinces ottomanes sont les vassaux de la Turquie. On se demande si, sous le prétexte de combattre l'Etat islamique, qu'ils ont longtemps aidé, armé et financé avant que Frankenstein ne se retourne contre eux, et les Kurdes du PKK, qui sont toujours leur première priorité, les Turcs ne veulent pas en profiter pour étendre leur domination régionale de sorte à créer une sorte d'Empire turc. Ceci risque d'être très compliqué car il y a un gouvernement irakien qui est soutenu par la France, les USA, la Russie, l'Iran, la Chine, bref par la communauté internationale. Bagdad a déjà prévenu les Turcs: vous n'êtes pas les bienvenus! Maintenant, il est évident diplomatiquement que la lutte contre l'Etat islamique ne se fera pas contre la Turquie, mais avec elle.
En Irak, les populations sunnites ont-elles raison de craindre des représailles chiites?
La guerre d'invasion anglo-saxonne de 2003 en Irak a provoqué une guerre civile entre les chiites et les sunnites, qui n'existait pas avant. Rappelons que la Première guerre du Golfe a eu lieu entre l'Irak et l'Iran de 1980 à 1998. Les soldats de l'Armée irakienne, majoritairement chiites, se sont battus contre les chiites iraniens. C'est donc un phénomène récent qui a été engendré par les secousses de la guerre d'Irak de 2003.
En géopolitique, le ressenti des populations est plus important que la réalité vue de loin. Après l'invasion américaine, les chiites furent mis au pouvoir par les Américains. Depuis les populations sunnites témoignent d'une très grande méfiance envers eux. C'est la raison pour laquelle de nombreuses tribus sunnites se sont ralliées à l'Etat islamique qui, de leur point de vue, les protégeait contre un Etat qu'elles considéraient comme persécuteur et ce, même si cette persécution n'était pas toujours flagrante. Aujourd'hui, il y a un réel effort de l'Armée irakienne pour mettre sur pied des unités sunnites. Il a été dit d'ailleurs que les unités qui rentreront à Mossoul ne seraient ni chiites, ni kurdes, mais seront des arabes sunnites.
Prenez Bagdad, les quartiers de la capitale se sont transformés en zones ethniquement pures. Il va falloir beaucoup de finesse pour apaiser ces tensions communautaires. Il y a eu dans le passé des représailles chiites, mais je pense que là, tout est en place pour éviter de telles exactions. C'est d'ailleurs une guerre qui se fait au milieu de centaines d'observateurs. Il y a notamment beaucoup de journalistes. Massacrer des civils ne serait pas si facile.
Vous parliez des velléités néo-ottomanes de la Turquie. Est-ce qu'il n'y a pas aussi des velléités néo-perses de l'Iran?
Sans le vouloir, les Américains ont donné l'Irak aux Iraniens. Pour Téhéran, c'était une surprise providentielle. On peut dire que l'ambassadeur d'Iran à Bagdad est au moins aussi important que son homologue américain. Cependant, il y a des différences idéologiques et religieuses. Les chiites irakiens respectent un marjah. C'est l'ayatollah Ali al-Sistani et non les ayatollahs d'Iran. L'ayatollah Sistani condamne le système politique iranien du Velayat-e Faghih, c'est-à-dire le «gouvernement des clercs». A Téhéran, le gouvernement doit appartenir à ceux qui sont savants en religion. C'est pour ça que c'est un religieux, le Guide suprême, qui est tout en haut du système politique iranien. Les chiites irakiens, tout proches qu'ils soient des Iraniens, n'ont pas installé chez eux un Velayat-e Faghih. De plus, l'Irak est arabe alors que l'Iran est perse et au moins 20% de la population est sunnite (à quoi il faut ajouter 15% de Kurdes, très majoritairement sunnites). L'Iran entretient des relations extrêmement étroites avec l'Irak, mais ça n'en fait pas une colonie iranienne.
François Hollande a déclaré qu'il fallait penser à l'après-Mossoul. Sur les ruines de l'État islamique, pourrait-on reconstruire un État unitaire irakien ou s'achemine-t-on vers une généralisation du modèle fédéral, notamment à l'égard des sunnites, sur le principe du Kurdistan irakien d'Erbil largement autonome de Bagdad?
Comme le disait le Général de Gaulle, il faut prendre les réalités telles qu'elles sont. On ne reviendra pas sur l'autonomie du Kurdistan irakien inscrite dans la Constitution irakienne de 2003. Au-delà du cas kurde, personne ne veut un redécoupage des États. On s'aperçoit que cela fonctionne mal. On a essayé sous la pression des Américains au début des années 2000 en Afrique. On a créé de toutes pièces un État qui s'appelle le Sud-Soudan. C'est très chaotique. Il y a une guerre entre les deux principales tribus qui a fait déjà plus de 50 000 morts. Personne ne veut donc casser la carte du Moyen-Orient. Il va falloir constituer des provinces autonomes. La province sunnite, qui n'aura peut-être pas autant d'autonomie que la province kurde, aura pour capitale Mossoul avec ses propres milices sunnites pour maintenir l'ordre et combattre les djihadistes. Il y aura aussi une grande province chiite qui montera quasiment jusqu'à Bagdad. La capitale Bagdad deviendra une sorte de Bruxelles, d'Islamabad ou de Washington, une zone où Sunnites, Chiites et Kurdes vivront ensemble, mais de façon séparée.
À Alep en Syrie, la trêve humanitaire n'a pas tenu plus de trois jours. Quelles conséquences pourrait avoir une reprise d'Alep pour le régime de Bachar al-Assad?
Si l'Armée syrienne avance à Alep depuis son offensive du 22 septembre, c'est que 5000 combattants rebelles ont quitté Alep pour aller se battre avec l'Armée turque dans l'opération «Bouclier de l'Euphrate» contre l'Etat islamique et les Kurdes à la frontière avec la Turquie et la Syrie. C'est ce qui a permis à l'Armée syrienne d'avancer car elle ne s'est pas montrée extrêmement brillante sur le terrain. Elle a besoin des Russes, du Hezbollah libanais, des milices chiites et des forces spéciales iraniennes. Si Bachar arrive à récupérer Alep, ce sera un symbole très fort. Alep était la capitale économique, je le dis à l'imparfait car les industries sont dévastées. Dans cette hypothèse, Bachar al-Assad tiendra la frontière avec le Liban, tiendra bien Damas, tiendra le littoral alaouite (Lattaquié, Tartous) et tiendra enfin Alep.
Pourrait-il aller au-delà pour reconquérir l'ensemble de la Syrie?
Je ne le pense pas. D'abord parce que les Russes n'ont pas les mêmes intérêts que Damas: les Russes demeurent sensibles et écoutent leurs interlocuteurs occidentaux. Les discussions au format Normandie ont été houleuses à Berlin mais elles ont eu lieu. Après avoir parlé de la crise ukrainienne et une fois que le président Petro Porochenko est parti, Vladimir Poutine s'est retrouvé avec Angela Merkel et François Hollande. C'est dans ce cadre que les Russes ont décidé de s'abstenir de bombarder Alep pendant une semaine. Je ne suis donc pas sûr que les Russes, une fois qu'ils auront sauvé la Syrie utile et les Chrétiens, souhaitent s'engager plus avant. Quant à Bachar al-Assad, comme je vous le disais, son armée est assez faible. Depuis le début du conflit, elle compte déjà 80 000 morts, la plupart alaouites. Le régime de Damas ne pourra militairement ni reconquérir les zones kurdes - les forces combattantes YPG du parti kurde PYD ont montré qu'ils savaient très bien se battre -, ni reprendre la région d'Idleb où les rebelles sont soutenus par les Turcs, ni s'étendre dans le désert sunnite. Surtout, il va y avoir un phénomène de lassitude du Hezbollah qui a perdu beaucoup d'hommes et qui est très critiqué sur ce point au Liban. La solution pour la Syrie est donc la même que pour l'Irak, c'est-à-dire des zones autonomes kurde, sunnite et alaouite, la zone alaouite rassemblant par ailleurs la plupart des minorités et une partie de la bourgeoisie sunnite, proche du parti Baas de Bachar al-Assad.
On parle moins dans la presse aujourd'hui de l'emprise des pays du Golfe, notamment de l'Arabie Saoudite, en Syrie ou en Irak. Sont-ce les perdants provisoires de cette nouvelle donne?
L'Arabie Saoudite est triplement affaiblie. D'abord par la baisse du prix du pétrole. Ensuite par son échec patent au Yémen: on voit que son instrument militaire est extrêmement faible. Riyad n'est pas capable de faire face aux rebelles houthistes qui représentent au Yémen un certain type de chiisme. Enfin par le fait que les Occidentaux commencent à se rendre compte que l'Arabie Saoudite est la matrice des mouvements djihadistes. En 1979, après l'attaque de La Mecque, il y a eu un pacte secret qui a été établi. Les dirigeants du pays ont expliqué à leur jeunesse islamiste: vous faites ce que vous voulez à l'étranger, vous pouvez lever tous les fonds privés que vous voulez, mais vous ne remettez pas en cause la dynastie des Saoud. Ce pacte très dangereux a eu les conséquences que l'on connaît sur le développement mondial du djihadisme et il est aujourd'hui très affaibli, ce qui explique le risque d'instabilité interne en Arabie Saoudite. Il en va de même du pacte du Quincy, qui porte le nom du croiseur américain où il a été scellé en février 1945 entre Franklin Roosevelt et le roi Ibn Saoud et qui a été renouvelé par George W. Bush en 2005.
Quand ce pacte entre Washington et Riyad a été scellé en 1945, l'Iran était un allié des Etats-Unis. La politique américaine était alors sur deux jambes au Moyen-Orient. À partir de la révolution iranienne en 1979, les Américains ont perdu Téhéran. Cela n'a-t-il pas produit un grand déséquilibre?
Effectivement, le fait que les Américains aient perdu l'Iran en 1979 a bouleversé leur équilibre au Moyen-Orient. Il faut dire d'ailleurs qu'ils n'ont pas fait preuve d'un grand sang-froid… Quand le Shah est tombé, Washington a choisi de prendre des demi-mesures, ce qui n'est jamais bon en géopolitique. Soit ils choisissaient la manière forte, renversaient le Schah comme ils avaient renversé Mohammad Mossadegh en 1953 et mettaient un militaire à la place pour maintenir un régime pro-américain. Soit, à l'inverse, ils acceptaient la révolution islamique. On aurait pu penser que Washington allait peu à peu renouer ses relations diplomatiques avec l'Iran au cours des années 1990. Ça n'a pas été le cas par une sorte d'obstination et de rigidité intellectuelles dans la pensée géopolitique américaine. De ce point de vue là, même si c'est arrivé trop tard, l'Iran (et Cuba) sont les grands succès de Barack Obama.
Comme vous le dîtes, une politique américaine sensée doit effectivement reposer sur deux jambes, la jambe sunnite d'une part et la jambe chiite d'autre part. Mais on pourrait même dire qu'elle devrait reposer sur plus de deux jambes car l'Egypte devrait être plus importante que l'Arabie Saoudite. L'université Al-Azhar devrait compter davantage que les cheiks wahhabites! Or, aujourd'hui, l'Arabie Saoudite est aussi affaiblie parce que, aux Etats-Unis, l'opinion commence à se poser des questions… On n'a pas pu résister aux demandes d'enquête sur les responsabilités de l'Etat saoudien dans le 11 septembre. Et ce n'est qu'au début.
Au-delà du cas saoudien, les Etats du Golfe sont affaiblis au Moyen-Orient?
Il y a des divisions fortes entre eux. Les Etats du Golfe sont unis quand il s'agit d'intervenir contre des adversaires non-sunnites comme au Yémen ou au Bahreïn. C'est d'ailleurs assez ironique de voir Al-Jazzera donner des leçons de morale pour la Syrie et oublier ce qui s'est passé au Bahreïn. Dans ce petit Etat, il y avait une majorité chiite qui voulait une monarchie constitutionnelle promise par le Royaume-Uni après son retrait en 1971. L'Arabie saoudite a envoyé les chars... Mais, sur d'autres plans, les Etats du Golfe ne sont pas unies. Ainsi, le Qatar soutient les frères musulmans. En revanche, les Emirats Arabes Unies, qui sont un allié de la France, sont farouchement opposés aux frères musulmans et plus largement à l'islam politique. Les EAU sont d'autant plus intéressants qu'ils ont réussi économiquement à l'image de Dubaï ou d'Abou Dhabi. Avant la guerre, c'était Beyrouth qui était la capitale financière du Moyen-Orient, aujourd'hui, c'est Dubaï qui n'est pas fondé sur l'argent du pétrole, mais sur celui du commerce.
Les Américains ont-ils perdu la main au Levant?
Que les Américains aient perdu la main au Levant, c'est évident. Il suffit d'une rapide comparaison historique pour s'en rendre compte. En 1991, après avoir libéré le Koweït, les Américains étaient la référence. Véritable hyperpuissance, ils ont habilement gagné la guerre contre l'Irak en s'alliant par exemple avec la Syrie d'Hafez al-Assad à laquelle ils ont donné le Liban en vassalité à la conférence de Taëf en octobre 1989. On a tendance à l'oublier mais le moralisme n'a pas toujours imprégné la classe politique américaine… Aujourd'hui, ils n'ont plus la main en Syrie, au Liban, en Irak, en Turquie ou en Egypte. Il leur reste la Jordanie. Quant à la Libye, qui a la main? On ne le sait pas encore, mais certainement pas Washington. Les Etats-Unis sont incapables d'empêcher le retour en fanfare de la Russie dans la région. Mais le souhaitent-ils vraiment? Washington s'en porte assez bien depuis qu'Obama a décidé qu'il allait «rule from behind» (gérer depuis l'arrière) les affaires du Moyen-Orient.
Où est passée la voix de la France? A-t-elle définitivement disparu?
La France a malheureusement complètement disparu du Moyen-Orient alors qu'elle avait un rôle très important à jouer. Nous ne sommes même plus invités aux grandes conférences sur la Syrie alors que nous sommes l'ancienne puissance mandataire. Notre pays a commis l'erreur de devenir le caniche des Etats-Unis sans s'apercevoir qu'un caniche ne sert à rien. Bien sûr, je suis favorable à l'alliance avec les Etats-Unis, mais être allié ne signifie pas aligné. En Syrie, entre le défilé de Bachar al-Assad en 2008 et aujourd'hui, nous avons eu une diplomatie en zigzag. La diplomatie se joue d'abord à moyen et long terme. Elle ne peut pas être fondée sur les émotions, mais doit l'être sur le calcul de nos propres intérêts nationaux. Nous avions en Syrie et en Iran l'opportunité de jouer le rôle d'honest broker (= «intermédiaire honnête») entre ces deux pays et les Etats-Unis. Nous avons renoncé à jouer ce rôle historique pour lequel notre tradition d'indépendance nous donnait l'avantage. Si nous sommes un allié exigeant de Washington, Washington nous respectera.
Deux axes doivent structurer notre politique moyen-orientale: d'une part, la lutte contre le terrorisme islamiste (et cette lutte doit se faire aussi sur notre sol!). D'autre part, une politique de médiations. La France n'apparait plus comme une puissance prédatrice au Moyen-Orient. Mais sa voix compte encore, notamment à cause de la politique arabe des Présidents de Gaulle et Pompidou puis de son opposition à la Guerre en Irak en 2003. Elle est alliée aux monarchies sunnites du Golfe, mais est respectée par l'Iran. Elle parle à la fois aux Israéliens et aux Palestiniens. Notre pays pourrait proposer quatre grandes médiations pour favoriser une détente globale dans la région: une médiation pour la Syrie, une médiation pour réconcilier l'Iran chiite et les pétromonarchies sunnites, une médiation Israël/Palestine et une médiation Israël/Iran. C'est seulement avec une politique réaliste que nous pourrons retrouver notre influence au Moyen-Orient.
FIGAROVOX/TRIBUNE - Une attaque terroriste a fait trois morts à Londres ce mercredi. Pour Céline Pina, malgré de nombreux autres attentats sur le sol européen, les responsables politiques n'ont pas encore pris conscience de l'ampleur de ce que nous affrontons.
Céline Pina est ancienne conseillère régionale d'Ile-de-France. Elle s'intéresse particulièrement aux questions touchant à la laïcité, à l'égalité, au droit des femmes, à la santé et aux finances sociales. Elle est l'auteur de Silence Coupable (éditions Kero, 2016).
C'est une vision d'horreur que cet homme au volant d'une voiture, fauchant des piétons sur un pont, poignardant un policier en essayant d'entrer au Parlement, pour être abattu, au terme d'un parcours de carnage, au coeur d'un des lieux emblématique du pouvoir et de la démocratie britannique, le quartier de Westminster à Londres.
Ce mode opératoire, qui rappelle celui de Nice et Berlin, conforme aux instructions de l'Etat islamique, nous renvoie à la montée de cette idéologie politico-religieuse en Europe et à son cortège de cadavres, de torture, de violence et de haine. Mais surtout, la récurrence de ces passage à l'acte, leur folie meurtrière nous renvoie à nos peurs primitives: pour les militants de l'idéologie islamiste, nous ne sommes plus des hommes, juste des proies. Nos morts sont leurs trophées et à la hauteur des piles de cadavres accumulés, ils mesurent leur puissance et leur gloire.
Mais si avoir peur est rationnel, au vu de la nature du totalitarisme que nous affrontons, c'est le sentiment d'abandon que nous ressentons après chaque attentat qui devient véritablement destructeur. Pour peu qu'une fois de plus, face à cette violence, la plupart de nos politiques, médias et intellectuels choisissent de refuser de la nommer et de dire qui nous attaque et pourquoi ; pour peu qu'une fois encore ils n'en tirent aucune conclusion et ne prennent pas conscience que ce qui déclenche autant de passage à l'acte est liée à une propagande idéologique active dont les frères musulmans et salafistes sont les meilleurs agents ; pour peu qu'une fois encore ils nient la pénétration de cette idéologie au cœur de nombre de quartiers difficiles et son entrisme au sein des partis, syndicats, associations, entreprises, alors nous continuerons de souffrir davantage de ne pas être défendus que d'être attaqués. Nous continuerons à souffrir davantage de l'incapacité de nos représentants à défendre ce que nous sommes, faute de le comprendre, de le ressentir et de l'aimer, que de la haine que nous inspirons aux laquais de l'obscurantisme et de la soumission.
«Des accommodements raisonnables» qui ne protègent personne
On ne peut empêcher l'Etat islamique de choisir l'Occident et l'Europe pour ennemi, mais on peut et on doit exiger de ceux qui nous représentent de prendre la mesure du totalitarisme que nous affrontons, de l'horreur de ses méthodes et de la folie qu'il y a à croire qu'en cédant à ses revendications et en pratiquant des «accommodements raisonnables», nous serons épargnés.
Il n'y a pas plus complaisant que les britanniques qui communiquent sur l'autorisation du port de la Burqa chez les forces de police après avoir accepté le hijab et dont le multiculturalisme s'accommode des idéologies et des pratiques séparatistes. Cela ne les aura pas protégés pour autant… La lâcheté face au totalitarisme ne paie pas, le XXème siècle nous l'a pourtant appris au prix de millions de morts.
Alors je suis déjà découragée à l'idée des «voitures folles», «des loups solitaires» et «autres déséquilibrés», des «pas d'amalgames»... qui vont fleurir dans nos journaux. En prime, chez nous en France on devrait encore avoir droit à la mise en accusation de ce que nous sommes, car selon nos islamisto-complaisants, si les islamistes jihadistes nous tuent, c'est que nous l'avons quand-même mérité, parce que nous sommes laïques, que notre société est raciste et notre Etat, colonialiste. On vient d'ailleurs de supporter une soi-disant marche pour la dignité ce 19 mars qui faisait la part belle aux indigènes de la république et autres soutiens des islamistes, pour mettre en accusation l'Etat et la société française. Une date du 19 mars qui ne doit rien au hasard et permet de célébrer discrètement l'antisémitisme, en organisant cette manifestation le jour anniversaire des massacres de Mohamed Merah à l'école Ozar Hatorah et de rappeler «la victoire des musulmans contre les Français qui a permis leur expulsion», comme l'a expliqué naïvement à une amie venue prendre la température du rassemblement, un militant proche du PIR.
Il est certes difficilement supportable de voir ces gens qui ne valent pas mieux que l'extrême-droite avoir leur rond de serviette dans nombre d'émissions du service public, mais un extrêmiste, s'il est révélateur des névroses d'une société, ne saurait la représenter. Non, ce qui est véritablement préoccupant c'est l'absence de prise de conscience de l'ampleur de ce que nous affrontons, par ceux à qui nous déléguons notre part de souveraineté: nos représentants politiques.
Entre déni et instrumentalisation, des candidats à la Présidence décalés face à la menace islamiste
Le grand débat de la Présidentielle nous l'a encore démontré: nous avons eu droit lundi soir à un débat où le sentiment de décalage entre le peuple et ceux qui aspirent à le représenter était à son comble.
Nous avons changé de monde, ils n'ont pas quitté leurs salons. Nous avons changé d'époque, ils semblent n'appartenir à aucun contexte. Nous nous demandons comment vivrons nos enfants dans ce monde violent qui vient, ils semblent détachés de ces angoisses-là. Or nous n'avons pas seulement peur que nos enfants vivent moins bien que nous, nous craignons qu'ils ne connaissent la guerre, la violence l'oppression et l'arbitraire. Et si nous le craignons autant c'est que lorsqu'on est lucide sur les enjeux, que l'on regarde les candidats, que l'on se dit que l'on n'a pas le choix, qu'il va falloir compter sur eux, et bien on a le sentiment de foncer droit dans le mur. Ils ressemblent à ces films où l'on voit des généraux se gobergeant derrière la ligne de front dans un château accueillant, tandis que sous la mitraille, soldats et sous-officiers font le travail et y perdent leur vie. Ou encore à ces récits d'horreur où les échanges mondains entre les protagonistes ne sont là que pour faire contraste avec la brutalité qui ne va pas tarder à se déchaîner. Ainsi tandis que nos conditions de vie se durcissent et que derrière les quinquennat de vaches maigres que nous venons de passer, se profile un quinquennat de vaches squelettiques, nos candidats continuent de parler boutiques, statistiques, techniques de vente et théories, comparent leurs programmes comme les épiciers détaillent leurs prix.
En trois heures de débat, lundi, jamais je n'ai eu le sentiment que ces 5 candidats étaient dans le réel, je me demandais si je vivais dans la France dont ils parlaient et si j'avais rêvé Charlie, Paris, Nice, tellement cela ne semblait pas être dans leur environnement mental. Or si Londres nous a rappelé que la lutte que nous avons à mener contre le totalitarisme sera longue, cette élection présidentielle nous montre, entre déni et instrumentalisation de l'islamisme, que la prise de conscience républicaine n'a pas encore eu lieu chez nos élites.
Pourtant on ne s'habitue jamais à la barbarie, même quand on vit avec. Et c'est tant mieux.
On le doit au moins à ces personnes qui sont mortes parce que, pour ces terroristes, elles ne sont même plus des êtres humains, mais juste des moyens de répandre la terreur. Par respect pour tous ceux qui sont tombés et tomberont encore, qu'au moins ceux qui aspirent à nous représenter regardent en face les temps que nous affrontons, posent leurs perruques poudrées et relèvent leurs manches au lieu de se regarder le nombril. Qu'ils cessent de sacrifier l'intérêt général à leurs intérêts électoraux, en allant draguer une clientèle, qu'ils présentent comme musulmane alors qu'elle ne représente que la mouvance islamiste et non la réalité du monde musulman, pratiquant ainsi les amalgames qu'ils disent officiellement combattre. Et qu'ils arrêtent avec leurs discours dignes de l'élection de Miss France. Car nous n'aurons la paix que si nous assumons la plus belle part de notre histoire: le goût de la liberté, l'égalité des droits, la laïcité, le refus de la soumission aux dogmes, l'origine de la souveraineté dans le pouvoir créateur de l'homme. Et ces éléments de base qui fondent notre république et notre démocratie ne sont pas à la carte, ni optionnels, ils sont les conditions de l'intégration de chacun à la Nation et ne sont pas négociables.
Si nous ne faisons pas respecter ces choix qui fondent notre société actuelle, alors nous risquons d'avoir un jour à revivre ce qu'un autre totalitarisme, le nazisme, aurait dû nous apprendre: quand on ne combat pas la barbarie par le verbe et les actes, le sens, l'histoire, l'opprobre, la loi et la sanction, ce sont les armes à la main qu'il nous faudra à la fin défendre nos libertés et ce seront nos enfants qui paieront le prix de nos lâchetés.
FIGAROVOX/GRAND ENTRTIEN -Deux ans après le massacre de Charlie Hebdo, le magazine Causeur a enquêté sur les «Molenbeek» français. Pour Elisabeth Lévy, « Les Français, y compris musulmans, veulent que l'islam s'adapte à la République, pas le contraire ».
Elisabeth Lévy est journaliste et directrice de la rédaction de Causeur. Dans son numéro de janvier ,«Toujours plus de territoires perdus: au coin de la rue la charia», le magazine Causeur enquête sur le grignotage islamiste dev la France
Le dernier numéro de Causeur s'intitule, «Au coin de la rue la charia». En photo, une femme entièrement voilée. Pourquoi cette couverture choc? Ne cédez-vous pas à une forme de sensationnalisme?
Elisabeth Lévy: Ce serait sensationnel si ce n'était pas réel! Or, cette photo n'est pas un montage, elle a été prise à Paris il y a quelques années et depuis, ce genre de présence fantomatique est devenu encore plus courant dans certains quartiers, lisez Rue Jean-Pierre Timbaud, de Géraldine Smith. Et si on peut voir cela dans le centre de la capitale, imaginez ce qui se passe dans nombre de nos banlieues, la loi des Frères devient la règle. Comme le montre notre reportage à Sevran, effectué dans la foulée de celui de France 2, les femmes sont amenées à se cacher toujours plus, et, finalement, à limiter leur présence dans l'espace public au strict minimum, soit par conviction, soit pour avoir la paix. Nous n'avons pas choisi une image violente, qui suscite la peur, mais une image devenue banale. Et ce qui fait peur, c'est qu'elle soit banale.
Peut-être, mais les femmes voilées ne menacent pas la sécurité publique...
Oui, mais vous vous trompez lourdement en postulant que nous avons d'abord un problème de sécurité. S'il nous fallait seulement neutraliser quelques milliers de djihadistes violents, on y arriverait. Mais il n'y a pas un mur étanche entre l'islamisme pacifique et l'islamisme violent. Et aussi douloureuses soient les pertes que nous inflige le terrorisme islamiste, ce n'est pas lui qui menace à long terme la cohésion et l'existence même de notre pays, c'est la sécession culturelle dans laquelle est engagée une partie de l'islam de France et d'Europe. Le problème n'est pas seulement l'arbre mais la forêt dans laquelle il a grandi, cette contre-société islamiste qui s'est constituée au fil des ans, vit dans un entre-soi que brisent seulement les impératifs du travail et voue une hostilité croissante au mode de vie majoritaire. Pendant ce temps, le président nous complimente comme si nous étions des enfants, pour être restés bien gentils les uns avec les autres. Admettez que c'est un peu court.
Après tout François Hollande a raison de se féliciter que la France soit restée unie...
Eh bien pendant que François Hollande se félicite, que d'autres proclament que nous ne céderons pas et que d'autres encore font la chasse aux islamophobes, un nombre croissant de quartiers passent sous la férule d'une idéologie séparatiste érigeant une barrière entre purs et impurs, fidèles et kouffars, putes et soumises, des enfants juifs sont exfiltrés de l'école publique (pour leur sécurité, bien sûr), des collégiennes condamnées au jogging informe, des lycéens obligés d'observer le ramadan ou de faire semblant, des populations entières contraintes de se soumettre à la loi des Frères, au nom de la solidarité entre musulmans supposée prévaloir sur toute autre allégeance. Sans oublier les caricatures qu'on n'ose plus publier, les vérités qu'on n'ose plus dire, les libertés qu'on n'ose plus exercer. Or, ce que nous avons découvert, c'est que cette emprise s'exerce non seulement dans certains territoires mais aussi dans certains milieux comme le foot amateur, dans certaines entreprises: permettez-moi d'attirer votre attention sur l'enquête passionnante qu'Olivier Prévôt, auteur et critique cinéma de Causeur décédé le 25 décembre, consacre à la RATP. On y voit comment l'heureuse politique des grands frères, assaisonnée de lamento victimaire, a permis d'installer les salafistes dans la place. Et le jour même où notre numéro paraissait, on apprenait de Jean-Claude Lagarde que la fermeture de PSA à Aulnay avait été en partie due à la volonté d'échapper aux revendications islamistes.
N'exagérez-vous pas l'ampleur du problème? Tout cela est très impressionniste…
Les témoignages de professeurs enseignant dans les «territoires perdus de la République» sur l'antisémitisme, le sexisme et l'homophobie d'un grand nombre de leurs élèves, en 2002, n'étaient pas impressionnistes. Ceux que nous publions sur la RATP, les stades, l'exclusion des femmes non plus. Pas impressionnistes non plus, les travaux de Kepel ou ceux du chercheur Tarik Yildiz que nous interrogeons dans ce numéro. D'ailleurs, quand bien même ils le seraient, si autant d'impressions convergent, cela doit avoir un sens, non? Même la sociologie découvre la lune après avoir déployé toute son énergie à dénoncer le doigt, tout comme ces prétendus savants et autres idiots utiles de l'islam politique qui répétaient que le problème ne venait pas de l'antisémitisme mais de ceux qui le dénonçaient, pas du séparatisme musulman mais du racisme français, pas de l'islam mais de l'islamophobie. Le soir du 7 janvier 2015, après l'attentat de Charlie Hebdo, Edwy Plenel et Laurent Joffrin expliquaient que le problème de la France s'appelait Finkielkraut, Zemmour ou Houellebecq.
D'accord, mais les éditos de Plenel ou Joffrin ne sauraient constituer une anti-preuve…
Si cela ne vous suffit pas, en deux ans on a publié plus de témoignages, d'enquêtes, de reportages, d'études, de sondages sur l'islam radical et ses diverses manifestations, que durant les treize années précédentes. Le tableau d'ensemble est de moins en moins conjectural et de plus en plus effrayant. Ce n'est pas une infime minorité mais une fraction notable (entre un quart et un tiers selon les critères retenus) des musulmans français qui n'habitent plus mentalement le même temps et le même espace que nous. Beaucoup d'autres musulmans sont les premiers surpris et l'effroi de certains responsables comme Tareq Oubrou, Kabtane et d'autres, qui ont pourtant constitué la première génération islamiste, n'est pas feint, devant le monstre qu'ils ont enfanté ou laissé prospérer - une jeunesse en colère née dans un pays qu'elle dit exécrer et qui divise le monde entre «eux» et «nous», le «eux» comprenant l'essentiel de ses compatriotes. Alors non, je ne crois pas que nous exagérions le problème.
Comment en est-on arrivé là?
Difficile de résumer l'incroyable accumulation de bons sentiments dévoyés, de complaisances intéressées, de lâchetés inavouées, d'aveuglement volontaire et d'une énorme dose d'imbécillité à visée électoraliste, qui a permis à cet islam de s'implanter, souvent avec l'aide de l'argent public. Il faut remonter au tournant idéologique des années 1980. La droite ayant ouvert les vannes à l'immigration de masse, la gauche, se trouvant fort dépourvue quand la bise individualiste et libérale fut venue, recycla alors les immigrés en damnés de la terre avec l'antiracisme en guise de lutte des classes et l'exaltation des différences comme mantra. Ces excellentes intentions antiracistes ont finalement empêché les nouveaux arrivants de s'assimiler et même de s'intégrer. La mise en musique de ces sottises idéologiques a été réalisée par un clientélisme local parfaitement œcuménique sur le plan politique, qui assignait les descendants d'immigrés à leur culture d'origine puisque c'est cette assignation qui permettait d'obtenir leurs voix. Ainsi a-t-on recruté les barbus dans des structures locales associatives ou parapubliques, qui leur ont permis de quadriller les quartiers avec des animateurs acquis à la cause. Ensuite, la pression a fait le reste. Selon le vieil adage, les plus gênés s'en vont et une fois qu'on est entre musulmans ou presque, la conception la plus étroite c'est-à-dire celle qui permet le plus facilement au croyant d'enquiquiner ses contemporains s'impose à tous.
En somme, c'est arrivé sans que personne ne le veuille?
Je ne dirais pas tout-à-fait cela. Chez beaucoup, l'idéologie a agi comme un voile qui les empêchait de voir ce qui se passait: la jeunesse immigrée était victime des Dupond Lajoie et autres beaufs franchouillards, quand elle sombrait dans la délinquance c'était bien normal à cause du racisme si répandu. Mais d'autres n'ont pas l'excuse de l'inconscience ou de l'aveuglement. Il y a en France un parti de l'islam, que Finkielkraut appelle justement le parti de l'Autre, qui s'est prêté à toutes sortes d'accommodements avec «les Frères», représentants de la «religion des pauvres», comme disait Emmanuel Todd, non pas par cynisme électoral mais parce qu'il comprend, dans le fond, que seul l'islam pourrait effectivement le débarrasser de ce peuple qui vote de plus en plus mal et demeure, on se demande pourquoi, rétif aux séductions très relatives du multiculturalisme réel. Ramadan, les Frères musulmans de l'UOIF, et plus encore leurs alliés de l'islamo-gauche, comme Edwy Plenel ou Clémentine Autain et pas mal d'autres ont clairement encouragé la sécession que j'ai évoquée en lui fournissant des visages présentables, une panoplie idéologique de légitimation et des relais médiatiques. Et ce sont les mêmes qui ont seriné aux jeunes nés sur notre sol que nous étions coupables de tout et eux responsables de rien. On ne saura jamais à quel point ce discours victimaire a contribué à faire haïr la France par des Français.
Il y a tout juste deux ans, les attentats de Paris contre la rédaction de Charlie Hebdo puis l'Hypercacher
ensanglantaient la France. Depuis rien n'a changé?
Si évidemment! Maintenant non seulement tout le monde voit mais on a le droit de dire. Même dans Le Monde, qui a publié cette semaine une excellente enquête sur Stains où l'imam, très républicain, n'a pas vu que sa mosquée était un vivier de recrutement pour l'EI. Et même à France Télévision où on a pu voir au 20 heures de David Pujadas, le reportage sur Sevran dans lequel on voit un patron de bistrot lancer «Ici, c'est le bled!» (comprenez qu'il est normal qu'on n'y voie pas les femmes). Aujourd'hui, seule une minorité continue à nier le problème et à radoter sur les méchants islamophobes qui sont à l'origine de tout le mal. Même la lutte sacrée contre le populisme fait de moins en moins recette. Quoi qu'on pense du FN, il est difficile de prétendre qu'il est plus dangereux pour la République que l'islam radical.
Les propos de Vincent Peillon qui compare les musulmans aux juifs des années 30 laissent penser que l'influence politique des islamo-gauchistes n'a jamais été aussi grande …
Ah bon, expliquez-moi en quoi. Ce qui prouverait que cette influence est grande, c'est que Vincent Peillon gagne la primaire - et l'élection présidentielle. On n'en est pas là et quelque chose me dit au contraire qu'il risque de payer fort son ânerie historique et politique. Reste une aberration que je ne m'explique pas. Sauf à croire que les électeurs de gauche vivent dans un monde enchanté protégé de tous les maux de l'époque, je ne comprends pas que les candidats à la primaire cherchent à flatter une fibre multiculti qui est plutôt chancelante, même chez les meilleurs croyants. Et s'il semble que Manuel Valls conserve un certain socle électoral, je suis convaincue que la fermeté qu'on lui prête face à cet islam y est pour beaucoup.
Sur le plan intellectuel, certaines digues ont sauté. En revanche, sur le plan politique, c'est toujours le règne de l'impuissance …
Sur le plan intellectuel, il est urgent d'améliorer notre connaissance objective des faits et d'y réfléchir calmement, sans minimiser ni exagérer. L'enquête CNRS/CEVIPOF en chantier ainsi que d'autres travaux devraient nous y aider. Seulement, plus on sait qu'il faut agir, moins on sait comment agir. En effet, les enjeux sécuritaires sont infiniment moins complexes que les fractures culturelles et idéologiques. On peut traquer des criminels, couper leurs sources d'approvisionnement et de financement, les juger, les condamner ou les abattre. On peut combattre les discours de haine, en tout cas quand ils sont tenus publiquement, même si c'est plus compliqué et en grande partie vain. En revanche, on ne sait pas comment lutter contre les idées fausses qui s'emparent de certains esprits. Ou plutôt on sait que c'est une guerre de trente ans qu'il faudrait mener sans relâche sur tous les fronts où se fabrique l'esprit public: école, université, médias, justice. Tout en s'employant par ailleurs à réduire le plus possible des flux migratoires que plus personne n'est aujourd'hui en état d'accueillir, ni les issus-de ni les de-souche.
Vous écrivez, «on ne saurait tout attendre des gouvernants ou de la loi». Mais les Français victimes de cette terreur lente, souvent les plus pauvres, attendent que l'Etat les protège ...
Il ne vous a pas échappé que nous entrons en campagne électorale? Par ailleurs, il paraît que nous vivons dans le monde merveilleux des réseaux sociaux et de la participation citoyenne. Alors, que la majorité silencieuse profite de ces quelques mois où on va la courtiser pour faire savoir à ceux qui briguent ses faveurs ce qu'elle veut - en l'occurrence rester un peuple, un peuple, divers, et même chatoyant, accueillant aux individus, mais qui n'entend pas accueillir un autre peuple, poursuivant un autre projet, et encore moins un contre-peuple poursuivant un contre-projet. Les Français, y compris musulmans, veulent que l'islam s'adapte à la République, pas le contraire.
Vous expliquez que la reconquête des territoires perdus ne se fera pas par la force. Mais le recours à l'autorité de l'Etat et du politique, y compris en prenant le risque de nouvelles émeutes, n'est-il pas le meilleur moyen d'éviter à terme la guerre civile que certains redoutent?
Quand la sécession prend des formes violentes, l'Etat doit répliquer par la force et, de mon point de vue, en faisant un tout petit peu moins de chichis - d'ailleurs c'est déjà le cas avec l'assouplissement des règles de tir pour les policiers. Je ne vois pas aujourd'hui de foyers d'émeutes tels que vous semblez les décrire, mais si des événements du type de 2005 devaient se reproduire, j'espère que la réaction serait rapide et ferme. Cependant, pour l'essentiel, la sécession qui met la République au défi est en apparence, sinon pacifique, du moins non-violente. C'est dans les esprits qu'il faut mener la reconquête des territoires perdus - ce qui veut dire à la dure, sans céder sur ce que nous sommes, pas par la force. Nous ne gagnerons pas cette guerre si la majorité silencieuse des musulmans ne choisit pas bruyamment la loi de la République contre celle des «Frères» et la majorité silencieuse le restera tant qu'elle aura plus peur du jugement des siens que besoin de l'approbation de ses concitoyens. Surtout, ne laissons pas tomber ceux et surtout celles qui, dans les quartiers, refusent de céder. Salman Rushdie dit que, si la fatwa contre lui était prononcée aujourd'hui, il serait beaucoup moins soutenu qu'à l'époque. Je veux croire qu'il se trompe et que nous sommes collectivement déterminés à résister, calmement mais fermement, à l'emprise islamiste. Faute de quoi, dans quelques décennies, on recensera les quartiers de France où il est permis de se promener en mini-jupe et de s'embrasser dans la rue.
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Pascal Bruckner : «L'affaire du Bondy Blog est le Titanic de la gauche branchée»
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Le philosophe et essayiste réagit à la révélation des tweets haineux du chroniqueur du Bondy Blog, Mehdi Meklat. L'auteur d'Un racisme imaginaire dénonce également la motion d'une députée canadienne visant à condamner l'islamophobie.
FIGAROVOX. - Le chroniqueur du Bondy Blog, Mehdi Meklat, a publié des milliers de tweets antisémites, racistes, homophobes et misogynes. Que pensez-vous de cette affaire?
Pascal BRUCKNER. - L'affaire du Bondy Blog est le Titanic de la gauche branchée. Pendant des années, M le Monde, Libération, Les Inrocks, Télérama ont encensé la formidable vitalité de ce kid des banlieues, si cocasse, si futé qui se proposait, par la voix de son «double maléfique» de tuer des Juifs, de sodomiser Madame Valls, de cracher sur Charb, de casser les jambes de Finkielkraut. Quel humour, quelle force! Les chaisières de la gauche antiraciste se gondolaient, rien qu'à le lire. Il a fallu le courage d'une internaute républicaine et athée pour que l'abjection soit révélée. J'espère que ce «nazillon cool» va être traîné devant la justice, même s'il me semble que ses tweets sont prescrits.
Je ne crois pas que cette affaire Mehdi Meklat passera inaperçue. Elle a le mérite de révéler au grand jour que les membres issus de minorités dites discriminées peuvent aussi commettre des discriminations, qu'ils peuvent aussi être racistes, antisémites, homophobes ou misogynes. Contrairement à la vulgate tiers-mondiste, il y a des oppresseurs chez les oppressés. Le raisonnement du tiers-mondisme est toujours le même: les opprimés sont innocents par nature. De père en fils, le statut de victime se transmet, ce qui permet à celui qui dispose de ce statut de n'être jamais ni responsable ni coupable. C'est une monstrueuse supercherie.
Dans une interview accordée à Télérama, Mehdi Meklat ose même se déclarer victime de la fachosphère... dont il fait évidemment partie! Mais je suis sûr qu'il sera accueilli bientôt par le site frérot salafiste de Médiapart, au nom bien sûr de la lutte contre «l'islamophobie».
Qu'est-ce que l'affaire Mehdi Meklat dit aussi du développement de l'antisémitisme, de l'homophobie et de la misogynie en France?
Il faut relier cette affaire aux propos de la sociologue Nacira Guénif, qui a témoigné lors du procès contre Georges Bensoussan, auteur des Territoires perdus de la République et aujourd'hui d'Une France soumise, accusé d'islamophobie pour avoir pointé l'antisémitisme qui existe au sein de la communauté musulmane. Alors que Georges Bensoussan expliquait notamment le développement de l'expression «espèce de juif, mes excuses», Nacira Guénif a expliqué que ce propos, souvent employé en arabe, «est passé dans le langage courant et ne signifie pas la haine des juifs (…) C'est une expression figée qui fait partie du langage courant. Déshistoriciser des expressions, dit-elle c'est essentialiser». Vous avez bien lu, ne tombez pas de votre chaise. Traiter quelqu'un d'«espèce de juif», c'est l'équivalent de «passe-moi le sel»! On veut désamorcer la violence des kids des banlieues en faisant de celle-ci l'expression d'une minorité oppressée. On oublie au passage qu'il y a aujourd'hui une proportion non négligeable des membres de la communauté musulmane pour qui l'homophobie, l'antisémitisme et la misogynie font partie de leur bagage culturel. C'est ce qu'il ne faut pas dire aujourd'hui. Georges Bensoussan a été condamné pour cela, au nom de l'islamophobie, devenue crime de lèse-majesté.
Au Canada, trois semaines après l'attentat contre une mosquée à Québec, une députée libérale a déposé une motion contre «le racisme et la discrimination religieuse systémiques», mesure qui ne concernerait en réalité que l'islam et non les autres religions. Qu'est-ce que cela dit de l'islamophobie?
C'est la preuve que l'islamophobie ne sert pas d'abord à protéger les musulmans des discriminations qu'ils peuvent subir, mais à protéger la religion islamique de toute espèce de critique. On offre ainsi à l'islam un sauf-conduit qui n'est accordé à aucune autre religion, ni au christianisme, ni au judaïsme, ni à l'hindouisme ou au bouddhisme. C'est l'équivalent sur le plan spirituel de la préférence nationale chère à Marine le Pen sur le front de l'emploi. Les barbus en ont rêvé, les Canadiens pourraient le faire prochainement. Qu'une confession ne puisse être soumise à l'analyse de la raison, qu'elle soit ainsi soustraite à l'esprit d'examen comme si elle était hors-sol, hors humanité, est un événement inédit dans l'histoire. C'est aussi un aveu terrible: les tenants du péché d'islamophobie veulent faire de l'islam une religion intouchable, supérieure à toutes. Il faut la prendre en bloc. On peut se moquer de tous les dieux, de tous les textes sacrés mais pas du Coran et de ses fidèles. C'est une régression proprement hallucinante.
N'est-ce pas aussi en faire paradoxalement une religion inférieure en infantilisant les musulmans?
Absolument. C'est d'ailleurs une très mauvaise nouvelle pour les musulmans, qui seront les premières victimes de cette motion, si elle était votée. Une telle mesure qui les déresponsabilise, au détriment des chrétiens, des juifs, des sikhs, des hindous, des athées ne peut qu'entraîner un déchaînement de colère et de haine. On installe les fidèles du Coran dans une niche pieuse parce qu'on les estime, au fond, incapables de se réformer eux-mêmes et non comptables de leurs actes. Le musulman est élevé à la fois au rang de tabou et de totem. Il appartient ainsi à une religion fétiche sous vitrine sur laquelle on marque, comme au musée: ne pas toucher. Il s'agit pour l'instant d'une simple motion, mais le fait même que l'idée ait pu germer dans la tête de cette députée libérale, d'origine pakistanaise, et qu'elle n'ait pas été unanimement condamnée en dit long sur la société canadienne. Heureusement que nos cousins du Québec ont gardé une once de bon sens, au contraire de beaucoup de leurs compatriotes anglo-saxons.
Cela montre-t-il les limites du multiculturalisme?
En réalité, nous sommes au-delà du multiculturalisme. Nous atteignons ici le stade du «mono-confessionalisme» puisque l'islam est favorisé, par l'État fédéral, à l'exception de toutes les autres confessions (ce qui était, toutes proportions gardées, la position du catholicisme sous l'Ancien Régime en France, protégé par la monarchie). Le multiculturalisme a au moins pour souci d'établir l'égalité entre les cultures. Je me rappelle qu'en 2005 ou en 2006, l'Ontario avait souhaité instaurer la charia pour les citoyens de confession musulmane. Ce furent des femmes musulmanes qui s'y opposèrent pour rester protégées par le droit commun. Là encore, nous voyons que l'infantilisation de l'islam, son statut dérogatoire, n'est pas un cadeau fait aux musulmans. C'est, sous couleur de préservation, une marque de mépris post-colonial: vous n'êtes pas assez mûrs pour bénéficier de tous les privilèges de la liberté de conscience et de la citoyenneté. Imaginez que l'on ait agi ainsi de la Renaissance au siècle des Lumières avec le catholicisme, pour le soustraire à la discussion, cette religion serait restée confinée dans ses dogmes d'antan. La grandeur d'une foi, c'est sa capacité à se réformer, à s'adapter aux réalités du siècle.
Cette motion proposée par la députée n'illustre-t-elle pas aussi une course à la victimisation?
Chaque époque dispose de sa victime fétiche. Ce furent les Juifs, à un certain moment, mais les Juifs, «ça commence à bien faire», les Chrétiens, quant à eux sont toujours considérés comme les bourreaux de l'histoire, les bouddhistes, les confucianistes, les hindous n'entrent pas dans le bon casting de l'antiracisme. Reste donc le musulman qui devient la victime absolue. Je pense qu'Ottawa cherche, aussi, par ce projet, à prendre Donald Trump à contre-pied en faisant le contraire de ce qu'il préconise. Mais le «muslim ban» décrété par Trump (la limitation des entrées de ressortissants de sept pays musulmans jugés à risque) n'a pas effacé par miracle le problème du djihadisme et de la radicalisation. Ce n'est pas en disant «blanc» quand Trump dit «noir» qu'on aura raison.
Le Canada est engagé dans l'accueil des réfugiés et dans la protection des minorités au Moyen-Orient. Mais n'est-ce pas un très mauvais signal envoyé à ces minorités du Levant que d'accorder au Canada un statut spécifique à l'islam?
Il y a bel et bien un parallèle dérangeant. Quel signal envoyons-nous ainsi aux chrétiens d'Orient? Celui d'une supériorité culturelle, politique et presque ontologique de l'islam. Les chrétiens persécutés du Moyen-Orient n'ont qu'à se convertir, ils pourront ainsi accéder au statut de victime et être protégés par l'étiquette d'islamophobie! Que cela ait pu être l'œuvre d'une députée libérale alors que cette initiative est absolument contraire à toute idée libérale classique est proprement hallucinant. Nous sommes dans une période de grande confusion mentale et d'inversion complète des valeurs. Je crains malheureusement qu'en France, de nombreuses personnes se félicitent de cette initiative canadienne. Je serais curieux de connaître la réaction d'Emmanuel Macron à cet égard.
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