16 octobre 2013

Le calcul au cours élémentaire




Le calcul
 
au Cours élémentaire


1 • ANALYSE GÉNÉRALE DU PROGRAMME

    Le Calcul à enseigner au Cours élémentaire, fixé par le programme rappelé ci-dessus, peut se résumer ainsi :

Les nombres entiers jusqu'à 10 000. Les quatre opérations sur ces nombres (division à une unité près).

    Il doit être traité en liaison avec les unités usuelles du système métrique, c'est-à-dire avec la représentation par des nombres entiers de certaines grandeurs, ou quantités, et avec l'application du calcul à des problèmes simples sur ces grandeurs.
On peut diviser ce programme en trois grandes parties générales :

   1. — À une collection d'objets, ou d'unités d'une certaine espèce, constituant une grandeur, faire correspondre un nombre entier qu'il faut nommer ou écrire, et dont le nom est complété par l'indication des objets ou des unités. C'est le problème du dénombrement, c'est-à-dire, avec nos habitudes modernes, celui de la numération et de l'écriture dans le système décimal (Instructions, III, 1 et 4).

   2. — Si une grandeur est (apparemment) continue, la décomposer en un nombre entier d'unités, constituant une grandeur qui lui soit égale (ce qui peut être fait seulement d'une façon approchée).

    3. — Certaines transformations ayant été effectuées, ou imaginées sur ces grandeurs, évaluer ou « mesurer » la grandeur (ou les grandeurs) résultante; ceci en n'opérant que sur les nombres qui les représentent (écrits, bien entendu, dans le système décimal). C'est, d'une part, le remplacement d'un problème concret ou physique par un problème numérique; d'autre part, un problème de technique du calcul, ou des opérations numériques.



I. LES NOMBRES ET LES GRANDEURS


2 • MESURE DES GRANDEURS

    Les questions (ou problèmes) ainsi énoncées concernent, en principe, toutes les quantités. Il est bon de voir à quelles grandeurs elles s'appliquent effectivement dans l'enseignement du Cours élémentaire et de préciser ce qu'elles deviennent pour chacune d'elles.

L'écriture des nombres

    L'expression ou la représentation d'une « collection » par un nombre (d'objets, ou d'unités) a été étudiée au Cours préparatoire, pour les nombres de 1 à 99, écrits avec un chiffre de dizaines et un chiffre d'unités. L'extension aux grands nombres ne comporte guère qu'une question de vocabulaire, mais la vision directe est moins aisée. Il est bon d'utiliser les dizaines, centaines et mille figurés, ou équivalents aux collections de 10, 100, 1 000. Ce sont les pièces et billets de 10 F, 100 F, 1 000 F; les multiples décimaux du gramme, du litre et du mètre désignés par les préfixes déca, hecto, kilo. Il faut aussi utiliser les dizaines et centaines de centimètres (et de centilitres), mais il faut réserver pour le Cours moyen l'explication correcte de leurs préfixes.

Le numérotage

    Le nombre peut résulter d'un numérotage (certains enfants ne l'ont pas appris autrement et comptent en numérotant, même des nombres de 1 à 20)1. Sur une route nationale partant de Paris, le kilomètre 95 est la 95e borne; mais comme les distances mutuelles des bornes sont toutes de 1 kilomètre ce nombre signifie aussi que la distance de Paris à cette borne est 95 kilomètres. C'est un numérotage analogue qui est réalisé dans de nombreux instruments de mesure gradués, le décimètre ou les mètres usuels; les jauges; les compteurs de distances, de volumes (d'eau ou de gaz); les balances automatiques... C'est ainsi qu'est « mesuré » le temps; l'année 1954 est la 1954e, depuis le début de l'ère chrétienne, la terre a tourné 1954 fois autour du soleil, il s'est écoulé 1954 durées d'une année (mais l'égalité de ces unités de temps peut nous paraître moins certaine que celle des mètres, ou des kilogrammes). On numérote de même : les jours du mois, les heures du jour, et la durée est « calculée » (sinon mesurée) par la différence de deux numéros.

Valeurs commerciales

    Les valeurs en monnaie sont réalisées (et comptées) par des pièces et des billets, qui peuvent comporter des représentations conventionnelles de dizaines, centaines, mille et aussi de leurs doubles et de leurs moitiés. Mais la valeur d'une marchandise est un nombre de francs, fixé par avance et qui n'est réalisé que dans le cas d'un achat et d'un paiement effectifs. On aura encore à s'occuper au Cours élémentaire d'autres valeurs exprimées par un nombre et non réalisées : une dette, une récapitulation de dépenses faites en des jours différents.

Longueurs et distances

    Les longueurs et les distances sont des droites, ou plus exactement, des segments de droite, formés de cm, de m, ou de km, placés bout à bout (on peut donner les noms des autres unités décimales, mais dans les exercices et problèmes, on peut se borner à des longueurs exprimées avec l'une de ces 3 unités (Instructions, III, 2). La longueur peut être une ligne brisée (périmètre d'un polygone) ou même courbe (route), on suppose qu'elle est alors « rectifiable » en utilisant un fil, appliqué sur la longueur et qu'on peut ensuite tendre pour le rendre rectiligne; en réalité c'est là une opération réalisable, mais rarement réalisée, et qui est remplacée par le calcul d'une addition.

Poids, ou masses

    Le poids, ou la masse d'un objet (on peut confondre les deux notions à l'École primaire) est obtenu, en principe, en équilibrant, sur une balance, cet objet par un certain nombre de poids marqués, qu'on sait compter, comme on compte des monnaies. Tantôt on cherche le poids d'une quantité (morceau de viande découpé) et tantôt on cherche une quantité dont on connaît le poids (un kilogramme de sel). Le poids d'un liquide est obtenu indirectement par la différence du poids brut du vase contenant le liquide et du poids de ce vase vide. Le poids de l'air d'une salle est obtenu indirectement en multipliant le poids d'un litre par le nombre de litres. Ce sont là des extensions des notions de différence et de multiplication, qui nous sont évidentes, mais qui le sont moins pour les enfants.

Volumes et capacités

    On mesure un volume de liquide (ou de grains), en le versant dans un ou plusieurs récipients, calibrés ou gradués. Inversement la capacité, ou la contenance, d'un récipient est mesurée par le volume de liquide qu'il peut contenir. On étudiera au Cours moyen la détermination par un calcul des capacités, ou des volumes, de récipients ou de corps, de formes géométriques simples. On remarquera que les mots volumes et capacités sont ainsi pris dans des sens assez divers ainsi que les unités correspondantes (le kilolitre est appelé mètre cube et le millilitre est appelé centimètre cube).


Surfaces

    La mesure des surfaces est limitée, au cours élémentaire, au « calcul » de la surface d'un rectangle pavé, au moins par la pensée, en carrés de 1 cm, ou de 1 m, de côté. Cette surface est encore une « collection » d'unités (carrés), mais ces unités sont construites artificiellement. On sait la difficulté qui en résulte pour le calcul de la surface d'un triangle (qui est considérée comme la « moitié » d'un rectangle), pour le calcul de la surface d'un polygone (considéré comme une « réunion » de triangles) et plus encore pour le calcul d'une aire limitée par une ligne courbe.

3 • ÉGALITÉ DES GRANDEURS

    Deux grandeurs, qui sont des collections des mêmes objets, ou des mêmes unités, sont égales lorsqu'elles sont représentées par un même nombre (ou par des nombres égaux)2

   Cette égalité des nombres exprime qu'il existe une correspondance un par un entre les objets, ou les unités des collections. On pense souvent que cette correspondance résulte d'une possibilité (plus ou moins théorique) de confrontation ou de juxtaposition des deux grandeurs, au moins avec une grandeur intermédiaire3.
    Deux valeurs commerciales égales peuvent être « réalisées » par le même nombre de pièces et de billets. Mais les paiements par chèques, les transactions commerciales et même la comptabilité, rendent cette réalisation de plus en plus fictive.
Deux maisons ont des façades de longueurs égales, parce que ces longueurs ont un même nombre de mètres : mais aussi une corde (ou un double décamètre) appliquée sur l'une pourra être appliquée sur l'autre. Les distances parcourues par une voiture automobile en mai et en juin sont égales parce que les nombres de kilomètres indiqués par le compteur sont égaux. Sur un dessin, sur un plan, ou sur une carte, deux longueurs, ainsi que les distances qu'elles représentent, sont égales parce que leurs mesures ont les mêmes nombres de cm (ou de mm). Si elles sont rectilignes, on peut les faire coïncider avec la même bande de papier, convenablement découpée et transportée de l'une sur l'autre, ou avec la même ouverture de compas4.
    L'égalité de poids ou de masses peut se vérifier directement avec la balance, elle résulte aussi le plus souvent, en pratique, de l'égalité des mesures. Il en est de même, à plus forte raison, de l'égalité de deux volumes de liquides.
    On constatera aussi que la comparaison de longueurs peut se faire par la comparaison des nombres : une bande de papier de 6 cm se place à l'intérieur d'une bande de 8 cm et la partie qui n'est pas recouverte a une longueur de 2 cm. Pour des distances, cette comparaison ne peut plus se faire que par les nombres lus sur la route ou relevés au compteur, ou bien encore par les longueurs représentatives sur une carte.
    On pourra aussi constater qu'il n'est pas toujours possible de représenter exactement une grandeur par un nombre entier des unités choisies. Une longueur peut être plus grande que 6 cm et plus petite que 7 cm. Quand on achète 4 kg de pommes, le marchand est souvent obligé d'en mettre un poids un peu plus grand, s'il ne vend que des pommes entières. Un seau contient 7 litres d'eau, mais n'en contiendrait pas 8. On arrondit parfois un paiement à 10 F près. Ces constatations peuvent donner une idée assez grossière, mais suffisante dans l'enseignement primaire, de grandeurs « continues »5. Elles peuvent surtout montrer la nécessité d'utiliser des sous-multiples des unités, ce qui sera fait au Cours moyen, mais peut être ébauché au Cours élémentaire (utilisation du millimètre, pour préciser une longueur de quelques centimètres, ou de l'hectogramme, pour préciser un poids de quelques kg). On pourra se borner à dire (sans utiliser la virgule) qu'une longueur est de :

4 cm et 3 mm, ou 4 dizaines de mm et 3 mm, ou 43 mm.

    En résumé, on doit surtout, au cours élémentaire, étudier des grandeurs représentées par des nombres entiers d'unités et retenir que leur égalité ou leur comparaison (qui, dans certains cas, peuvent être constatées directement ou par un intermédiaire simple) résultent pratiquement de l'égalité et de la comparaison des nombres (ou des mesures)6.

4LES NOMBRES DE 1 À 10 (OU DE 1 À 20)

    Il y a lieu de réviser les notions acquises au Cours préparatoire en faisant reconnaître de petites collections d'objets, marrons, billes, points d'un domino ou d'une carte à jouer..., en y associant quelques manipulations élémentaires de composition et de décomposition, ainsi que les opérations correspondantes de calcul (additions, soustractions, multiplication par 2).
    Cette révision, précisée et éventuellement complétée, peut comprendre les 20 premiers nombres et, par suite, la table d'addition. Il est nécessaire de la faire en liaison avec les premiers exercices de mesure de grandeurs en unités usuelles : monnaies de 1 F, 10 F, puis 2 F et 5 F; formation d'une longueur avec des bandes de carton de 1 cm, placées bout à bout; utilisation de bandes de 10 cm, puis de 2 et 5 cm; équilibre d'un caillou avec des poids de 1 g (fabriqués éventuellement, en carton, en nombre suffisant); puis usage de la boîte de poids de 1 à 10 g; capacité d'un seau en litres d'eau. La petitesse des nombres permet d'associer à l'égalité et à la comparaison des nombres, ou des mesures, la recherche directe de l'égalité et de la comparaison des grandeurs. On peut de même illustrer les premiers calculs d'addition et de soustraction (peut-être aussi de multiplication et division par 2) par des manipulations collectives ou individuelles7.
Les résultats des mesures, et éventuellement des calculs, seront écrits en faisant suivre le nombre du nom de l'unité, non seulement pour qu'on sache de quoi il s'agit, mais parce que le nom de l'unité fait «mathématiquement» partie intégrante de la mesure (Instructions, III, I).
    Lorsque cette construction d'une grandeur avec une petite collection d'unités (de 1 à 20) sera suffisamment comprise et acquise par les élèves, on pourra utiliser les mesures graduées, double décimètre, mètre, éprouvette graduée en cl, pèse-lettres. On est étonné du nombre d'élèves du cours moyen qui ne savent pas tracer un trait de 5 cm de longueur. Ils arrêtent bien leur trait à la division 5, mais ne savent pas s'ils doivent le faire partir de la division 0 ou de la division i (voir ci-dessus les considérations sur le numérotage).



5 • LES NOMBRES AU DELÀ DE 10 (OU DE 20)

    Au delà de 10 et surtout de 20, se pose le problème de la numération décimale sous son triple aspect.

  1° Groupement des unités en dizaines, des dizaines en centaines, des centaines en mille...

    2° Lecture des nombres suivant les règles de la numération orale.
    3° Écriture de ces nombres suivant les règles de la numération écrite.

    Les principes généraux déjà partiellement indiqués dans l'article sur le cours préparatoire sont destinés à guider les maîtres.
    Formons progressivement des collections réelles, lisons les nombres, écrivons-les. Et comme nous devons créer un lien très étroit entre la collection, le nom du nombre et son symbole écrit afin que l'une de ces trois données suggère instantanément les deux autres, nos exercices de numération se rattacheront aux six types suivants :

    Premier exercice : Une collection étant donnée, dire combien d'objets elle contient. Exemples : lecture des points d'un dé à jouer, des points d'un domino, classement par dizaines des haricots d'un tas donné et énoncé du nombre de haricots, valeur d'un ensemble de pièces de 10 francs et de un franc, mesure d'une longueur, pesée d'un caillou.

    Deuxième exercice : Une collection étant donnée, écrire le nombre d'objets qu'elle contient. Exemples : reprendre sous forme écrite, les exercices précédents.

    Troisième exercice : Un nombre étant énoncé, l'écrire. Exemple : dictée de nombres à écrire sur l'ardoise (procédé Lamartinière).

    Quatrième exercice : Un nombre étant énoncé, réaliser la collection correspondante. Exemples : Montrer le domino 7. Payer 23 francs. Former 46 avec des cartes-dizaines et des pions séparés. Dessiner un nombre donné de cerises. Peser un poids donné de sable. Tracer un segment de droite de 17 cm.

    Cinquième exercice : Un nombre étant écrit, le lire. Exemple : lecture de nombres écrits au tableau ou mieux, usage de réglettes coulissantes, qui permettent de présenter instantanément aux élèves un grand nombre de nombres de deux ou de trois chiffres...

    Sixième exercice : Un nombre étant écrit, réaliser la collection correspondante. Mêmes exemples qu'au quatrième exercice, la donnée étant écrite au lieu d'être dictée.


    Ainsi, le temps est révolu où l'enseignement de la numération se bornait à lire des suites de nombres écrits au tableau (5e exercice) et à écrire sur l'ardoise des nombres dictés (3e exercice) et, plus sommairement encore, à compter de 1 à 100, puis de 100 à 1. Le rôle primordial joué par les collections et les grandeurs est le premier aspect du « bain de réalisme » dont parlent les Instructions officielles.

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    Ce chapitre de la numération n'exige pas de longs commentaires. Cependant l'attention du lecteur doit être attirée sur les points suivants :

    a) Une connaissance parfaite de la structure des nombres en unités, dizaines... est indispensable pour bien comprendre la suite du programme. Cette structure est un des éléments fondamentaux du calcul; elle est à la base de toutes nos explications du mécanisme des opérations.
    b) Dans un système de numération de position, les mêmes chiffres (de 1 à 9 dans le système décimal) sont utilisés pour compter non seulement les unités, mais aussi les dizaines, les centaines... Les dizaines, centaines... ne sont donc pas seulement des groupements conventionnels d'unités simples, ce sont des unités du second ou du troisième ordre... Le maître de Cours élémentaire doit donc, dans l'esprit de l'enfant. les promouvoir au rang d'unités; c'est-à-dire en faire des réalités concrètes que l'on compte. que l'on additionne. que l'on retranche... au même titre et de la même manière que les billes, les perles et les cailloux (unités simples) [voir Cours préparatoire, 15].

6LE MATÉRIEL POUR L'ÉTUDE DES NOMBRES DE 10 A 199
On peut utiliser comme matériel :

a) Un matériel à dizaines réelles :
  • le paquet de dix bûchettes;
  • le collier de dix perles;
  • la carte de dix jetons;
  • l'étui de dix crayons;
  • le décimètre (10 centimètres);
  • le mètre (10 décimètres).

    b) Un matériel à centaines réelles :
  • le paquet de dix cartes-dizaines;
  • la boîte de dix étuis;
  • le mètre (100 centimètres);
  • le litre (100 centilitres).
c) Un matériel à dizaines et à centaines figurées ou conventionnelles :
  • la pièce de dix francs;
  • le billet de cent francs.

    Pour la révision des 100 premiers nombres et l'étude des opérations sur ces nombres, on peut utiliser les bûchettes, matériel assez pratique, puisque la dizaine est facile à rassembler et à disloquer suivant les nécessités de l'explication. Elle présente le grand avantage de prendre rapidement sa physionomie propre. L'enfant ne tarde pas à ne plus y voir les 10 bûchettes, mais plutôt un bloc, un objet nouveau, une unité nouvelle.
Bien que les unités y soient plus apparentes, on peut, pour des raisons de discipline ou de commodité, utiliser les cartes-dizaines, rectangles de papier fort sur lesquels l'enfant a collé 10 carrés de papier de couleur en deux groupes de 5.
Chaque carte est à volonté une dizaine ou 10 unités. Le jeu complet (10 cartes-dizaines et 10 carrés-unités) permet :

de compter de 1 dizaine à 9 dizaines et parallèlement de 10 unités à 90 unités;


d'effectuer les opérations : 3 dizaines + 4 dizaines ou 30 unités + 40 unités.

de former tous les nombres de 10 à 99 en ajoutant aux cartes-dizaines des carrés-unités;

de passer à la dizaine supérieure en échangeant 10 carrés séparés contre une carte-dizaine;

de revenir à la dizaine inférieure;

d'éclairer le mécanisme de la retenue dans l'addition et la soustraction (voir Cours préparatoire, 15).


    Cette gymnastique de substitution de dix unités séparées à une carte-dizaine crée dans l'esprit de l'enfant la notion d'équivalence, équivalence réelle dans l'exemple précédent, mais conventionnelle dans l'échange de 10 pièces de 1 F contre un billet de 10 F. Lorsque cette équivalence conventionnelle sera devenue familière à l'enfant, il ne sera plus nécessaire de représenter les centaines par des groupes de cent objets, nous pourrons à ce moment représenter la centaine par une centaine figurée, telle que le billet de 100 F. Le matériel individuel et collectif sera moins encombrant, nos manipulations en seront allégées.
    Le billet de mille francs, le kilomètre et le kilogramme matérialiseront l'unité de mille.
    D'ailleurs, à la fin de la première année de cours élémentaire, nous devons nous libérer graduellement des représentations concrètes, ne les conservant que pour expliquer certains mécanismes des opérations. Mais sur ce point, le maître de la classe est seul juge du moment favorable à cet abandon.
    Pour terminer ces remarques sur la numération, notons que le programme limite l'étude des nombres entiers à 10 000 dans la double intention de ne voir utiliser que des nombres résultant de mesures réellement effectuées dans la pratique et d'inviter les maîtres de cours élémentaire à ne pas parler de la notion de classe.


II. LES OPÉRATIONS

7LA PROGRESSION DANS L'ÉTUDE DES OPÉRATIONS

    Trois petits sacs renferment le premier 15 billes, le second 12 billes, le troisième i8 billes. Nous versons toutes ces billes dans un grand sac. Combien de billes contient-il alors? Comptons ces billes en les groupant par dizaines : nous trouvons 4 dizaines et 5 billes, ou 45 billes.
    Sur une ligne droite, tracée sur le tableau noir, portons bout à bout une longueur de 15 cm, puis une longueur de 12 cm, enfin une longueur de 18 cm. Quelle est la longueur du segment unique obtenu? Mesurons cette longueur avec une règle graduée, cela revient à compter les centimètres qu'elle contient; en les groupant par dizaines (ou décimètres), nous trouvons 4 dizaines de cm et 5 cm, ou 45 cm.

J'ai dépensé 15 F lundi, 12 F mardi et 18 F mercredi. Combien ai-je dépensé en tout ? Je représente les sommes que j'ai ainsi dépensées successivement :

et je les réunis, en groupant les pièces semblables : 
 

Je compte 4 dizaines de F et 5 F, ou 45 F. Dans cette opération, j'ai réuni des sommes qui n'existent plus, mais dont je me souviens et que je peux figurer ou représenter.
Pour chacun de ces problèmes, ou de ces opérations concrètes, on dit que :
45 billes est la somme, ou le total, de 15, 12 et 18 billes.
45 cm est la somme, ou le total, de 15, 12 et 18 cm.
45 F est la somme, ou le total, de 15, 12 et 18 F.
    D'une manière abstraite :

le nombre 45 est la somme, ou le total des nombres 15, 12 et 18.

    Quelles que soient les unités (ou les objets) :

    45 unités est la somme, ou le total de 15, 12 et 18 unités.

    On peut faire le calcul en représentant les unités (les billes, les cm, les F des problèmes) par des points sur une ligne (droite).

    On marque 15 points, puis 12, puis 18; ensuite on compte la collection totale.
    Ainsi l'addition de trois nombres (posée ou faite mentalement) est un procédé rapide et commode qui permet d'obtenir la quantité (ou le nombre d'unités) obtenue en réunissant, ou juxtaposant (réellement, ou par le souvenir) des quantités (ou nombre d'unités) qui deviennent ainsi les «parties d'un tout»8 (Instructions III, 10).
    En étudiant ces problèmes, on peut encore constater qu'il est possible de faire l'opération (concrète sur les quantités, ou abstraites sur les nombres) en réunissant d'abord la première et la deuxième quantité, puis en ajoutant la troisième à cette réunion partielle (je fais le calcul de ma dépense mardi soir et je complète mercredi). On peut encore constater qu'il est possible de changer l'ordre dans lequel on verse les sacs de billes dans le grand sac. « Il est possible » veut dire que, dans l'un et l'autre cas, le résultat est le même ou est égal au précédent. On reconnaît là les qualités d'associativité et de commutativité de l'addition, qu'il est facile de rendre intuitives (sans, bien entendu, les énoncer de façon abstraite).
    On peut associer de même façon des problèmes ou des manipulations concrètes à l'étude de la soustraction, de la multiplication et de la division (avec ou sans reste). Une opération convenable de calcul (sur des nombres, il vaudrait peut-être mieux dire sur des chiffres) dispense de soutirer réellement une partie du vin contenu dans un tonneau, puis de mesurer ce qui reste; de payer un à un les livres d'une même commande; de répartir en parts égales (une par une) les cerises dans quatre assiettes. Nous connaîtrons, grâce à des opérations effectuées exclusivement sur des nombres (abstraits) la quantité (volume ou poids) du vin qui reste dans le tonneau; le montant total de la somme à payer; la part de cerises de chaque enfant.
    La progression que nous avons ainsi exposée pour l'étude des opérations est, en résumé, la suivante :

    a) L'opération sur les grandeurs elles-mêmes; c'est cette opération qu'il s'agit de représenter symboliquement, opération dont nous voulons retrouver le résultat par une voie plus rapide.
    b) La représentation semi-symbolique, au moyen de points, cailloux ou bûchettes, représentant les unités réelles. Ce peut être une étape intermédiaire nécessaire pour les jeunes esprits qui n'appréhendent encore ni pleinement, ni aisément l'abstrait.

    c) L'opération de calcul sur les nombres. C'est l'ensemble des mécanismes qu'il faut faire acquérir aux élèves. Le résultat final doit être le nombre qu'aurait donné l'opération sur les grandeurs.

8 • SENS ET TECHNIQUE DES OPÉRATIONS

    Pour chacune des quatre opérations du programme, nous étudierons trois points.

Le sens de l'opération étudiée

    En fait, c'est la définition de l'opération, enseignée par l'usage que l'on peut faire de cette opération. Il ne s'agit surtout pas de faire apprendre à l'enfant une définition théorique rigoureuse et précise de chacune de ces quatre opérations. Ce qu'il faut obtenir, c'est que l'enfant se trouvant en présence d'un problème élémentaire (problème à une seule opération) pose, autant par intuition que par un début de raisonnement, l'opération convenable. Nous pensons que c'est là le problème pédagogique le plus important et le plus difficile du programme de calcul du Cours élémentaire. Problème difficile parce qu'il exige de l'enfant un effort d'abstraction qui, mal présenté, trop souvent le dépasse. Les quatre opérations s'effectuent toujours, malgré les apparences, sur des nombres abstraits. A chacune de ces quatre opérations abstraites correspond un seul verbe : additionner, soustraire, multiplier et diviser (sous-entendu des nombres). Et ces verbes s'appliquent rarement, sauf impropriété de termes, aux opérations sur les grandeurs dont les opérations de calcul ne sont qu'une traduction symbolique. Il doit donc se faire dans l'esprit de l'enfant une transposition de vocabulaire parallèle à la transposition de l'opération concrète en opération de calcul.

    Les énoncés de problèmes sont rédigés en langage courant, les termes employés sont les termes propres, corrects. On réunit, on achète successivement plusieurs objets, on verse le vin d'un tonneau dans un autre qui en contient déjà, on place bout à bout, on parcourt un certain trajet le matin et un autre le soir... quelquefois on ajoute; on retranche, on diminue, on coupe, on supprime, on soutire, on déduit, ...; on compare... On achète plusieurs objets identiques, on marche pendant trois heures d'un pas égal, on cherche le poids d'un liquide connaissant son volume et le poids du litre; rarement, en langage courant, on multiplie ou on divise; mais on distribue, on partage, on répartit, etc. Et il faut que l'enfant ramène cette grande variété d'opérations concrètes à l'un ou l'autre des quatre types opératoires.
    Il est bien évident que ce n'est ni un hasard ni une convention qui ramènent tout un ensemble d'opérations concrètes en apparence si différentes à une même opération de calcul. C'est que, malgré la diversité des aspects, elles possèdent toutes un caractère commun, caractère commun que l'enfant doit sentir s'il veut poser l'opération convenable.    
   Nous devrons donc mettre en évidence par la description de l'opération réelle, par un dessin, par une analyse verbale, la caractéristique concrète de chaque opération, de manière que l'enfant puisse la reconnaître dans chacun des problèmes qui lui seront proposés. Nous n'insisterons jamais assez sur ce point : l'élève doit poser, puis calculer telle opération parce qu'il voit ou parce qu'il sent que cette opération convient au problème et non parce qu'il a appris par cœur qu'on pose telle ou telle opération dans telle ou telle circonstance (voir Instructions, III, 10).
    Il achète 5 caramels à 8 francs et constate qu'il doit donner 5 fois 8 francs soit 40 francs, il achète 2 litres de lait à 46 francs et pose la multiplication 46 x 2 à la place de l'addition 46 + 46; un autre jour sa maman aura acheté des poulets ou son voisin aura acheté du blé. Chaque fois on lui montrera, s'il ne trouve pas tout seul, qu'on peut obtenir le prix d'achat total en calculant une multiplication. Ce n'est que lorsqu'il aura résolu un grand nombre de problèmes analogues qu'on pourra généraliser et dire que le prix d'achat total s'obtient (dans certaines circonstances) en multipliant le prix d'un objet par le nombre d'objets achetés.

    Qu'on lui fasse énoncer de telles règles en guise de conclusion, de résumé, après qu'il a senti et posé l'opération convenable, pour l'aider justement à saisir la caractéristique de l'opération et l'acheminer vers le général et l'abstrait, d'accord, mais que de tels énoncés ne soient pas au début l'unique raison de son choix. Trop souvent les maîtres expliquent un seul exemple, énoncent aussitôt une règle qu'ils demandent à l'enfant d'apprendre par cœur.

La technique de l'opération

    Les éléments fondamentaux de cette technique sont :

    a) une connaissance suffisante de la structure décimale des nombres;
    b) la connaissance des tables;
   c) les règles particulières à chaque opération, règles permettant de noter les résultats partiels, de les rassembler ou de les combiner entre eux pour obtenir le résultat final. Ces règles particulières sont le plus souvent fondées sur les propriétés associatives, commutatives et distributives des opérations, propriétés que les enfants ignorent sous leur forme générale. Nous devrons, dans chaque cas particulier, nous ingénier à les rendre intuitivement évidentes.

    Nous ne voulons pas séparer trop nettement calcul écrit et calcul mental, le premier faisant très souvent appel au second. Cependant, dans un calcul exclusivement mental, les moyens de conservation des résultats partiels ne sont pas ceux du calcul écrit. Comme nous le montrerons plus loin, les procédés particuliers relatifs à chaque opération ne sont pas les mêmes dans les deux modes de calcul.
    En ce qui concerne le calcul écrit, nous demanderons à notre disposition graphique d'éviter les ratures, de réduire l'écriture au minimum de nombres compatible avec les possibilités de l'enfant, d'être accessible à un adulte d'intelligence moyenne. Les dispositions traditionnelles remplissent ces conditions. Nous les conserverons, tout en remarquant qu'elles ne sont ni absolues ni universelles. Plusieurs dispositions également valables peuvent être adoptées.


Justification des règles

    Une justification complète n'est guère possible au Cours élémentaire. Cependant, dans de nombreux cas, on peut réaliser l'opération matérielle que traduit l'opération de calcul. Les deux opérations peuvent se dérouler suivant un parallélisme rigoureux et il est facile de les mener de front; l'une devenant le calque de l'autre.

    Aujourd'hui tous les maîtres ont éclairci pour leurs élèves le mystère de la retenue dans l'addition. Ce 1 que l'on reporte dans la colonne des dizaines ce n'est que le paquet de 10 bûchettes que l'on a pu constituer après avoir rassemblé toutes les bûchettes isolées, ce n'est que la pièce de 10 francs que l'on a échangée contre 10 pièces de 1 franc et que l'on ajoute naturellement aux autres pièces de 10 francs. (Cours préparatoire, 16.) Toutes nos opérations peuvent se légitimer d'une manière analogue. Les manipulations correspondantes sont-elles toujours à la portée d'un enfant du Cours élémentaire? N'exigent-elles pas quelquefois un trop long effort d'attention ? Ne risquent-elles pas de nous retarder dans l'acquisition des mécanismes indispensables ou, ce qui serait plus grave, ne risquent-elles pas de retenir l'enfant trop longtemps sur le plan concret ? Chaque maître doit sentir les limites de ce qu'il peut faire avec profit dans sa propre classe. Quelques exemples simples sont suffisants pour convaincre l'enfant que l'arithmétique n'est pas une science conventionnelle où il suffit d'être initié à certains rites mais qu'au contraire tout y est naturel et explicable même si à huit ans on ne comprend pas encore tout.


9 • MÉCANISMES, OBSERVATION, RÉFLEXION

Considérations générales

    Avant d'étudier de plus près chacune des quatre opérations, nous ferons encore quelques remarques d'ordre général. Ces remarques concernent plutôt l'atmosphère générale de toutes nos leçons de calcul, mais c'est à l'occasion des opérations qu'elles prennent une importance particulière.
    Quelle place accorder, dans l'enseignement du calcul à l'école primaire, d'une part au mécanisme et d'autre part aux exercices d'observation, de réflexion et d'intelligence?
    Question qui dépasse par son ampleur la simple technique des quatre opérations. Elle n'est qu'un aspect particulier de l'opposition traditionnelle entre le dressage et la spontanéité ou l'initiative de l'enfant, entre un enseignement autoritaire et un enseignement d'inspiration libérale, entre l'enseignement strictement utilitaire et la culture désintéressée.
    Cette question se rattache ainsi à la pédagogie générale; on pourrait même sans exagération lui trouver des résonances liées aux fins politiques ou sociales de la formation du citoyen.
    Ceux d'entre nous qui ont appris à lire, écrire et compter à la fin du siècle dernier se réjouissent d'une évolution des méthodes dont ils ont été quelquefois les modestes ouvriers et toujours des témoins bienveillants. Les moniteurs avaient déjà disparu, les exercices ne se déroulaient plus au coup de sifflet, certains maîtres avaient déjà des préoccupations de culture générale, mais les classes gardaient encore de nombreuses traces d'une vieille tradition d'autorité. L'ambition des maîtres se bornait trop souvent à monter des mécanismes, à faire réciter des définitions, des règles et des tables, à faire exécuter correctement et rapidement des opérations aussi longues que fastidieuses ou à étudier et retenir les solutions des problèmes-types.
    Mais progressivement un esprit nouveau s'est manifesté dans nos classes. On a découvert Montaigne et Rousseau, on a relu les Instructions de 1887 : « L'objet de l'enseignement étant ainsi défini, la méthode à suivre s'impose d'elle-même; elle ne peut consister ni dans une suite de procédés mécaniques, ni dans le seul apprentissage de ces premiers éléments de communication, la lecture, l'écriture, le calcul... »
    Les Instructions officielles postérieures ont chaque fois accentué ce caractère de notre enseignement. Cette évolution s'est accélérée non seulement sous l'influence de psychologues et pédagogues modernes français et étrangers bien connus de nos lecteurs, mais grâce aussi à l'initiative d'une multitude de maîtres modestes et anonymes. Les idées modernes étaient semées sur un terrain prêt à les recevoir.
    L'étude de cette évolution n'entre pas dans le cadre de ce cahier. Nous avons cependant dû y faire une brève allusion pour mettre en garde nos lecteurs contre les engouements passagers, pour tempérer l'ardeur de quelques néophytes qui, sous un prétexte louable, certes, de culture désintéressée, d'épanouissement des facultés de l'enfant ou de maturation, ne font plus au mécanisme la place qui doit être la sienne.
    « Il y a dans tous les enseignements une partie mécanique et routinière qu'il faut accepter avec modestie... Dans tout métier il y a des gestes qu'il faut apprendre à faire automatiquement et qu'il faut répéter des milliers de fois avant de les bien faire; que l'on soutienne l'enfant ou l'apprenti par l'espoir d'un temps où la répétition de l'effort aura supprimé la difficulté, j'en suis d'avis, mais qu'on se garde bien de lui inspirer du mépris pour ce qu'il y a de machinal dans cette répétition. Il faut que le geste soit machinal » (J. TANNERY) [Instructions, III, 5, 6, 7].
    En définitive, notre méthode se tiendra dans un juste milieu, « héritière d'une riche tradition et protégée contre les engouements par ce sens de la mesure si caractéristique de l'esprit français », notre école saura équilibrer la part du mécanisme indispensable et la part des exercices d'intelligence; elle ne perdra de vue ni le caractère utilitaire ni le caractère éducatif des exercices de calcul.




Progression

    Nous allons étudier successivement les quatre opérations dans l'ordre classique : addition, soustraction, multiplication et division. Mais ce serait une erreur d'adopter une progression aussi brutale dans la répartition annuelle. Certains ouvrages, excellents par ailleurs, consacrent le premier trimestre à la numération et aux divers cas de l'addition et de la soustraction, ils passent ensuite à la multiplication et n'abordent la division qu'au dernier trimestre.
    Nos maîtres de Cours élémentaires savent bien que la difficulté est moins de faire acquérir le mécanisme des opérations que leur sens. Il faut que le plus tôt possible l'enfant soit mis en présence d'un choix avec tout ce que ce mot comporte d'intuition et d'intelligence. Dès les premiers jours consacrés à la révision des cent premiers nombres et à la présentation du franc, du mètre, du litre et du gramme, on lui proposera des problèmes concrets conduisant à l'une ou l'autre des quatre opérations. Il y a d'ailleurs grand intérêt à ne pas accumuler les difficultés et présenter les quatre opérations sous leur forme numérique la plus simple : addition et soustraction sans retenue, multiplication par un nombre d'un chiffre, division sans reste qui ne sera qu'un problème inverse de multiplication avec un diviseur et un quotient d'un chiffre seulement. Ces problèmes de multiplication ou de division ne concerneront d'abord que les tables de 2 et de 5. Ils s'étendront ensuite peu à peu et participeront à l'apprentissage des autres tables de multiplication.
    Ainsi, dès le mois d'octobre, l'enfant devra fournir un effort intelligent et se créer les images concrètes afférentes à chaque opération. Cette notion du sens des opérations s'affirmera peu à peu en même temps que le mécanisme opératoire se compliquera. S'il est tout indiqué de créer l'automatisme dans l'acquisition de la technique, il faut par contre briser l'automatisme dans la résolution des problèmes. L'élève doit poser une multiplication parce que la nature du problème l'exige et non « parce que l'on est dans la semaine des multiplications ».




III. L'ADDITION

10 • LE SENS DE L'ADDITION

Tous les maîtres de cours élémentaires ont remarqué que les enfants sentent assez rapidement qu'ils doivent poser une addition pour résoudre les problèmes concrets qui conduisent normalement à cette opération. C'est la première et quelquefois la seule opération qu'ils ont encore étudiée, ils ont déjà traité quelques problèmes analogues au Cours préparatoire, la question posée comporte bien souvent l'expression révélatrice « en tout », mais il y a, semble-t-il, à cette aisance du choix une raison psychologique. En effet, bien que les verbes employés dans ces problèmes concrets soient nombreux et variés, — parce que les opérations réelles le sont elles-mêmes, — toutes ces opérations concrètes ont un trait commun que l'enfant a vite saisi. Que l'on réunisse les billes de trois tas dans un seul sac, que l'on récapitule les recettes faites dans la journée ou que l'on évalue la longueur du pourtour d'un triangle, on procède toujours à une réunion, à une juxtaposition de collections ou de grandeurs continues de même espèce. Tous ces problèmes se traduisent toujours dans l'esprit de l'enfant par cette même image très simple de réunion et de son corollaire, l'image d'augmentation. Et on peut affirmer que l'enfant ne sait résoudre ces problèmes d'addition que dans la mesure où lui est suggérée cette image.

Nous sommes quelquefois étonnés de voir nos jeunes élèves hésiter à poser une addition qui nous paraît cependant naturelle. Si nous cherchons la cause de cette hésitation, chaque fois nous trouverons que l'image de réunion n'est pas éveillée par la nature du problème. Par exemple la relation entre le prix de vente, le prix d'achat et le bénéfice peut être introduite de deux manières différentes. Dans la première on présente d'abord la notion de prix d'achat, puis celle de bénéfice. Le prix de vente apparaît alors comme la somme du prix d'achat et du bénéfice. Dans la deuxième le bénéfice résulte de la comparaison d'un prix d'achat à un prix de vente supérieur au prix d'achat. L'analyse prévoit et l'expérience montre que le premier procédé n'est pas heureux. S'il est exact que le commerçant, possédant de longue date la notion de bénéfice peut se fixer a priori ce bénéfice et l'ajouter à son prix d'achat ou de revient pour calculer son prix de vente, l'enfant qui, pour la première fois, suit attentivement le scénario d'une vente fictive joué par deux ou trois camarades sous la direction du maître, ne voit à aucun moment se réunir deux sommes d'argent représentant l'une le prix d'achat, l'autre le bénéfice. L'étude de ce problème doit être reportée après l'étude complète de la soustraction, car le bénéfice doit apparaître à la suite d'une soustraction-comparaison et c'est l'inverse de cette soustraction qui nous conduit à poser l'addition bien connue de l'adulte.

Au contraire cet enfant n 'hésitera pas à traduire par une addition le problème suivant qu'une lecture superficielle laisserait croire identique au précédent. « Jean est descendu en récréation avec 12 billes en poche, il en a gagné 6. Combien en a-t-il maintenant ? » Certes, ce dernier problème est plus proche de ses « intérêts », il l'a sans doute joué réellement, mais surtout il voit Pierre le malchanceux donner 6 billes à Jean, et il voit ces 6 billes venir se réunir, s'ajouter aux 12 billes que Jean possédait déjà. On pourrait dire que ces 6 billes sont une donnée première de sa conscience, tandis que le bénéfice est d'essence conventionnelle et abstraite.

En résumé, ne proposons jamais de problème d'addition sans avoir créé d'une manière ou d'une autre (croquis, schémas, graphiques, scénarios) cette image de réunion. L'enfant sentira l'opération à faire, et cela nous dispensera de seriner quelques règles superflues ou de rabâcher des problèmes types dont l'enfant apprend par cœur la solution, ne pouvant s'accrocher à une vision simple de la réalité.




11LA TECHNIQUE DE L'ADDITION

1° Additionner deux nombres inférieurs à 10

Les résultats doivent être sus par cœur; nous ne disons pas « appris » par cœur, ce qui sous-entend une acquisition purement mécanique par récitation de la table. Cette récitation au Cours élémentaire ne doit être qu'un moyen de contrôle et de stabilisation. L'acquisition a dû se faire au Cours préparatoire par des procédés concrets mettant en évidence la décomposition des nombres inférieurs à 20 (voir Instructions, Cours préparatoire, II, 3 et 4).
Bien que ces additions n'exigent pas de transcription graphique, il est d'usage d'adopter dès ce moment la disposition classique en colonne. L'habitude en sera prise et ce sera un point acquis lorsque d'autres difficultés se présenteront.

2° Additionner plusieurs nombres inférieurs à 10

3° Additionner deux ou plusieurs nombres de deux chiffres sans retenue

Il est naturel de grouper les bûchettes isolées ou les jetons séparés d'une part, les paquets-dizaines ou les cartes-dizaines d'autre part, donc de calculer une addition du premier cas dans chaque colonne.

4° Additions avec retenue

L'étude de la numération a fait acquérir quelques réflexes. Dès que l'on a 10 bûchettes isolées, on forme un paquet-dizaine; dès que l'on a 10 jetons séparés, on les échange contre une carte-dizaine. Ce réflexe est la traduction concrète du principe fondamental de la numération décimale. Le passage de la dizaine ainsi constituée dans la colonne des dizaines ne présente pas de difficulté tant il est naturel.
Pas de difficulté non plus dans l'addition des nombres de 3 chiffres avec centaine de retenue.

Preuve de l'addition

On peut faire constater que le résultat d'une addition ne change pas si on intervertit l'ordre des termes. Il suffit de poser et d'effectuer les deux additions.
Mais l'identité des deux résultats est-elle une heureuse coïncidence, un heureux effet du hasard, et pouvait-il en être autrement ? L'adulte sait que cette invariance est un des éléments fondamentaux de la notion de nombre, quelques enfants ne le sentiraient-ils pas déjà? Quand papa et maman font séparément un cadeau à Jean, peu importe lequel des deux le fait avant l'autre. D'ailleurs, au cours préparatoire, le domino 7 a montré que 4 + 3 = 3 + 4. Il suffit de faire tourner le domino de 180°; il est évident que dans cette rotation le nombre total des points ne change pas.


IV. LA SOUSTRACTION

12 • LE SENS DE LA SOUSTRACTION

L'usage concret de la soustraction est plus difficile à acquérir que celui de l'addition. C'est qu'en effet l'opération de calcul de la soustraction est la solution numérique de problèmes de types différents, au moins en apparence. Les Instructions (III, 1) indiquent d'ailleurs trois « points de vue» possibles : les deux premiers peuvent se résumer en :

Rendre la monnaie et chercher un reste

chercher un reste, d'une grandeur, dont on enlève une partie;
rendre la monnaie, ou former le complément, qu'il faut ajouter à une grandeur (somme à payer) pour obtenir une certaine grandeur plus grande (pièce ou billet, trop élevé, offert en paiement);
Ces points de vue correspondent d'ailleurs aux deux techniques de la soustraction numérique, indiquées ci-dessous (en cherchant ce qu'il faut additionner (procédé de l'Europe centrale). ou en ôtant (ce qui utilise une table de soustraction apprise plus ou moins méthodiquement).
Le troisième point de vue, comparer, puis préciser cette comparaison, en disant ce que l'une des grandeurs a en plus; ou ce que l'autre grandeur a en moins, est en quelque sorte intermédiaire entre les deux précédents et peut faciliter la compréhension de leur « équivalence ». Mais il faut bien se rendre compte que si cette équivalence est familière à notre mémoire, sinon à notre raisonnement de grandes personnes, c'est à la suite d'un automatisme longuement pratiqué et à la possibilité d'un raisonnement intuitif rapide. Il en est tout autrement pour les enfants qui ont besoin d'acquérir cet automatisme ou cette facilité de raisonnement, beaucoup plus par des exercices convenablement commentés que par des règles dont l'énoncé est plus ou moins clair pour eux.


Comparons des problèmes simples qui mettent les mêmes nombres en jeu :
1. — Pierre avait 24 billes. Jean lui en prend 18. Combien en reste-t-il à Pierre ?
2. — Pierre a 18 billes. Il lui en faudrait 24 pour les échanger contre un beau crayon. Combien lui en manque-t-il?
3. — Pierre a 24. billes. Joseph en a 18. Quel est celui qui en a le plus et combien en plus: Quel est celui qui en a le moins et combien en moins?
4. Je numérote de haut en bas les lignes de mon cahier qui sont espacées de 1 centimètre Je repère la ligne numérotée 24 et celle numérotée 18. Quelle est celle qui est au-dessus, celle qui est au-dessous et quelle est leur distance ?

Ces quatre problèmes évoquent dans l'esprit de l'enfant des images, des gestes, des situations différentes et cependant la solution de chacun comportera la même soustraction 24 - 18 = 6. Dans les deux derniers il faudra remarquer en outre que cette soustraction est possible, 24 étant plus grand que 18 (la même question aurait pu être posée utilement dans les deux premiers).
Pour le premier problème l'élève voit, ou sait, de suite, qu'il faut soustraire (surtout si on lui a enseigné la technique française du calcul). Il y a, à vrai dire, le mot reste; mais il peut évoquer aussi « l'histoire du voleur », racontée au cours préparatoire; il y avait huit bonbons sur la table, le voleur est passé, il en a pris (ou ôté) trois, combien en reste-t-il? Il dira aujourd'hui 18 ôté de 24, comme il disait hier 3 ôté de 8; dans les deux cas le geste de retrait est analogue, ou le même (à l'intention près, vol ou don consenti). Il résoudra avec autant de facilité les problèmes où il verra enlever une partie d'un tout : ruban que l'on coupe, vin que l'on soutire, réserve de sucre, dont on vend un certain poids.
L'enfant pourra peut-être aussi « voir » le deuxième problème s'il a appris à rendre la monnaie (et surtout s'il a appris à soustraire en «complétant» : soustraire 8 de 15, c'est se rappeler que 8 et 7 font 15). Rendre la monnaie sur un billet de 10 F, donné pour payer un achat de 7F, est le même problème (sauf changement des nombres) que compléter 18 billes jusqu'à en avoir 24.
Mais l'équivalence des deux problèmes n'apparaît pas; on ne peut en vouloir à l'enfant s'il ne comprend pas que « le nombre de billes qui manquent à Pierre, c'est justement le nombre de billes qui lui resteraient, si on lui enlevait, des 24 billes (qu'il n'a pas), les 18 (qu'il garde). »

La notion de différence et de comparaison

Le troisième problème se rattache à la « définition » suggérée par les Instructions (III, 11) : pour trouver la différence de deux nombres, on cherche celui qui est le plus petit, puis on le soustrait du plus grand. Le problème peut servir d'intermédiaire entre les deux autres.
On peut figurer les données avec des dizaines (ou avec des longueurs, comme ci-dessous) :



Il est « visible » que 24 billes est plus grand que 18 billes et qu'il est « équivalent » de dire :
Jean a 6 billes en plus que Joseph;
ou :
Joseph a 6 billes en moins que Jean;
ou bien encore :
Si Jean donne à Pierre autant de billes qu'en a Joseph il lui en restera 6 (premier problème).
Pour que Joseph ait autant de billes que Jean, il faut lui donner 6 billes (en plus) (deuxième problème).

L'équivalence est plus nette si ce troisième problème est mis sous la forme d'une correspondance plus tangible, par exemple :

J'ai 24 billes et j'ai fait 18 trous; je veux placer une bille dans chaque trou. J'ai trop de billes et il m'en restera 24 — 18 = 6 (premier problème).
Je n'ai pas assez de trous, il faudra en faire 24 — 18 = 6 nouveaux (deuxième problème), ou en plus.
Voici une représentation graphique où des problèmes de longueurs illustrent peut-être mieux ces constatations, sinon ces raisonnements.




Problèmes inverses de soustraction

On peut encore considérer le second problème comme un « problème inverse de soustraction » :
24 billes — ce qui manque à Pierre = 18 billes.

On connaît la différence et le « grand nombre » (celui dont on retranche) de la soustraction. Quel est le petit nombre ? Le « raisonnement » et la réponse de l'élève dépendront de ce qu'il sait déjà. Le plus simple est peut-être de transformer la relation en :
24 billes = ce qui manque +18 billes.
Il est, en effet, probable que l'élève a déjà fait au cours précédent des exercices du genre : « 18 +... = 24; mettre un nombre à la place des points ».
Il y a un deuxième problème inverse de soustraction, par exemple : j'ai 18 F, il me faudrait 6 F de plus pour acheter un cahier, quel est le prix du cahier ? Il est exprimé par l'équation :
prix du cahier — 6 F = 18 F.
On connaît la différence et le « petit nombre » de la soustraction (celui qu'on retranche). Quel est le grand nombre? La réponse est peut-être plus aisée : on connaît les deux parties du prix, celle qu'on retranche et celle qui reste. On aurait aussi bien pu écrire : prix du cahier — 18 F = 6 F (je paye i8 F et il reste à payer 6 F).
Ces problèmes ont une forme « commerciale » courante. La notion la plus familière de bénéfice (ou de perte) est la différence qui résulte de la comparaison entre prix d'achat et prix de vente.


C'est une forme du troisième problème, dont on peut déduire une forme du premier problème (recherche du bénéfice) et une forme du second problème (recherche du prix d 'achat) .
Mais on peut considérer la recherche du bénéfice comme un problème de soustraction, que reste-t-il quand on retranche du prix reçu en vendant, le prix avancé en achetant ? La recherche du prix d'achat (connaissant bénéfice et prix de vente) est le premier problème inverse; la recherche du prix de vente (connaissant bénéfice et prix d'achat) est le second problème inverse.

Problème du numérotage

Le quatrième problème énoncé se rattache à la notion de nombre ordinal et conduit à une « règle » (qui est aussi celle du changement d'origine)9 : la longueur est la différence des deux numéros.
Cette règle s'applique au jalonnement des routes : entre le kilomètre 102 et le kilomètre 205, il y a une distance de 205 – 102 = 103 km. Elle s'applique surtout au temps : une durée est la différence de deux époques : je suis arrivé à 9 h (époque marquée par la pendule), je suis reparti à 18 h (époque marquée par la pendule), je suis resté 18 — 9 = 9 h. Entre le premier janvier 1889 et le premier janvier 1934, il s'est écoulé 1934 1889 = 45 ans. On remarquera que les termes de la soustraction sont des époques ou des numéros, la différence est une quantité.
L'exemple du cahier permet peut-être d'expliquer la règle par un des problèmes précédents de soustraction; on peut comparer les distances du premier trait au 18e et au 24e. Il vaut peut-être mieux raisonner de « proche en proche » : entre le 18e et le 19e traits, il y a 1 cm; entre le 18e et le 20e, il y a 2 cm10 ...
Quoi qu'il en soit on estimera peut-être, en accord avec les Instructions (III, 17), que ces notions de numérotage et par suite de temps sont prématurées pour des élèves de Cours élémentaire, et peuvent être reportées soit à la fin de la deuxième année, soit au Cours moyen.


V. LA MULTIPLICATION

13 • LE SENS DE LA MULTIPLICATION

Au Cours élémentaire, on ne doit encore multiplier que des nombres entiers. Il importe cependant que les maîtres se rendent compte du sens général de la multiplication qui interviendra au Cours moyen avec l'emploi d'un multiplicateur décimal (et même dans la multiplication d'un nombre ou d'une grandeur par une fraction). Dans une multiplication de deux nombres (qui sont, en général, des mesures de grandeur), l'un d'eux, appelé multiplicateur, indique une « transformation » à faire sur l'autre, appelé multiplicande. Le résultat de cette transformation est le produit qui est construit avec le multiplicande comme le multiplicateur est construit avec l'unité11. Si le multiplicateur est un nombre entier d'unités, il est construit par la « réunion » de ce nombre d'unités; le produit est construit par la réunion du même nombre de grandeurs égales au multiplicande.
Les Instructions disent qu'il est fréquent de considérer une multiplication comme une « addition abrégée ». C'est en réalité une considération qui n'est vraie que pour un multiplicateur entier. La propriété essentielle de la multiplication, qui est vraie pour tous les nombres (décimaux, fractionnaires, irrationnels, imaginaires), et qui s'étend même à des cas plus généraux, est la distributivité relativement à l'addition pour chaque facteur :
(a + b) x c = (a x c) + (b x c); a x (b + c) = (a x b) + (a x c).
Dans le cas des nombres entiers, en admettant, en outre, que a x 1 et 1 x a sont égaux à a, on retrouve la définition par une addition abrégée, et, par suite, la commutativité et l'associativité. On retrouve aussi la définition de la multiplication d'un nombre, ou d'une grandeur, par une fraction (considérée comme un quotient exact de deux nombres entiers).
Bien entendu, il ne s'agit pas de faire une telle théorie au Cours élémentaire; on peut toutefois être moins affirmatif dans l'utilisation de «l'addition abrégée » !

D'autre part, l'un des facteurs est bien un opérateur et il indique une opération à faire sur l'autre facteur, mais il n'en est pas, pour autant, abstrait. Un nombre abstrait est un nombre qui ne dépend pas des unités choisies, rapport de deux grandeurs de même espèce (par exemple les fractions et les «pour cent» du Cours moyen). Or, dans la recherche du prix d'un poids de marchandise, ni le prix ni le poids ne sont abstraits et, au contraire, il faut prendre soin de préciser l'unité de poids et l'unité d'argent.
Dans certains cas, chacun des facteurs peut être pris comme opérateur, et c'est cette considération qui fournit les justifications, plus ou moins concrètes, ou plus ou moins intuitives, de la commutativité. Exemples : le calcul du nombre des mains indiqué ci-dessous.
L'exemple typique et très général est la recherche d'une valeur totale d'un certain nombre d'unités (ou d'une grandeur construite avec une certaine unité), dont on connaît la valeur individuelle. Par valeur, on peut entendre la valeur marchande en monnaie, mais aussi le poids, la longueur, le volume... (Instructions, III, 13). La multiplication se présente ainsi comme une « similitude » de construction, et ceci permet d'expliquer plus ou moins la technique; exemple :
1 1 d'huile pèse 850 g (on dira au Cours moyen o,85o kg), quel est le poids de 25 1?
Pour former 25 l, je peux prendre 5 l, puis 2 dizaines de 1 (ou 2 dal); pour former le poids, je réunis 5 poids de 850 g, puis 20 poids de 850 g. Il n'est pas utile de passer par l'intermédiaire du nombre abstrait 25 et on peut écrire (voir Instructions) : 850 g par l x 25 1.

Exemples de multiplications

On a dû, plus ou moins, apprendre au Cours préparatoire la table de multiplication de 2; on sait au moins que 8 est 4 couples, ou 4 fois 2, mais qu'il est aussi 2 rangées de 4, ou 2 fois 4 (le huit du jeu de cartes montre cette double décomposition).
Je fais lever les mains de 4 élèves successivement, j'ai fait 4 fois lever deux mains, je compte, ou j'additionne les mains levées, il y en a 8; en abrégé : 4 fois 2 font 8. Les mains étant abaissées, je fais lever les 4 mains droites, puis les 4 mains gauches, j'ai fait
2 fois lever 4 mains; il y a encore 8 mains levées, je dis en abrégé : 2 fois 4 font 8. L'abréviation consiste dans la suppression de l'acte qualifié par le mot fois, « lever » 4 fois, ou 2 fois.
Un exercice analogue peut être fait avec 7 pièces de 2 F (placées 7 fois), que l'on remplace par 2 rangées de 7 pièces de 1 F. 7 fois 2 et 2 fois 7 font chacun 14.
Il est plus malaisé de montrer la commutativité dans la recherche du prix de 7 objets dont chacun vaut 2 F; on donne 7 fois 2 F. À la rigueur, on peut supposer que les objets sont des couples de deux billes, dont chacune vaut 1 F. Mais quelques exemples suffisent qui seront complétés par la construction et la récitation de la table de 2; compter de 2 en 2 ou x fois 2; former les doubles ou 2 fois x.
L'examen du damier de 100 cases, montre immédiatement la commutativité de la multiplication par 10. Trois lignes contiennent 3 fois 10 cases, mais c'est aussi la juxtaposition de 10 colonnes de 3 cases. 3 objets de 10 g pèsent autant que 10 objets de 3 g. La table de 5 peut être aussi étudiée, ou révisée, en l'associant à l'examen d'un demi-damier de 10 lignes de 5 colonnes, numérotés de 1 à 50, et lu par lignes : x lignes de 5 cases, x fois 5; puis par colonnes : 5 colonnes de x lignes, 5 fois x.
Le vocabulaire et la commutativité peuvent s'affirmer pendant toute la période
d'apprentissage de la table de multiplication. On peut faire réciter simultanément :
x fois 6 = ... et 6 fois x = ...
On peut reprendre, sur des exemples isolés, une illustration de la commutativité : 7 paquets de 6 cartons, numérotés dans chaque paquet de 1 à 6; il y a 7 fois 6 cartons, mais il y a aussi 6 fois 7 groupes de même numéro; dans 6 semaines il y a 6 fois 7 jours, mais il y a aussi 7 fois 6 jours de même nom (6 dimanches, 6 lundis...); les mains de 15 élèves, 15 est un opérateur pour le multiplicande 2 mains; mais 2 est un opérateur pour le multiplicande 15 mains d'un même côté.
Dans la distribution de 6 cerises à chacun de 15 enfants, 15 est un opérateur pour le multiplicande 6 cerises. Mais en donnant successivement une cerise à chaque enfant, il faut faire 6 distributions et 6 est un opérateur pour le multiplicande 15 cerises.
Dans la surface d'un rectangle de 6 cm sur 5 cm, 5 est un opérateur pour une ligne de 6 cm2, mais 6 est un opérateur pour une colonne de 5 cm2.

De ces considérations théoriques sur le sens général de la multiplication et de sa forme particulière dans le cas d'un multiplicateur entier, nous déduirons quelques remarques relatives à la conduite de la classe :
1° Le problème le plus urgent est d'amener l'enfant à poser à bon escient une multiplication. Nous lui proposerons d'abord des problèmes simples à multiplicateur inférieur à 10 (2 et 5 pour commencer, puisque les tables de 2 et de 5 ont dû être apprises au Cours préparatoire). Ces problèmes peuvent se résoudre soit par une addition de nombres égaux, soit par une multiplication. Distinguer ces problèmes de problèmes analogues, mais qui ne peuvent se traiter que par une addition (parce que les nombres additionnés sont inégaux), c'est une première étape dans l'acquisition du sens de la multiplication. Nous établissons par là même une sorte de diagnostic différentiel valable pour le Cours élémentaire.
Pour calculer le périmètre d'un champ quadrangulaire à côtés inégaux, je ne peux faire qu'une addition; pour calculer le périmètre d'un champ carré, je peux poser soit une addition (de nombres égaux), soit une multiplication par 4.
2° Mais cela ne suffit pas. L'idée générale de la multiplication, c'est que « le produit (de la multiplication) est au multiplicande comme le multiplicateur est à l'unité », conception dans laquelle ce que nous appellerons beaucoup plus tard le rapport du produit au multiplicande joue un rôle fondamental.
C'est cette nouvelle conception que nous essayons d'introduire par le vocabulaire « double, triple », etc., qui met plus l'accent sur le rapport entre le produit et le multiplicande que sur l'addition qui peut aussi servir à former le produit.
Le passage de la première présentation à la deuxième ne présente pas de difficulté. Si j'achète 3 oranges à 8 F, le prix total est le triple de 8 F parce que les oranges sont de même prix. Si j'achète une orange à 8 F, une pomme à 10 F et une poire à 13 F, le prix total n'est évidemment le triple ni de l'un ni de l'autre de ces prix.
De même nous dirons que le prix de 5 oranges est de « 5 fois » le prix d'une orange. C'est d'ailleurs cette notion que l'on essaie d'exprimer par l'expression incorrecte « 5 fois plus grand » que l'on veut synonyme de « quintuple ».
Pratiquement, c'est par additions successives que nous formerons les tables de multiplication, mais, les résultats étant acquis, nous réciterons nos tables sous la forme habituelle qui met bien en évidence le passage du multiplicande au produit par une multiplication et non par une addition. Quand nous disons 5 fois 6 nous ne voyons plus que les facteurs de la multiplication et le produit. Les sommes successives 6, 12, 18... ont disparu.

14LA TABLE DE MULTIPLICATION

Nous ne croyons pas que des maîtres puissent sérieusement penser qu'on peut se dispenser d'apprendre par cœur la table de multiplication. «Et la table d'addition ? De nombreux maîtres ne la font pas rabâcher. Pourquoi ne ferait-on pas de même pour la table de multiplication ? » Les arguments à opposer à cette thèse sont nombreux, nous n'en retiendrons qu'un. Pour l'addition, le problème est simple : un même domino présente à la mémoire visuelle à la fois les données et le résultat. L'enfant perçoit simultanément le groupe 4, le groupe 3 et le groupe 7. Il est impossible d'obtenir la même vision synthétique dans le cas de la multiplication.
En effet, 6 fois 7 et 42 correspondent à deux modes différents de groupement des 42 unités (Instructions, III, 5). 6 fois 7, c'est un ensemble de haricots en 6 groupes de 7, sans reste. 42, c'est un ensemble de haricots en 4 groupes de 10 et 2 unités isolées.
Quand l'enfant voit un des groupements, il ne peut pas voir l'autre.
La mémoire visuelle étant impuissante, nous sommes bien obligés de nous rabattre sur la mémoire auditive. Faites réciter les tables, on n'a encore rien trouvé de mieux; s'il existait un meilleur procédé, on ne nous aurait pas attendus pour le découvrir.

Bien entendu, on ne se bornera pas à cette récitation. On commencera par construire les tables l'une après l'autre, moins pour convaincre l'élève que 3 fois 6 font 18 que pour donner son vrai sens à l'expression 3 fois 6.
Le même nombre, 3 par exemple, pouvant être tantôt multiplicande, tantôt multiplicateur, on construira la « table des 3 » (3 multiplicande) et la « table par 3 » (3 multiplicateur).
Pour la première, on aura successivement 1, 2, 3, 4... 10 récipients contenant chacun 3 haricots.

Pour la deuxième, on aura toujours 3 récipients, mais chacun d'eux contiendra successivement 1, 2, 3... 10 haricots.
Si les haricots sont peints en 3 couleurs, on peut faire voir que 6 fois 3 haricots c'est 3 fois 6 haricots (6 rouges, 6 blancs et 6 bleus).
Il est essentiel de dire que la table de multiplication :

n fois a ou a fois n, n de 1 à 10 donne les multiples de a.

Au besoin, faire placer ces multiples sur une droite (ceci pour la division avec reste).

L'ordre des tables peut être l'ordre normal des nombres. Cependant, il nous paraît profitable de grouper les tables suivant leur parenté (Instructions, III, 5) :
1er groupe : 2-4-8;
2e groupe : 3-6-9.
Dans chaque groupe, certains nombres se retrouvent dans les trois tables. L'effort de mémoire paraît diminué.
La table de 5 est généralement sue depuis le cours préparatoire. D'ailleurs les produits terminés alternativement par 0 et par 5 sont facilement retenus.
Nous gardons pour la fin la table de 7 qui ne s'apparente à aucune autre. Mais si l'enfant sait bien les précédentes, il n'a qu'un seul résultat nouveau à retenir :
c'est 7 fois 7 49.


15 • LA TECHNIQUE DE LA MULTIPLICATION

Il faut habituer les élèves au mécanisme de la multiplication en leur en donnant peut-être quelques justifications. A cet effet, il semble nécessaire de multiplier les étapes, ou les cas particuliers. Chaque difficulté, qu'elle soit d'essence théorique ou qu'elle résulte d'une légère variation de présentation ou d'écriture, doit être spécialement présentée et expliquée (Instructions, III, 7).

Explication générale de la technique

Il est bon de se rendre compte, d'une façon générale, de ce qui, dans la technique courante, est conséquence des propriétés de la multiplication, ou convention de langage ou d'écriture. On va le faire sur un exemple; soit à multiplier 724 et 436. On distingue le multiplicateur, qui n'est pas nécessairement celui du problème concret, mais celui qui donnera les calculs estimés plus simples; on applique ainsi la commutativité.
On pose la multiplication :
724
x 436

Cette première écriture est entièrement différente de celle de l'addition posée; elle deviendra la même lorsqu'on écrira, sous la barre, les produits partiels. Il n'y a notamment pas nécessité d'aligner les unités, ni les virgules, quand on multipliera au Cours moyen des nombres décimaux.

1. — On multiplie 724 par 6, on effectue pour cela des multiplications partielles (des unités, dizaines et centaines du multiplicande par 6) et on additionne ces produits partiels :
4 x 6 + 20 X 6 + 700 x 6 ou 4 x 6 + (4 x 6) diz. + (4 x 6) cent.
ou :
(4 + 2 diz.) + (2 diz. + 1 cent.) + (2 cent.+ 4 mille).
On additionne au fur et à mesure les retenues :
4 + 4 diz. + 3 cent. + 4 mille = 4 344.
On a ainsi appliqué la distributivité, pour l'addition, dans le multiplicande. (On remarquera qu'en se plaçant à un point de vue concret, cette distributivité ne s'explique pas de la même façon que celle de l'addition dans le multiplicateur.)
Le calcul des dizaines est une conséquence de l'associativité :
20 x 6 ou 2 diz. X 6 = 12 diz.
est exprimé, avec la notation des parenthèses (familière en calcul algébrique) :
(10 x 2) x 6 = 10 x (2 x 6) = 10 x 12.
Le fait d'employer le terme dizaines (jouant en quelque sorte le rôle d'une unité concrète) paraît rendre cette associativité évidente.
On remarquera une difficulté de mécanisme : les calculs se font des unités aux centaines, dans l'ordre inverse de l'écriture, de droite à gauche.

2. — Pour multiplier ensuite 724 par 30, on multiplie 724 par 3 et on place un zéro à la droite du produit (ce zéro qui vient s'aligner sous les unités du premier produit partiel, est parfois sous-entendu). Ceci revient à calculer :
724 x 3 diz. ou 724 x (10 x 3) = 10 x (724 x 3);
= (724 x 3) diz.
On a ainsi appliqué, à la fois la commutativité et l'associativité (au moins du nombre 10). Les ouvrages courants ont l'habitude d'en donner une justification (voir ci-dessous les étapes 4 et 5).

3. — On multiplie 724 par 400; on applique à nouveau la commutativité et l'associativité, mais pour le nombre 100 :
724 x (100 x 4) = 100 x (724 x 4) = (724 x 4) centaines.

4. — On inscrit chaque produit partiel sous la barre de la multiplication posée, en alignant les unités, dizaines... de ces produits. C'est une addition posée, dont on calcule la somme :


    Habituellement on supprime les zéros (comme dans la disposition de droite); c'est une faible simplification d'écriture et une source d'erreurs (notamment quand le multiplicateur comporte des 0); les Instructions (III, 7) conseillent de les maintenir. On a appliqué ainsi la distributivité pour l'addition dans le multiplicateur, en calculant :
724 x 6 + 724 x30 + 724 x 400 = (724 x 6) + (724 x 3) diz. + (724 x 4) cent.
Comme il a été dit, cette distributivité résulte de la conception de la multiplication : on construit le produit avec le multiplicande, comme le multiplicateur est construit avec l'unité.
Cette fois encore l'opération est faite en sens inverse de l'écriture, multiplications par 6, puis par 30, puis par 400.
On va maintenant détailler les étapes possibles en étudiant chaque fois un problème concret. Il appartient à chaque maître de voir comment il doit diminuer, modifier ou compléter les explications; réduire ou augmenter les étapes, ou encore en changer l'ordre. Les Instructions (III, 7) conseillent seulement de « graduer » les exercices.

Cas particuliers de multiplications

LES FACTEURS N'ONT QU'UN CHIFFRE

Il suffit d'appliquer la table de multiplication.
Problème. — Une boîte d'allumettes coûte 5 F. Quel est le prix de trois boîtes?
On peut se borner à la réponse :
3 fois 5 F font 15 F;
ou à écrire (ou faire écrire) :
5 F par boîte x 3 boîtes = 15 F.
Cette « formule » a l'avantage de rappeler l'énoncé dans l'ordre où il a été proposé. Il n'est pas nécessaire de « poser » la multiplication12.

MULTIPLICATEUR DE 1 CHIFFRE SANS RETENUE

Un cahier coûte 23 F. Paul a acheté 3 cahiers, combien doit-il payer?
La représentation des valeurs par des pièces de monnaie rend la distributivité intuitive :
Pour payer un cahier, on peut donner 3 pièces de 1 F et 2 pièces de 10F.
Pour payer 3 cahiers, on pourra donner 3 fois 3 F ou 9 F; puis 3 fois 2 pièces de 10 F, ou 60 F; donc 9 F et 6o F, ou 69 F.
On peut écrire, comme pour le problème précédent :
23 F par cahier x 3 cahiers = 69 F.


Il y a cette fois intérêt à poser l'opération; il n'est pas nécessaire d'y rappeler la nature de l'unité (franc), mais dans l'énoncé de la règle de calcul on peut laisser dizaines :
 23
x 3
On compte : 3 fois 3 font 9, j'inscris 9 ; 3 fois 2 (dizaines) font 6 (dizaines), j'inscris 6 à la gauche du chiffre 9, déjà inscrit.
 69
Le produit est lu maintenant de gauche à droite) : 6 dizaines et 9, ou 69.


LE MULTIPLICANDE EST TERMINÉ PAR UN ZÉRO

Le multiplicateur n'a qu'un chiffre. — Problème. Un objet pèse 30 g. Quel est le poids de 4 objets semblables?

On peut compter (comme dans le premier problème) : 4 fois 3 dizaines de g (ou 3 dag) font 12 dizaines de g (ou 12 dag), donc 120 g. On peut aussi reprendre la disposition et le calcul du deuxième problème :

  30
x 4
4 fois 0 g font 0 g, j'inscris 0; 4 fois 3 (dizaines) font 12 (dizaines), j'inscris 12 à la gauche du chiffre 0.
 120
Le produit est 12 dizaines et 0, ou 120. On peut de même calculer 500 x 6.
MULTIPLICATEUR DE 1 CHIFFRE AVEC RETENUE

Le multiplicande a deux chiffres, le multiplicateur n'en a qu'un, il peut y avoir une retenue (ou des dizaines à reporter). Problème. — Un livre coûte 68 F. Paul achète 3 livres semblables. Combien doit-il payer?

On applique encore la distributivité. Pour payer un livre, on peut donner 8 F et 6 dizaines de F. Pour payer 3 livres,

on peut donner : 3 fois 8 F, donc 24 F, ou :

2 diz.
et 4 F
puis : 3 fois 6 dizaines de F, donc 18 dizaines, ou :
1 cent.
et 8 diz.

en tout :
2 cent.
0 diz.
4 F

On utilise la même disposition, mais le calcul comporte un report des dizaines du premier produit sur le second :

   68
  x 3
3 fois 8 font 24, j'écris 4 et je retiens 2 (diz.); 3 fois 6 (diz.) font 18 (diz.),
18 et 2 retenues font 20 (diz.), j'écris 20 à la gauche (du chiffre déjà écrit).
 204
Le produit est 204 F.

Le multiplicande a plusieurs chiffres et le multiplicateur n'en a qu'un. La règle s'étend facilement, même si l'un des chiffres du multiplicande est 0.
Exemple :

  


  405
   x 5
5 fois 5 font 25, j'écris 5 et je retiens 2 (diz.);
5 fois 0 (diz.) font 0 (diz.); 0 et 2 retenues font 2 diz., j'écris 2 à la gauche (du chiffre déjà écrit);
5 fois 4 (cent.) font 20 (cent.), j'écris 20 à la gauche du nombre (de 2 chiffres) déjà écrit.
2025
Le produit est 2 025.
On peut aussi dire 5 fois 5 font 25, je retiens 2, 5 fois 40 font 200 et 2 retenues
font 202.

MULTIPLIER PAR 10

Dans le cas d'un multiplicande de 1 chiffre, la commutativité résulte de la table de multiplication ou de l'examen du damier (voir ci-dessus) :

10 fois 7 = 7 fois 10, ou 7 dizaines, ou 70.

Pour multiplier 7 par 10, ou 10 par 7, on met un zéro à droite de 713.

Reste à montrer que cette commutativité, ou cette règle, est vraie pour un nombre
quelconque :
27 x 10 est égal à 10 X 27, ou à 27 dizaines, ou à 270.

Voici deux justifications possibles données dans des ouvrages usuels.


a) On peut le justifier, d'une façon analogue à ce qui a été fait pour un nombre de 1 chiffre. Problème. — Je fais des piles de livres de chacune 27 livres. Combien y a-t-il de livres dans 10 de ces piles ?
Il y a 10 fois 27 livres. Mais si je prends un livre dans chaque pile, je forme une dizaine de livres. Je puis faire cette opération 27 fois et j'aurai pris ainsi tous les livres. J'ai formé 27 dizaines; il y a 270 livres.

b) La commutativité étant acquise pour des nombres de 1 chiffre, on peut l'étendre par distributivité à un nombre de plusieurs chiffres. Problème. — Un rouleau de fil de fer en contient 27 m. Quel est la longueur du fil de fer contenu dans 10 rouleaux ?
Cette longueur est 10 fois 27 m. Je calcule 10 fois 7 m, puis 10 fois 2 dizaines de m (ou 2 dam) :

10 fois 2 dam =
2 dizaines de dam, ou
200 m
10 fois 7 m =
7  dizaines de m, ou
70 m


270 m

Pour multiplier par 100, on peut multiplier par 10, puis multiplier le produit obtenu par 10 (ce calcul apparemment évident est une conséquence de l'associativité). Par suite 100 fois 44 est égal à 44 centaines, ou 4 400.
Il est sans doute utile d'énoncer et de faire appliquer la règle : pour multiplier un nombre par 10, ou par 100, ou par 1 000..., on met un, ou deux, ou trois... zéros à la droite de ce nombre.


MULTIPLIER PAR 20, 30

Problème. — Un verre coûte 27 F. On achète 60 verres. Quelle est la dépense?
On peut payer 60 fois 27 F. Mais on peut supposer que les verres sont répartis en 6 boîtes de 10, ou en 6 dizaines. On calcule d'abord le prix d'une dizaine (ou d'une boîte) d'après la règle précédente :
27 F par verre x 10 verres, ou 10 fois 27 F = 270 F.
On calcule ensuite le prix de 6 dizaines (exemple 3 bis), d'où la règle :

    27
 X 60
Je place un zéro sous la barre d’opération ; je multiplie 27 par 6 et j’écris le résultat (chiffre par chiffre, à gauche du zéro, déjà placé)14.
1620


MULTIPLIER PAR UN NOMBRE DE DEUX CHIFFRES

Problème. — Un verre coûte 27 F. On achète 64 verres. Quelle est la dépense?

On calcule le prix de 4 verres, puis celui de 6o verres, ensuite on additionne ces prix (ceci peut sembler naturel; on a dit que c'est l'application de la distributivité pour l'addition dans le multiplicateur). Les résultats des deux multiplications se placent sous la barre d'opération, en ayant soin d'aligner, cette fois, les unités, dizaines...; c'est une addition posée, dont on calcule ensuite la somme :



LE MULTIPLICATEUR A UN ZÉRO INTERCALAIRE

(Le produit a au moins 5 chiffres; ce cas peut être reporté au cours moyen.) C'est une extension, assez intuitive, du cas précédent.

LES DEUX FACTEURS SONT TERMINÉS PAR DES ZÉROS

Ce n'est pas un cas nouveau, il suffit d'appliquer les règles précédentes.

2 700
X 60

  On place 0, puis on multiplie par 6 en comptant : 6 fois 0 font 0, j'écris 0; 6 fois 0 font 0, j'écris 0; 6 fois 7 font 42, j'écris 2, je retiens 4; 6 fois 2 font 12, 12 et 4 retenues font 16, j'écris 16.
162 000



Les images fondamentales de la multiplication 
 
et des deux types de la division

Multiplication
Division 1er type
Division 2e type
On forme un tout
en réunissant des parties égales
On partage un tout
en parts de valeur connue
On partage un tout
en un nombre connu
de parts égales

COLLECTIONS



LONGUEURS


CAPACITÉS

POIDS
 


VI. LA DIVISION

16 • LE SENS DE LA DIVISION

Deux types de problèmes concrets

La table de multiplication de 2 a fourni, sinon au Cours préparatoire (Instructions, II, 13), du moins dans les premiers exercices du Cours élémentaire, des exemples typiques des deux types de problèmes de division :

Dans une classe il y a 14 élèves. On les place par rangs de 2. Combien y aura-t-il de rangs?
On partage 18 noix entre 2 enfants, en donnant le même nombre de noix à chacun. Quel est ce nombre (ou quelle est la valeur des parts)?

Ces deux énoncés peuvent être exprimés par l'indication de multiplications :
2 élèves par rang x nombre de rangs = 14 élèves;
part d'un enfant x 2 enfants = 18 noix.
Dans les deux cas, on connaît le résultat (ou le produit) de la multiplication. Dans le premier cas, on connaît le multiplicande (2 élèves par rang) et on cherche le multiplicateur. Dans le second cas, on connaît le multiplicateur (2 enfants) et on cherche le multiplicande. C'est encore « répartir en couples » et « chercher la moitié ».
On imagine aisément de nombreux exemples de ces deux types de problèmes :

PREMIER TYPE. — J'ai 30 billes. J'en fais des tas de chacun 5 billes. Combien y aura-t-il de tas?
J'ai un ruban de 20 m de longueur. Je découpe dans ce ruban des coupons de 4 m. Combien aurai-je de coupons?
Dans un petit tonneau il y a 20 1 de vin. Je remplis avec ce vin des bonbonnes, dont chacune contient 5 1. Combien pourrai-je remplir de bonbonnes?
Une pierre pèse 24 kg. Je lui fais équilibre avec des briques dont chacune pèse 8 kg. Combien faut-il de briques?

DEUXIÈME TYPE. — J'ai 30 billes. J'en fais 6 tas, contenant chacun le même nombre (ou des nombres égaux) de billes. Quel est ce nombre?
J'ai un ruban de 20 m de longueur. Je le partage en 5 coupons de même longueur (ou de longueurs égales). Quelle est cette longueur?
Dans un petit tonneau il y a 20 1. de vin. Avec ce vin j'emplis 4 bonbonnes de même capacité (ou de capacités égales). Quelle est cette capacité?
Une pierre pèse 24 kg. Je peux lui faire équilibre avec 3 briques de même poids (ou de poids égaux). Quel est ce poids?

Tous ces problèmes sont des partages d'une valeur (ou quantité) en valeurs (ou parties) égales. Dans chaque énoncé, on indique d'abord la valeur à partager (nombre de billes, longueur d'un ruban, volume de vin, poids d'une pierre).
Dans les problèmes du premier type, on indique ensuite la valeur commune de chaque part et on demande de chercher le nombre de parts :
5 billes par tas x nombre de tas = 30 billes;
4 m par coupon x nombre de coupons = 20 m;
5 1 par bonbonne x nombre de bonbonnes = 20 1;
8 kg par brique x nombre de briques = 24 kg.
Dans les problèmes du second type, on indique ensuite le nombre de parts, en spécifiant que leurs valeurs sont égales (ou qu'elles ont la même valeur), et on demande de chercher leur valeur commune.
nombre de billes par tas x 6 tas = 30 billes;
longueur d'un coupon x 5 coupons = 20 m;
capacité d'une bonbonne x 4 bonbonnes = 20 l;
poids d'une brique x 3 briques = 24 kg.

Le sens général de la division (même avec reste) est un partage en parties égales. Les problèmes qui semblent les plus simples sont ceux où ce partage est possible (comme dans les exemples précédents) sans laisser de reste. La division peut alors se faire exactement; c'est une « opération inverse» d'une multiplication (comme la soustraction est l'opération inverse de l'addition). Pour une multiplication concrète, il y a deux opérations inverses, suivant qu'on cherche le multiplicateur, ou nombre de parts (1er type), ou qu'on cherche le multiplicande, ou valeur commune des parts (2e type).
On peut encore exprimer ces deux problèmes de division en utilisant le mot «fois» employé dans la table de multiplication :
en 30, combien de fois 5 ?
dans 30, quel est le nombre qui est contenu 6 fois?

Un seul problème opératoire

La commutativité de la multiplication, vérifiée dans la table de multiplication (et vraie pour tout couple de nombres), montre que :
x fois un nombre = ce nombre de fois x.
Au point de vue du calcul abstrait, on ne distingue pas la nature des deux facteurs d'une multiplication; il n'y a qu'un problème inverse :
On connaît le produit d'une multiplication et l'un des facteurs, on cherche l'autre. Cette recherche est une division, le produit connu est le dividende, le facteur connu est le diviseur, le facteur cherché est le quotient.

Pour exprimer ce problème abstrait, on peut employer l'une des interrogations :
1. — En 54, combien de fois 6 ?
2. — Quel est le quotient (de la division) de 54 par 6 ?
3. — Quel est le (plus grand) multiple de 6, égal à (ou contenu dans) 54 ?
4. — Quel est le sixième de 54 ? ou 54 : 6 ?

Les trois premières formules restent valables pour la division avec reste; la première (qui semble la plus usitée) a l'avantage de rappeler le vocabulaire usuel de la table de multiplication, mais le désavantage de ne rappeler qu'une de ses formes (x fois 6, et non 6 fois x). La dernière amorce l'étude des fractions, mais lorsqu'elle est utilisée dans un problème concret, elle suppose que le diviseur 6 est abstrait (c'est-à-dire indépendant des unités), le quotient étant alors de même nature que le diviseur.

Réalisation expérimentale de divisions

Il est plus simple de réaliser expérimentalement les problèmes du premier type.


Soit à partager 24 biscuits en parts de 6 biscuits. N'ayant pas en classe de biscuits, nous compterons sur le bureau 24 haricots et nous inviterons un enfant à faire des tas de 6 haricots. (Je préférerais que chaque enfant disposât de 24 haricots et d'un nombre suffisant de récipients pour recevoir les parts). L'expérience renouvelée chaque année dans nos écoles annexes montre que n'importe quel enfant de première année de cours élémentaire réalise le partage sans aucun secours du maître. Il compte 6 (soit 1, 2... 6; soit 3 et 3; soit 5 et 1) et il a un premier tas, il recommence et ainsi de suite jusqu'à épuisement des haricots. Cette manipulation répond à la question : en 24 haricots, combien de fois 6 haricots ?

    Pour un problème du deuxième type : répartir 24 haricots en 6 parts, la manipulation est plus malaisée, sinon à réaliser, du moins à expliquer.


On peut faire préparer 6 récipients qui recevront les parts égales. On met un haricot dans chaque récipient. Il existe encore des haricots non répartis, on en met à nouveau un dans chaque récipient. Et ainsi de suite jusqu'à épuisement des 24 haricots. On a fait ainsi 4 distributions et ce nombre de distributions est égal au nombre de haricots, placés dans chaque récipient.


Problèmes simples de divisions

Nous consacrerons le plus tôt possible quelques leçons à des problèmes de division ne nécessitant que des calculs très simples (diviseur et quotient d'un chiffre; reste nul) pour qu'il ne se pose que des difficultés de sens et non de technique opératoire.
La progression pourrait être la suivante, tenant compte du fait que les tables de 2 et de 5 sont déjà connues.

1° Divisions du premier type.

Manipulation. — Comptons 8 jetons en les plaçant par couples. Combien de couples obtenons-nous?

Problème. — La maîtresse a 8 images. Elle en donne 2 à chacune de ses meilleures élèves. Combien de fillettes pourra-t-elle récompenser ?
Si l'enfant a étudié consciencieusement le nombre 8 au cours préparatoire ou s'il pense à la manipulation précédente, le partage réel n'est peut-être pas nécessaire. L'enfant sait que « 8 c'est 4 fois 2 », énoncé équivalent au suivant : « En 8 combien de fois 2 ? 4 fois. »
Lorsque nous apprendrons au Cours élémentaire les tables suivantes, dès qu'elles seront à peu près sues dans les deux sens :
« 5 fois 7 --> 35 » et « 7 fois 5 --> 35 »,
nous associerons à chacun de ces énoncés sa réciproque :
« En 35 combien de fois 7 ? 5 fois. »
« En 35 combien de fois 5 ? 7 fois. »

Bien que le calcul puisse se faire entièrement de tête, nous croyons utile d'en donner la transcription graphique :

Aussitôt que l'avancement du programme le permettra, le dividende sera une valeur totale (en francs, en centimètres, en litres ou en grammes), le diviseur sera la valeur d'une unité et le quotient le nombre d'unités.

2° Divisions du second type.

    Manipulation. — Plaçons devant nous 15 jetons en essayant d'en faire 5 tas égaux. Combien de jetons avons-nous dans chaque tas?
    Si l'enfant ne se contente pas de compter ses 15 jetons un à un, mais les dispose en 5 rangs de 3 ou en 3 rangs de 5, le problème est à peu près résolu. Il est alors visible que 15, c'est 5 tas de 3 jetons.
    Sinon, on invitera l'enfant à faire des distributions de 5 jetons, plaçant successivement 1, puis 2, puis 3 jetons dans chaque part.

    Problème. — La maîtresse veut partager 15 images entre les 5 meilleures élèves de la classe de manière que chacune en ait le même nombre. Combien d'images pourra-t-elle donner à chacune ?
    Ici encore la connaissance de la table par 5 : « 5 fois 3 → 15 » donne la solution du problème, et nous écrirons :


Aussitôt que l'avancement du programme le permettra, le dividende sera une valeur totale (en francs, en centimètres, en litres ou en grammes), le diviseur sera un nombre d'unités et le quotient sera la valeur de cette unité.



Divisions avec reste.

Manipulation. — Comptons 11 jetons en les plaçant 2 par 2. Combien de paires avons-nous pu faire ? Que reste-t-il ? Pouvons-nous faire une sixième paire? Pourquoi?
Problème. — Pierre a 17 F. Combien de sucettes, à 5 F l'une, pourra-t-il acheter ?
Calculons successivement le prix de 1, 2, 3... sucettes ou mieux, dessinons et indiquons les prix.


Et nous voyons qu'avec 17 F nous avons assez d'argent pour acheter 3 sucettes et que nous n'en avons pas assez pour en acheter 4.
   Combien donnerons-nous au marchand ?
   Combien nous restera-t-il ?

    Les deux opérations peuvent s'écrire en une seule : 
   On écrit 17 : 5 = 3, reste 2.

    Le problème est donc d'insérer 17 entre deux multiples consécutifs de 5. Il est donc nécessaire que l'enfant possède parfaitement son tableau des nombres de 1 à 100 et la place, dans ce tableau d'ensemble, des produits trouvés dans ses tables de multiplication. Ceci est indispensable pour pouvoir dire : « En 17 combien de fois 5 ? 3 fois ; 3 fois 5 → 15 ; 15 ôté de 17 il reste 2. »
    Nous avons pris comme exemple de division avec reste un problème du premier type ; on traitera de la même manière les problèmes du deuxième type.



17 • LA TECHNIQUE DE LA DIVISION

Le diviseur et le quotient n'ont qu'un chiffre

Ce cas vient d'être longuement étudié.

Le diviseur n'a qu'un chiffre. Le quotient en a autant que le dividende

a) Chaque chiffre du dividende est un multiple du diviseur.
    Partager 96 F en trois parties égales.
    Manipulation. — Prendre 9 pièces de 10 F et 6 pièces de 1 F. En faire trois tas égaux.
    Mécanisme. — Il résulte immédiatement de la manipulation. Bien que ce ne soit pas nécessaire, mais, en prévision de la suite, on peut « abaisser » le 6.


    b) Un des chiffres du dividende donne un reste.
    Partager 72 F en trois parts égales.

    Manipulation préparatoire. - Prendre une pièce de 10 F et deux de 1 f et essayer d'en faire trois tas égaux. Il faut au préalable « faire la monnaie de 10F ».

    Mécanisme.

Les trois opérations se condensent en une seule :

Les 12 unités de la manipulation sont obtenues en « abaissant » le 2 à la droite du 1.

Le diviseur n'a qu'un chiffre,
le quotient a un chiffre de moins que le dividende

Effectuer la division : 156 : 2.

Manipulation. — On ne peut donner un billet de 100 F à chacun des deux enfants, on l'échange contre 10 pièces de 10 F. On en a donc 15 à partager. Pas de nouvelles difficultés pour la suite du partage.


     Mécanisme. — La division de 1 par 2 est impossible, je prends deux chiffres au dividende. Le nombre 15 est le nombre de pièces de 10 F qui est apparu dans la manipulation.

Diviser par 10, 100, 1 000

Rappelons que le principe de la numération décimale est un rangement par 10, il se traduit par une succession de divisions par 10. Il est donc normal que les règles de l'écriture décimale donnent la solution du problème :

Manipulation
Mécanisme
a) Payer 240 F en pièces de 10 F ou 24 dizaines de F avec des dizaines de F. Il en faut évidemment 24.

Supprimer un zéro à la droite du dividende. On obtient le quotient.

b) Payer 247 F en pièces de 10 F. Après avoir donné 24 pièces de 10 F, il reste à donner 7 F.
Supprimer un chiffre à la droite du dividende. On obtient le quotient. Le nombre supprimé est le reste de la division.

En essayant de payer 1 200 F, puis 1 237 F avec des billets de 100 F, on obtiendrait deux résultats analogues.

Le diviseur est un chiffre significatif suivi d'un zéro

a) Le dividende est terminé à droite par un zéro.

Manipulation. — Payer 180 F avec des pièces de 20 F ou 18 dizaines de F avec des pièces de 2 dizaines de F.
Mécanisme. — En 180 F combien de fois 20 F ou en 18 (dizaines) combien de fois 2 (dizaines)?


 
 Donc diviser les dizaines du dividende par les dizaines du diviseur (en vue du cas suivant, ne pas supprimer les zéros).

b) Le dividende est quelconque.
Problème. — On dispose de 197 F; combien peut-on acheter de cahiers à 60 F l'un?
Manipulation. — Prendre 19 pièces de 10 F et 7 F. Essayer de faire des tas de 60 F (ou de 6 pièces de 10 F). Il reste 17 F.
Mécanisme. — En 197 combien de fois 60 ou en 19 dizaines combien de fois 6 dizaines?
Quel est le prix de 3 cahiers? Combien reste-t-il?

Le diviseur a deux chiffres, le quotient n'en a qu'un seul

Problème. — On dispose de 197 F; combien peut-on acheter de cahiers à 64 F l'un?
C'est le problème de division le plus délicat à comprendre et à expliquer.
Je cherche le plus grand nombre de cahiers à 64 F l'un dont le prix total est inférieur à 197 F :
64 F x nombre de cahiers 197 F.
Il n'y a qu'un chiffre au quotient, puisque 10 cahiers ctent 640 F. Je pourrais donc calculer les multiples de 64 F (9 au maximum), mais pour faire moins
d'essais j'arrondis à 60 F et je cherche :
60 F x nombre de cahiers 197 F.
C'est le problème précédent. Je trouve 3.
Je peux donc acheter 3 cahiers à 6o F. Si les cahiers sont plus chers, avec la même somme je pourrai en acheter autant ou moins. Quel est donc le prix de 3 cahiers à 64 F l'un ?
64 F x 3 = 192 F.
Le quotient de 197 par 64 est donc 3. Le reste est : 197 — 192 = 5.
Si chaque cahier coûtait 67 F, nous calculerions le prix de 3 cahiers :
67 F x 3 = 201 F.
3 est trop fort. Le quotient est 2.
Prix de 2 cahiers : 67 F x 2 = 134 F. Le reste est : 197 F — 134 F = 63 F.

Mécanisme. — « En 197 combien de fois 64, ou en 19 combien de fois 6 ? » Dans l'exemple actuel, pas de difficulté pour continuer l'opération, qu'on l'écrive sous
la forme (1) ou sous la forme (2).
Dans le deuxième exemple, la forme (3) suit de très près l'explication : on est amené à retrancher 201 de 197.
Sous la forme (4), 201 n'apparaît pas; l'impossibilité se manifeste lorsqu'on doit soustraire 20 de 19.
S'il y avait eu une retenue dans la soustraction des unités, on aurait même été amené à retrancher 21, nombre qui n'apparaît nulle part dans l'explication. Mais cela est de peu d'importance; il y a impossibilité, c'est l'essentiel.

Le diviseur et le quotient ont deux chiffres

a) Partager 987 F entre 21 élèves.

Ne pouvant donner un billet de 100 F à chaque élève, je partage les 98 dizaines (« le diviseur a 2 chiffres, j'en prends 2 au dividende »). Division du cas précédent : nous savons la calculer.

Nous savons transformer 14 dizaines en 140 unités et partager 147 unités.
Les deux divisions et la conversion des dizaines en unités peuvent se condenser selon la disposition classique.
b) Partager 4 375 F entre 51 élèves.

Ne pouvant donner une centaine de francs à chaque élève, je partage les 437 dizaines.

Zéro intercalé au quotient

Aucune difficulté théorique, se méfier simplement de l'étourderie des élèves qui oublient un zéro aux dizaines du quotient.

Manipulation. — Faire partager 204 F (2 billets de 100 F et 4 pièces de 1 F) entre deux élèves et 315 F (3 billets de 100 F, 1 pièce de 10 F et 5 F) entre 3 élèves. Faire écrire la part de chacun.

Mécanisme. — Partager 7 600 F en 25 parts égales.

 
Puisqu'on ne peut répartir dix pièces de 10 F entre les 25 personnes, on inscrit un zéro aux dizaines du quotient, on abaisse le chiffre suivant et on continue l'opération.


VII. RÉPARTITION MENSUELLE

    Il nous paraît difficile de dresser une répartition mensuelle convenant à la fois aux classes urbaines homogènes et aux classes rurales à plusieurs divisions. Chaque maître reste seul juge de sa propre allure en fonction du niveau de ses propres élèves et ne saurait être enfermé dans un cadre trop rigide.
On ne peut pas non plus tracer avec trop de rigueur les contours du programme particulier à chacune des deux années de Cours élémentaire.
    En première année, nous pourrons consacrer deux ou trois mois à l'étude des nombres de 1 à 100 ; une semaine ou deux suffiront en deuxième année.
    Par contre, nous réserverons à cette deuxième année certaines questions difficiles. Les exemples suivants ne sont pas limitatifs, ils traduisent simplement une intention : la division par un nombre de deux chiffres, les calculs de prix de vente, de prix d'achat ou de perte, la mesure d'une surface et le calcul de la surface du rectangle et du carré.
    Mais la plupart des questions inscrites au programme seront étudiées deux fois, les deux études se différenciant par le rythme et le niveau. En première année, on fera largement appel à l'intuition, les manipulations individuelles seront aussi nombreuses que possible, les unités, dizaines, centaines seront toujours présentées sous leurs diverses formes concrètes, on multipliera les exercices de mesures et de pesées, les problèmes proposés n'exigeront qu'une seule opération et seront des applications immédiates de la définition concrète de l'opération. L'addition et la soustraction avec ou sans retenue, la multiplication par un nombre de deux chiffres, la division par un nombre d'un seul chiffre ouvrent des possibilités suffisantes pour une première année d'études.
    Les mêmes questions seront reprises en deuxième année. Une manipulation collective suffira le plus souvent. On reprendra les leçons sur le sens des opérations, les mécanismes seront appliqués à des nombres plus grands, les problèmes pourront comporter deux opérations successives. On se montrera plus exigeant dans la rapidité et l'exactitude des calculs, dans la présentation matérielle, dans la propriété du vocabulaire, etc.
    En résumé, pendant la première année s'attarder au concret, cheminer lentement, laisser mûrir les notions fondamentales; en deuxième année, se préparer graduellement et prudemment à se libérer du concret.
Mais pour décider du maintien d'une question en première année ou de son report en deuxième, le meilleur guide sera une fois de plus l'observation attentive des réactions et du comportement des élèves moyens.
*
* *

    La répartition mensuelle que nous donnons ci-dessous n'a qu'une valeur d'exemple. Nous la proposons aux maîtres et maîtresses qui mènent de front dans leur classe les deux divisions de cours élémentaire. Nous nous sommes attachés à placer le plus grand nombre possible de leçons communes. C'est facile en système métrique et en géométrie, mais c'est presque impossible en calcul, car il ne faut ni accélérer l'allure des plus petits, ni attarder les grands sur des mécanismes trop simples.
    Nous avons imprimé en gras quelques titres de leçons de système métrique et de géométrie qu'il est prudent de réserver à la division des grands.



1. Il faut alors leur faire acquérir, au Cours élémentaire, la notion de nombre cardinal (avec ou sans ce nom) et il n'est peut-être pas trop tard pour les habituer à la reconnaissance globale des nombres de 1 à 5, à celle des nombres de 6 à 10 composés avec 5, ainsi qu'à la connaissance de quelques décompositions de nombres, géométriquement évidentes.
2. L'égalité des nombres peut résulter d'un calcul : deux rectangles de 4 cm sur 6 cm et de 8 cm sur 3 cm ont des surfaces égales, parce que 4 x 6 est égal à 8 x 3.
3. On applique ainsi la qualité de « transitivité » de toute égalité : deux grandeurs, égales une troisième, sont égales entre elles. Cette qualité est « évidente », lorsqu'il y a correspondance un par un de collections. (Cette évidence est, en réalité, une «loi» du raisonnement, ou de la logique.)
4. Cette estimation d'une longueur par une ouverture de compas, ou une bande de papier est un cas particulier de « l'égalité géométrique ». La notion précise de cette égalité, possibilité de superposition par un « déplacement », me paraît bien abstraite pour un élève du cours élémentaire, même s'il sait dessiner des lettres à peu près égales au modèle de son cahier d'écriture. Cette notion peut être étudiée en géométrie, mais sa relation précise avec le calcul et même avec la mesure en cm d'un segment de droite ne me parait pas présenter un grand intérêt pédagogique (à cet âge). A.C.
5. On remarquera d'ailleurs que, bien souvent, on ne compare pas des objets, mais des qualités de ces objets. On ne compare pas une motte de beurre et un paquet de sel, mais leurs poids ou leurs masses. On ne compare pas la route de Paris à Lyon avec celle de Carcassonne à Bordeaux, mais les longueurs de ces routes. « Un nombre concret n'est qu'un renseignement sur une grandeur, qui doit être complété par l'usage qu'on veut en faire (Instruction, III, 1).
6. On vérifiera que deux longueurs superposables (bandes de papier) sont mesurées par le même nombre de centimètres, que deux cailloux qui se font équilibre sur la balance font aussi équilibre au même nombre de grammes et réciproquement. On procédera de même avec des longueurs et des poids inégaux, la plus longue dépassant l'autre et le plus lourd faisant pencher la balance de son côté. On mesurera la longueur de deux bandes placées bout à bout, ou d'une bande dont on aura retranché un morceau. On pèsera deux objets, séparément, puis réunis (voir ci-dessus l'égalité des grandeurs et ci-dessous la progression dans l'étude des opérations).
Tous ces exercices qui peuvent paraître superflus à certains, en raison de nos habitudes acquises, sont d'une importance capitale pour asseoir l'enseignement du calcul sur des bases concrètes solides; pour mettre dans l'esprit et la mémoire de l'enfant, des réalités derrière les mots, les nombres et les techniques; pour l'obliger à s'instruire simultanément par l'oreille et l’œil; par la main, par l'outil et par l'action.
On pourra en même temps développer la sensibilité visuelle et tactile en faisant évaluer, ou comparer des longueurs, des capacités et des poids, et en faisant toujours contrôler ces évaluations par des mesures.
7.
8. On remarquera, mais ceci dépasse, bien entendu, le Cours élémentaire, que cette conception de l'addition s'accompagne souvent d'une « loi physique »; en un même lieu le « poids » d'une réunion d'objets, mesuré, avec un peson à ressort, est la somme des poids, mesurés individuellement; de même pour des courants électriques de même sens réunis en un seul conducteur (loi de Kirchoff); des masses électriques introduites dans un cylindre de Faraday; de la masse d'un composé chimique (loi de Lavoisier).
9. Les maîtres rattacheront aisément ces considérations à la « formule de Chasles », qui donne la distance de deux points donnés par leurs coordonnées sur un axe et reste valable avec l'emploi de nombres négatifs.
10. On remarquera que c'est par des raisonnements analogues de « récurrence » qu'on « démontre » des propriétés des nombres entiers. C'est ainsi que la définition (ou la construction) et les qualités de l'addition résultent de la règle :
a + suivant de b = suivant de (a + b);
on sait aussi que le suivant de a est a + 1, on en déduit de proche en proche la construction de a + 2, a + 3.
11. Le terme « construit » peut paraître vague; il peut être précisé par la condition de distributivité : si le multiplicateur est une somme de parties non nécessairement égales, le produit est égal à la somme des produits (partiels) du multiplicande par chaque partie du multiplicateur. Pour un Multiplicateur entier, ceci entraîne la construction du produit comme une somme de termes égaux au multiplicande; mais aussi comme la somme des produits du multiplicande par les unités, puis par les dizaines... du multiplicateur; c'est la technique habituelle de l'opération, Si le multiplicateur est un dixième d'unité, le produit est le dixième du multiplicande a, car:
a x (0,1 +... + 0,1) = (a x 0,1 +... + a x 0,1) = a
a est égal à la somme de 10 nombres égaux à a x 0,1. On voit comment on calculerait a x 0,35.
12. Il nous semble préférable d'adopter le même ordre dans l'énoncé des premiers problèmes de multiplication (au C. E.) : d'abord le multiplicande ou prix de l'unité, ou valeur de la part; ensuite le multiplicateur, ou nombre d'unités, ou nombre de parts. On évitera, en tout cas, pour les débutants, des formules du genre : quel est le prix de 3 boîtes d'allumettes, « sachant que » une boîte coûte 5 F.
13. Il faut réagir contre l'expression « ajouter un zéro », car ajouter c'est additionner et l'addition de zéro ne change pas le nombre. Il faut dire mettre ou placer, à la droite.
14. Pour multiplier par 60, on a ainsi multiplié par 10, puis on a multiplié le résultat obtenu par 6 (comme il avait déjà été indiqué pour multiplier par 100); c'est encore une application de l'associativité, évidente ou intuitive.
On pourrait aussi bien supposer les verres répartis en 10 boîtes de 6, ce qui conduirait à multiplier 27 par 6, mais à placer un 0 à la droite. L'ordre inverse semble plus conforme aux habitudes.
 

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