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Le
calcul au Cours préparatoire
I.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
1 •
INTRODUCTION
Nous
voudrions ici, en étudiant l’enseignement du calcul, ou plus
exactement l’apprentissage des nombres, au cours
préparatoire, non dégager des règles absolues, mais quelques
principes évidents, auxquels doivent se soumettre tous les procédés.
Ils résultent du programme officiel, de la psychologie et de la
logique enfantines, des réalités matérielles de l’école.
Nous
voudrions ensuite exposer quelques procédés qui soient un compromis
de bon sens : entre un idéal pédagogique qui, en individualisant
l’enseignement à l’extrême, relève trop du préceptorat, et
les obligations des classes collectives, à enseignement rapide, qui
ont trop tendance à négliger les différences d’aptitudes,
d’intelligence et de mémoire des enfants qu’on y groupera. Nous
ne préconisons pas une méthode. Chaque maître en possession de son
métier sait ce qui convient le mieux aux enfants qui lui sont
confiés et à sa technique personnelle. Il sait qu’il doit
s’ingénier à rendre son enseignement vivant et concret pour qu’il
soit joyeux et profitable1.
2
• LE CONTRAT D’ENSEIGNEMENT
Le
programme officiel, rappelé ci-dessus, détermine les matières à
enseigner, à raison de 3 h 45 mn par semaine, réparties en trois
leçons de quinze minutes chaque jour. Prenons-y garde : les
responsables du Cours élémentaire sont en droit d’attendre que
les notions préalables, ainsi précisées, soient acquises par les
élèves qu’ils reçoivent. Leur prudence les amène sans doute à
s’assurer qu’il en est ainsi; ils procèdent à d’utiles
révisions2
; mais ils ont eux-mêmes à enseigner des connaissances nouvelles et
ils ne peuvent reprendre en totalité l’enseignement du Cours
précédent. Les écoles à classe unique elles-mêmes, malgré leur
possibilité de suivre plus aisément le développement du petit
élève et de lui adapter la progression de l’apprentissage des
nombres et du calcul, n’échappent pas à cette obligation, en
raison de la complexité de leur organisation3.
Inversement,
que peut-on attendre de l’enfant qui entre au Cours préparatoire?
que sait-il ? que comprend-il ? qu’a-t-il acquis ? L’exploration
du monde et sa connaissance progressive, l’action de la famille et
des camarades plus âgés, éventuellement l’école maternelle, ont
déjà enrichi sa mémoire des mots et des choses, éclairé le sens
de quelques termes abstraits de son vocabulaire. La notion de
comparaison se traduit par l’emploi des expressions,
imprécises dans leur généralité : peu ou beaucoup, plus gros ou
moins gros, plus long ou plus court, un et l’autre, le même...
C’est à cet âge qu’à cette notion vient s’ajouter celle de
conservation et de partage du volume ou de la masse,
vaguement appelés quantité ou grandeur : le liquide
qui passe de la bouteille dans le verre; les aliments qui passent des
plats dans les assiettes; les marchandises qu’on change de
récipient... (Voir Initiation : conférence de M. Piaget, p.
7 et pp. 54 et 55, n° 12.) Cette conservation se précise quand il
s’agit de petites collections d’objets à peu près semblables,
dont les quantités, ou plus exactement les nombres, sont
indépendants des dispositions géométriques et dont l’égalité
est la correspondance un par un : un gâteau dans chaque main, une
fourchette par assiette, une table par enfant dans la classe.
La
connaissance des premiers nombres entiers vient donc compléter ces
premières acquisitions et ces premières précisions. Elle permet de
vérifier l’égalité, puis
la comparaison des
collections (sinon des e grandeurs »). Elle permet, ensuite et
graduellement, d’augmenter et de diminuer, de réunir et de
séparer, d’ajouter, d’enlever, de compléter, ce qui se fait sur
les objets; d’additionner et de soustraire, ce qui se fait sur les
nombres. Elle permet encore de grouper, de répéter et de partager,
de former des couples, des dizaines et des demi-dizaines, effectives
ou figurées. Le rangement et la succession des objets permet
d’ordonner et de numéroter, de comparer des places et des nombres
et de reprendre, d’un point de vue un peu différent, les
groupements par dizaines et demi-dizaines, réalisés d’ailleurs
sur le mètre gradué et sur le damier. C’est le contenu du
programme officiel4.
Pour
cultiver et affirmer cette connaissance, il convient de respecter les
stades, qui apparaissent naturels, de l’évolution personnelle de
l’enfant, dans sa conquête du nombre. Il faut donc assurer une
relation constante entre les collections d’objets et leurs
représentations chiffrées, ou écrites; faire prendre conscience
aux enfants des problèmes que posent ces grandeurs et que facilitent
l’emploi et la mémoire des nombres et de leurs relations; voire de
susciter de tels problèmes par la manipulation de matériels
appropriés; de faire constamment appel à l’observation et à
l’expérience personnelles5.
De là
découle un premier principe : avancer lentement dans
l’acquisition, de plus en plus précise, des notions premières; ne
pas craindre les retours en arrière, les contrôles de la mémoire
et de la compréhension; ne séparer jamais les nombres de leur
origine concrète, de leurs relations entre eux et avec les grandeurs
(comparer avec le paragraphe c de l’Initiation, p. 56).
Un second
principe est qu’il faut tenir compte du rythme de ces
acquisitions, qui est propre à chaque enfant, d’où, la recherche
de procédés aussi individualisés que possible (Initiation,
p. 40).
Ces
principes se heurtent évidemment aux réalités scolaires :
effectifs pléthoriques; installations matérielles; durée
inextensible des classes... D’où la nécessité d’une
conciliation : un enseignement relativement ramassé et uniforme; des
travaux collectifs, d’un contrôle rapide; des manipulations de
série. En particulier, tout exercice collectif, ou individuel, doit
comporter une participation totale et, autant que possible,
volontaire et joyeuse des enfants. S’il y a lieu de se limiter à
un petit nombre d’exercices, choisir les plus actifs et les plus
attrayants. S’il est possible de les multiplier, éviter la
dispersion qui sacrifie l’unité du but à atteindre à l’éveil
artificiel des curiosités.
3 •
ENSEIGNEMENT CONCRET ET EXPÉRIMENTAL
L’enseignement
doit être concret (le mot figure à deux reprises dans
le programme), c’est-à-dire qu’il doit s’appuyer sur ce que
l’enfant peut voir, connaître, comprendre (Initiation, a,
p. 55). Il doit continuer et préciser, sans trop les contredire, les
quelques connaissances déjà acquises. L’enseignement doit être
expérimental et vivant : les compositions et décompositions des
premiers nombres, les premières additions et soustractions, les
premiers rangements en couples, en demi-dizaines et en dizaines, les
premiers «problèmes», doivent être des manipulations faites par
l’élève, ou les élèves eux-mêmes, dans la classe, peut-être
dans le jeu, peut-être même en dehors de la classe (Initiation,
conférence de M. Piaget, p. 20 : « Deuxième conclusion : l’action;
la parole ne sert à rien »; voir aussi l’article de Mlle Boscher
: « Rôle de l’action dans l’élaboration de la pensée
enfantine », p. 34).
Cette
conception concrète des premiers éléments de calcul est le départ
indispensable pour l’enseignement de l’arithmétique qui sera
continué dans les classes suivantes. Grâce à elle les élèves
sauront attacher les opérations du calcul aux problèmes qui leur
seront posés, aussi bien dans la classe que par la vie. Ils seront
mieux armés contre les grossières erreurs d’appréciation des
ordres de grandeur, constatées encore trop fréquemment dans les
classes terminales et qui tiennent peut-être plus à un divorce
entre les nombres et les grandeurs réelles qu’à des défauts
d’intelligence, d’attention ou de connaissances pratiques.
L’appui
constant de l’interprétation concrète est non moins utile pour
l’écolier qui va être obligé d’appliquer les opérations de
l’arithmétique à un monde nouveau pour lui : à la mesure des
masses et des capacités avec des poids marqués ou des mesures
étalonnées, au calcul des surfaces et des volumes, et aussi à
l’indication des durées, des jours, des heures et des minutes,
lorsque l’expérience de la vie lui aura fait concevoir la fuite du
temps.
4 • DE
L’EXPÉRIENCE AU CONCEPT
L’enseignement
doit être concret et expérimental, mais il doit être aussi un
enseignement, c’est-à-dire qu’il doit meubler la mémoire de
l’élève d’un certain nombre de notions, de souvenirs visuels et
auditifs, d’équivalences de termes et de phrases, de règles
encore élémentaires, de concepts déjà généraux, ce qui
deviendra plus tard des réflexes, souvent instinctifs, aussi
indispensables que la lecture et l’écriture à tout homme de notre
temps.
L’observation
et l’expérience, à elles seules, ne sont pas suffisantes dans le
domaine du calcul et leur excès même pourrait être dangereux. Les
trop longues manipulations, qui relèvent plus des exercices manuels
que des exercices de l’esprit, peuvent user des heures précieuses,
en retardant trop l’inévitable passage au concept. La connaissance
véritable suppose, après l’empirisme expérimental, une
construction, aussi exacte que possible, dans l’esprit, de ce qui
est venu sous les sens. Elle doit dégager des apparences sensibles,
les relations qui étendent et coordonnent et mènent, peu à peu,
des données réelles à la pensée rationnelle, à l’habitude et à
la mémoire des abstractions.
Les
Instructions de 1923 et 1945 ont réagi, avec raison, contre
le calcul trop abstrait, contre ce qui est une acrobatie
intellectuelle sur les nombres dégagés de toute signification
concrète. Ce serait cependant en faire une mauvaise application que
de limiter la classe à des exercices uniquement concrets, à des
manipulations uniquement manuelles, sans les accompagner d’un
premier travail, encore modeste, mais effectif, d’abstraction et de
mémoire. Il faut amener l’enfant à penser l’opération en même
temps, ou presque en même temps, qu’il la voit, la sent, la
réalise. Lorsqu’il a effectué des groupements de quelques objets
et qu’il les a comparés, il faut qu’il puisse ensuite, par le
travail de sa pensée, ou de sa mémoire, retrouver et puis exprimer
que 5 est un nombre qui représente une quantité plus grande que
celle qui est représentée par 3, et qu’on l’obtient en ajoutant
2. C’est passer du domaine de l’action mécanique à celui de la
réflexion et du souvenir, c’est former la mémoire non seulement
des nombres, mais de leurs constitutions et bientôt des règles,
sinon encore des raisonnements qui les lient entre eux et avec ce
qu’ils représentent.
Les
Instructions insistent d’ailleurs sur cette nécessité, et
leur langage même en fait foi en devenant très souvent « abstrait
» : « Les nombres s’obtiennent en combinant d’autres nombres...
la recherche d’une partie inconnue d’une somme... la notion du
nombre 0... soustraire un nombre d’un chiffre... les calculs se
font sur les nombres écrits... » On trouvera les mêmes
préoccupations dans l’Initiation : « Buts à atteindre »,
pp. 5o à 55. D’ailleurs, ce qui est encore abstrait pour l’écolier
de six ans peut devenir concret lorsqu’il a acquis quelque
expérience ou quelque habitude (Instructions, Cours
élémentaire, III, I).
5 •
CONSÉQUENCES PÉDAGOGIQUES
On va
compléter ces considérations générales par quelques premières
indications sur l’interprétation ou l’illustration concrète des
quelques notions abstraites du programme.
Nombre
concret
On rend un
nombre concret en le faisant suivre, méthodiquement, d’un nom
d’objet ou d’unité, d’abord en montrant,
ensuite en évoquant la
collection ainsi nommée : 4 doigts; 4 jetons; 4 enfants; 4 francs; 4
centimètres; 4 maisons; 4 voyages; 4 fois le même geste; 4
dizaines... Plus tard seulement, l’habitude des calculs permet de
dissocier le nombre, qui devient un signe ou un symbole, et la chose,
ou la quantité. Mais le nombre ne garde sa raison d’être6
que si l’écolier peut à tout instant, et à l’appel des
besoins, lui retrouver son sens réel, en l’associant à une
grandeur, présente, ou connue, ou imaginée (voir notamment dans
l’Initiation le
paragraphe sur « le nombre 1 », p. 58).
L’égalité
L’égalité
(des grandeurs représentées par des nombres entiers, ou des nombres
entiers eux-mêmes; Initiation, n° 12, p. 54 et signe
=, p. 68) peut être rendue concrète par : la possibilité de
diverses dispositions géométriques (quatre jetons alignés, ou aux
sommets d’un carré); par la possibilité de diverses
décompositions, ou groupements (une demi-dizaine et trois; deux
paquets de quatre, quatre couples; six et deux... (Voir J’apprends
les nombres, Éd. Bourrelier, 6e semaine; Initiation, p.
63; Instructions, II, 3); par la correspondance un par un,
réalisée effectivement, puis imagée (les boules blanches sous les
boules rouges; les mains droites et les mains gauches de quelques
élèves; les places que vont occuper les enfants... Initiation,
« Le nombre entier cardinal », 1, p. 50).
Comparaison
La
comparaison peut résulter de la nécessité, ou de la possibilité
de compléter ou d’additionner (Instructions,
II, 6). 5 F est de valeur moindre que 8 F, car on peut, ou il faut,
l’augmenter, en lui ajoutant 3 F pour obtenir une valeur égale.
Une longueur de 5 cm est plus courte qu’une longueur de 8 cm; mais
elle est aussi placée avant, sur le double décimètre gradué; 5
est avant 8 dans la succession des nombres (entiers) (Initiation,
3° et début de 4°, p. 51; Le nombre
ordinal, p. 61)7.
Addition,
soustraction
L’addition
et la soustraction traduisent des manipulations de collections, qui
se décrivent en termes de langage courant (Instructions, II,
5 et 6; Initiation, 7° et 8°, p. 53). Mais avec les
mêmes nombres, en changeant celui qui est inconnu, on peut faire
diverses opérations dont l’équivalence des expressions doit
devenir familière : en ajoutant 3 jetons à 6 jetons, je trouve 9
jetons; en enlevant 3 jetons (les mêmes ou d’autres) des 9 jetons,
je retrouve, ou il reste les 6 jetons (primitifs); j’ai 6 jetons,
combien faut-il en ajouter pour en avoir 9?... (Initiation, «
Les moyens mnémotechniques », p. 56). Les longueurs mises bout à
bout (Initiation, les longueurs divisées, p. 60; et les
réglettes, p. 66) sont déjà d’une conception plus évoluée.
Après suffisamment de manipulations, décrites, puis résumées,
avec des phrases; les signes + , — et = , entre des « grandeurs de
même espèce », c’est-à-dire (au cours préparatoire) entre des
collections d’objets semblables, ou des nombres des mêmes unités
(francs, centimètres), apparaissent comme un moyen commode
d’expression ramassée, dont l’interprétation complète reste
toujours diverse, suivant les expériences (Initiation,
10°, p. 67).
Zéro
Le zéro
(chiffre ou nombre, en réalité symbole) peut exprimer la
différence, ou résultat de la comparaison, ou de la soustraction de
deux nombres égaux, ou bien encore, dans une addition, ce qui ne
change rien au nombre auquel on l’ajoute (Instructions, II,
6; Initiation, 8°, p. 53).
Les
dizaines
Les
dizaines sont concrétisées sans doute par les paquets de 10
bûchettes, mais aussi bien par les pièces de 10 F, ou les
décimètres (dizaines de centimètres) des mètres pliants. Elles le
sont aussi dans l’écriture des nombres de 10 à 99), qui
deviennent des dessins, sinon des êtres réels (le signe = désigne
une synonymie d’expressions) :
43 F = 4
pièces de 10 F et 3 pièces de 1 F;
43 = 4
dizaines et 3 unités.
Le zéro
s’y interprète à nouveau comme un chiffre qui ne change rien dans
l’addition (Instructions, II, 7; Initiation, 2° et
3°, pp. 50 et 59).
Nombres de
1 à 100
Il ne
semble pas nécessaire d’insister sur les possibilités d’un
enseignement expérimental des nombres de 1 à 100 et des opérations
d’addition et de soustraction. Le programme
comporte d’ailleurs l’usage du damier de 100 cases et du mètre à
ruban de 10 décimètres, gradués en centimètres. Mais les
manipulations avec un matériel plus ou moins perfectionné, ou plus
ou moins ingénieux (Instructions,
II, 8; Initiation, n°
7 et 8, p. 66) ne doivent pas faire oublier la nécessaire
acquisition, d’une part, des règles
: table d’addition; mécanisme des retenues; écriture des
opérations « posées »8...;
d’autre part des diverses significations concrètes et des diverses
applications usuelles des opérations.
Multiplication
et division par 2 et 5
L’introduction
dans le programme de la multiplication et de la division par les
seuls nombres 2 et 5 tient évidemment à l’emploi usuel des
doubles et des
demi-dizaines (pièces
de 2 F et de 5 F; demi et double décimètre). La technique en est
préparée par les exercices de « compter par 2 et par 5 » et par
l’emploi du damier et du mètre à ruban (Instructions,
II, 13; et Initiation,
11° et 12°, p. 69).
C’est aussi une première notion pratique de partage
et de répartition. La
formation de couples, ou division par 2; la multiplication de 2 par
un nombre; le calcul du double d’un nombre, la recherche de la
moitié sont ainsi, sinon menés de front, du moins étroitement
apparentés9.
Calcul
mental
Ces
considérations et les commentaires qui les précèdent impliquent
qu’une part très grande doit être constamment faite au calcul
oral ou calcul mental qu’il ne faut pas considérer
comme un enseignement de procédés de calcul rapide à l’intention
d’un lointain examen de certificat d’études, mais comme la
meilleure forme contrôlable de « calcul pensé ». On pourra
d’ailleurs se contenter longtemps de la recherche mentale du
résultat d’un problème (addition ou soustraction) dont les
données sont écrites ou figurées par des dispositions d’objets.
6 • CALCUL
ÉDUCATIF
Avant de
passer à la pratique de l’enseignement du calcul au Cours
préparatoire, il reste un point sur lequel nous tenons beaucoup à
insister : c’est la valeur éducative particulière de cette
discipline, dans ce Cours10.
La
meilleure appréciation des quantités par le nombre est un facteur
de la connaissance du monde; c’est aussi un facteur de confiance en
soi. Il faut que l’enfant sente l’élargissement de son champ de
connaissances, apprécie son pouvoir accru. Il faut le lui dire, au
besoin, pour que l’étude des nombres ne reste pas une sorte
d’activité factice, pour des fins étrangères inconnues. Savoir
dire qu’il y a six enfants dans la cour; huit voitures sur la place
et non des enfants ou des voitures; faire le compte de ses crayons;
vérifier celui de ses billes; se savoir en gain ou en perte et de
combien; trancher de la différence de deux longueurs un peu
éloignées en les mesurant et savoir dire de combien elles
diffèrent; traduire par la précision rigoureuse du nombre les
formules vagues : «beaucoup de... »; « plus de... »; « tout
plein... »... toutes ces possibilités sont des progrès
considérables qu’il faut apprécier à leur valeur.
Mais cette
école de confiance est plus encore une école de rigueur et de
précision, de probité et de patience, d’ordre et de méthode.
Après bien des années de pratique, nous pensons que le profit
moral que l’enfant tire de cet enseignement vaut bien autant
que l’avantage utilitaire qu’on y cherche, avec juste raison.
Tout le programme d’enseignement du calcul doit rester dominé par
cette idée de la valeur éducative de l’apprentissage des nombres.
II. LA
PRATIQUE DE LA CLASSE
7 • LE
LANGAGE
C’est
avec intention que nous mentionnons d’abord le langage qu’on
aurait peut-être tendance à négliger en cette matière. Or il faut
« parler le calcul» et les hésitations des élèves
relèvent plus souvent de l’insuffisance et de l’incompréhension
du vocabulaire utilisé dans les opérations et dans les problèmes
que des difficultés du calcul lui-même.
Il y a
d’abord, naturellement, l’apprentissage des noms des nombres,
puis de leur double écriture, en chiffres et en lettres. Leur
connaissance, qui nous semble banale, est nouvelle pour l’enfant du
Cours préparatoire, ou à peine ébauchée, quand elle n’est pas
mal ébauchée, par l’entourage, la maison ou la rue. Cette partie
de l’enseignement est analogue à celle de la lecture, du
vocabulaire et de l’écriture. On apprend huit comme on apprend
papa, chat, il faut reconnaître le mot et il faut qu’il évoque la
chose et, pour huit, la chose dépend du nom des objets dont huit est
le nombre. Il faut apprendre à dessiner les chiffres comme on
apprend à dessiner les lettres; par surcroît, dès l’écriture de
la dizaine, la difficulté s’augmente de la compréhension du
procédé de numération.
Les
exercices sur les grandeurs considérées se traduisent ensuite par
des mots, d’abord du langage courant : j’ajoute, je retranche,
j’enlève, j’augmente, je diminue, j’ai plus, j’ai moins...,
puis du langage technique : addition, somme, total; soustraction,
reste, différence. La correspondance de ces termes est une
difficulté et cependant une acquisition essentielle dans les
premiers contacts avec l’arithmétique11.
La
traduction de ces exercices, ou de ces opérations, en formules avec
les signes + ou —, et =, n’est pas l’essentiel de
l’enseignement. C’est un moyen de résumer un raisonnement
(encore très simple dans le cours préparatoire, mais raisonnement
déjà qui remplace un acte par une pensée parlée ou écrite),
d’exprimer une recherche et le résultat (numérique) de cette
recherche. De même que l’enfant doit replacer derrière le mot la
chose, derrière le nombre la grandeur, il doit replacer derrière la
formule l’action qu’elle traduit et l’effort d’observation ou
de mémoire qui lui a permis de donner une conclusion à cette
action.
De la
nécessité d’apprendre ce langage, parlé, écrit et
conventionnel, résulte un ensemble de précautions, dont la plus
importante est une lenteur méticuleuse, appuyée d’une
constante vérification individuelle de la compréhension du
langage.
8 • LE
MATÉRIEL
Quel
matériel employer ? Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on peut,
pourvu que ce matériel soit pratique, maniable et assez varié pour
que son emploi contribue à la formation d’idées générales.
Le
matériel collectif
Nous
pensons qu’un matériel collectif est indispensable. Objets de
grande taille, visibles par tous les élèves et de tous les points
de la classe, avec, autant que possible, des dispositifs d’exposition
qui en rendent l’emploi aisé : une planche horizontale au bas du
tableau noir, sur laquelle les objets trouveront place, alignés ou
empilés; un support vertical légèrement incliné pour recevoir les
bûchettes géantes, les grands dominos, les grandes cartes à jouer.
Ce matériel
est utilisé par le maître, mais surtout par les enfants, devant
toute la classe, au cours des explications, des expérimentations,
des interrogations. Il peut comprendre des collections d’objets
usuels : livres neufs, tous semblables, crayons neufs, règles,
bâtons de craie, etc., puisés dans le matériel scolaire habituel.
Puis un matériel proprement didactique. D’abord une demi-douzaine
de planches rectangulaires de 25 x 50 cm, peintes en blanc, divisées
en deux carrés, de façon à imiter le double blanc du jeu de
dominos. Sur ces planches, des trous convenablement répartis
permettent de fixer des fiches : rondelles de bois noir, de 4 cm de
diamètre, traversées, au centre, d’un clou; ceci de façon à
réaliser, à volonté, les différentes pièces du jeu de dominos.
Puis
de grandes bûchettes; 25 cm de long, section carrée de 1 cm de
côté. Des représentations de cartes à jouer (figures exceptées),
sur du carton fort, recouvert de papier blanc, format 20 x 3o cm,
peintes en noir et en rouge comme les cartes ordinaires.
Enfin
des instruments de mesure : un mètre en bois pliant, un mètre
rigide, un mètre ruban, des règles graduées.
Il
ne faut pas oublier que les enfants trouvent un grand plaisir à se
prêter eux-mêmes à des exercices de dénombrement, au cours
d’évolutions, en files, en rangs, en groupements divers.
Cela suffit
pour un grand nombre de manipulations et d’exercices collectifs,
auxquels toute la classe participe, sous l’animation et le contrôle
constants du maître, et que chacun peut ensuite répéter, soit avec
un petit matériel individuel, soit en dessinant, soit en écrivant
en chiffres.
Le
matériel individuel
Le matériel
individuel est, dans les classes chargées, d’un emploi moins
facilement contrôlable, il entraîne des pertes d’un temps qu’il
vaudrait mieux consacrer à des exercices supplémentaires. Un
matériel réduit est cependant nécessaire, il sert surtout à
l’imitation et à la répétition des manipulations faites au
tableau. ou à la traduction matérielle des réponses à de courtes
interrogations. Il suffit, pour cela, d’objets peu variés, et on
éliminera, pour des raisons évidentes, les objets bruyants,
fragiles, encombrants, capables de rouler.
On peut
retenir : les petites bûchettes (taille des allumettes); des
rondelles de carton assez grandes, maniables et visibles pour les
contrôles rapides (nous écarterons les confetti, dont le maniement
est un supplice pour les enfants, à moins qu’il ne devienne un jeu
d’habileté... ou de désordre); des chiffres et des signes
d’opérations découpés; des gommettes rondes ou carrées, de
couleurs variées; quelques enveloppes ou pochettes, de diverses
tailles, pour ranger le matériel; une petite règle graduée, ou une
bande de carte forte, d’un décimètre, graduée d’un côté: des
pièces de monnaie factices; un carré d’un décimètre de côté,
avec 100 cases12.
Le tout
peut se loger dans un petit sac individuel, accroché au côté de la
table de classe. Les enfants peuvent eux-mêmes confectionner une
partie de leur matériel : pochettes, dominos faits avec des
gommettes, réglettes de carte forte, casier de 100 cases. mais il
importe que le matériel ainsi fabriqué soit très net et très
exact. Ils peuvent collectionner de menus objets, plats autant que
possible : valves de coquillages, boutons, capsules de bouteilles...
mais il est bon d’uniformiser ce matériel de fortune, surtout dans
les classes où l’enseignement collectif domine; il faut y éviter
les causes de distraction et de désordre, faciliter les indications
de travail et le contrôle; il faut que la netteté, la propreté et
l’uniformité du matériel soient en rapport avec la nature même
d’un enseignement qui se veut de rigueur, de précision et
d’exactitude.
L’utilisation
des pièces de monnaie, vraies ou factices, est une pratique
fréquente et utile; elle correspond à des opérations réelles de
la vie, familières déjà à beaucoup de petits élèves. Elle pose
cependant le problème délicat de la représentation symbolique de
deux, cinq ou dix pièces par une seule (parfois plus petite), il
convient de ne l’aborder qu’au moment voulu et à bon escient.
9 •
EXEMPLES ET CONSEILS PRATIQUES
Nous allons
montrer par quelques exemples et par quelques conseils pratiques
comment on peut mettre en application les principes et les
considérations qui précèdent.
Les types
d’exercices et de leçons que nous donnons n’ont qu’une valeur
indicative; nous serions très heureux s’ils apportaient à nos
jeunes collègues, qui pourraient être embarrassés par cet
enseignement de début, quelques idées ou quelques suggestions
utiles pour l’agencement des procédés, en vue des buts à
atteindre.
- L’ÉTUDE DES TROIS PREMIERS NOMBRES
Première
leçon
En partant
de 1 nez, 2 oreilles, 1 menton, 2 joues..., pour chacun de nous, nous
énumérons des nombres, nous montrons les quantités
et nous y associons oralement les nombres correspondants.
Même
exercice oral en observant 1, puis 2 élèves, puis 3 élèves
placés devant toute la classe : 1 tête pour l’un, 1 tête pour
l’autre, 2 têtes quand ils sont ensemble. 1 nez pour l’un, 1 nez
pour l’autre, 1 nez, pour le troisième (qu’il faut appeler par
son nom et non par son numéro), 3 nez quand ils sont ensemble... On
arrive très vite à faire énoncer, individuellement, la quantité
montrée 1, 2 ou 3, suivant ce qu’on montre.
Même
exercice oral en montrant des objets variés, des livres, de
grandes bûchettes, des cubes... placés sur la planche devant le
tableau; on fait toujours énoncer individuellement la quantité
montrée, le nombre suivi du nom des objets.
Pour
terminer les exercices oraux le maître énonce lui-même les
nombres, et les enfants, à tour de rôle, viennent exposer les
quantités d’objets indiqués.
Le contrôle
consiste à faire coller I, 2 et 3 gommettes puisées dans un sac sur
4 petits dominos de carton, distribués aux enfants, et de leur
demander ensuite de montrer le carton de un ou de deux, ou de trois,
ou de rien.
Deuxième
leçon
Cette fois,
il s’agit d’associer la notion de nombre et de quantité à celle
du chiffre dessiné. On dira deux yeux, un nez, trois doigts (ou
rien), en montrant les chiffres 1, 2, 3 (ou 0), dessinés au tableau,
ou découpés, ou peints sur carton. Puis les enfants se taisent et
suivant la quantité montrée, viennent choisir le chiffre. Ensuite,
c’est le chiffre qui est montré et c’est la quantité que doit
indiquer chacun des enfants.
Le contrôle
de cette deuxième leçon de la journée consiste à traduire, en un
chiffre, les quantités d’arbres, de champignons, de fleurs, du
dessin qui illustre au tableau la leçon de lecture, et qu’on
montre aux enfants, sans parler. Chaque élève aligne sur sa table
les chiffres découpés correspondant aux groupes successivement
montrés. L’après-midi, dans la leçon d’écriture, chacun
apprendra à écrire les chiffres 1, 2, 3 (et 0).
Troisième
leçon
Elle tend à
faire établir des comparaisons entre les grandeurs sur lesquelles on
a travaillé dans les leçons précédentes et à faire exprimer par
les enfants des notions qu’ils possèdent déjà, sans pouvoir
encore les formuler clairement.
Le petit
garçon qui a fait deux lignes d’écriture en a fait plus que
son camarade qui en a fait une seule. Celui qui a deux cartons en
a moins que son voisin qui en a trois. On peut même commencer
à chiffrer la différence : les grandes cartes à jouer exposées
sur le tableau peuvent servir. Deux c’est un de plus que un;
trois c’est un de plus que deux, c’est deux de plus que
un. La différence des couleurs permet la répétition de l’exercice
sans lasser les enfants. Il ne faut voir là qu’une première étude
sur la comparaison et la différence; elle deviendra plus diverse et
plus aisée, dans l’étude des nombres suivants.
La leçon
peut se terminer par un jeu : chaque enfant repère un chiffre 1, sur
de nombreux chiffres dont le tableau est couvert et il va l’effacer.
On répète l’exercice pour 3, pour 2 (pour 0).
Commentaires
Dans cette
première leçon de calcul comme dans plusieurs des suivantes, on ne
s'occupe que du nombre cardinal. Devant
le domino de trois points, l’enfant ne montre pas les points un par
un (avec le doigt, ou avec une règle), mais, avec un volet de
carton, il découvre à la fois, soit un, soit deux, soit trois
points, suivant la demande qui lui en est faite, ou suivant ce qu’il
énonce lui-même.
Quand
l’enfant compte des bûchettes, c’est après avoir réalisé dans
la main gauche, avec l’apport de la main droite, qu'il énonce, à
haute voix, le nombre de bûchettes (ou d’allumettes).
Dès cette
première leçon également, il faut avoir le souci de faire
comprendre l’indépendance du nombre, qui est indépendant de
l’encombrement des objets dénombrés (grandeur, surface,
couleur...) et de leur disposition. Trois, c’est aussi bien 3
petites bûchettes que 3 grandes, posées à plat sur la table, ou
dressées sur le tableau, écartées également ou inégalement,
voire superposées.
Suite des
leçons
Une semaine
entière peut être consacrée à l’étude des 3 premiers nombres
(et du zéro), aux additions et aux soustractions, manuelles et
orales, qu’ils permettent. Attachons beaucoup d’importance à
faire traduire oralement et par écrit les manipulations d'additions
et de soustractions, et ceci sans rechercher systématiquement le
résultat, cela doit rester d’abord une constatation qui se fixera
ensuite et peu à peu dans la mémoire.
Exemple :
j’ai disposé trois bûchettes, un enfant écrit ou montre le
chiffre 3; je retire 2 bûchettes, l’enfant écrit — 2, un autre
dit « moins 2 »; on constate qu’il reste une bûchette, l’enfant
écrit = 1. On peut faire décrire l’opération : «j’avais trois
bûchettes, j’en ai enlevé deux, il m’en reste une », ou «
trois bûchettes, moins deux bûchettes font (ou égalent) une
bûchette ». On peut faire reconstituer; j’ai (ou il me reste) une
bûchette, j’ajoute (ou je remets) les deux bûchettes enlevées,
j’en ai (à nouveau) trois. On peut aussi ajouter un et puis un14.
10 •
L’ÉTUDE DU NOMBRE 5 : LE QUINCONCE
En premier
lieu 5 est le résultat de l’addition de i à 4, c’est aussi le
nombre de points d’un quinconce, un point mis au centre d’un
carré (le cinq d’un jeu de cartes, ou d’un domino).
Idées
directrices des leçons
Le nouveau
nombre (4 et 1) et le nouveau chiffre. La disposition en quinconce.
La
reconnaissance (globale) des cinq premiers nombres.
La
composition et la décomposition de 5, applications à des problèmes
d’addition, de soustraction, de comparaison.
Écriture
des opérations. Révision des 5 premiers nombres.
Détails
sur les classes et les exercices
1. —
Révision des nombres de 1 à 4 et introduction de 5. Je montre 3
ardoises, 2 livres, 4 crayons, un enfant vient montrer le chiffre et
énonce, en même temps, son nom et celui des objets montrés
(c’est-à-dire le nom de quantité). Opération inverse : je montre
le chiffre; l’enfant montre ou constitue lui-même une collection
d’objets, dont il dit le nom; un autre montre le même nombre de
doigts. Une première explication de 5 : cinq doigts, dans chaque
main; le chiffre 5; 4 et 1.
2. —
Chaque élève place ses cubes, de façon que je puisse voir de loin
que chacun en a 4 devant lui. (La plupart les forment en carré, au
besoin je corrige les autres.) Comment placer un cube en plus,
pour avoir une figure simple, qui permette de reconnaître
facilement 5, ou 4 et s ? Que choisir : 5 cubes en ligne ? ou en
quinconce? On reproduit le quinconce avec des objets divers :
bûchettes, carrés de carton; un enfant vient composer le domino 5
avec des pions mobiles; on dessine la disposition, au tableau, sur
les cahiers, avec, puis sans modèle.
3. —
Reconnaissance rapide des collections de 1 à 5. Utiliser de grandes
cartes à jouer, montrées en un temps de plus en plus bref, dans un
ordre dispersé.
4.— Au
tableau on a dessiné diverses dispositions de points :
On reconnaît
d’abord les quantités. On demande d’ajouter à chacune ce qui
est nécessaire pour faire 5. Toute la classe travaille mentalement,
chacun se préparant à pouvoir exprimer la réponse au tableau (avec
une craie de couleur différente, un autre viendra écrire le nombre
ajouté).
5. —
D’autres viendront écrire, sous chaque figure l’opération faite
:
4+1=5;
3+2=5; 2+3=5; 1+4=5; 2+3=5.
6. —
Problèmes. — Dessiner au tableau les figures :
C’est une
histoire : sur chaque pommier,
il y avait cinq pommes (on peut mettre une couleur différente au bas
de chaque pommier, puisqu’on ne sait pas encore numéroter). Il y a
eu un grand coup de vent et voilà ce qu’il reste sur les arbres.
Combien y a-t-il de pommes, dans l’herbe, sous chacun d’eux?
Comme pour l’exercice précédent un élève vient les dessiner
(sous un arbre, ou sous deux); un autre vient inscrire les nombres;
un autre vient inscrire l’opération du problème, en laissant en
blanc le résultat (une addition à un terme inconnu) :
3 + ... = 5;
1 + … = 5; 4 + ... = 5; 2
+ … = 5
On peut
varier le problème : billes perdues; sommes payées; restes d’une
règle graduée en 5 divisions (égales). On peut varier l’ordre
des réponses, notamment écrire d’abord une opération (addition
ou soustraction, avec un chiffre en blanc); on peut faire manipuler
le problème, individuellement, à tous les élèves de la classe,
avec des bûchettes, avec leur demi-décimètre, avec le domino de 5,
dont il faut cacher une partie, soit celle qui est au tableau, soit
celle qu’on cherche...
7.
— On reprend les problèmes analogues sur les 5
premiers nombres, avec des combinaisons qui ne renferment pas
nécessairement 5. On peut représenter les divers problèmes
possibles, plus ou moins en liaison les uns avec les autres, par les
formules suivantes (où, bien entendu, les nombres 2, 3, 5, ne sont
donnés que comme exemples) :
3 + 2 = ... ;
3 + … = 5; … + 2 = 5
5 — 3 = ...
; 5 — … = 2; … — 3 = 2 ;
On peut
peut-être en profiter pour faire comprendre que « plus grand ou
plus petit » exprime la possibilité de
certains de ces problèmes;
que zéro peut être une solution [différence de deux quantités
égales; quantité dont l’addition ne change pas le nombre : j’ai
donné 5 F pour payer un objet, il coûtait 5 F, que doit me rendre
la marchande ?]
11
• L’ÉTUDE DES NEUF PREMIERS NOMBRES
Le nombre
6
Du point
unique au quinconce, on a vu les groupements géométriques simples
de 2, 3, 4, 5 et on a appris à embrasser d’un coup d’œil ces
collections, aussi bien avec ces dispositions, que placées en ligne,
ou même en désordre (voir Initiation,
p. 62). On peut, peut-être, continuer avec 6 : les 2 rangées
de 3, du domino ou de la carte à jouer, sont d’un aspect évident;
mais il est plus malaisé de reconnaître un alignement ou une
disposition quelconque de 6 objets. Le programme ne le demande pas et
les Instructions ne le recommandent pas. D’ailleurs un
groupement de 6 est souvent constitué par une collection de 5 et une
unité séparée (6 cm; 6 F; 6 doigts).
Les
nombres de 6 à 9
On peut
commencer l’étude de chacun d’eux par sa formation avec 5 et un
nombre (de 1 à 4) :
Mais il
faut bien entendu étudier ensuite ses diverses compositions et
décompositions, manuellement d’abord, par la pensée ensuite. On
peut former les paires (ou couples) et les doubles (en
revenant sur 4, si on n’a pas déjà signalé sa formation en deux
paires, ou comme double de 2). On reprend des problèmes simples et
plus divers, d’addition, de comparaison, de soustraction. On peut
commencer (en manipulations, bien entendu) des additions de 3
nombres, des soustractions successives : de 5 retrancher 2, puis de
ce qui reste retrancher 1, revient (il serait correct de dire est
équivalent) à retrancher tout de suite 2 et 1, ou 2+1, ou 3.
Les nombres
de 1 à 9 étant connus chacun, globalement, on peut les comparer,
les ranger par ordre, comme sur le décimètre, employer les termes
précédent, suivant, numéroter des collections, employer les noms
ordinaux, le premier, le second ou deuxième, le troisième..., et
aussi le dernier et l’avant-dernier, faire « comprendre » que le
dernier numéro est égal au nombre d’objets, par exemple sur une
disposition en ligne (même quand on permute des objets; on peut se
borner aux deux derniers, ou à deux consécutifs).
On peut
occuper ainsi le premier trimestre, il n’y a pas lieu de regretter
le temps dépensé, tout ce qu’on a appris avec de petits nombres,
maniables, visibles, facilement reconnaissables : addition,
soustraction, comparaison, égalité, usage des signes et des
formules, numérotage, nombre ordinal, et un aperçu de calculs avec
3 nombres, tout cela se généralisera d’autant plus facilement
pour les nombres de 10 à 19, puis sur ceux de 1 à 100. La technique
même du calcul (additions et soustractions « posées », sans ou
avec retenue) s’en trouvera d’autant facilitée.
12 •
L’USAGE DES SIGNES (OU DES FORMULES)
Leur
utilité
Malgré
certaines opinions, il nous semble que l’emploi des signes +, —
et = ne soit pas plus prématuré, au Cours préparatoire, que celui
de l’écriture des mots du langage, dont les sens sont bien plus
divers et souvent bien plus mystérieux pour les enfants. C’est ce
qui a déjà été indiqué ci-dessus (Conséquences
pédagogiques, l’égalité, l’addition et la soustraction)15.
Les difficultés résultent de la diversité des opérations
matérielles qu’ils peuvent représenter. Il importe de ne s’en
servir, pendant longtemps, que pour résumer une expérience,
exprimer (brièvement) l’observation d’un résultat, après
l’avoir auparavant énoncé en langage courant. Ceci a déjà été
indiqué dans les exemples qui précèdent; on donne encore deux
types d’exercices.
L’opération
écrite, d’après l’opération mimée
Je
distribue des chiffres en carton, 1, 2, 3, 4, et des signes
d’opération +, — et = . Je montre deux boules sur le boulier,
les élèves placent le chiffre 2 sur leur table. Je rapproche deux
boules de celles déjà montrées, les élèves placent + et 2 à la
suite du premier 2. Nous regardons le résultat, il y a 4 boules
ensemble, les élèves écrivent = et 4; à la suite de 2+2.
L’opération est ensuite écrite sur une feuille.
L’opération
mimée, d’après l’opération écrite
Le maître
écrit au tableau : 1 + 2 = 3. Les élèves reproduisent la formule
sur leur table avec les chiffres et les signes en carton. Ils tirent
de leurs sacs des objets identiques et les placent sous les nombres à
additionner. Puis ils les déplacent pour les mettre tous sous le
résultat :
Même
procédé pour la soustraction. Même exercice avec le résultat (ou
une donnée) manquant; les élèves le cherchent avec leur matériel
et placent ensuite le chiffre. (On pourra comparer cet exercice avec
les considérations faites ci-dessus sur les divers sens de
l’égalité. On peut notamment faire mimer 2 + 2 = 1 + 3.)
13 • LE
NOMBRE 10 ET LA DIZAINE
Questions
à étudier
L’étude
du nombre 10 pose plusieurs problèmes. C’est 9 + 1, ou le nombre
qui suit 9. Comme les précédents, il peut être décomposé
de diverses façons (somme de deux nombres; 5 couples ou double de
5), ces décompositions présenteront même un intérêt particulier
pour le calcul (usage éventuel des «compléments
à 10 »). Mais c’est aussi une nouvelle unité pratique, la
dizaine. En outre ce nombre s’écrit avec deux chiffres,
dont la place a une signification conventionnelle. L’étude à
faire comprend donc le début de la numération et de l’écriture
décimales. Ceci nous conduit aux divisions suivantes :
1. —
Observation de la grandeur dix; les dix doigts.
2. —
Exemples de dizaines usuelles : 10 cm; 10 dm; tablettes de 10 barres;
10 F. La pièce de 10 F.
3. —
Écriture de 10, signification des deux chiffres.
4.
— Décomposition de 10 et calculs avec les 10 premiers nombres.
On donne quelques types d’exercices, on se reportera pour les
détails aux exercices précédents.
Le nombre
dix et la dizaine
Confrontation
du domino neuf et du domino dix. Énoncer l’addition 9 + 1 et la
soustraction dix — 1, ceci sans rien écrire. Même exercice avec
les 10 doigts. C’est aussi deux collections de 5, double de 5; «
deux fois ».
Exemple de
dizaines
Les doigts
de la main, les 10 points du domino, les 10 des jeux de cartes (les
plus hautes cartes); les 10 cm du décimètre gradué (2 longueurs de
5 cm); paquets de 10 livres, bûchettes, crayons, barres de
chocolat...; qu’on peut faire reconnaître en les groupant en 2
paquets de 5.
Écriture
du nombre
On peut
d’abord apprendre à reconnaître 10, comme s’il n’était qu’un
seul symbole. On explique ensuite la signification des deux chiffres
: une dizaine et rien; 1
paquet de 10 bûchettes et rien. Ce symbolisme devient
peut-être plus clair, si on anticipe un peu en écrivant aussi 15,
une dizaine et cinq.
Exercices
de reconnaissance du nombre 10 :
les élèves recherchent dans leur jeu individuel les 10 de
pique, de cœur, de carreau, de trèfle. On fait rechercher en même
temps d’autres nombres. On fait reconstituer une suite des 10
premiers nombres par dix élèves. On peut imaginer des jeux inspirés
des jeux de cartes.
Dizaine
figurée. — Découper une bande de papier de longueur égale à
10 cm, ou à deux bandes de 5 cm. C’est une dizaine. Montrer si
possible qu’un poids de 10 g fait équilibre à 10 poids de 1 g.
La pièce de 10 F vaut 10
pièces de 1 F.
Décomposition
de 10. — On peut utiliser un domino ou une carte à jouer de 10
sur lequel on fait jouer un cache approprié; ce qui donne une
première série de constatations.
D’une
collection de 10 bûchettes on retire 2, ou 3, ou 4, ou 5 bûchettes;
on évalue, puis on essaie de faire prévoir le reste. On peut
retirer ensuite des nombres de 5 à 9. Sur un décimètre gradué, on
peut cacher des centimètres, à la fin, puis au début.
Problèmes
de pertes et de gains, centrés
sur 10 F. Rendre la monnaie. Utiliser les pièces de 2 F et de 5 F
(ce qui peut d’ailleurs avoir été déjà commencé avec l’étude
des nombres de 6 à 9).
Problèmes
divers
Cette étude
de 10 et des 10 premiers nombres peut occuper le mois de janvier. On
cherchera à varier les exercices et les objets, et on associera
calcul mental et calcul écrit. Les enfants apprécient les histoires
brèves au cours desquels il faut compter (avec un matériel, ou par
écrit, ou oralement) pour annoncer fièrement le résultat.
Exemple
: 10 pêches dans le
garde-manger; 3 s’abîment, on ne pourra en offrir que... ?;
heureusement Jean retrouve 2 abricots au fond du panier à fruits, si
bien qu’on pourra donner du dessert à plus d’enfants; à combien
? Mais il y avait 10 enfants...
Compléments
à 10
Il nous
paraît utile d’habituer les enfants à l’usage des compléments
à 10 (au moins
des nombres de 5 à 9); on les utilise dans bien des opérations de
la vie courante (rendre la monnaie; peser...). Leur connaissance
simplifie le calcul mental et même écrit des nombres de 10 à 19
(Initiation,
n° 6; p. 64).
14 • LES
NOMBRES DE 11 A 19
Étapes à
respecter
Quels que
soient les exercices utilisés pour l’acquisition de la notion de
grandeur (collection) et du nombre (entier) qui la représente, nous
pensons qu’il est bon de suivre toujours fidèlement les trois
étapes :
1. —
Enregistrement sensoriel.
2. —
Association de la grandeur (collections diverses) et du nombre (nommé
et écrit) qui la représente.
3. —
Évocation de la grandeur par le nombre.
Ayons à
notre disposition des objets variés,
en nombre suffisant pour permettre de comparer et de compter
(par comparaison et non par énumération) plusieurs collections
simultanément exposées. Nous estimons mauvais, si l’on veut
étudier le nombre 12, de procéder (comme nous l’avons vu faire
parfois par des débutants) en ajoutant 2 livres à une pile de 10,
et en se bornant à l’examen de cette nouvelle pile. A notre avis,
il est préférable de disposer de 22 livres, dont on fait deux piles
: une de 10 (ou plutôt deux piles de 5, croisées) et une pile de
12. Leur comparaison permet d’apprécier la quantité 12,
relativement à 10 et rend plus sensible le passage de l’une à
l’autre.
Appréciation
sensorielle des grandeurs de 11 à 19
L’expérience
nous a montré que l’appui de la dizaine est une ressource nouvelle
et précieuse, elle rend plus sensible l’appréciation de la
grandeur et en tout cas éclaire et même suggère le passage du
nombre à son écriture. Le nombre ne sera plus présenté comme
l’addition de un au nombre précédent, mais comme l’addition à
la dizaine d’un nombre d’un chiffre16.
Décomposition
et composition
Mais 12
c’est aussi 11 et 1
ou 11 plus 1,
c’est le suivant de si. En même temps 11 est 12 moins
un, ou le précédent de 12.
La
comparaison entre eux des nombres de 11 à 15 peut être faite en
s’inspirant de ce qui a été fait pour les nombres de 1 à 5. Des
manipulations de collections diverses, un usage plus méthodique des
monnaies, du décimètre et du double décimètre, permet d’apprendre
comment ces nombres sont obtenus par la réunion de
collections de moins de 10 objets, ou l’addition
de nombres de un chiffre :
2 + 9; 3 +
8; 4 + 7; 5 + 6;
et de même
pour 12, 13... L’addition étant l’interprétation d’une
réunion, sa commutativité est assez « intuitive ». On peut
utiliser en même temps les compléments17
:
2 + 10 – 1;
3+ 10 — 2; 4 + 10 - 3; 5 + 10 — 4.
La
formation et la décomposition des nombres de 16 à 19 se font de
même, mais plus rapidement en raison des habitudes prises et du
moins grand nombre de décompositions.
Table
d’addition
On peut
ainsi en un mois (février) faire apprendre les nombres de 11 à 19
(acquisitions nouvelles de 11 à 19, révision des nombres de 1 à 10
et relations avec les précédents). La table d’addition (et de
soustraction) s’acquiert en même temps par la mémoire (visuelle
et auditive) de compositions et décompositions. Cet apprentissage
comporte bien entendu la solution de petits problèmes concrets,
utilisant, de plus en plus, comme il a été dit, les monnaies
(pièces de 1F, 2 F, 5 F, 10 F) et les longueurs (décimètre et
double-décimètre).
Multiplication
par 2. — On peut avoir appris, en même temps, la table de
multiplication par 2, autant qu’on pourra le faire sous les deux
formes : nombres de paires et doubles de nombres. On peut utiliser la
mémoire visuelle de deux rangées d’objets : les 9 paires de mains
de 9 élèves, ou le double des 9 mains droites (voir ci-dessus la
note relative à la multiplication).
15 • LES NOMBRES DE 20 À
69
Progression
Le travail
est plus facile, mais on utilise toujours les mêmes procédés
d’apprentissage et de démonstration (observations, manipulations,
interrogations, écriture). On peut suivre la progression et les
indications suivantes :
1. — Les
nombres exacts de dizaines : 20, 30, 40, 50, 60. Utilisation des
pièces de 10 F, 20 F, 50 F; du mètre, pliant, souple, rigide, formé
de décimètres.
2. —
Décomposition de 20 (ce qui aurait pu être fait en même temps que
l’étude des nombres de i à 19, ou avant l’étude des autres
dizaines).
3. —
Reconnaissance de collections formées de dizaines et d’un nombre
d’un chiffre. Écriture du nombre. Formation d’une collection
dont on donne le nombre (bûchettes; longueurs; monnaies).
4.—
Addition et soustraction d’un nombre d’un chiffre, d’abord sans
retenue. Addition de 1 à 19, 29..., 59 et soustraction inverse.
Addition et soustraction d’un nombre de 1 chiffre, avec retenue.
5. —
Addition de plusieurs collections, ou de plusieurs nombres de 2
chiffres (total inférieur à 70).
6. —
Comparaison des nombres : on compare les dizaines, puis s’il y a
lieu les unités.
7. —
Soustraction après comparaison.
8. —
Multiplication par 2. Compter des couples. Doubler un nombre.
Manipulation
Il faut
veiller (au moins pour ces 4 dernières études) à utiliser des
manipulations qui suivent les procédés usuels des opérations
écrites (ou posées). Exemple : trois enfants, en face de
leurs camarades, tiennent respectivement 21, 14, 32 bûchettes,
paquets de dizaines dans la main droite, bûchettes isolées dans la
main gauche (pour les enfants qui regardent, c’est l’ordre de
l’écriture). Un quatrième vient grouper les unités, dans sa main
gauche; en les additionnant, à mesure, et en énonçant : 1 et 4
font 5; 5 et 2 font 7. Il fait de même pour les dizaines
qu’il place dans la main droite : a dizaines et i dizaine font 3
dizaines; 3 dizaines et 3 dizaines font 6 dizaines. Il se retourne
pour montrer le tout et annonce triomphalement soixante (et) sept. Un
cinquième élève a transcrit au tableau successivement :
21 14
32; puis 21 + 14 + 32; puis 21 + 14 + 32 ...7
puis 21+ 14 +
31 67; il place enfin le signe =
Dans un
autre exercice on peut faire écrire les nombres les uns en dessous
des autres, les chiffres bien alignés et nettement séparés, puis
la barre, le signe +, la somme des unités, la somme des dizaines.
Si la somme
des nombres d’un chiffre (qu’on peut appeler les unités) est 10,
ou dépasse 10, l’enfant fait passer cette dizaine dans sa main
droite.
Le procédé
est le même pour la soustraction; éventuellement on a
recours à l’emprunt d’une dizaine, la main gauche de l’enfant
(qui tient le nombre dont on veut soustraire) contient alors une
dizaine et des unités isolées. C’est de ce nombre que l’enfant
qui soustrait, retranche les unités (du nombre à soustraire).
On peut
aussi faire calculer ainsi le double d’un nombre de pièces de 1 F.
Vérifier en calculant la valeur d’un nombre égal de pièces de 2
F.
Fin du mois
(mars), les enfants peuvent calculer des opérations écrites sur des
nombres de deux chiffres, sans faire systématiquement les
manipulations correspondantes. Ils trouvent un attrait grandissant à
imaginer des histoires qui justifient ces opérations et leur donnent
une signification concrète et précise.
16
• LES NOMBRES DE 70 À
100
La
construction et l’écriture de ces nombres se fait de la même
façon que pour les précédents. La difficulté est dans le
vocabulaire qui ajoute à 6o d’une part, à 8o d’autre part, les
nombres de 1 à 20. Le terme quatre-vingts lui-même demande une
explication au moins sommaire18.
Seules des répétitions et des révisions assez nombreuses viendront
à bout des erreurs possibles.
Damier
Le damier
de 100 cases, qui illustre la succession des nombres de 1 à 100,
dans leur totalité, est, à notre avis, très utile pour donner une
vision permanente des 30 derniers; les cases numérotées permettront
de distinguer soixante et soixante (et) dix, quatre-vingts et
quatre-vingt (et) dix, ainsi que les nombres de ces dizaines.
L’emploi
de ce damier se prête à d’autres exercices; notamment placer un
nombre sur le damier « muet », ou seulement divisé en quatre par
une ligne verticale après les multiples de 5 et une ligne
horizontale après la dizaine de 51 à 6o. Il permet encore de situer
les nombres pairs et naturellement les multiples de 5 (et de 10).
D’où le calcul d’un nombre de paires; du double d’un nombre,
de la moitié d’un nombre pair; du partage en 2, d’un nombre pair
ou impair; du paiement d’une somme en pièces de 2 F, qu’on place
tous les deux casiers. De même on peut compter une somme en pièces
de 5 F, ou payer avec ces pièces19.
Mètre. —
Le mètre (pliant, souple, rigide) ne sert pas dans cette classe
comme unité de mesure mais (d’une façon analogue au damier) comme
collection de Io décimètres, et de cent centimètres. Il n’est
pas nécessaire d’expliquer déci et centi, mais il faut prendre
garde à une confusion; des mamans appellent parfois « centimètre »
leur mètre ruban; l’École doit rétablir le vocabulaire exact, et
tenir compte des habitudes d’un langage courant.
RÉCAPITULATION
Il reste,
en principe, deux mois pour revenir sur quelques points de détail,
contrôler l’état individuel des connaissances acquises, surtout
pour répéter, au cours de calculs nombreux, sur des problèmes
simples, les opérations dont la pratique courante exige un grand
entraînement de calcul mental : utilisation instinctive de la table
d’addition; addition et soustraction d’un nombre d’un chiffre,
multiplication et division par 2 et par 5. Dès qu’on doit opérer
sur des nombres de deux chiffres, il faut, à cet âge, poser les
opérations, de façon à soulager la mémoire en laissant devant les
yeux les nombres sur lesquels on opère, et en ne demandant que le
souvenir de la composition et de la décomposition des 20 premiers
nombres (Instructions,
Cours élémentaire, III, 6).
1.
On pourra se reporter efficacement à la brochure sur l’Initiation
au Calcul, publiée par les Éditions Bourrelier (3e éd.,
1953). De nombreux renvois y sont faits au cours de cet exposé. On
a fréquemment renvoyé aussi aux Instructions officielles
(1945), reproduites ci-dessus et dont on a numéroté (assez
arbitrairement) les parties, pour faciliter les citations qui en
sont faites.
2.
Ainsi en font foi les premières leçons de J’apprends à
calculer; Arithmétique du Cours élémentaire de G. Condevaux
(Éd. Bourrelier).
3.
Voir le Cahier de pédagogie : L’Êcole à classe unique, 3e
partie, pp. 175 à 191 (Éd. Bourrelier).
4.
« L’apprentissage
des nombres doit se faire par l’observation des collections
d’objets. »
(Instructions,
II, 1).
5.
« C’est sur des faits
qu’il faut appuyer, — et, nous ajouterons, c’est à des faits
qu’il faut appliquer — les calculs, les idées... »
(Instructions, I).
« C’est par
la vie que l’enfant s’intéressera au nombre... »
(Initiation, p. 38).
6.
On peut presque étendre cette affirmation à tout l’Enseignement
primaire; l’étude de la divisibilité et de la preuve par 9 sont
les seules théories, d’apparence abstraite; encore peut-on leur
donner un support concret.
7.
On remarquera que les signes < et ≤
ne figurent pas dans l’arithmétique des écoles primaires.
8.
Les Instructions signalent quelques techniques du calcul,
sans les imposer : Complément (à 10), II, 8; Calcul mental
d’addition et de soustraction d’un nombre de 1 chiffre, II, 12;
Soustraction par recherche du nombre à additionner, ou par
complément, II, 12. Voir aussi Initiation,
Écriture des opérations et calcul sur les nombres de 2
chiffres, p. 68.
9.
Voir J’apprends à calculer de G. Condevaux, Éd.
Bourrelier, leçons 3, 17 et 18.
Cependant cette étude n’est pas sans présenter
quelques difficultés, dues à la commutativité de la
multiplication et à l’emploi du mot fois ».
Les deux
problèmes : que valent 9 pièces de 2 F ? et quel
est le double de 9 F ? ont la même réponse et cependant sont
différents. Il y a des dispositions géométriques bien connues qui
mettent en évidence l’égalité des solutions : par exemple 2
rangées de 9 pièces de 1 F, mises l’une sous l’autre, ou les
mains de 9 élèves dont le nombre est 9 paires, mais aussi le
double des 9 mains droites. Il semble bien que ce soient des
expériences difficiles à comprendre et à interpréter, pour des
élèves du cours préparatoire et même des autres cours. Peut-être
faut-il se contenter de l’observation de la table de Pythagore, ou
même simplement de l’affirmation d’une règle : « Pour
multiplier 2 nombres (même décimaux), on écrit en dessous (ou on
prend comme multiplicateur) celui qui semble le plus commode. »
Le mot « fois » signifie, à proprement parler, la
répétition d’un acte : j’ai levé 9 fois la main; j’ai écrit
9 fois le chiffre 2. C’est par un emploi abusif qu’il désigne
l’opération de multiplication (on sous-entend qu’après avoir
écrit, au moins par la pensée, 9 fois le nombre 2, on additionne).
Au surplus cette expression a l’inconvénient de distinguer encore
plus le rôle des facteurs d’une multiplication et de rendre
encore moins évidente la commutativité : 9 fois 2 c’est 9
couples, et le double de 9 c’est 2 fois 9.
10.
Ce paragraphe et ceux qui suivent sont dus
entièrement à M. et Mme Brandicourt, à qui je suis très
reconnaissant d’avoir apporté leur remarquable expérience
pédagogique, doublée d’un bel amour de leur métier, à la
rédaction du Cahier sur l’Enseignement de
l’arithmétique.
On
leur doit aussi les paragraphes qui précèdent, auxquels je n’ai
apporté que quelques modifications d’ordre et de détail, pour en
assurer une correspondance plus étroite avec les Instructions et
avec le Cahier d’Initiation au calcul. A. C.
11.
On notera que l’addition et la soustraction
sont des actes, et que la somme et la différence sont les résultats
de ces actes.
12.
Nombreux sont les éditeurs qui proposent un
matériel tout prêt. Les Éditions Bourrelier, en particulier, ont
étudié un matériel varié, solide et pratique, de bon marché.
13.
J’aurais tendance à rejeter l’étude du
zéro à une leçon ultérieure; même après l’étude des 9
premiers nombres (voir le paragraphe sur la progression, n° 4),
lorsque les termes retirer, enlever, reste et même soustraire, ont
déjà été employés dans d’assez nombreux exercices. A. C.
14 .
J’aurais tendance à retarder l’emploi des
signes et à le placer après l’étude des 5 premiers et même des
9 premiers nombres. Ceci peut permettre, à mon avis, de faire mieux
sentir la souplesse de leur usage. Je pense aussi que dans
l’expérience et, par suite dans l’écriture de l’addition. il
ne faut pas toujours ajouter un nombre à un autre (écrire 1 et
puis +2), mais ajouter deux nombres donnés aussi simultanément que
possible (écrire, avec un intervalle les deux nombres 1, 2, puis
placer le signe + entre les deux). La « commutativité
» de l’addition nous est familière, elle
ne l’est pas encore pour les enfants de 6 ans. On peut aussi
relier la comparaison aux opérations, en ajoutant un livre à deux
livres j’ai obtenu plus
de livres. Je ne peux pas donner trois billes, quand je n’en ai
que deux, parce que trois
est plus grand que deux; ou que deux est plus petit que trois. A. C.
16.
L’emploi de la dizaine nous est aussi plus familier,
donc plus aisé (et nous avons une tendance bien naturelle à
trouver plus facile pour les élèves ce qui est plus facile pour
nous, même si cette facilité n’est qu’une question d’habitude
et de mémoire). On a déjà employé une formation analogue des
nombres de 6 à 10 par addition à 5 (ou à une demi-dizaine), soit
comme première présentation du nombre (voir ci-dessus), soit après
l’avoir constitué en ajoutant 1 au précédent. A. C.
17.
On remarquera que cet usage fait intervenir
(implicitement, bien entendu) «l’associativité»:
On veut ajouter à 3, le nombre 8, qui
est le résultat de la soustraction 10— 2 (un dix de trèfle, dont
on a caché 2 points), on peut ajouter d’abord 10, ce qui fait 13
(on supprime provisoirement le cache), puis, du résultat obtenu,
retrancher 2 (on transporte le cache sur la carte de 3). Avec la
notation des parenthèses indiquant l’ordre des opérations,
l’opération proposée était
3 + (10 — 2), l’opération faite est (3 + 10) - 2. A. C.
18.
On peut regretter que l’emploi de septante
et nonante, familier
à nos voisins de Belgique, ne se soit pas introduit en France. Je
n’ose reprendre ici le conseil suggéré dans l’Initiation;
noms des nombres; p. 60. A. C.
19.
Je dois dire que j’ai ajouté personnellement ces
considérations (et quelques autres précédentes) sur la
multiplication et la division par 2
et par 5, et les
manipulations qui peuvent les illustrer ou les justifier. M. et Mme
Brandicourt y voient de grandes difficultés; ils pensent que la
connaissance effective de la commutativité de la multiplication
n’est expérimentale que d’apparence et ne devient familière
qu’après l’apprentissage de la « table de multiplication ».
Encore serait-il bon d’utiliser la table de Pythagore.
Ceci tient
peut être plus à une conception traditionnelle de la
multiplication qui en fait une «
addition abrégée »,
de sorte que l’un des facteurs a un rôle abstrait de
répétition. La multiplication par 2 (ainsi que les 2 fois 1; 2
fois 2,...) est ainsi la recherche d’un double, alors qu’elle
est aussi bien le calcul des objets dans une collection de paires ou
de couples.
De nombreux exemples montrent d’ailleurs que les
deux facteurs d’une multiplication peuvent avoir tous deux des
significations concrètes, ce qu’illustre notamment la
multiplication et la division (actuellement familière) des nombres
décimaux (les Instructions insistent sur ce point de vue;
Cours élémentaire,
III, 13). A. C.
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