11 octobre 2013

Les problèmes




Les problèmes

Cet article a été rédigé d’après des notes de M. Bompard et de MM. Grenouillet et Evraere, Instituteurs à l’École annexe de l’E. N.

La Résolution de problèmes constitue une partie maîtresse de l’enseignement de l’arithmétique à l’École primaire; elle en est à la fois une base et une conséquence. Les Programmes l’indiquent explicitement et les Instructions confirment et accentuent cette double utilité.

Dans les articles précédents, et plus spécialement dans ceux sur le Cours préparatoire, le Cours élémentaire, le Cours moyen, le Système métrique, le Calcul mental, la Classe de fin d’études, l’Enseignement de la Multiplication et de la Division, on a, maintes fois, rappelé et commenté les indications officielles. On se contente, ici, de reprendre et de développer quelques-unes d’entre elles, en les envisageant au point de vue du choix et de la forme des énoncés des problèmes; de la recherche, du calcul et de la rédaction des solutions. On utilise comme exem­ples des problèmes proposés aux derniers examens d’entrée en Sixième, dont le but est de vérifier que les candidats ont acquis les connaissances et le début d’ap­titude au raisonnement, qu’a dû leur procurer l’enseignement de l’arithmétique à l’École primaire. La majeure partie de ces épreuves montre que leurs auteurs ont observé, d’une façon à la fois stricte et compréhensive, les Programmes et les Instructions officielles. On donne quelques pourcentages des diverses formes ou types (arithmétiques) de ces problèmes.


I.                  CHOIX ET ÉNONCÉS DES PROBLÉMES

La liaison qu’il y a lieu de maintenir entre l’arithmétique de l’école et la vie courante implique des restrictions dans le choix des exercices. Un problème proposé aux élèves doit pouvoir se présenter réellement, dans la pratique, sous une forme peut-être plus complexe, avec des nombres peut-être moins simples. Il convient de rejeter les énoncés créés, trop artificiellement, pour constituer une application d’une théorie arithmétique.
C’est ainsi que la difficulté de trouver des exercices « vraisemblables » sur les « fractions » justifie la diminution de leur importance dans les Programmes (voir Cours moyen, 7, 8, 9). On ne compte pas plus de 10 % d’épreuves des examens qui comportent un calcul de fractions (d’ailleurs modeste : voir Cours moyen, VI, 21 à 24, exemples cités). Encore les énoncés ne sont-ils pas toujours très heureux, même quand ils tentent de justifier l’emploi d’une fraction :
... j’ai oublié les dimensions de ma salle à manger, mais je me souviens que sa largeur est les deux tiers de sa longueur et que son périmètre est de 19 m...
et quel est le commerçant qui sait que « le prix d’un tablier est les deux septièmes du prix d’une robe »...
     La recommandation est plus justifiée encore lorsque la théorie dont le problème veut être une application n’a pas été effectivement, et pour cause, enseignée aux enfants.
C’est le cas de l’exemple suivant : deux frères avaient, l’un 1 000 F, l’autre 5oo F. Ils dépensent tous les deux la même somme et l’avoir du premier est alors 5 fois celui du second. (On ne dit pas comment on s’en aperçoit.) On demande le montant de la dépense de chacun.
Le problème est exactement traduit par l’équation, où la lettre x représente la dépense cherchée :
1 000 — x = 5 x (5oo — x).
Sous cette forme, la solution implique, explicitement ou implicitement, la distributivité de la multiplication relativement à la soustraction, la commutativité et l’associativité de l’addition et la définition de la soustraction (comme opération inverse de l’addition). Moyennant quoi, en employant peut-être des règles plus ou moins précises, ou plus ou moins justifiées, de calcul algébrique, on forme l’équation « équivalente » :
4 x x = 2 500 - 1 000.
Je suppose qu’on espérait que le candidat adopterait, plus ou moins consciemment, « l’inconnue auxiliaire » y = 5oo — x et serait ainsi conduit à résoudre l’équation :
5oo + y = 5 x y;
c’est-à-dire en langage de « raisonnement dit arithmétique » partagerait en 4 la différence des avoirs qui est restée sans changement.
C’est évidemment une forme du problème de « l’âge du père et du fils », peut-être plus artificielle.

Le désir de donner des exercices « réels » pourrait amener à choisir méthodi­quement des calculs dont les résultats ne sont qu’approchés (ou, pour employer des termes consacrés, des divisions qui « ne tombent pas juste »). Je ne crois pas qu’il y ait lieu d’en faire une règle absolue. On n’altère pas beaucoup la vraisem­blance en modifiant légèrement un poids spécifique, donné dans un problème, pour que le poids ou le volume, dont on demande ensuite le calcul, soit exprimé exactement par un nombre décimal, simple.

Dans la rédaction d’un énoncé, on se rapprochera de la réalité du problème, on augmentera la clarté, on facilitera l’observation et la réflexion des élèves, en indiquant toutes les données nécessaires au calcul de la réponse, avant de demander cette réponse. Les si, les sachant que... sont des expressions dont l’emploi est certes correct, mais alourdit et obscurcit les phrases, sans nécessité.

Un automobiliste doit faire une course; on sait l’heure de son départ et la longueur du trajet; on connaît (par des courses précédentes) quelle sera (à peu près) sa vitesse moyenne. La question posée ensuite sous la forme : « à quelle heure arrivera-t-il, sachant qu’il s’est arrêté une heure (i) en cours de route » change inutilement la succession des événements. J’aimerais mieux : « il compte s’arrêter une heure en cours de route; à quelle heure peut-il espérer arriver ? » Ce calcul de « prévision » effectué, on peut faire rectifier l’estimation de la vitesse moyenne (ou commerciale) en indiquant les heures effectives de départ, d’arrêt et d’arrivée.

(i) On remarquera que « heure », désigne dans ces énoncés, soit une unité de temps (une heure d’arrêt), soit une « époque » (voir Cours élémentaire, IV, 52, et Cours moyen, VII, 33).

II.               SOLUTION. CALCUL NUMÉRIQUE

     La solution d’un problème arithmétique comporte évidemment :       le choix des  opérations à faire avec les données (numériques) de l’énoncé; 2) le calcul effectif des résultats de ces opérations.
Ces deux parties de la solution ne sont pas nécessairement consécutives. L’élève peut décider d’abord de la suite des opérations qu’il aura à faire, puis exécuter les calculs dans l’ordre qu’il a adopté. Mais dans l’exposé qu’il en fera, chaque opération sera justifiée en même temps qu’effectuée. Cet exposé se présente ainsi comme un énoncé complété progressivement par des résultats intermédiaires qui apparais­sent en quelque sorte comme des données surabondantes.
Il peut se faire que, dans certains cas, ou pour certains élèves, cette simulta­néité du choix et du calcul des opérations successives apparaisse plus facile à réaliser directement que l’établissement d’un schéma préalable.
Il n’y a pas lieu de revenir sur le calcul effectif ou la technique des opéra­tions. Il importe que ces techniques, ces règles et ces mécanismes soient enseignés, illustrés et éventuellement justifiés par la solution de problèmes appropriés. C’est ce qui a été fait dans les nombreux exemples donnés dans les articles ci-dessus, Cours élémentaire et Cours moyen. Ils se conforment d’ailleurs ainsi aux Instruc­tions (C. E., 5, 6, 7; C. M., 2 à 5).

On verra peut-être un certain intérêt à faire accompagner un calcul sur des nombres assez compliqués par un calcul sur des nombres simples approchés, qui permet d’obtenir un « ordre de grandeur » du résultat et peut-être d’empêcher une erreur grossière de position de la virgule.





III.           SOLUTION. RAISONNEMENT

Le terme de raisonnement est peut-être un peu ambitieux, appliqué aux problèmes de l’École primaire.
Au Cours préparatoire, les problèmes doivent être, plus précisément, des manipulations de collections d’objets, accompagnés d’un premier travail modeste d’abstraction et de mémoire. On aboutit ainsi à donner aux enfants une première notion du sens (ou plutôt des sens) de l’addition et de la soustraction.
C’est le « sens » des quatre opérations élémentaires (portant encore sur des nombres entiers simples) qui doit être acquis au Cours élémentaire, et cette acqui­sition doit être, comme il a été dit, menée de front avec celle du mécanisme et de la technique. Les manipulations (moins nombreuses qu’au C. P.), les problèmes écrits et oraux, ne comportant qu’une seule opération (Instructions, C.E., 15), doivent conduire les élèves à reconnaître, sans hésiter, celle des opérations qu’il faut faire pour répondre à la question posée. Cette réponse comprend, bien entendu, en plus d’un nombre, le nom de l’unité qui doit le suivre, et, éventuelle­ment, une précision sur la nature de la grandeur qu’il représente. On recommande à ce sujet la notation concrète préconisée dans l’article sur l’enseignement de la multiplication et de la division (II, 1) et employée d’ailleurs dans l’article sur le Cours moyen (III, 13 et 14).
Dans la solution orale ou écrite, il peut être bon de reprendre une partie de l’énoncé, pour aboutir à l’expression précise et correcte de l’opération à effectuer, qu’on peut ensuite condenser en une formule où les nombres suivis de l’indication des unités sont reliés par les signes conventionnels (Instructions, C.E., 9). Dans deux articles de l’Éducation Nationale (n°’ 6 et 7 du 10 et 17 février 1955), M. R. Brandicourt a montré l’inutilité d’employer un langage «exceptionnel» (variable d’ailleurs avec chaque élève) pour traduire un raisonnement arithmétique ou justifier un calcul. Il a insisté sur la possibilité et l’importance de l’emploi de termes exacts et de phrases correctes.
Ces recommandations sont valables pour le Cours moyen : de nombreux problèmes sont faits de questions successives qui ne nécessitent chacune qu’une opéra­tion. On peut y répondre en reprenant sommairement le texte pour chacune, en le complétant par l’indication de l’opération à effectuer, puis par la formule qui exprime cette opération et son résultat (numérique).
J’emprunte un exemple à un examen d’entrée en sixième, le texte n’a volontaire­ment pas été reproduit, la solution permet de le reconstituer; chaque calcul répond à une question effectivement posée; on conçoit que l’énoncé aurait pu se borner à certaines de ces questions, en laissant au candidat le soin de se poser lui-même les autres.
     La base du tas de bois est un rectangle (cette précision n’était pas dans le texte) dont les dimensions sont 11,50 m et 1,20 m; sa surface est obtenue en multipliant ces dimen­sions :
11,5 m x 1,2 m     =    13,80 m2.
Le tas a une hauteur de 1,8o m; son volume est égal au produit (de la multiplication) de la surface de sa base par cette hauteur :
13,80 m2 x 1,8 m    =    24,840 m3.
Le prix d’achat de 1 stère est 1 800 F; le prix d’achat du tas est obtenu en multi­pliant 1 800 F par st par le volume, en stères, qui est égal (ou exprimé par le même nombre) que le volume en m3 :
24,86o m3    =     24,86 st ;       1 800 F par st x 24,86 st          =   44 712 F.
    Le prix de vente est calculé en ajoutant au prix d’achat le bénéfice (qui est 17690 F) :
44 712 + 17 690        =        62 402 F.
    Le marchand « estime » qu’il a ainsi vendu son bois 410 F par q :
410 F par q x poids du bois = 62 402 F;
on calcule le poids du bois par une division :
62 402 F : 410 F par q =       152,2 q ; (reste 0).
Le bois a été vendu en deux parts dont l’une pèse 84, 9 q :
84,9 q + deuxième part     =    152,2 q;
on calcule le poids de la deuxième part par une soustraction :
152,2 — 84,9       =      67,3 q.

Remarques. — Dans les formules d’addition et de soustraction, on n’a pas fait figurer l’unité des grandeurs du premier membre, c’est nécessairement la même que celle de la grandeur résultat.
Il peut sembler assez curieux que le marchand sache le prix du bois au quintal, sans connaître le poids de ce bois. Il aurait peut-être été plus vraisemblable de donner le poids spécifique du bois en tas et de faire calculer le prix du quintal.
Au point de vue de la correction et de la notation, on remarquera qu’une erreur de calcul, dans une des opérations, entraîne l’inexactitude de tous les résultats suivants. Il conviendrait sans doute de noter séparément, d’une part le raisonnement, ou plus exactement le choix correct des opérations; d’autre part les calculs; encore faudrait-il vérifier ceux qui auraient pu être faits avec des données intermédiaires inexactes.

Environ  40 % des problèmes des examens d’entrée en sixième (1954) sont ainsi formés d’une succession de questions. La difficulté pour le candidat est sans doute la diversité des opérations à reconnaître et à effectuer.

C’est ainsi que dans les deux problèmes d’un même examen, on relève la suite des opérations :
Soustraction d’une tare pour obtenir un poids net de confiture; recherche par une division du prix d’achat au kg; calcul par une division, à une unité près, d’une réparti­tion en pots de la confiture; multiplication du prix de vente d’un pot par le nombre de pots.
Multiplication par une échelle (donc division par son dénominateur) pour obtenir les dimensions du plan d’un champ; calcul par division du prix de l’are; recherche par division du pourcentage des frais (relativement au prix d’achat).

On remarquera que dans ces deux problèmes, certaines questions sont indépendantes des précédentes.

Quelques problèmes sont présentés sous la forme d’une facture dont certains nombres ont été « effacés par des taches » et qu’on demande de retrouver (il en reste bien entendu assez pour que le problème soit possible). Dans ce cas le candidat doit choisir lui-même l’ordre des calculs à faire, qui n’est pas indifférent.

Cependant, dans certains problèmes, la réponse à une question peut exiger le calcul de résultats intermédiaires, qui ne sont pas explicitement demandés par l’énoncé et dont le choix doit être fait par le candidat lui-même. Souvent la question posée entraîne (sans hésitation) l’indication de l’opération finale; il faut en calculer préalablement les termes.
Pierre et Jean échangent leurs propriétés qui sont des terrains. Quel est celui qui doit de l’argent à l’autre et combien ?
C’est demander la différence des valeurs des propriétés; il faut calculer ces valeurs, en cherchant les surfaces, puis en les multipliant par la valeur de l’unité d’aire.
Un commerçant achète du vin, il en vend un volume avec un bénéfice, le reste avec une perte. On demande le bénéfice (ou la perte) moyen par litre. II faudra diviser le bénéfice (ou la perte) total par le volume. Ce bénéfice (ou cette perte) est la différence entre le prix d’achat et le prix de vente. Il faut calculer ces prix, ce qui peut être fait par des calculs familiers.
Les solutions peuvent exiger des transformations d’unités; il semble commode de fixer à l’avance les unités qui seront employées au cours des calculs, sauf à faire une transformation finale pour exprimer la grandeur demandée avec l’unité imposée.
Les mouvements, supposés uniformes, sont une source commode et fréquente de problèmes (15 % pour les examens d’entrée en sixième); ils nécessitent une attention spéciale pour le choix et le changement des unités. Il semble très suffi­sant de se limiter à l’emploi des heures et minutes pour exprimer soit une époque (appelée incorrectement une heure), soit une durée. Les calculs peuvent être res­treints, d’une part, à la recherche d’une durée, d’une distance ou d’une vitesse, par utilisation de la formule (ou relation) :
vitesse x temps    =    distance;
d’autre part, à l’addition ou à la soustraction de nombres complexes (h et mn) pour obtenir les époques (ou heures) du départ ou de l’arrivée, dont la différence est la durée de trajet (voir C. E., IV, 12, et C. M., VIII, 33). L’introduction d’ar­rêts et de changements de vitesse serait très simplifiée si les élèves pouvaient être habitués à l’emploi méthodique des « représentations graphiques ».
Le calcul des surfaces décomposables en rectangles (à côtés parallèles), les carrelages et découpages fournissent des problèmes (7 à 8 % aux examens) qui donnent peut-être des indications sur l’esprit d’observation des enfants et sur leur sens, aussi bien des figures que de la division à une unité près. Il importe, semble-t-il, de faire accompagner toute solution d’un croquis, sinon d’un dessin à une échelle exacte (ce qui n’est pas sans soulever des difficultés matérielles dans un examen : règle, équerre, double décimètre).
Des énoncés de problèmes (heureusement plus rares, moins de 10 %) expri­ment en fait une ou deux « équations du premier degré », dont la résolution ne présentera aucune difficulté pour l’élève, lorsqu’il aura été initié, dans la suite de ses études, à un très modeste calcul algébrique. Leur solution, « qualifiée arithmé­tique », n’est en réalité qu’un choix convenable d’inconnue, ou une transforma­tion de l’équation (ou des équations) en un système équivalent. Je ne crois pas qu’elle présente un intérêt dans l’enseignement de l’arithmétique à l’École pri­maire, d’autant plus que les exercices « fabriqués » dans ce but présentent très souvent un caractère artificiel.
Un exemple en a été cité ci-dessus (les deux frères qui ont dépensé la même somme); le type le plus fréquent est celui des « partages inégaux » :
Le périmètre d’un champ rectangulaire mesure 940 m; la différence des côtés est 70 m. Les deux dimensions, désignées par x et y, vérifient les équations :
x + y    =   470 m ;     (demi-périmètre);
x — y =     70 m.
La méthode, aussi bien arithmétique qu’algébrique, consiste à additionner et à soustraire, membre à membre, ce qui donne le système équivalent d’équations:
2 X x = 470+70;                         2 X y = 470 — 70.
On peut, il est vrai, exprimer cette transformation en disant qu’en ajoutant au demi-périmètre l’excédent, on obtient deux fois la longueur; tandis qu’en le retranchant, on obtient deux fois la largeur (supposée la plus petite des deux dimensions). On pense souvent qu’un schéma géométrique rend cette solution intuitive; je crains qu’il ne remplace un mécanisme par un mécanisme.



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