Les problèmes
Cet article a été
rédigé d’après des notes de M. Bompard et de MM. Grenouillet et Evraere,
Instituteurs à l’École annexe de l’E. N.
La Résolution de problèmes constitue une partie
maîtresse de l’enseignement de l’arithmétique à l’École primaire; elle en est à
la fois une base et une conséquence. Les Programmes l’indiquent
explicitement et les Instructions confirment et accentuent cette double
utilité.
Dans les articles précédents, et plus spécialement
dans ceux sur le Cours préparatoire, le Cours élémentaire, le Cours moyen, le
Système métrique, le Calcul mental, la Classe de fin d’études, l’Enseignement de
la Multiplication et de la Division, on a, maintes fois, rappelé et commenté
les indications officielles. On se contente, ici, de reprendre et de développer
quelques-unes d’entre elles, en les envisageant au point de vue du choix et de
la forme des énoncés des problèmes; de la recherche, du calcul et de la
rédaction des solutions. On utilise comme exemples des problèmes proposés aux
derniers examens d’entrée en Sixième, dont le but est de vérifier que les
candidats ont acquis les connaissances et le début d’aptitude au raisonnement,
qu’a dû leur procurer l’enseignement de l’arithmétique à l’École primaire. La
majeure partie de ces épreuves montre que leurs auteurs ont observé, d’une
façon à la fois stricte et compréhensive, les Programmes et les Instructions
officielles. On donne quelques pourcentages des diverses formes ou types
(arithmétiques) de ces problèmes.
I.
CHOIX ET
ÉNONCÉS DES PROBLÉMES
La liaison qu’il y a lieu de maintenir entre l’arithmétique
de l’école et la vie courante implique des restrictions dans le choix des
exercices. Un problème proposé aux élèves doit pouvoir se présenter réellement,
dans la pratique, sous une forme peut-être plus complexe, avec des nombres
peut-être moins simples. Il convient de rejeter les énoncés créés, trop artificiellement,
pour constituer une application d’une théorie arithmétique.
C’est ainsi que la difficulté de trouver des exercices
« vraisemblables » sur les « fractions » justifie la diminution de leur
importance dans les Programmes (voir Cours moyen, 7, 8, 9). On ne compte
pas plus de 10 % d’épreuves des examens qui comportent un calcul de fractions
(d’ailleurs modeste : voir Cours moyen, VI, 21 à 24, exemples cités). Encore
les énoncés ne sont-ils pas toujours très heureux, même quand ils tentent de
justifier l’emploi d’une fraction :
... j’ai oublié les dimensions de ma salle à manger, mais je me souviens que sa
largeur est les deux tiers de sa longueur et que son périmètre est de 19 m...
et quel est le commerçant qui sait que « le prix d’un
tablier est les deux septièmes du prix d’une robe »...
La
recommandation est plus justifiée encore lorsque la théorie dont le problème
veut être une application n’a pas été effectivement, et pour cause, enseignée
aux enfants.
C’est le cas de l’exemple suivant : deux frères avaient,
l’un 1 000 F, l’autre 5oo F. Ils dépensent tous les deux la même
somme et l’avoir du premier est alors 5 fois celui du second. (On ne dit
pas comment on s’en aperçoit.) On demande le montant de la dépense de
chacun.
Le problème est exactement traduit par l’équation, où
la lettre x représente la dépense cherchée :
1 000 — x = 5 x (5oo — x).
Sous cette forme, la solution implique, explicitement
ou implicitement, la distributivité de la multiplication relativement à la
soustraction, la commutativité et l’associativité de l’addition et la
définition de la soustraction (comme opération inverse de l’addition).
Moyennant quoi, en employant peut-être des règles plus ou moins précises, ou
plus ou moins justifiées, de calcul algébrique, on forme l’équation «
équivalente » :
4 x x = 2 500 - 1 000.
Je suppose qu’on espérait que le candidat adopterait,
plus ou moins consciemment, « l’inconnue auxiliaire » y = 5oo — x et
serait ainsi conduit à résoudre l’équation :
5oo + y = 5 x y;
c’est-à-dire en langage de « raisonnement dit
arithmétique » partagerait en 4 la différence des avoirs qui est restée sans
changement.
C’est évidemment une forme du problème de « l’âge
du père et du fils », peut-être
plus artificielle.
Le désir de donner des exercices « réels » pourrait
amener à choisir méthodiquement des calculs dont les résultats ne sont qu’approchés
(ou, pour employer des termes consacrés, des divisions qui « ne tombent pas
juste »). Je ne crois pas qu’il y ait lieu d’en faire une règle absolue. On n’altère
pas beaucoup la vraisemblance en modifiant légèrement un poids spécifique,
donné dans un problème, pour que le poids ou le volume, dont on demande ensuite
le calcul, soit exprimé exactement par un nombre décimal, simple.
Dans la rédaction d’un énoncé, on se rapprochera de la
réalité du problème, on augmentera la clarté, on facilitera l’observation et la
réflexion des élèves, en indiquant toutes les données nécessaires au calcul de
la réponse, avant de demander cette réponse. Les si, les sachant
que... sont des expressions dont l’emploi est certes correct, mais alourdit
et obscurcit les phrases, sans nécessité.
Un automobiliste doit faire une course; on sait l’heure
de son départ et la longueur du trajet; on connaît (par des courses
précédentes) quelle sera (à peu près) sa vitesse moyenne. La question
posée ensuite sous la forme : « à quelle heure arrivera-t-il, sachant qu’il
s’est arrêté une heure (i) en cours de route » change inutilement la
succession des événements. J’aimerais mieux : « il compte s’arrêter une
heure en cours de route; à quelle heure peut-il espérer arriver ? » Ce
calcul de « prévision » effectué, on peut faire rectifier l’estimation de la
vitesse moyenne (ou commerciale) en indiquant les heures effectives de départ,
d’arrêt et d’arrivée.
(i) On remarquera
que « heure », désigne dans ces énoncés, soit une unité de temps (une
heure d’arrêt), soit une « époque » (voir Cours élémentaire, IV, 52, et
Cours moyen, VII, 33).
II.
SOLUTION.
CALCUL NUMÉRIQUE
La solution
d’un problème arithmétique comporte évidemment : le choix des opérations
à faire avec les données (numériques) de l’énoncé; 2) le calcul effectif des
résultats de ces opérations.
Ces deux parties de la solution ne sont pas
nécessairement consécutives. L’élève peut décider d’abord de la suite des
opérations qu’il aura à faire, puis exécuter les calculs dans l’ordre qu’il a
adopté. Mais dans l’exposé qu’il en fera, chaque opération sera justifiée en même
temps qu’effectuée. Cet exposé se présente ainsi comme un énoncé complété
progressivement par des résultats intermédiaires qui apparaissent en quelque
sorte comme des données surabondantes.
Il peut se faire que, dans certains cas, ou pour
certains élèves, cette simultanéité du choix et du calcul des opérations
successives apparaisse plus facile à réaliser directement que l’établissement d’un
schéma préalable.
Il n’y a pas lieu de revenir sur le calcul effectif ou
la technique des opérations. Il importe que ces techniques, ces règles et ces
mécanismes soient enseignés, illustrés et éventuellement justifiés par
la solution de problèmes appropriés. C’est ce qui a été fait dans les nombreux
exemples donnés dans les articles ci-dessus, Cours élémentaire et Cours moyen.
Ils se conforment d’ailleurs ainsi aux Instructions (C. E., 5, 6, 7; C.
M., 2 à 5).
On verra peut-être un certain intérêt à faire
accompagner un calcul sur des nombres assez compliqués par un calcul sur des
nombres simples approchés, qui permet d’obtenir un « ordre de grandeur » du
résultat et peut-être d’empêcher une erreur grossière de position de la
virgule.
III.
SOLUTION.
RAISONNEMENT
Le terme de raisonnement est peut-être un peu
ambitieux, appliqué aux problèmes de l’École primaire.
Au Cours préparatoire, les problèmes doivent être,
plus précisément, des manipulations de collections d’objets, accompagnés
d’un premier travail modeste d’abstraction et de mémoire. On aboutit ainsi à
donner aux enfants une première notion du sens (ou plutôt des sens) de l’addition
et de la soustraction.
C’est le « sens » des quatre opérations élémentaires
(portant encore sur des nombres entiers simples) qui doit être acquis au Cours
élémentaire, et cette acquisition doit être, comme il a été dit, menée de front
avec celle du mécanisme et de la technique. Les manipulations (moins nombreuses
qu’au C. P.), les problèmes écrits et oraux, ne comportant qu’une seule
opération (Instructions, C.E., 15), doivent conduire les élèves à
reconnaître, sans hésiter, celle des opérations qu’il faut faire pour répondre
à la question posée. Cette réponse comprend, bien entendu, en plus d’un nombre,
le nom de l’unité qui doit le suivre, et, éventuellement, une précision sur la
nature de la grandeur qu’il représente. On recommande à ce sujet la notation
concrète préconisée dans l’article sur l’enseignement de la multiplication
et de la division (II, 1)
et employée d’ailleurs dans l’article sur le Cours moyen (III, 13 et 14).
Dans la solution orale ou écrite, il peut être bon de
reprendre une partie de l’énoncé, pour aboutir à l’expression précise et
correcte de l’opération à effectuer, qu’on peut ensuite condenser en une
formule où les nombres suivis de l’indication des unités sont reliés par
les signes conventionnels (Instructions, C.E., 9). Dans deux articles de
l’Éducation Nationale (n°’ 6 et 7 du 10 et 17 février 1955), M. R.
Brandicourt a montré l’inutilité d’employer un langage «exceptionnel» (variable
d’ailleurs avec chaque élève) pour traduire un raisonnement arithmétique ou
justifier un calcul. Il a insisté sur la possibilité et l’importance de l’emploi
de termes exacts et de phrases correctes.
Ces recommandations sont valables pour le Cours moyen
: de nombreux problèmes sont faits de questions successives qui ne nécessitent
chacune qu’une opération. On peut y répondre en reprenant sommairement le
texte pour chacune, en le complétant par l’indication de l’opération à
effectuer, puis par la formule qui exprime cette opération et son résultat
(numérique).
J’emprunte un exemple à un examen d’entrée en sixième,
le texte n’a volontairement pas été reproduit, la solution permet de le
reconstituer; chaque calcul répond à une question effectivement posée; on
conçoit que l’énoncé aurait pu se borner à certaines de ces questions, en
laissant au candidat le soin de se poser lui-même les autres.
La base du
tas de bois est un rectangle (cette précision n’était pas dans le texte)
dont les dimensions sont 11,50 m et 1,20 m; sa surface est obtenue en
multipliant ces dimensions :
11,5 m x 1,2 m = 13,80 m2.
Le tas a une hauteur de 1,8o m; son volume est égal au
produit (de la multiplication) de la surface de sa base par cette hauteur :
13,80 m2 x 1,8 m = 24,840 m3.
Le prix d’achat de 1 stère est 1 800 F; le prix d’achat
du tas est obtenu en multipliant 1 800 F par st par le volume, en stères, qui
est égal (ou exprimé par le même nombre) que le volume en m3 :
24,86o m3 = 24,86 st ; 1
800 F par st x 24,86 st = 44
712 F.
Le prix de
vente est calculé en ajoutant au prix d’achat le bénéfice (qui est 17690 F) :
44 712 + 17 690 =
62 402 F.
Le marchand
« estime » qu’il a ainsi vendu son bois 410 F par q :
410 F par q x poids du bois = 62 402 F;
on calcule le poids du bois par une division :
62 402 F : 410 F par q = 152,2 q ; (reste 0).
Le bois a été vendu en deux parts dont l’une pèse 84, 9 q :
Le bois a été vendu en deux parts dont l’une pèse 84, 9 q :
84,9 q + deuxième part = 152,2
q;
on calcule le poids de la deuxième part par une soustraction :
on calcule le poids de la deuxième part par une soustraction :
152,2 — 84,9
= 67,3 q.
Remarques. — Dans
les formules d’addition et de soustraction, on n’a pas fait figurer l’unité des
grandeurs du premier membre, c’est nécessairement la même que celle de la
grandeur résultat.
Il peut sembler assez curieux que le marchand sache le
prix du bois au quintal, sans connaître le poids de ce bois. Il aurait
peut-être été plus vraisemblable de donner le poids spécifique du bois en tas
et de faire calculer le prix du quintal.
Au point de vue de la correction et de la notation, on
remarquera qu’une erreur de calcul, dans une des opérations, entraîne l’inexactitude
de tous les résultats suivants. Il conviendrait sans doute de noter séparément,
d’une part le raisonnement, ou plus exactement le choix correct des opérations;
d’autre part les calculs; encore faudrait-il vérifier ceux qui auraient pu être
faits avec des données intermédiaires inexactes.
Environ 40 %
des problèmes des examens d’entrée en sixième (1954) sont ainsi formés d’une
succession de questions. La difficulté pour le candidat est sans doute la
diversité des opérations à reconnaître et à effectuer.
C’est ainsi que dans les deux problèmes d’un même
examen, on relève la suite des opérations :
Soustraction d’une
tare pour obtenir un poids net de confiture; recherche par une division du
prix d’achat au kg; calcul par une division, à une unité près, d’une
répartition en pots de la confiture; multiplication du prix de vente d’un
pot par le nombre de pots.
Multiplication par une échelle (donc division par son dénominateur) pour obtenir les
dimensions du plan d’un champ; calcul par division du prix de l’are;
recherche par division du pourcentage des frais (relativement au
prix d’achat).
On remarquera que dans ces deux problèmes, certaines
questions sont indépendantes des précédentes.
Quelques problèmes sont présentés sous la forme d’une facture
dont certains nombres ont été « effacés par des taches » et qu’on demande
de retrouver (il en reste bien entendu assez pour que le problème soit
possible). Dans ce cas le candidat doit choisir lui-même l’ordre des
calculs à faire, qui n’est pas indifférent.
Cependant, dans certains problèmes, la réponse à une
question peut exiger le calcul de résultats intermédiaires, qui ne sont pas
explicitement demandés par l’énoncé et dont le choix doit être fait par le candidat
lui-même. Souvent la question posée entraîne (sans hésitation) l’indication de
l’opération finale; il faut en calculer préalablement les termes.
Pierre et Jean échangent leurs propriétés qui sont des
terrains. Quel est celui qui doit de l’argent à l’autre et combien ?
C’est demander la différence des valeurs des
propriétés; il faut calculer ces valeurs, en cherchant les surfaces, puis en
les multipliant par la valeur de l’unité d’aire.
Un commerçant achète du vin, il en vend un volume avec
un bénéfice, le reste avec une perte. On demande le bénéfice (ou la perte)
moyen par litre. II faudra diviser le bénéfice (ou la perte) total par
le volume. Ce bénéfice (ou cette perte) est la différence entre le prix
d’achat et le prix de vente. Il faut calculer ces prix, ce qui peut être fait
par des calculs familiers.
Les solutions peuvent exiger des transformations d’unités;
il semble commode de fixer à l’avance les unités qui seront employées au cours
des calculs, sauf à faire une transformation finale pour exprimer la grandeur
demandée avec l’unité imposée.
Les mouvements, supposés uniformes, sont une source
commode et fréquente de problèmes (15 % pour les examens d’entrée en sixième);
ils nécessitent une attention spéciale pour le choix et le changement des
unités. Il semble très suffisant de se limiter à l’emploi des heures et
minutes pour exprimer soit une époque (appelée incorrectement une
heure), soit une durée. Les calculs peuvent être restreints, d’une
part, à la recherche d’une durée, d’une distance ou d’une vitesse, par
utilisation de la formule (ou relation) :
vitesse x temps
= distance;
d’autre part, à l’addition ou à la soustraction de
nombres complexes (h et mn) pour obtenir les époques (ou heures) du départ ou
de l’arrivée, dont la différence est la durée de trajet (voir C. E., IV, 12, et
C. M., VIII, 33). L’introduction d’arrêts et de changements de vitesse serait
très simplifiée si les élèves pouvaient être habitués à l’emploi méthodique des
« représentations graphiques ».
Le calcul des surfaces décomposables en rectangles (à
côtés parallèles), les carrelages et découpages fournissent des problèmes (7 à
8 % aux examens) qui donnent peut-être des indications sur l’esprit d’observation
des enfants et sur leur sens, aussi bien des figures que de la division à une
unité près. Il importe, semble-t-il, de faire accompagner toute solution d’un
croquis, sinon d’un dessin à une échelle exacte (ce qui n’est pas sans soulever
des difficultés matérielles dans un examen : règle, équerre, double décimètre).
Des énoncés de problèmes (heureusement plus rares,
moins de 10 %) expriment en fait une ou deux « équations du premier
degré », dont
la résolution ne présentera aucune difficulté pour l’élève, lorsqu’il aura été
initié, dans la suite de ses études, à un très modeste calcul algébrique. Leur
solution, « qualifiée arithmétique », n’est en réalité qu’un choix convenable d’inconnue,
ou une transformation de l’équation (ou des équations) en un système
équivalent. Je ne crois pas qu’elle présente un intérêt dans l’enseignement
de l’arithmétique à l’École primaire, d’autant plus que les exercices «
fabriqués » dans ce but présentent très souvent un caractère artificiel.
Un exemple en a été cité ci-dessus (les deux frères
qui ont dépensé la même somme); le type le plus fréquent est celui des « partages
inégaux » :
Le périmètre d’un champ rectangulaire mesure 940 m; la
différence des côtés est 70 m. Les deux dimensions, désignées par x et
y, vérifient les équations :
x + y = 470 m ; (demi-périmètre);
x — y = 70 m.
La méthode, aussi bien arithmétique qu’algébrique,
consiste à additionner et à soustraire, membre à membre, ce qui donne le
système équivalent d’équations:
2 X x = 470+70; 2
X y = 470 — 70.
On peut, il est vrai, exprimer cette transformation en
disant qu’en ajoutant au demi-périmètre l’excédent, on obtient deux fois la
longueur; tandis qu’en le retranchant, on obtient deux fois la largeur
(supposée la plus petite des deux dimensions). On pense souvent qu’un schéma
géométrique rend cette solution intuitive; je crains qu’il ne remplace un mécanisme
par un mécanisme.
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