Jamais un média arabe n’a parlé
du Frère
Rachid que pour le dénoncer, l’insulter, le condamner et publier
des fatwas incitant à sa persécution et son assassinat. Or, c’est la première
fois qu’un journal égyptien, Ach-Choura (Le
Conseil), ose l’interviewer. Dans son édition du 10 avril 2017, deux
journalistes de ce journal, Ahmad Al-Sayyid et Haytham Saïd, franchissent le
Rubicon et l’interrogent sur son parcours de l’islam au christianisme,
l’athéisme, ses premiers contacts avec des chrétiens, la raison de sa critique
de l’islam, son attitude vis-à-vis d’Islam Bahiri, son nouveau livre
« Daech et l’islam », les rapports entre al-Azhar et le terrorisme,
etc. En voici quelques extraits traduits de l’arabe en français.
La conversion au Christianisme
Q: Comment avez-vous
renoncé à l’islam et embrassé le christianisme ?
R: Mon contact avec
le christianisme a débuté à l’âge de 12 ans. En ce temps-là, j’écoutais la
chaine, « Trans World Radio ». Cette radio occidentale diffusait un
programme présentant « Jésus d’un point de vue chrétien ». Ce fut la
première fois que j’entendais le nom de « Jésus » et pas
« Issa ».
Au passage, je voudrais signaler
que chez nous au Maroc, il n’y a pas de communauté chrétienne locale comme chez
vous en Égypte. C’est pourquoi, nous ne savions grand-chose sur le
christianisme, si ce n’est que ce qui est dit dans les textes religieux
islamiques.
Suite à l’écoute de cette
émission, j’ai entamé une correspondance avec ses animateurs pour leur dire que
leur discours était truffé d’erreurs. Car, le Coran nous dit que le Christ est
un simple prophète et pas un Dieu incarné. « Ils ne l’ont ni tué ni
crucifié; mais ce n’est qu’un faux-semblant, » selon la sourate 4, verset
157. J’ai ajouté qu’un autre prophète est venu après lui, c’est Mahomet, et que
l’Islam a abrogé le christianisme dont on n’a plus besoin.
Je voulais ainsi défendre ma
religion, mes convictions et illustrer la supériorité de notre islam dans ce
débat que j’ai entamé.
Cette correspondance a duré
plusieurs mois. Elle m’a permis par la suite de découvrir que je ne savais du
christianisme que des choses erronées et que sa connaissance sérieuse et
raisonnable nécessitait une lecture comparée d’un bon nombre de références.
C’est alors que j’ai commencé au collège, puis au lycée, à poursuivre l’étude
de la croyance chrétienne par correspondance. Cela m’a permis de comprendre que
les croyances qui constituaient pour moi des postulats irréfutables,
inébranlables, ne l’étaient pas en réalité. En effet, la négation par l’Islam
de la crucifixion du Christ, de sa divinité, ainsi que le fait d’accuser les Chrétiens
d’avoir falsifié ou corrompu l’Évangile, ne pouvaient pas être traités avec
tant de naïveté et de légèreté.
Ces thèmes m’ont donc conduit à
une réflexion objective me permettant de favoriser la vision ou l’attitude
chrétienne dans les questions conflictuelles entre l’Islam et le Christianisme.
Suite aux conclusions tirées de
ma recherche et de ma réflexion j’ai été en proie à un conflit interne très
difficile et une souffrance psychique angoissante. C’est ainsi que je me suis
trouvé face à deux options : soit abandonner l’Islam et embrasser le
Christianisme en raison des résultats auxquels j’étais parvenu, soit ignorer
l’impact de ces comparaisons effectuées et vivre toute ma vie dans
l’hypocrisie : chrétien dans la pensée et les convictions, et musulman en
apparence.
Refusant d’être inconséquent avec
ma conscience et ma conviction, j’ai décidé d’abandonner l’Islam, d’embrasser
le christianisme, et d’endosser les conséquences de cette décision.
Q: Y a-t-il un fait
précis qui vous a forcé le plus à quitter l’islam ?
R: En effet, aucun
fait particulier n’a contribué à mon abandon de l’Islam. En réalité, j’ai aimé
l’islam de tout cœur et avec dévouement. J’aimais et j’aime toujours mon père
et ma mère. Je voulais toujours les satisfaire de toutes mes forces. J’aimais
le statut social de mon père qui était l’imam de notre village, lui qui
jouissait d’un respect inouï dans son milieu. Il aimait Dieu et voulait tout
faire pour le satisfaire. Quant à mon abandon de l’Islam, il est uniquement dû
au conflit intellectuel au moment où je faisais la comparaison entre le
Christianisme et l’Islam, et à rien d’autre.
Q: Vous évoquez un
conflit intellectuel qui vous a perturbé. Voulez-vous nous en donner un fait
concret comme exemple ?
R: Bien entendu, je
peux évoquer l’exemple de la crucifixion de Jésus Christ. L’Islam dit qu’il n’a
pas été crucifié et qu’un autre individu l’a été à sa place. En revanche, le
Christianisme affirme qu’il a été crucifié. Si on accepte l’assertion
islamique, alors nous serons forcés de reconnaître :
Premièrement, que Dieu lui-même a
réalisé la procédure du faux-semblant.
Deuxièmement, que ceux qui ont
écrit l’Évangile, ont décrit ce qu’ils ont vu.
En effet, ils ont vu un individu
qui ressemblait au Christ, croyant qu’il était le Christ lui-même. Par
conséquent ils étaient fidèles dans leur description. Alors pourquoi faut-il
accuser les chrétiens d’avoir cru et de croire toujours que le Christ a bien
été crucifié ? Donc, celui qui les a trompés, c’était Dieu lui-même. Or, à
Dieu ne plaise qu’il fasse de pareilles choses. Dans ce cas, nous nous trouvons
devant un dilemme : soit le Christ a été effectivement crucifié, soit Dieu
est responsable de l’égarement des Chrétiens (et des Juifs), en leur faisant
croire que le crucifié était Jésus de Nazareth, alors qu’il ne l’était pas en
réalité
En effet, le récit islamique ne
résiste pas devant la vérification, la clarification et l’approfondissement.
Les chrétiens disposent de documents historiques qui confirment que le Christ a
été crucifié et dont les auteurs n’étaient pas chrétiens, comme l’historien et
sénateur romain Tacitus (58-120), l’écrivain satiriste Lucien de Samasote
(120-180), l’historien juif Titus Flavius Josephus (37/38-100), et tant
d’autres. Que dire aussi des auteurs des Évangiles ? N’étaient-ils pas
plus proches dans le temps et l’espace des évènements que le Christ a vécus sur
terre ? Par conséquent, Il serait irraisonnable et inconcevable d’accepter
un document paru au VIIe siècle et de rejeter des documents qui datent du
premier siècle de l’ère chrétienne.
En outre, la science des archives
accorde la crédibilité aux documents les plus anciens et les plus contemporains
d’un évènement. Il sera alors absurde d’y insérer la foi sans preuve tangible.
Donc, la mort du Christ est confirmée si on se réfère aux documents de
l’époque. Par conséquent, le récit de la ressemblance ne tient pas devant les
preuves.
L’athéisme
َQ: Pourquoi
n’êtes-vous pas devenu athée et avez-vous choisi l’adhésion au
Christianisme ?
R: L’idée de
l’athéisme m’a longtemps taraudé, au moment où j’ai vécu un conflit interne
très pénible. Au début, je voulais me libérer de toutes les religions. Lorsque
j’avais perdu confiance en ma religion de naissance, il ne m’était plus facile
d’avoir confiance en une autre. Alors, j’ai souvent pensé devenir athée, mais
cela n’était pas possible, puisque j’étais un homme qui croyait et croit
toujours en l’existence de Dieu et à des valeurs supérieures absolues. L’idée
de l’inexistence d’un créateur m’horrifiait. Elle signifiait que nous menions
une vie absurde sans finalité. L’athéisme c’est l’absence totale de valeurs
absolues en matière du bien et du mal, ce qui implique que tout est relatif
selon le consensus des gens. Or, on sait bien que les gens s’accordent très
souvent pour exercer la tyrannie, la répression et l’injustice. Si le bien
absolu ou le mal absolu n’existait pas, nous ne pourrions plus juger quoi que
ce soit, puisque ce que je considère moi-même comme un mal, un autre y voit un
bien.
Alors, j’ai choisi le
Christianisme parce que je me suis attaché à la personne du Christ. J’ai
découvert en Lui ce que je cherchais : un modèle de paix, d’amour,
professant des enseignements remarquables sur la charité et le sacrifice en
faveur des autres. Il a servi ses adeptes avec sincérité. Il s’est dévoué pour
sa cause. Je me suis épris d’amour pour Lui. Pour cette raison, j’ai décidé de
devenir un de Ses disciples et de suivre Ses enseignements.
Premiers contacts avec des
chrétiens
Q: Voulez-vous nous
expliquer votre premier contact avec le Christianisme et nous dire qui vous a
aidé au début pour choisir cette religion ?
R: J’ai choisi le
christianisme par correspondance. Ceux qui m’ont aidé dans ce choix étaient des
chrétiens arabophones animateurs du programme « Trans World Radio ».
Par la suite, ils m’ont mis en contact avec un missionnaire américain qui
vivait au Maroc et que j’ai rencontré à Casablanca. Grâce à lui, j’ai fait la
connaissance d’un groupe de jeunes chrétiens marocains qui se rencontraient
discrètement dans ce qu’on appelait « les églises à domicile », car
le gouvernement marocain n’autorisait pas les citoyens marocains à aller dans
les églises propres aux étrangers, puisqu’il ne reconnait pas par principe
l’existence de chrétiens marocains d’origine musulmane. De tels cas font partie
de l’apostasie dans la vision de la société musulmane comme dans celle du gouvernement.
Par conséquent, ils étaient contraints de se réunir ou de se rencontrer
discrètement.
Suite à ces contacts avec les
Marocains chrétiens, j’assistais régulièrement à leurs réunions. Ainsi ai-je
appris que de nombreux autres groupes similaires existaient dans tout le pays.
Le Christ était le dénominateur commun de ceux qui sont originaires de l’Islam.
Alors, nous avions commencé à s’organiser entre nous et à œuvrer pour la
liberté de conscience et pour notre droit en faveur du choix de la religion qui
nous convient.
Critique de l’islam
Q: Quelle est la raison
de votre attaque féroce contre l’islam, d’autant plus que les athées exploitent
votre discours pour promouvoir cette critique ?
R: D’abord, je
voudrais exprimer ma réserve à propos de deux expressions que vous venez
d’utiliser dans votre question : « attaque » et
« féroce ». Moi, je n’attaque personne. Le mot « attaque »
signifie avoir recours à la violence et suppose aussi l’usage de méthodes et de
moyens non intellectuels et inhumains. Or, ce que je fais s’inscrit dans le
domaine de la critique, alors que la différence de sens entre
« critique » et « attaque » est énorme. Par contre, si on
considère la critique comme une attaque intellectuelle contre des idées et des
croyances, alors, cela devient possible. Cependant, je crains qu’on comprenne à
travers votre question une incitation à la violence comme à la haine, c’est ce
que je rejette formellement. Je ne l’accepterai jamais sous aucun prétexte.
En revanche, la critique des
religions est un des droits de l’homme. Les musulmans critiquent le
Christianisme et considèrent l’Évangile comme un livre falsifié. Ils
disent : « Certes sont mécréants ceux qui disent : “Allah, c’est le
Messie, fils de Marie!” » (Coran 5,17). Ils disent aussi : « Ils
ne l’ont ni tué ni crucifié; mais ce n’était qu’un faux-semblant. » (Coran
4,157)… En dépit de tout cela, ils ne considèrent pas un tel discours comme une
attaque contre le Christianisme. Alors, lorsque je critique l’Islam de cette
manière, pourquoi considèrent-ils ma critique comme une « attaque »
et les qualifient-ils de « féroce » ?
Q: Alors, pourquoi
critiquez-vous l’Islam ?
R: Je le critique
pour différentes raisons. D’abord, parce que ma première expérience fut celle
de l’islam et pas celle d’une autre religion. Cette expérience m’a forcé à
faire une nouvelle lecture de l’islam, mais dans la vision de celui qui n’y
croit pas, tout en étant encore dedans, et avant de devenir chrétien. Je ne
pouvais pas croire que ma religion était erronée. C’est pourquoi, j’ai relu la
biographie de Mahomet (qu’on appelle la Sira) maintes fois. J’ai décortiqué
tous les traités de l’exégèse. J’ai relu le Coran de nouveau. Alors, j’ai
commencé à observer, avec une autre optique, les invasions et les guerres de
Mahomet, le rapt et la captivité des femmes, la haine à l’encontre des juifs et
des chrétiens. Par conséquent, après ma conversion au Christianisme, j’ai
décidé d’analyser les enseignements qui motivent notre sous-développement,
notre haine des juifs, des chrétiens, de l’Occident, des mécréants, nos
imprécations dans la prière contre l’autre, dans les invocations et les qunout
(Ndt. une pratique qui consiste à se mettre longtemps en état de prière et à
prononcer des paroles discrètement ou à haute voix). Ce sont les mêmes textes
qui sont la cause de notre perturbation mentale et qui nous conduisent à rêver
que nous allons gouverner le monde entier et envahir toute l’humanité pour
répandre l’islam sur la terre entière. Ces textes nous disent aussi qu’un jour
nous allons vaincre les juifs qui, par crainte de notre puissance, se cacheront
derrière un rocher ou des arbres, et que ces arbres vont les dénoncer et nous
appeler pour venir les tuer et se solidariser avec nous pour la victoire finale
des musulmans.
J’ai découvert moult autres
enseignements incompatibles avec la raison et l’esprit du vivre ensemble, de la
tolérance et des droits de l’homme.
D’autre part, l’islam ordonne
qu’on me tue, car je suis un apostat selon ses enseignements. N’enseigne-t-il
pas : « Celui qui change sa religion, tuez-le. » ? Faut-il
se taire face à une religion qui rend licite l’effusion de mon sang, qui me
prive de mon droit de choisir ce qui me convient ? L’islam cherche à
m’empêcher de le critiquer et considère tout individu qui le critique comme ennemi
d’Allah et de son apôtre. Celui qui insulte Mahomet mérite la mort selon toutes
les écoles juridiques en islam. Est-il raisonnable de se taire face à une
religion qui veut me tuer, uniquement parce que j’ai exprimé mon point de vue
publiquement ? L’Islam critique les enseignements du Christianisme et
accuse les chrétiens de mécréance, de polythéisme, et de corruption de
l’Évangile. En tant que chrétien dois-je accepter ces accusations sans y
répondre ? De nombreux musulmans ont des questions à poser et des
interrogations concernant l’Islam, mais ils ne peuvent pas le faire. Moi, j’ai
brisé le tabou de l’interdiction, surmonter le complexe de la peur. J’encourage
tous les musulmans à réfléchir, à s’interroger.
Par ailleurs, je n’ai rien contre
les athées qui utilisent mon discours et le diffusent. Je m’en réjouis s’ils le
font, car, c’est mon objectif. Il faut que ce discours soit diffusé le plus
large possible. Les idées ne sont le monopole de personne.
Islam Bahiri
Q: Que pensez-vous
d’Islam Bahiri[1], ce chercheur et homme de médias
égyptien, qui a critiqué le patrimoine islamique ? Avez-vous un conseil à
lui adresser ?
R: Islam Bahiri est
un chercheur ambitieux, militant, audacieux. J’admire ses qualités. Sa critique
du patrimoine islamique s’avère remarquable. Il pose moult questions qui
incitent les gens à la réflexion critique. Par contre, il me semble qu’il s’est
arrêté à mi-chemin devant les lignes rouges qu’il n’a pas osé franchir. Il a
mis tout le patrimoine en question. Il a critiqué Bukhari[2], Muslim[3], les doctes de la loi islamique, les
rapporteurs, les narrateurs, les exégètes. Mais il s’est tu devant le Coran, ce
tabou « intouchable », car il sait bien que le fait de l’effleurer,
d’une manière ou d’une autre, signifie la fin de sa croyance ou plutôt de sa
foi en l’islam.
Islam Bahiri n’a abordé ni la vie
de Mahomet ni le Coran. Il sait bien que la critique du patrimoine islamique et
de ceux qui nous l’ont transmis de façon indirecte, mettra en cause le Coran et
la biographie du Prophète. Les rapporteurs des Hadiths sont les mêmes qui nous
ont transmis le Coran et la biographie en question dite la Sira. Si les Hadiths
ne sont pas authentiques, qui pourra alors nous garantir que le Coran a été
transmis de façon authentique ? Qu’y a-t-il d’authentique et de faux dans
la Sira de Mahomet ? À mon sens, Islam Bahiri est sélectif ; il
choisit ce qui lui plaît dans le patrimoine et occulte ce qu’il lui déplaît,
sans respect des critères scientifiques.
Si les anciennes interprétations
du Coran étaient fausses, qu’est-ce qui peut nous garantir que l’interprétation
de Bahiri serait la bonne ? Je voudrais lui dire qu’il doit utiliser son
courage, sa critique à l’encontre de tout le patrimoine islamique, y compris
celle du Coran et de la biographie du prophète de l’islam. S’il respecte dans
sa recherche des normes scientifiques rigoureuses, il aboutira à des résultats
totalement différents de ce qu’il a tiré ou découvert jusqu’alors.
Je lui conseille de quitter
l’Égypte. Personne n’a pu jusqu’alors critiquer l’islam de l’intérieur d’un
pays musulman. Je regrette de dire qu’Islam Bahiri sera amené de choisir :
soit continuer son parcours à partir de l’Égypte et être muselé dans une prison
ou d’une autre manière, soit subir le même sort que Farag Fouda[4]. En tout cas, je lui souhaite la
poursuite de son combat en dehors de l’Égypte.
Daech et l’islam
Q: Voulez-vous nous
parler de votre nouveau livre intitulé « Daech et l’islam. L’analyse d’un
ex-musulman » ? Quelles sont les grandes lignes de son contenu ?
R: Comme son titre
l’indique, ce livre[5] répond à une question que tout le
monde pose : « Daech a-t-il un rapport avec l’islam ou
non ? » En effet, j’ai effectué une comparaison très méticuleuse
entre l’histoire de l’islam selon les références islamiques officielles, et
l’histoire de Daech. J’ai vérifié comment l’islam et Daech ont-ils émergé et
appliqué leurs enseignements sur le terrain. Puis, j’ai examiné toutes les
théories qui expliquent le terrorisme, notamment celle qui est la plus proche
du phénomène de Daech. J’ai passé en revue toutes les preuves que les musulmans
avancent lorsqu’ils cherchent à écarter ou à dédouaner Daech de l’islam. J’ai
aussi analysé les raisons qui ont conduit Daech et al-Qaëda à perpétrer des
attentats en Occident, comme à Paris, à San Bernardino, contre Charlie hebdo,
et d’autres… C’est un livre global et quasi exhaustif qui comprend tout ce qui
pouvait être dit sur Daech et l’islam.
Tout au long de ce travail, je me
suis efforcé de respecter au maximum l’esprit académique dans la manière de
poser les questions, dans l’analyse des faits, dans la vigilance absolue quant
aux références, dans la précision scientifique des documents dépouillés, et ce,
conformément aux normes des recherches scientifiques appliquées dans les
universités occidentales.
Attaquer l’Islam
Q: Vous avez créé un
nouveau site électronique pour attaquer l’islam. On vous reproche d’être appuyé
par ceux qui rejettent l’islam, notamment les Coptes de l’étranger. Est-ce
vrai ?
R: D’abord, mon site
n’est pas réservé à l’attaque de l’islam. Mon site reflète mes idées, ma
vision, mes convictions. Je suis un militant pour promouvoir le droit de
critiquer les religions, notamment l’islam, car c’est la seule religion qui
cherche à interdire la critique par l’intimidation et la loi relative à
« la diffamation des religions ». Je milite pour le droit de
l’individu à croire en ce qu’il veut. Je défends la liberté de croyance, les
libertés personnelles. Je défends les minorités chrétiennes persécutées au
Proche-Orient. Ce sont mes préoccupations. C’est pourquoi je publie les écrits
de tout individu qui traite l’un de ces thèmes.
Quant aux chrétiens égyptiens
vivant à l’étranger, ils jouissent de plus de liberté d’expression que les
chrétiens à l’intérieur de l’Égypte. Alors certains écrivains coptes bien
connus publient leurs essais sur mon site. Je confirme encore une fois que ce
site n’est subventionné par aucun copte, mais j’accueille tout copte qui
souhaite enrichir ce site par ses écrits, comme j’accueille avec grand plaisir
des écrivains marocains, koweïtiens, bahreinis, etc. J’invite quiconque
souhaite y participer avec ses écrits et ses critiques, mais dans un cadre de
politesse et de respect mutuel.
Je voudrais aussi signaler que de
nombreux musulmans vivant en Égypte souhaitent écrire sur mon site, mais ils
n’osent pas le faire, par crainte d’être accusés du délit de diffamation des
religions.
Al-Azhar et le terrorisme
Q: Comment jugez-vous
la position de l’institution islamique d’Al-Azhar face au terrorisme ?
Est-elle vraiment la cause de la propagation de ce fléau ?
R: L’institution
islamique d’al-Azhar professe, bien entendu, des enseignements islamiques dont
une grande partie ne convient pas à notre monde moderne. À titre d’exemple, Al
Azhar enseigne le châtiment du vol, qu’est l’amputation de la main. Si Daech
ampute la main du voleur et annonce cela sur You Tube, le monde dira que c’est
du terrorisme, alors que c’est enseigné à Al-Azhar et dans toutes ses écoles.
Par contre, al-Azhar n’applique pas ce châtiment. Mais si l’occasion se
présente, ou si un régime islamiste s’établit en Égypte et réclame
l’application de ce châtiment, alors al Azhar sera le premier à l’appuyer.
En outre, cette institution
enseigne que la lapidation est le châtiment prévu par la charia pour punir
l’adultère, alors que la lapidation est inadmissible aujourd’hui, et considérée
comme une action terroriste, barbare, inhumaine, donc condamnable. Mais Daech
l’applique sur le terrain. Alors quelle est la différence entre al Azhar et
Daech dans ce domaine, si le premier l’enseigne et ne l’applique pas, tandis
que le second l’enseigne et l’applique ? Ce sont deux faces d’une même
monnaie.
Al Azhar enseigne aussi que le
châtiment de l’apostasie c’est la mort. En revanche, lors de sa visite récente
en Allemagne, le cheikh d’al-Azhar y a déclaré que le châtiment de l’apostasie
est inexistant dans le Coran. En effet, il a dévoilé la moitié de la vérité et
occulté l’autre, qui est l’approbation par al-Azhar du châtiment de
l’apostasie, même s’il ne figure pas dans le Coran, car il ne nie pas ce que
disent les hadiths. Il les défend et approuve leur contenu et leur
authenticité. À cet égard, cheikh al-Azhar a prononcé un discours très ambigu
devant les Allemands, avec l’intention de leur faire croire que son institution
est en faveur de la liberté de croyance et qu’il n’accepte pas le châtiment de
l’apostasie. Ainsi a-t-il cherché à berner et à égarer les Allemands[6]. Il ne leur a pas dit ce que son
institution enseigne réellement. Si al-Azhar enseigne qu’il faut tuer l’apostat
et que Daech tue ceux qui sont considérés comme apostats, alors comment
voulez-vous que j’innocente cette institution de l’accusation de propager le
terrorisme et l’extrémisme ?
Il faut noter qu’al-Azhar
enseigne aussi tant d’autres choses. Mais sachez bien qu’une goutte de poison
dans un pot de miel suffit pour empoisonner tout le miel.
Haine de l’Islam et des
musulmans ?
Q: Est-ce que vous
haïssez l’islam et les musulmans ?
R: Je distingue
toujours entre l’islam et les musulmans. D’abord, le musulman est un être
humain comme tout le monde. Aujourd’hui il adopte une idée ou une idéologie et
il est possible qu’il change sa vision le lendemain. Moi, j’aime tout le monde,
notamment les musulmans, puisque la plupart de mes proches le sont toujours et
j’ai de bonnes relations avec de nombreux amis musulmans. Nous sommes persuadés
que nos relations amicales sont plus importantes que nos différences
idéologiques. Le lien entre un homme et un autre demeure au-dessus de
l’idéologie, car l’homme est plus important que l’idéologie.
Quant à l’Islam, je ne l’accepte
pas, ni comme religion ni comme idéologie. Toute religion est somme toute un
ensemble d’idées et de croyances. Quant à la croyance, nous avons le droit de
la rejeter, de la critiquer, de la changer et même de la haïr. Par exemple, le
polythéisme est une idéologie. Si vous demandez à un musulman : Est-ce que
vous aimez le polythéisme ? Il vous répondra : Non, je le hais.
Quelqu’un va-t-il lui reprocher de haïr ou de rejeter une idée ? La
divinité du Christ est une idée et une croyance. Si vous demandez à un
musulman : est-ce que vous aimez la croyance concernant la divinité du
Christ ? Il vous dira : Non, je la hais. Ce musulman a-t-il le droit
de haïr les idées et les croyances des autres et d’interdire aux gens de haïr
les siennes ? Bref, moi j’aime les musulmans, mais je n’accepte pas
l’islam.
En revanche, mon amour des
musulmans ne signifie pas que je dois accepter leurs idées et leurs croyances,
comme il ne faut pas accuser quiconque de haine du fait d’avoir critiqué,
examiné, douté ou rejeté notre croyance en privé ou en public. Vous pouvez
aimer les gens sans être contraint d’accepter leurs idées que vous jugez
inadéquates ou invalides.
Q: Est-il possible
pour vous de retourner un jour à l’islam ?
R: Je ne crois pas
que je pourrai y retourner après avoir connu toute sa vérité de l’intérieur. Je
l’ai étudié dans tous ses détails. Chaque épisode de mon émission à la
télévision Al Hayat est un sujet de recherche et de vérification approfondie
sur l’islam. Si j’avais le moindre doute que c’était une religion révélée par
Allah, je ne l’aurais jamais quittée. Or depuis que je l’ai abandonné, ma vie
est devenue meilleure. À vrai dire, je me suis réconcilié avec moi-même, avec
ma conscience, et j’ai la pleine conviction que je me suis libéré d’un lourd
fardeau. Il m’est certainement impossible d’y retourner un jour.
Q: Ayant maintenant
une connaissance approfondie de l’islam et du christianisme, quel est, à votre
avis, le principal point de divergence entre ces deux religions ?
R: La base du
christianisme c’est l’amour. Dieu a créé l’homme à son image. Il veut l’aider à
vaincre le mal, à le sauver, parce qu’il l’aime de façon indescriptible. C’est
pourquoi il incombe aux chrétiens de diffuser le message de l’amour par la
parole comme par l’action au monde entier.
Quant à l’islam, il part d’une
idée qu’un dieu, dit Allah, est le gouverneur absolu. Il n’a créé les êtres
humains que pour l’adorer. Pour cette raison, ils doivent obéir à ses ordres et
éviter ses interdictions, dans l’intention de leur accorder le pouvoir de
gouverner la terre, d’y imposer, bon gré mal gré, sa religion, de combattre les
autres religions, afin d’éviter la sédition.
Message aux musulmans et aux
chrétiens
Q: Enfin, quel
message souhaitez-vous adresser aux musulmans et aux chrétiens dans le
monde ?
R: Mon message aux
uns et autres, c’est d’accepter la culture de la différence et celle de la
critique, de favoriser entre nous humains, un climat d’amour et de respect
réciproque. Si la croyance du chrétien diffère de celle du musulman, celui-ci
n’a aucun droit ni raison de haïr l’autre, et vice versa. En somme, nul n’a le
droit de condamner ou plutôt de « mécréaniser » un autre, de
l’intimider, de l’horrifier, de l’humilier à cause de sa doctrine ou sa
croyance. Nous sommes tous égaux, alors que la croyance ou la doctrine demeure
un sujet de discussion et de différence. Si nous parvenons à surmonter les
différences, à accepter la critique avec un esprit large, alors, nous serons en
mesure de réaliser une grande avancée vers le progrès, le vivre ensemble et le
bien-être des uns et des autres.
Texte traduit par Maurice Saliba
[1] Islam Bahiri (ou Behiri), jeune
chercheur égyptien, président du Centre des Recherches islamiques à la
fondation Al Youm al Sabeh (Le Septième Jour) au Caire, présentateur de
l’émission Avec Islam Bahiri à la chaine satellitaire Qanat al Qahira wan-nass.
L’institution Al-Azhar a critiqué son émission et le contenu des sujets
traités, sous prétexte de « diffamation des religions » et réclamé sa
traduction devant la justice. En mai 2015, il a été condamné en première
instance à cinq ans de prison, mais la Cour d’Appel a réduit en décembre 2015
cette peine à un an.
[2] Bukhari (810-870), Abou Abdallah
Muhammad al-Bukhari, compilateur des hadiths du prophète Mahomet, réunis dans
six grands recueils intitulés Sahih al-Bihlari (l’Authentique d’al-Bukhari).
Les musulmans considèrent l’ensemble de ces recueils comme étant le plus
authentique après le Coran.
[3] Muslim Ibn al-Hajjaj (821-875),
compilateur d’une deuxième collection de hadiths
les plus authentiques intitulée Sahih Muslim.
[4] Farag Fouda (1946-1992), écrivain,
chroniqueur et militant des droits
de l’homme égyptien, a été assassiné le 9 juin 1992 par les
islamistes au Caire.
[5] Daech et l’islam. L’analyse d’un
ex-musulman. (Ce livre est sorti en arabe en juin 2016. Une version française
vient d’être éditée en avril 2017 par Water Life Publishing en collaboration
avec la FNACF en France. La version anglaise sera éditée en été 2017 aux
États-Unis.)
[6] Note du traducteur : C’est le même
double discours que tiennent en France les doctes accrédités auprès des médias,
tels Khaled Bencheikh, Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur, etc.
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