Le Pr Pierre Philip présente dimanche au Forum du CNRS à
Paris les dernières connaissances sur le repos, et son importance cruciale pour
le bon fonctionnement de notre organisme.
Votre médecin généraliste vous a-t-il déjà prescrit de
bonnes nuits, avec au moins huit heures de sommeil? À l’heure où
les campagnes de santé publique insistent autant sur l’importance d’une bonne
hygiène de vie, avec une alimentation équilibrée («au moins 5 fruits et
légumes par jour») et une activité physique régulière («au moins 10.000 pas par
jour»), le sommeil mériterait d’avoir aussi sa place dans les politiques
publiques de prévention.
Car les recherches modernes en neurobiologie sur le sommeil
montrent son importance, pour le bon fonctionnement de notre cerveau, mais
aussi pour celui du reste du corps.
«On se rend compte depuis quelques années à
quel point le sommeil a un rôle crucial pour de nombreuses fonctions
biologiques de l’organisme, jusqu’à jouer sur l’efficacité du système immunitaire»,
explique le Pr Pierre Philip, directeur de l’unité de recherche sommeil,
addiction et neuropsychiatrie à Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux*). Les
effets du repos pour notre cerveau, et notamment pour l’apprentissage et la
mémorisation, sont désormais des phénomènes bien connus. «Le sommeil lent
profond consolide les souvenirs d’actions récentes, comme ce que j’ai fait
cette semaine, alors que le sommeil paradoxal est plus lié aux émotions et
consolidera plutôt le souvenir que j’ai du baiser de ma première fiancée»,
rappelle le Pr Philip. Des phénomènes parfaitement identifiés et localisés
dans le cerveau en temps réel grâce notamment aux techniques d’IRM fonctionnelles.
De nombreux problèmes de santé
Les effets de la phase de repos nocturne sur le
fonctionnement du corps sont complexes, mais il est désormais incontestable
qu’elle a un rôle protecteur contre l’inflammation, qui peut être à l’origine
de nombreux problèmes de santé. Pendant la nuit, la
mise en veille de notre cerveau active des processus biologiques qui
aident à faire le ménage dans les cellules de l’organisme, notamment en
permettant d’éliminer des protéines qui sont à l’origine de l’inflammation, un
phénomène de réponse de l’organisme qui peut être lié à des risques accrus
d’obésité, de maladies cardio-vasculaires ou de maladies auto-immunes. En cas
de déficit de sommeil, le «nettoyage» des cellules est moins efficace, et les
risques pour la santé peuvent devenir réels.
«Le sommeil doit clairement devenir un enjeu de santé
publique pour les autorités»
Pr Pierre Philip, directeur de l’unité de recherche
sommeil, addiction et neuropsychiatrie à Bordeaux
De manière assez logique, les troubles
du sommeil peuvent aussi avoir des effets néfastes sur le cerveau
lui-même. «On remarque des atteintes spécifiques du sommeil chez des patients
souffrant de troubles cognitifs légers, la phase qui précède des démences plus
sévères», explique le Pr Philip.
«Le sommeil doit clairement devenir un enjeu de santé
publique pour les autorités, plaide le spécialiste bordelais. Et c’est un enjeu
d’autant plus important qu’on voit dans nos études que les Français dorment de
moins en moins longtemps.» À cause des écrans et autres distractions, la durée
du sommeil a diminué en moyenne de 1 heure et 15 minutes en quinze
ans dans notre pays. Une dette qui n’est pas sans conséquence pour l’état de
santé.
* Le Pr Philip fera le point sur les connaissances sur le
sommeil au Forum du CNRS, dimanche 26 novembre à la Cité universitaire, à
Paris. Une manifestation dont Le Figaro est partenaire.
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