La syllabique, c'est pas automatique ! Parlez-en à votre instit.
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/contribs_goigoux2.aspx
Roland Goigoux
Quelques jours avant les congés de Noël, un slogan a fleuri dans les écoles primaires : "La syllabique, c'est pas automatique ; parlez-en à votre instit !"
Un slogan qui traduit la colère grandissante des enseignants de l'école
primaire devant le mépris affiché à leur égard. Quand une campagne de
santé publique est lancée, sur les antibiotiques par exemple, le premier
interlocuteur proposé aux français est le médecin généraliste. Quand il
s'agit de lecture, on minimise le rôle de l'instituteur, on décide à sa
place ou l'on caricature son action. Pire, on le suspecte d'être le
complice de ceux qui depuis trente ans s'acharneraient à empêcher les
enfants d'apprendre à lire. Au mieux, on le plaint d'être victime de la
tyrannie de sa hiérarchie ou des lubies de la recherche pédagogique.
Le
syndrome du mammouth est encore présent dans les esprits et chacun
connaît les dangers d'une campagne visant à dresser l'opinion publique
contre les enseignants. Aussi le ministre a-t-il désigné des boucs
émissaires pour adoucir ses accusations : après les IUFM et les
inspecteurs de l'éducation nationale, ce sont dorénavant les éditeurs
scolaires, incapables de concevoir autre chose que des " méthodes
semi-globales ", qui sont livrés à la vindicte populaire. Mais qui peut
se laisser abuser ? La grande majorité de nos concitoyens savent bien
que ce sont les instituteurs qui choisissent leurs manuels, que ce sont
eux qui décident de l'organisation de leurs activités d'enseignement et
que la visite d'un inspecteur tous les quatre ans ne bouleverse pas
leurs choix pédagogiques.
C'est
lorsque le ministre exonère les enseignants de toute responsabilité
qu'il les méprise le plus. Si les instituteurs n'étaient pas
responsables de leurs pratiques pédagogiques, de quoi seraient-ils
responsables ? Leur métier est-il si peu qualifié que n'importe quel
père de famille ou spécialiste du cerveau peut décider à leur place de
ce qu'il est bon de faire avec leurs élèves ? Si, comme l'affirme le
ministre, une simple circulaire, rédigée à la va-vite et portant sur le
seul cours préparatoire, avait le pouvoir de faire baisser de manière
significative le pourcentage d'illettrés dans notre pays, c'est que le
travail actuel des instituteurs serait d'une grande médiocrité.
L'ignorance
du ministre sur la réalité des pratiques pédagogiques est un autre
signe du manque de considération pour le métier des enseignants. Comment
faire confiance à quelqu'un qui croit que les méthodes dominantes ont "un départ global très long" alors que Ratus et Gafi,
les manuels les plus vendus et les plus utilisés au cours préparatoire,
organisent l'étude des correspondances entre les lettres et les
phonèmes dès le premier jour de la rentrée des classes ? Comment faire
confiance à un ministre qui s'apprête à obliger tous les instituteurs à
procéder de manière identique, quels que soient leur expérience et leurs
savoir-faire ? Un ministre qui remet en cause leur responsabilité
pédagogique et prétend imposer à tous une méthode syllabique en parfaite
contradiction avec les programmes actuels … qu'il a lui-même préfacés !
Une telle ignorance du métier ne peut être qu'un déni du métier.
"Parlez-en à votre instit !"
Ce slogan doit être compris comme une revendication professionnelle :
il faut faire confiance aux instituteurs et renoncer à instaurer le
couvre-feu pédagogique.
Roland Goigoux
Directeur du laboratoire PAEDI - IUFM d'Auvergne
Directeur du laboratoire PAEDI - IUFM d'Auvergne
- Sur l'apprentissage de la lecture :
- Dans le Café pédagogique, les tribunes de J. Bernardin
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/tribune_68_accueil.aspx - et de J. David
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/baba_index.aspx - ainsi que la rubrique du blog du Café :
http://www.cafe-leblog.net/index.php?2005/12/13/30-l-enseignement-de-la-lecture
- Dans le Café pédagogique, les tribunes de J. Bernardin
- Et la vidéo "la syllabique c'est pas automatique"
http://www.cafepedagogique.net/Lists/ITN_Multimedia/syllabique1.ram - Le communiqué d'une dizaine d'organisations professionnelles
"La situation de l'école ne correspond pas à la description caricaturale qui en est faite".
http://www.snuipp.fr/article3019.html
http://www.cafe-leblog.net/index.php?2005/12/13/30-l-enseignement-de-la-lecture
Le blog est fermé, il restera consultable ici. Mais le café pédagogique continue, retrouvez-nous à http://www.cafepedagogique.net/.
L'enseignement de la lecture
Le débat sur les méthodes de lecture est lancé : postez ici vos contributions.
Contributions
1.
Le samedi 14 octobre 2006 à
14:10, par
Marie Guillon, institutrice
Une citation pleine de bon sens d'un texte de M. Frackowiack
www.unsa-education.org/si...
"La liberté pédagogique s'oppose à la notion de professionnalisme, de compétence professionnelle. Elle s'oppose à la notion de responsabilité."
Voici le libellé de mon intervention auprès de France Inter ( dans l'émission du 7-9h30) et qui n'est pas passée à l'antenne mardi matin alors que de Robien balançait ses tombereaux d'infamants propos :
" Monsieur de Robien :
Vous devez certainement être félicité
- pour la permanence de votre dogmatisme
- pour l'aplomb que vous manifestez au travers de vos propos mensongers
- pour votre véritable compétence à la caricature et à l'exercice de l'amalgame
- pour votre goût immodéré pour la menace et la répression
Vous osez déclarer que vous connaissez désormais le fonctionnement du cerveau d'un enfant de 6 ans pour justifier l'imposition d'une méthode officielle d'apprentissage de la lecture au CP! quelle prétention, quelle ignorance indigne d'un ministre de la République !
De plus, vous vous défaussez de votre responsabilité dans les sanctions contre Roland Goigoux et un inspecteur de l'education Nationale.
Osez donc répéter à l'antenne que vous n'êtes pas le responsable de la chasse aux sorcières dans l'éducation nationale ?!
Paul Recoursé
3.
Le mercredi 11 octobre 2006 à
07:07, par
Christian Jacomino, professeur d'école (ambition-réussite, à Nice)
[Je reproduis ci-dessous l'introduction de mon premier rapport d'activité concernant le Réseau Ambition Réussite sur lequel j'ai été nommé en septembre dernier, à Nice.]
Dans toutes les classes que j’ai visitées depuis la rentrée, j’ai trouvé des enseignants très respectueux à l’égard des enfants. Ces collègues, souvent très jeunes dans le métier, semblent préparer leurs séquences avec soin. Ils se montrent soucieux de bien répondre aux exigences des programmes et à ce que l’inspection peut attendre d’eux sur le plan pédagogique ; peut-être moins à répondre aux besoins réels des enfants auxquels ils s’adressent.
Du côté des élèves, j’ai été frappé par un bonheur visible d’être en classe. Dans l’ensemble, ces enfants montrent beaucoup de respect, de confiance et même d’affection à l’égard de leurs maîtres. En revanche, l’attention d’une proportion assez considérable d’entre eux me paraît volatile. Ils ont du mal à rester silencieux, à écouter les autres, et surtout à observer à la lettre les consignes données par l’enseignant. Visiblement, le milieu social ne les a pas préparés à accepter la contrainte et à répondre à l’exigence de précision que suppose l’enseignement scolaire.
Parmi ceux de cycle 3, sur lesquels s’est concentrée mon observation, il semble que le nombre de non lecteurs soit assez faible. Mais, pour beaucoup, la compétence en lecture reste limitée par une maîtrise de la langue largement insuffisante à l’oral. Non seulement leur vocabulaire et leur syntaxe paraissent des plus rudimentaires, mais (surtout) ils disposent d’un matériel phonématique très incomplet. Ce dernier point me paraît décisif. Il signifie que ces enfants ont appris à lire de manière ‘globale’ (même si ce n’est pas la méthode dite ‘globale’ qui a été utilisée pour leur apprendre), c’est-à-dire sans vraiment maîtriser le système de correspondances graphophonologiques de la langue, et sans même être bien capables de segmenter (en syllabes et en unités infra syllabiques) la chaîne parlée. Autrement dit, ils ont appris à lire sans disposer des compétences dont les spécialistes s’accordent à considérer qu’elles devraient être acquises à la fin des années de maternelle et qui constituent, selon eux, un prérequis à l’apprentissage de la lecture. Ils lisent, tant bien que mal, mais l’on peut sérieusement douter
- qu’ils deviendront des lecteurs réellement autonomes (ce qui suppose qu’ils seraient capables de lire seuls, mais aussi de le faire en dehors des prescriptions de l’école) ;
- que leurs lectures les aident à beaucoup enrichir le vocabulaire et la syntaxe qu’ils utiliseront en production orale ;
- qu’ils soient jamais à l’aise et compétents en production écrite.
Or, non seulement leurs professeurs ne semblent pas disposer d’une méthodologie adéquate pour raffermir la maîtrise du français à l’oral, mais ils ne paraissent pas avoir une conscience bien claire de ce que la source de leurs difficultés (qui sont celles d’abord de leurs élèves) réside dans cette insuffisance.
Ils n’ont visiblement pas été formés pour enseigner la maîtrise du français à l’oral, mais pour enseigner le passage d’un oral (réputé maîtrisé) à l’écrit (sur lequel porte toute leur attention). Et ce manque tient sans doute à qu’ils n’ont pas été formés pour enseigner en ZEP. Ils s’adressent à des classes dans lesquelles la quasi-totalité des élèves sont issus de l’immigration, et évoluent par conséquent dans un milieu familial et social où le français est parlé comme langue étrangère ou seconde ; mais ils le font de la même manière qu’ils l’ont vu faire, au cours de leur formation, dans les écoles des ‘beaux quartiers’.
Je voudrais réagir à l’annonce d’une sanction éventuelle à l’égard de M.Frackowiak. Je ne veux surtout pas entrer dans une polémique à propos de la lecture, même si je sais (parce que je suis enseignante et maman) que ce n’est pas la méthode syllabique qui donnera le goût de lire aux enfants…Message de l'ANCP
Ce qui me motive à écrire, c’est que j’ai peur devant cette montée de l’intolérance vis-à-vis des idées non partagées, bien au-delà du problème initial mentionné. Que les gens réagissent pour défendre leur point de vue, c’est humain. Mais qu’ils le fassent avec violence et/ou autoritarisme, cela prend une autre dimension.
Ce qui m’inquiète surtout, c’est ce que va devenir notre liberté d’expression. Tout citoyen a le droit de ne pas être d’accord avec certains politiciens, surtout quand ceux-ci n’ont même pas été élus ! Je refuse qu’on m’interdise de penser et de m’exprimer. Et c’est pourquoi je soutiens M.Frackowiak.. Et même si je ne partageais pas sa conception de la lecture, je le défendrais quand même pour qu’il ait le droit de s’exprimer en tant que citoyen.
Marie-France Barber, citoyenne d’un pays encore démocratique
>
>Suite à l'article, intitulé "Apprentissage de la lecture : le ministre
>continue à entretenir le trouble dans l'opinion" souhaite se positionner.
>De même que les organisations signataires suivantes : AGEEM, AFE, CRAP,
>ICEM, OCCE, SGEN-CFDT SE UNSA UNSA EDUCATION SUPRECHERCHE SI EN FSU SNUIPP
>SNESUP SNPI, Ligue de l'enseignement, AIRDF, l'Association Nationale des
>Conseillers Pédagogiques (ANCP), "s'inquiéte de la propension du ministre
>à entretenir le trouble dans l'opinion sur l'apprentissage de la lecture"
>et "réaffirme que l'intérêt des élèves ne réside pas dans une opposition
>démagogique entre parents et enseignants, mais dans une relation de
>coopération et de confiance mutuelle nourrie par le dialogue."
>
> Décision votée en Conseil
> d'administration le 5 octobre 2006
> Le secrétaire général, Patrice MAHE
> 6. Le samedi 23 septembre 2006 à 23:25, par L. Vignau instit cp/ce1
Instit en cp /ce1, j'ai récemment acheté le livre de Goigoux, "Apprendre à lire à l'école.Tout ce qu'il faut savoir pour accompagner l'enfant"" à 3 euros.
C'est une mine de renseignements autant pour les enseignants que pour les parents d'enfants scolarisés en cours préparatoire.
Et je me disais enfin voilà quelque chose d'efficace , de clair et de concis sur la manière d'expliquer aux parents comment nos enfants peuvent apprendre à lire et comment conseiller les parents sur les différentes manières de les guider.
Je m'en suis inspirée pour préparer ma réunion de classe...
Et j'apprends maintenant que ce monsieur, inspecteur d'académie, reconnu par ses pairs, est évincé de l'Education Nationnale!!!
Il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin, le diktat n'en est pas à son apogée...dans cette jungle ...
Qu'est-ce qui nous attend encore?
Qui faire encore sauter?
qui dérange?
signé:
une enseignante qui recherche désespérement à enseigner au mieux avec son expérience , la lecture et l'écriture...c'est tout
7.
Le jeudi 29 juin 2006 à
14:41, par
jacques Alliaume, maître de conférences honoraire en linguistique-neurolinguistique
De Robien et la lecture
>
>
>Les directives du ministre aux enseignants du primaire,concernant
>l'apprentissage de la lecture, sont criminelles. Appliquer la méthode dite
>syllabique intégralement comme il l'exige dans ses récentes instructions
>c'est condamner des enfants à ne jamais aller au delà du déchiffrage.
>Pourquoi? En deux mots, parce que c'est nier le fonctionnement du cerveau.
>En effet, les recherches les plus avancées dans le domaine ont fait
>apparaître que l'hémisphère cérébral droit des jeunes enfants (celui de la
>perception globale) était en avance de développement sur son homologue
>gauche (celui de la perception du détail). Quelques lignes tirées de
>Parole(s) de cerveau :
>
>"Jusqu'à dix ans le transfert d'informations entre les deux hémisphères
>cérébraux est limité par l'immaturité du corps calleux (lien entre les
>deux hémisphères), si bien que les expériences et acquisitions de chaque
>moitié ne sont pas toujours communiquées à son homologue. C'est
>l'hémisphère droit qui paraît être le plus concerné par les expériences
>précoces en raison de son volume supérieur et de ses interconnections plus
>nombreuses avec les autres tissus cérébraux. Il semble donc logique de
>s'adresser préférentiellement à lui lorsqu'il s'agit de communiquer à son
>"propriétaire" un message éducatif, quelle que soit sa nature. Pour cela
>il suffit de prendre en compte les spécificités hémisphère droit des
>jeunes apprenants pour ce qui concerne leurs facultés perceptives, et de
>proposer des approches reposant prioritairement sur la globalité,
>globalité de l'approche visuelle, auditive, corporelle, conformes au
>développement cérébral de l'enfant."
>Les enseignants chevronnés savent par expérience que l'excès en toute
>chose est néfaste. Il est clair pour tous les professionnels que
>l'utilisation intégrale, pendant l'apprentissage, d'une méthode globale
>intégrale serait aussi néfaste. L'important est de ne pas se tromper quand
>on s'adresse au cerveau d'un petit enfant qui commence à fonctionner
>globalement en raison du développement précoce de son hémisphère droit et
>acquiert progressivement la maturation de son hémisphère gauche qui lui
>permettra l'approche du détail.
>Pour des explications plus précises, voir le site
>www.manuscritdepot.com/a....
>
>Destiné à l'apprentissage des langues et à une pédagogie des troubles de
>la parole, il s'appuie sur les connaissances en matière de fonctionnement
>cérébral telles qu'elles sont évoquées ci-dessus.
>
>Appliquer à la lettre la consigne ministérielle c'est fabriquer des
>"unijambistes" du cerveau.Résister est un devoir civique.
>
><mailto:jacques.alliaume@wanadoo.fr>jacques.alliaume@wanadoo.fr
>
j'ai un problème énorme dans l'enseignement du français,je voudrai avoir des méthodes pratiques pour l'apprentissage de la lecture,j'ai réflèchi à faire un coin de lecture pour les élèves mais le problème que j'ai rencontré est matériel!alors je lance un appel d'aide,prière à ceux qui peuvent nous aider en nous fournissant des livres ne pas tarder!merci d'avance.
9.
Le vendredi 21 avril 2006 à
17:10, par
Pierre-Yves CARLOT - Consultant-Formateur-Intervenant - Sémiologue-Linguiste
Bonjour,
à la lecture des notes de cette rubrique, je me permets de signaler que le lien vers le site de Philippe Meirieu ne peut pas diriger le lecteur vers le site de ce dernier.
En effet, l'adresse est meirieu.com ; il n'y a pas de www.
Et je me permets également d'abonder dans le sens de M. Delacour pour recommander ce site.
Bien à vous,
Pierre-yves CARLOT
pycsail-et-pycto-sontdanz...
la-bd-un-metier-sequentie...
10.
Le vendredi 21 avril 2006 à
16:28, par
Pierre-Yves CARLOT - Consultant-Formateur-Intervenant - Sémiologue-Linguiste
Bonjour,
Cette note est purement informative :
La Tribune De Genève sur son site-blog vient de publier un article qui présente la mise en route d'une recette d'apprentissage de la lecture à des enfants en maternelle ; il s'agit de la méthode dite des "Alphas".
Cette méthode émane d'un groupe de didacticiens Genevois et serait apparemment en test dan suen école maternelle française. (?) J'ai ma propre opinion sur ce qui est présenté mais je ne me permettrai pas d'en piper mot ; à chacun son libre arbitre. Car loin de moi l'idée de juger qui tente de proposer des choses, au contraire, de mon point de il vaut mieux chercher, expérimenter, proposer, plutôt que critiquer, réfuter et nier sans cesse.
Pour lire l'article publié sur la Tribune Genevoise :
www.tdg.ch/tghome/toute_l...
Pour ma part j'ai contribué au débat en publiant sur mes propres blogs
( pycsail-et-pycto-sontdanz...
et la-bd-un-metier-sequentie... ) une petite digression historique à propos de la méthode ROTI-COCHON elle-même en test au XVIIe siècle.
Comme quoi le sujet ne date pas d'hier et risque de durer encore et encore.
Bien à vous,
Pierre-yves CARLOT
11. Le mercredi 5 avril 2006 à 16:59, par Delacour Jacques Instituteur retraité
Apprendre à lire : des maîtres inquiets
On voudrait déstabiliser les maîtres de C.P., on ne s'y prendrait pas autrement. Avec des conséquences désastreuses prévisibles : les classes de C.P. seront désertées et laissées aux nouveaux arrivants.
Pour enseigner, le maître doit disposer d'un maximum de connaissances théoriques pour les intégrer à sa pédagogie. Il doit être à la fois ingénieur et ingénieux. Il doit aussi, psychologiquement parlant, bénéficier d'une grande confiance de la part des élèves, des parents, de sa hiérarchie. C'est de moins en moins le cas aujourd'hui, le tapage médiatique troublant sa sérénité et l'équilibre productif qu'il avait patiemment établi. Que constate-t-il ?
Au niveau théorique, c'est la Berezina. Il peut tout lire et son contraire. Quelques exemples ?
La place de la graphie (l'écriture manuelle)
Instructions de 1923 : "Au surplus, on pourra combiner les leçons de lecture et d'écriture ; les deux enseignements sont solidaires, et il y a intérêt à les donner simultanément"
Lobrot dans "Lire" (1973) : " La plupart des pédagogues ont résolu aujourd'hui le problème en menant simultanément l'apprentissage de la lecture et l'apprentissage de l'acte d'écrire… Cette pratique est une erreur pédagogique."
Les instructions actuelles reviennent à celles de 23… confondant malheureusement écriture et graphie.
Les méthodes d'apprentissage :
"La méthode de "lecture naturelle" imaginée par Freinet, …est la meilleure méthode possible… " (Lobrot – 1973)
"La lecture est une fonction visuelle. Elle doit donc s'acquérir à l'aide d'une méthode qui utilise la vue et non plus l'ouïe. La méthode globale ou idéo-visuelle s'impose, là encore, au choix de l'éducateur." ( Dottrens – L'apprentissage de la lecture par la méthode globale"
"Au point où nous voici venu, nous tiendrons pour accordé que les meilleures méthodes d'initiation à la lecture du Français sont les méthodes à point de départ global mais passant rapidement à la décomposition et à l'assemblage" (Canac – La lecture, éléments de pédagogie)
"Nous ne préconisons aucune méthode : la meilleure sera celle qui donnera les résultats les plus rapides et les pus solides….."des expériences se poursuivent qui décideront" (Instructions officielles de 1923 à mettre en rapport avec les I.O. actuelles, a-t-on manqué de crédits ou de lucidité ?)…
En évitant Foucambert l'idéovisualiste pur, mais jusqu'à Morais, dans "L'art de Lire" : "Malheureusement, les idéologues de la méthode globale et de la lecture naturelle essaient de discréditer la recherche scientifique expérimentale. leur position farouchement antiphonique a beaucoup de force dans les milieux de fonctionnaires chargés de la politique et de l'organisation de l'éducation primaire, ainsi que dans les centres de formation d'enseignants." (page 268).
Actuellement on a botté en touche, faisant feu de tout bois, intégrant des pratiques contradictoires ou décalées par rapport à leur véritable genèse. Les méthodes intégratives restent des méthodes de lecture. Or, il n'y a pas de méthode de lecture mais seulement une progression conduisant à remplacer l'expression orale par l'expression écrite. Heureusement les enfants sont superbement intelligents, et ils apprennent malgré tout à lire…
Si le maître examine de plus près certaines affirmations, il est stupéfait, ce qui n'augmente pas son degré de confiance envers tous ceux qui croient savoir…même scientifiquement.
Pourquoi par exemple se cramponner à une idéologie de la primauté de la lecture ?
Pourquoi ne pas replacer le problème dans sa globalité, celui de la communication écrite dont la première problématique est le codage, l'écriture. L'écriture précède immanquablement la lecture. Si l'on sait comment on a écrit, alors on peut esquisser une lecture. C'est tellement vrai qu'on a bien constaté des lectures différentes attachées à chaque écriture : idéovisuelles pour les idéographies, syllabiques pour les écritures syllabiques, phonétiques au départ pour les alphabétiques. Ce qu'illustrent parfaitement les écarts de reconnaissance entre phonème et syllabe chez les lecteurs de kanji ou de kana.
La question première et fondamentale, proprement initiatique, devrait donc être : comment passer de l'expression orale à l'expression écrite, au codage ?
La seconde en découlerait : comment lire ce qu'on a écrit ? Et là, je conseille de consulter le site www.merieu.com sur lequel figure un passage de "L'enfant" de Maria Montessori, où elle raconte comment des élèves – défavorisés - ont appris d'abord à écrire, pour finir par lire. Vous y trouverez aussi quelques-uns uns de mes commentaires.
Les chercheurs auraient-ils fait fausse route ? Pas tout à fait, car ils ont bien supposé un instant l'importance du codage, (en effet, comment décoder si on n'a pas codé !) mais ils l'ont trop vite déclaré impossible. Avec deux arguments assez inattendus.
Il serait plus facile de lire, de décoder que d'écrire, de coder !
Pourtant, placer un élève devant un texte ne lui permet pas de décoder, pas plus que le paléographe n'arrive à décoder l'écriture de l'île de Pâques. Personne ne peut décoder sans disposer du code. Alors on triche, on ment effrontément à l'élève. Soit en lui disant, ou pire en lui faisant "découvrir", que a se lit /a/ (Pensez à faisant, pain, faon, faute, camp, haie, chantai, août, équation) ; soit en lui disant par exemple que maman se lit /maman/, ignorant totalement le codage phonologique du mot et l'invitant à lire une écriture idéovisuelle, conduisant normalement à écrire loin pour lion et à lire serpent pour vipère. Ce que certains idéovisualistes prenaient pour un accès intelligent à la lecture. Logique et intelligent, certainement, mais ne donnant pas accès à la communication écrite. D'autres prescripteurs, on l'a vu, ont mélangé le tout, croyant rendre le système plus limpide : commencer par ne rien dire du code (lecture globale) pour vite revenir au décodage. Il faut pourtant en convenir, il n'y a pas de code de lecture, seulement un code d'écriture et c'est celui-là qu'il faut apprendre. Ce qui conduit immédiatement à écrire femme et monsieur qu'on pourra alors relire plus que décoder.
S'abriter derrière l'accès au sens est encore moins convaincant. On sait toujours de quoi on va écrire (parler) on ne sait pas du tout ce qu'on a devant les yeux lorsqu'on voit un écrit, c'est tout son mystère mais ça n'aide en rien.
Les probabilités peuvent aussi démontrer la primauté de l'écriture sur la lecture. Pour écrire, on doit traduire seulement 36 phonèmes. Et les statistiques d'écriture sont assez stables si on s'en réfère à Nina Catach. Elles sont régulières dans 80 à 100% des cas. Quand j'écris /n/ je le traduis dans 100% des cas par "n" ou "nn". Si peu qu'un adulte fournisse à l'élève les écritures déviantes de certains phonèmes, ce dernier écrira facilement.
Les statistiques de lecture sont beaucoup plus défavorables. Evidemment, l'élève trouve devant ses yeux plus de 550 graphèmes différentes, dont certains ont une double ou triple lecture possible, (on dans donne et don, en dans vent, venu, évitent) ce qui peut conduire à choisir parmi 1000 ou 2000 possibilités. Ainsi la lettre n ne se lit /n/ que dans 15 à 25% des occurrences. Vous pouvez réaliser un comptage sur un texte et vous verrez qu'il est impossible de lui appliquer le b.- a. -ba. Comment donc des spécialistes peuvent-ils prétendre que la lecture obéit à des correspondances stables dans 85% des cas ? C'est l'écriture qui est stable dans plus de 85% des cas, pas la lecture. Il semble qu'on ait confondu statistiques de lecture et d'écriture. La lecture n'est pas une écriture en miroir, ce qui explique qu'une autre pédagogie doit être appliquée pour accéder à la lecture.
Et dernière méprise, les chercheurs ont recours à l'orthographe. Comme si cette convention sociale assurait à elle seule la compréhension du système alphabétique alors qu'elle le complique. S'il fallait connaître l'orthographe pour parler, ça se saurait. Les pays à orthographe transparente savent retrouver le sens de mots polysémique en fonction du contexte, comme nous par exemple quand nous lisons sec dans "du bois sec, un coup sec, du pain sec" etc. Mais rien n'y fait, on a même engagé un ordinateur dont la conclusion a été qu'il était impossible d'écrire avec des règles de lecture simples, celles du b.- a. –ba. ...
Celui qui écrit est d'abord en recherche de traduction de la parole, pas d'orthographe qu'il ne connaît pas encore. Ce sera le rôle du maître de lui faire cadeau des graphies particulières, sortant de l'ordinaire. Ainsi l'enfant pourra tout écrire, alors qu'il ne peut pas encore tout lire.
Le second argument vise la difficulté de l'écriture manuelle et la lenteur de celle-ci.
Preuve évidente d'un isolement théorique sans prise avec la réalité du terrain. Il suffit de se rendre dans une classe pour constater qu'il y a au moins deux façons de coder rapidement : rassembler des lettres, (des autistes auraient appris à lire en regardant "des chiffres et des lettres") soit lettres mobiles, soit lettres du clavier et d'autre part pointage sur un écritoire rassemblant les diverses écritures de chaque phonème. Donc rapidité d'exécution, choix de la bonne orthographe, réalisation mentale discernant le phonème pour le transcrire. On comprend mieux que l'accès à la correspondance phonographique est une condition sine qua none d'accès à la lecture.
Quant à la lenteur de la graphie manuelle, les pédagogues savent tous que durant ce temps, les graphèmes s'inscrivent aussi en mémoire kinesthésique, que l'attention de l'élève peut se maintenir longtemps sur la morphologie des lettres et sur leur ordre de succession. Ecrire à la main, c'est perdre du temps pour en gagner. Je renvoie par ailleurs à Berthoz qui réhabilite le geste fort bien compris par Leroi-Gourhan
J'en conviens malgré tout, à ce point les enfants savent relire ce qu'ils ont écrit, mais ils doivent encore apprendre à lire. Cependant, ils disposent de connaissances nouvelles qui vont lui permettre d'accéder à la lecture. Il sait que le sens de l'écrit, style mis à part, n'est pas autre chose que celui de l'oral, que tout écrit recèle du sens. Il sait que chaque phonème est remplacé par un graphème, qu'un ordre spatial remplace impérativement l'ordre d'apparition temporel (il ne confond par cor, roc, ocre et croc).Il sait aussi qu'il y a un code d'écriture pour chaque mot, tout en commençant par deviner une certaine régularité, surtout pour les consonnes telles que b, v ou p. Et contrairement à ce qu'affirme l'O.N.L. sous la foi de chercheurs, il apprend que la lettre b ne se lit pas toujours /b/, puisqu'il écrit /apsorbtion/ absorption…
Si les maîtres voulaient bien respecter la genèse de la communication écrite, tous leurs élèves apprendraient à écrire et à lire en C.P. La confiance leur serait rendue par tous. Encore faudrait-il que la hiérarchie ne condamne pas ou n'interdise pas un cheminement aussi productif.
Naturellement, tout ce qui est dit par ailleurs sur la lecture est valable, une fois qu'on sait comment on écrit les mots, les phrases, les textes. Il faut aboutir à une lecture reconnaissance, rapide, intelligente dont le but est l'accès au sens.
Il serait dommage que les enseignants soient asservis à un choix idéologique qui serait démenti quelques années après, comme on l'a vu ces dernières décennies. Ce serait les inviter à "ouvrir le parapluie", à se ranger prudemment sous l'aile des options hiérarchiques très diverses selon les circonscriptions.
Ceux qui désireraient plus d'informations sur la suite du processus (à adapter à leur pédagogie) peuvent demander un complément à delacour.j@wanadoo.fr
Jacques Delacour
j'ai abordé notre ministre lors du salon d'Expolangues et me suis heurtée au mur d'incompréhension de son entourage (membres du cabinet ministériel?) intimempersuadé d'avoir raison.
Difficile dans ces conditioons de dialoguer et quand l'autorité remplace la discussion, l'argument ne vaut que ce qu'il vaut.
Pouvons-nous faire comprendre à notre ministre que , contrairement à ce qui m'a été affirmé alors, je ne suis pas la dernière et la seule à ne pas accepter sa doctrine?
Pourquoi ne pas demander à chaque lecture du café d'envoyer au ministre un courrier (papier et/ou mail) l'invitant ppoliment à aller voir les bonnes pages du café?
Fidèlement vôtre et merci à toute l'équipe
anne marie pauleau
Le dossier sur l'apprentissage de la lecture, présenté par le Café Pédagogique dans l'Expresso du 3 mars, comporte une lacune importante (à nos yeux) : la position du Professeur André Giordan, Directeur du Laboratoire de Didactique et Epistémiologie des Sciences de Genève, publiée dans une tribune du Café N°65, le 16 septembre 2005, et intitulée "Vous avez dit apprendre à lire ?"
Ce chercheur, spécialiste des sciences de l'éducation, préconise, tout comme nous, une anticipation de l'apprentissage de la lecture dès la première classe de maternelle, suivant une démarche naturelle, c'est-à-dire non *syllabique*
perso.wanadoo.fr/range
L’éducation ne peut se penser sans les parents. Le premier pédagogue est le parent. C’est lui qui offre les premières découvertes à ses enfants, c’est lui qui leur apprend à parler.
C’est cette pédagogie initiale qui amène le parent à ne pas comprendre les méthodes descendantes (ou globale, mixte, intégrative, comme vous voudrez les appeler...) que lui impose l’école (le système pas les enseignants!). Le parent a compris le fonctionnement des acquisitions chez ses enfants mais il est dérouté face à la plupart des manuels scolaires. Si on divise par exemple le temps consacré à la lecture par le nombre d’enfants dans une classe, on s’aperçoit qu’un enfant va lire effectivement 4 ou 5 fois plus de temps avec ses parents, mais comme les manuels sont mal construits et incompris on se tourne vers des supports adaptés à la réalité du fonctionnement, de l’apprentissage, de l’échange qui a été construit avec nos enfants depuis leur naissance.
C'est drôle avec certains ici on redécouvre les fondements de la lecture et on se repose même la question de la syllabe! Que tout cela semble bien confus et peu fondé. Ou sont les preuves, les démonstrations, les vraies comparaisons (pas des études anecdotiques)?
Dans "Le devenir des bacheliers : parcours après le baccalauréat des élèves entrés en sixième en 1989" un enfant entré en sixième avec un an d'avance a deux fois plus de chance d'obtenir un diplôme > Bac +3. C'est l'école ou ses parents qui lui ont permis de sauter une classe (en général le CP, car il sait lire...). Les meilleures études sont accessibles aux enfants d'enseignants, curieux?
Certains affirment ici que les méthodes sont adaptées à l'apprentissage de la lecture, en tout cas elles ne sont pas du tout adaptées aux parents qui suivent leurs enfants dans cet apprentissage et ce paramètre est primordial.
Imposer la syllabique… Mais, au fait, la langue française est-elle syllabique ? par Eveline Charmeux16. Le lundi 27 février 2006 à 09:33, par Gilles Mondémé, enseignant, maître-formateur, engagé dans trois recherches-actions INRP-AFL
Avant de déclarer la méthode syllabique obligatoire, il serait peut-être décent de se demander si le français, notamment le français écrit (puisqu’il est question de lecture), est bien syllabique, c’est-à-dire si la syllabe est bien l’une de ses composantes.
Or, rien n’est moins sûr.
Une des caractéristiques particulières de la langue française est que les lettres, les plus importantes pour la compréhension des mots et des messages auxquels ils appartiennent, sont des lettres qui ne se prononcent pas, soit en finale, soit dans le corps des mots : "chante" et "chantent" ; "pois" et "poids" etc.
C’est à Robert Estienne que nous devons en partie cette particularité, grâce à une initiative, assez affreuse socialement (« l’orthographe doit distinguer les honnêtes gens des ignorants et des simples femmes » !! disait-on à l'époque), mais géniale linguistiquement. Sans le vouloir (et sans doute, sans le savoir) il avait eu l’intuition remarquable de la profonde différence de fonctionnement entre la langue de l’oral (faite de signes sonores, perçus par l’oreille) et celle de l’écrit (faite de signes visibles, perçus par les yeux). C’est ainsi que dans ses principes sur l’orthographe, il souhaite, entre autres, que soient distingués par l’écriture les sens différents d’un même mot : les exemples sont nombreux : "dessin" et "dessein", "exaucer" et "exhausser" etc. Et, contrairement à ce qui se dit en général sur ce point, c’est une excellente idée favorisant au plus haut point la lecture et la compréhension visuelle directe.
Du coup, ces propositions ont confirmé une relative indépendance des formes, orale et écrite du français ; relative, bien entendu, mais réelle tout de même : j’entends le même « son » (phonème) au début de "opticien" et de "obtenir" ; et je ne vois pas la même lettre…
Cette indépendance relative est encore renforcée par le fait que les mots ne se prononcent pas du tout de la même manière d’un endroit à un autre de la Francophonie ; d’où l’absurdité de vouloir « simplifier » l’orthographe en la rapprochant de la prononciation… La prononciation de qui ? Des Québécois ? des Strabourgeois ? des Antillais ? La notion de prononciation standard est absurde : même à Paris, elle n’existe pas.
Tout ceci entraîne deux conséquences à propos de la syllabe. Si elle a une incontestable réalité articulatoire, à l’oral (mais à l’oral seulement), cette réalité n’a rien de stable :
1) Le nombre de syllabes d’un mot n’est pas le même d’une région à une autre et même d’un moment à un autre pour un même sujet parlant : un Parisien dira « il y a une fenêtre d’ouverte » en prononçant le mot « fenêtre » avec deux syllabes : [fenètr] ; mais il dira aussi : « ferme la fenêtre », avec une seul syllabe : [fnètr], là où le Toulousain en prononcera trois ! Difficile, dans ces conditions de s’appuyer sur la syllabe pour identifier un mot, sauf à appauvrir le vocabulaire en limitant le choix aux rares mots qui se prononcent de la même manière partout…
2) On ne trouve pas de syllabes écrites en français. Pour les trouver, il faut passer par la prononciation du mot, qui elle-même exige que le mot soit compris pour être prononcé. Soient les deux mots :
Panier
Pantin
Comment savoir quel statut il faut donner à la lettre « n » dans chacun de ces mots ? Doit-on rattacher cette lettre au « a » qui la précède, ou au « i » qui suit ? Selon quel critère ? Où faire le partage des deux syllabes qui les constituent ?
Il est clair que seule la compréhension permet de faire ce travail dont, au surplus, on ne voit guère l’intérêt !
Certaines traditions sont même sur ce point assez nocives : faire croire, par exemple, que dans les mots à doubles consonnes, comme poisson, il faudrait couper le mot en fin de ligne de la façon suivante pois-son, est une contre-vérité : les deux syllabes de ce mot sont évidemment poi-sson.
Pire, les collègues savent bien que si l’on demande à un enfant de CP de couper le mot ALAIN en syllabes, cela donnera à coup sûr, surtout si le tableau des syllabes est affiché : A/LA/IN
En fait, ceci confirme que le français écrit n’est pas vraiment une langue syllabique, contrairement à d’autres, le japonais, par exemple. Du reste, les phonéticiens ont beaucoup de mal à lui trouver une réalité linguistique, même à l’oral.
Travailler sur elle au cycle 2, c’est mettre les enfants en présence d’un objet totalement abstrait, et donc fort difficile.
De plus, faire travailler sur des syllabes artificielles est une pratique fort dangereuse, notamment pour l’orthographe. En effet, même si l’on annonce aux enfants que les syllabes à lire n’ont aucun sens (ce qui, déjà est curieux quand on songe qu’apprendre à lire, c’est apprendre à comprendre !), on ne peut empêcher un enfant qui lit la syllabe « bo » de penser au mot « beau » qu’il a entendu et qu’il connaît. Il va ainsi mémoriser une relation « image graphique / signifié » qui le détourne de l’orthographe du mot, et le conduit à l’écrire avec des erreurs.
La conclusion de tout ceci, c’est que la syllabe n’a pas grand-chose à faire dans l’apprentissage de la lecture en français.
Depuis que mon équipe et moi, nous avons fait ce constat, nous avons travaillé avec les enfants de cycle 2, en supprimant purement et simplement le passage par la syllabe dans leur apprentissage de la lecture. Depuis trente ans que nous travaillons ainsi, nous constatons chaque jour à quel point ce passage par la syllabe était un détour inutile. Inutile et même dangereux, car, la vraie difficulté pour les petits qui apprennent à lire, est ailleurs ; c’est de savoir que l’ordre des lettres est pertinent(1). Or, le passage par la syllabe fait oublier cette donnée.
En fait, la démarche efficace, consiste :
• à faire découvrir d’abord la notion de mot écrit, dont on sait qu’elle est fort différente de celle de mot oral, et donc que les enfants n’en ont aucune connaissance tant qu’ils ne savent pas lire. Quand j’entends : "le ciel est bleu", je n’entends qu’un seul mot, et rien ne peut laisser supposer qu’il y a plusieurs
« paquets de lettres » (selon la jolie formule d’un petit de CP), ni comment ils sont séparés. C’est une fameuse découverte pour un petit.
• puis, de leur faire découvrir que les mots sont composés de lettres, dont le nombre et l’ordre sont des propriétés essentielles. Ce sera possible, notamment, grâce à des comparaisons d’anagrammes, qui constituent le meilleur moyen de faire découvrir le rôle de l’ordre des lettres dans la signification et l’identification des mots
Cette démarche a aussi pour avantage de favoriser l’exploration beaucoup plus précise de l’orthographe, et de favoriser la construction d’un « regard orthographique » des mots, condition nécessaire à la compréhension et à l’acquisition du système orthographique français.
Décidément, la syllabique n’a vraiment rien d’automatique, parlez-en à votre instit, et surtout à votre ministre !
Eveline Charmeux ? Février 2006
(1) Voir, du même auteur, l’article sur les obstacles épistémologiques, notamment dans la « réponse à Rachel Boutonnet ».
Ne pas se tromper d’ennemis.....
ou
Une certaine la-cistude...et un agacement certain.
Avant de discuter quelques points du texte d’Ouzoulias publié par le Café Pédagogique, quelques considérations que m’inspirent plus généralement tous les textes qui circulent sur le net.
La circulaire de Robien aura au moins eu le mérite de secouer un peu le petit monde qui ronronnait dans un certain consensus courtois, autour de l’apprentissage de la lecture, à l’image de la conférence du même nom.
Dénoncer l’ineptie réactionnaire et pétitionner, c’est la moindre des choses. Pour autant fallait-il se sentir obligé de glisser dans ces textes quelques coups de pieds de l’âne à l’approche idéovisuelle (et à Foucambert) soit en disant qu’elle a complètement disparu du paysage français soit en ajoutant avec Goigoux (qui compte 20 CP idéovisuels en France ??? ! cf. sa déclaration dans le Monde de l’Education) qu’il faut l’interdire (et au nom de quelles évaluations ?). Ce qui peut paraître paradoxal : pourquoi vouloir interdire ce qui n’existe plus ou presque ?
Dans le même temps, dire qu’elle a disparu, c’est la dégager de toute responsabilité dans les résultats inquiétants aux différentes évaluations. Autrement dit, c’est reconnaître que ces résultats doivent bien avoir un rapport avec le type de pédagogie qui prévaut dans 90% des CP sauf à nier leur caractère alarmant pour 1/3 des enfants de ZEP et/ou à penser que tout est dans l’effet maître, ce qui mérite pour le moins discussion.
A ce sujet , dire qu’il n’y a que 4% d’élèves qui entrent en 6ème sans pouvoir prendre aucune information dans un écrit et que 11% savent déchiffrer sans comprendre ne signifie pas pour autant que les 85% qui restent savent lire ou n’ont pas de difficultés de lecture. On admet que 20% seulement ont construit des compétences qui permettent l’accès à l’implicite, ce qui est une bonne définition du savoir lire. Chiffres qu’il faut bien sûr relativiser au regard du passé mais qui posent, maintenant encore plus, un réel problème démocratique. Car le "débat" se situe bien ici : faut-il se satisfaire d’une alphabétisation pour les enfants des classes dominées qui arriveront à se débrouiller avec un peu d’écrit dans un usage très pragmatique ou tout faire pour qu’ils puissent accéder à l’écrit ( lecturisation) comme un outil de pensée permettant de comprendre le monde ? (Mille excuses pour cette phrase abrupte qui sent la langue de bois et l’artillerie lourde mais, sauf à écrire dix pages, je ne vois pas ici comment dire les choses autrement.)
Tout se passe comme si le discours consensuel (la guerre des méthodes est morte, tout le monde fait du grapho-phono intelligent avec les manuels, tous les élèves travaillent la compréhension, produisent des textes et sont en contact avec la littérature jeunesse. Tout le monde donc pratique maintenant la méthode "intégrative". Il suffisait de lui trouver un nom !) avait besoin pour asseoir sa crédibilité de défendre une position "raisonnable" qui serait bornée à droite par les inspirateurs de de Robien et à gauche par les nostalgiques de la voie directe tout autant antédiluviens que des tortues d’eau douce sans bénéficier pour autant du label "espèce protégée". Sus donc aux extrémistes de tous poils, de plumes et d’écailles, sans discernement.
Reste à savoir si dans les 90 % des CP qui utilisent des manuels, l’optimisme déclaré est bien corroboré par des pratiques qui tiennent "les quatre points cardinaux de la didactique de l’écrit"....
Ouzoulias écrit "qu"il y a eu en France de brillants défenseurs de la méthode idéovisuelle". Ce qui laisserait penser que les années ont amati leur aura. Pour le rassurer je peux dire avec tous les participants aux recherches actions qu’ont menées conjointement l’INRP et l’AFL depuis vingt ans qu’il n’en est rien. Qu’on en juge par les productions de l’AFL, Actes de Lecture, rapports de recherche, productions informatiques... dont Ouzoulias ne doit pas ignorer l’existence à moins qu’il ne s’agisse là d’un déni d’existence de recherches qui continuent à explorer une autre voie. On n’analysera pas ici les causes exogènes, sûrement plus politiques que pédagogiques, encore que les deux soient intimement liées, qui ont écarté institutionnellement la "méthode idéovisuelle", au moins dans le discours car il faut bien reconnaître qu’elle n’a jamais été un raz de marée pédagogique, même dans les années 70/80. Mais, quand, de surcroît, on dit, pour la mettre définitivement au ban, qu’elle est une méthode globale ( et pas la bonne, car la bonne, c’est celle de Freinet qui fait faire du grapho-phono "naturellement". Autrement dit, c’est une bonne méthode globale...parce que justement elle ne l’est pas.) on trouve là un bon bouc émissaire responsable de tous les mots de l’éducation bien exhibé par tous les médias ces derniers temps.
Bref, tout le monde est contre sans savoir vraiment pourquoi, parce qu’on le dit, parce que c’est la doxa. La Globale serait donc cette maladie infantile ou sénile, honteuse, quasi nosocomiale de la pédagogie de la lecture. Et pourtant... qui pourrait argumenter en pleine connaissance de cause contre la théorie de la forme, la gestalt, dont elle s’inspire quand on sait que l’écrit est d’abord un langage pour l’œil parce qu’il se développe dans l’espace laissant le message permanent contrairement à l’oral qui se développe dans le temps et dont le message s’efface au fur et à mesure de son énonciation ? La lettre en Polonais du GFEN en offre un parfait exemple qui montre les différentes prises d’indices (tous des repères visuels) et qui montre aussi que l’oralisation, qui relèverait de la gageure, n’apporterait pas une once de sens. L’oral est indispensable ici pour sa fonction méta-langagière.
De la même manière quand on demande ce que signifie "approche idéovisuelle", on a pour seule réponse "c’est se servir d’albums et de ne pas faire de grapho-phono". Ce qui est un peu court. Car ne pas enseigner le système de correspondance ne signifie pas ne rien enseigner ou ne pas construire de situations d’apprentissage, encore faut-il avoir la curiosité de les connaître. La démarche pédagogique est une démarche expérimentale avec formulation d’hypothèses, vérification de ces hypothèses, activités réflexives sur la langue et entraînement.(Je renvoie ici à "La Leçon de Lecture", une partie du rapport de recherche "lecture et voie directe"). Cette démarche ressemble furieusement à ce qui se fait en sciences et que tout le monde trouve intéressante. Faut-il croire que ce qui est bon pour les sciences est nocif pour l’apprentissage de l’écrit ? Que la manière d’apprendre soit corrélée à la discipline enseignée ?
Pour clarifier les choses, il faut aussi comprendre qu’il n’y a pas de "méthode idéovisuelle". Le mot méthode sous-entendrait qu’il y aurait une progression, du plus simple vers le plus compliqué et que tous les élèves apprendraient en même temps et préalablement un "code" qui leur donnerait accès à des messages écrits.
La pédagogie de "la voie directe" (ou la pédagogie de la" voie orthographique" étymologiquement droit, directement, à l’écrit) affirme que l’écrit est un langage pour l’œil et que c’est par les messages écrits dont on est destinataire qu’on arrive au code graphique de l’écrit (qui n’a rien à voir avec la correspondance graphème/ phonème). De la même manière qu’un enfant apprend une langue étrangère (parce qu’il a des parents bilingues ou parce qu’il vit à l’étranger)... en la parlant et en participant à des activités réflexives sur le fonctionnement de cette langue seconde.
En d’autres termes, c’est aussi affirmer qu’on apprend à lire en lisant des "vrais" textes, c’est-à-dire des textes dont on a un usage, que ce soient des écrits sociaux liés à la vie de la classe, des textes documentaires mais aussi et surtout des textes venus de la littérature de jeunesse parce que c’est là où l’écrit est le plus élaboré. Comme l’a dit Passeron, "l’écrit sert à tout, des petits bricolages de l’existence à l’exercice du moi".
A partir des "écrit" des manuels et de leur phrases calibrées pour sortir des relations graphèmes/phonèmes on apprend le système de correspondance. Ce qui est loin d’être suffisant et pas forcément nécessaire pour apprendre à lire ...de l’écrit qui, rappelons le avec insistance, n’est pas un simple système de notation de l’oral. Vygotski dit même que "le langage écrit est à l’opposé polaire du langage oral" parce qu’il prend "la forme qui correspond à sa fonction". Il parle aussi "d’algèbre du langage". Comme les connaissances de l’algèbre réorganisent les connaissances antérieures qu’on avait sur l’arithmétique, le langage écrit réorganise le connaissances antérieures qu’on avait sur l’oral.... On peut en conclure que l’appropriation du fameux principe alphabétique est en grande partie une conséquence du savoir lire et non un préalable.
Quelques points de discussion avec le texte d’Ouzoulias.
C’est Liliane Sprenger-Charolles qui a lancé les premières hostilités contre la pédagogie de la voie directe dans les années 80. Elle se référait alors, comme maintenant, à un modèle de psychologie cognitive américain qui condamnait l’approche "Whole language". Ce modèle s’inscrivait dans les recherches que Bruner avait lancées dans les années 60 et dont il s’est franchement démarqué car, pour faire bref, l’approche du traitement de l’information par le cerveau humain était modélisé sur le modèle informatique. Bruner a donc dénoncé cette approche extrêmement réductrice d’où l’humain avait disparu pour promouvoir une "psychologie culturelle" d’inspiration vygotskienne.
Elle a aussi participé à la rédaction du petit livre rouge "maîtrise de la langue" de 92 sous la protection d’Hébrard et, d’une certaine manière a réhabilité "scientifiquement" les méthodes grapho-phono dont Gafy and C°. Il semble que son discours se soit maintenant pour le moins raidi.
Pour avoir une bonne idée des modèles de psychologie cognitive concernant l’apprentissage de la lecture il faut absolument lire le livre de Fijalkow, (sur la lecture, ESF) où il dit de cette approche "hégémonique" qu’elle n’a pas de "validité écologique" car c’est une psychologie sans sujet qui ne tient absolument pas compte de toutes les dimensions sociales de l’apprentissage et qu’elle manifeste une "arrogance scientiste". Il émet aussi de grandes réserves sur l’approche du constructivisme génétique (piagétienne) et déclare l’approche socio-constructiviste de Vygotski très heuristique. C’est cette approche que nous avons à l’AFL.
Quand Ouzoulias parle de discussions dans le monde anglophone reprises par des chercheurs français, je crois qu’il se méprend dans ses arguments. D’abord il semble ignorer la critique du modèle psychologique, ce qui est assez étonnant de sa part et de son ami Brissiaud grand vygotskien revendiqué, ensuite quand il dit que l’écriture du français est relativement transparente. Ce n’est pas le nombre de graphèmes (130, cf. Catach) qui rend compte de cette transparence dans les deux sens lecture / écriture. Si le son /en/ est codé à 47 % par le graphème "en" que dire de la séquence "en" dans enfant, ils ferment, un ferment, examen, chien , tienne, maintenant....autrement dit quand on voit -en- dans un mot comment le prononce-t-on, même si on sait qu’un fois sur deux le son /an/ va s’écrire soit -en-, soit -an- avec souvent des "lettres muettes" qui ne "disent" rien mais qu’il est indispensable de voir ? Comme en anglais, c’est bien un effet de contexte (syntaxique ou lexical) qui permet de décider de l’oralisation de la fameuse phrase "les poules du couvent couvent. Autrement dit, il vaut mieux reconnaître les mots avant de pouvoir les prononcer ! Un bon lecteur est un bon déchiffreur, l’inverse n’est pas vrai !
On sait que contrairement à l’italien, à l’espagnol...., il n’y a pas en français de correspondance biunivoque entre un phonème et un graphème parce qu’il y a un déficit graphémique (36 phonèmes pour 26 lettres plus quelques signes diacritiques et accents), que le même phonème /o/ peu être codé par plusieurs graphèmes dans : do, eau, tuyau, ( et est-ce le seul -o- dans trot, trop ?)... et que le même graphème -X- peut coder plusieurs phonèmes : dix, examen, extrême... et une valeur 0 : oiseaux. De nombreuses homophonies ont nécessité le recours à l’étymologie pour lever les ambiguïtés à l’écriture en portant la marque graphique de l’étymon : vain -vanus ; vin - vinum ; vingt - viginti .....et la nasalisation, phénomène assez français, n’a pas arrangé les choses avec l’apparition du /an/ du /on/ du /in/ ( cf. Chervel Benveniste, l’orthographe).
De fait , l’orthographe française privilégie la "forme, le morphologique" au "son" et la stabilité orthographique qui permet une lecture aisée se retrouve au niveau des unités de première articulation : les monèmes ( grossièrement radicaux et affixes). Ainsi un découpage syllabique fera découper démontable comme suit : dé-mon-ta-ble alors qu’un découpage au niveau des monèmes fera apparaître dé-mont-able avec encore une signification sur chacune de ces unités : dé- parce qu’il y a dé-faire, dé-coller ; mont- parce qu’il y a monter, montage, monter ; able parce qu’il y a collable, réparable....
Quand on travaille au niveau des unités inférieures aux mots, c’est ce découpage que nous mettons en place pour construire le système génératif, productif et efficace : quand on sait raser, rasoir, rasage, raseur et arroser, on peut trouver arrosoir, arrosage et arroseur.... Et il vaut mieux écrire "hachoir" quand on a vu écrit "hacher" que "achouar ". Chervel et Benveniste disent aussi qu’historiquement les écritures alphabétiques tendent à devenir presque idéographiques en maintenant la stabilité orthographique des monènes malgré ( ou à cause) de l’évolution des prononciations.
Ce travail sur le système dérivatif est bien un des points cruciaux quand on travaille sur les mots. Il répond à certaines interrogations de la fin du texte d’ Ouzoulias. On voit donc bien que le regard qu’on porte sur les mots est complètement différent suivant qu’on cherche à faire du son pour identifier un mot et le comprendre en l’oralisant à la manière d’un rébus ou suivant qu’on cherche directement le sens porté par ses monènes, ce qu’il faudra de toute manière faire pour accéder à la voie orthographique. Autrement dit faut-il déjà apprendre ce qu’il faudra abonner ensuite, en sachant que justement, les piètres lecteurs ne peuvent pas abandonner la voie alphabétique. Autrement dit encore ne faut-il pas apprendre à bien faire du premier coup ?
Tous les mots ne se découpent pas en monèmes. Le mot "éléphant" est un monème à lui tout seul (lexème, auquel on peut ajouter des morphèmes) tels le "s" du pluriel, le "eau" pour éléphanteau comme renardeau...le "esque" pour éléphantesque comme grotesque...Il n’empêche qu’éléphant n’a qu’une seule orthographe, c’est d’ailleurs ce qui permet de le reconnaître à coup sûr et il faudra bien que les élèves apprennent à l’écrire comme ça. D’où mon interrogation sur la fameuse écriture inventée qu’on doit à Ferreiro qui ne peut se réaliser comme le dit Ouzoulias que dans les écritures transparentes. Laisser croire qu’on peut écrire momentanément "éléphant" en transcrivant ce qu’on entend à partir de ce qu’on connaît peut donner des choses comme celles-ci, complètement aléatoires : élaitfen, elleéfan, aileetfan, élesfen...( qui n’ont pas vraiment une "tête" d’éléphant, Benveniste et Chervel parlent d’ailleurs du visage propre du mot) et il y a peu de chance qu’un môme spontanément écrive "éléphant" (sans qu’il se trompe). Il y a évidemment un fort risque d’induire les élèves sur des fausses pistes quand on cautionne cette pratique (tu écris ce que tu entends et que tu sais déjà écrire), voire en l’encourageant parce qu’à ce moment ils construiraient le "code" en encodant. Ce qui, si j’ai bien compris est l’argument de Goigoux en faveur la méthode "globale" et naturelle de Freinet. Même si évidemment on intervient en rétablissant a posteriori l’orthographe, ce qui pose les limites d’un certain constructivisme.
(Pour la petite histoire, j’étais à la commission nationale français de l’ICEM dans les années 80 quand le groupe de l’Yonne a produit les fichiers de lecture 0, a revu complètement les fichiers orthographe et édité des dictionnaires thématiques justement pour rompre avec ces pratiques.... Il faut dire qu’on avait lu Foucambert en 76 !)
Et pour finir, au niveau du mot, je n’hésite pas à justifier les "lettres muettes" par l’étymologie : "loup" s’écrit avec un "p" final parce qu’il vient du mot latin "lupus", ce qui est une façon de dire que "l’instrument psychique-langage écrit est historiquement et culturellement marqué" pour montrer que l’orthographe n’est pas quelque chose d’aléatoire.
Et ceci dès le CP. Avec les plus grands, on peut faire ce genre de recherche avec un dictionnaire historique. On apprend ainsi que hippopotame s’écrit ainsi parce qu’il vient de hippos- cheval et de potamos- fleuve qu’on va retrouver dans Mésopotamie (entre les fleuves).
Mais, et c’est peut être là l’essentiel, Ouzoulias se place dans une combinatoire ascendante considérant l’écrit comme un système de notation de l’oral : des graphèmes transformés en phonèmes pour construire des syllabes pour construire des mots. On est là dans une conception de l’acte de lire qui serait la reconnaissance de mots qui se juxtaposeraient. Or lire ce n’est pas oraliser un mot puis un autre etc ou même reconnaître directement un mot puis un autre...ce qui ne tient absolument pas compte de la structure syntaxique de la phrase, marquée par les mots outils qui portent tout autant le sens que les noms, verbes et adjectifs. On peut même parler métaphoriquement d’ossature syntaxique évoquant le rôle fondamental du squelette. On peut rappeler aussi l’expérience lumineuse de Richaudeau : on donne à lire un texte à un lecteur et on mesure son temps de lecture puis on lui donne à lire une liste aléatoire de tous les mots qui composent le texte qu’il vient de lire et on mesure son temps de lecture. Et alors ? Un lecteur met moins de temps à lire le texte que la liste des mots qui le composent (et en plus il comprend ce qui est écrit, ce qui n’est pas anecdotique...) et meilleur lecteur il est, plus la différence de temps est importante !
En disant que l’écrit est un langage pour l’œil parce qu’il se développe dans l’espace, nous disons aussi que cet écrit est organisé spatialement par un code graphique qui commence, par effet de zoom, avec le type de support, l’architecture de surface du texte (la recette a une autre forme qu’un article de journal, qu’une page d’album avec des typos différentiées etc.) qui se poursuit avec l’organisation de ses différentes parties (paragraphes, zones de dialogue, de narration..), la structure des phrases et des mots (monèmes). Autrement dit nous sommes dans un modèle descendant. Ici le cerveau n’est pas une "machine" à coder/décoder mais une "machine" qui anticipe et vérifie en permanence.
La discussion semble revenir sur le bien fondé de l’écriture inventée. Ce point n’est pas anecdotique car il révèle la contradiction fondamentale de ce qu’on pourrait appeler "le juste milieu". Dire qu’il faut faire du son et du sens, de l’alphabétique et de l’orthographique, apparaît comme évident parce qu’à première vue complémentaire. Or on est bien là dans ce mythique et mystifiant point d’équilibre parfaitement instable qui voudrait concilier l’inconciliable.
Il me semble que c’est B. Charlot qui parlait de "rupture épistémologique" en disant que la science, très souvent, prend le contre pied de l’expérience ordinaire. Ainsi l’expérience ordinaire montre bien que le soleil "se lève à l’est" et qu’il se couche toujours "à l’ouest". C’est ce qu’ont cru les hommes pendant des millénaires et qu’a théorisé Ptolémée. On le sait, c’est Copernic qui a rompu avec cette conception en ayant l’intuition d’un système héliocentrique. On ne peut pas vouloir expliquer le mouvement des planètes en se référant tantôt au modèle de Ptolémée, tantôt au modèle de Copernic, voire en pensant qu’il faut à la fois le modèle de Ptolémée et le modèle de Copernic. Et ce n’est pas l’usage qui peut justifier la théorie. Le cadran solaire ne justifie le modèle de Ptolémée qu’en apparence, c’est bien le modèle copernicien qui est explicatif.
Aussi dans des considérations plus terrestres, il me semble qu’on ne peut pas concilier l’approche alphabétique et l’approche orthographique.
Il faut peut-être faire une véritable révolution copernicienne ! Autrement dit, il n’y a pas passage d’une voie à l’autre (personne ne sait d’ailleurs comment il s’effectuerait et on en reste encore à peu près sur la calamiteuse explication donnée bas de page 58 et haut de page 59 de "la maîtrise de la langue" de 92). Il y a forcément rupture. D’autre part, penser que le modèle développemental ( après la voie logographique, il y aurait la voie alphabétique puis la voie orthographique) a quelque chose d’universel parce qu’il décrirait la manière d’apprendre (alors qu’il décrit la manière d’enseigner !) montre quand même une sacrée dose d’ethno-occidentalo-centrisme. C’est faire peu de cas des quelques milliards d’individus qui lisent et écrivent dans une langue idéographique...donc directement sur un type de voie purement orthographique. On sait aussi du point de vue de la phylogenèse les premiers écrits n’avaient pas vocation à noter de l’oral.
Pour terminer
Il me semble que dans ces temps difficiles, il ne faudrait pas se tromper d’ennemis. Et qu’on pourrait au moins être d’accord sur le fait que des recherches (qui ne soient pas que des recherches in vitro) doivent continuer sur la maîtrise de l’écrit dans une pluralité garantie.
Il me semble aussi qu’on pourrait réunir, à l’image de la publication prochaine du nouvel Educateur du mouvement Freinet, des contributions plurielles au débat. On ne sait pas trop comment le corps d’inspection va réagir. Il est à peu près prévisible que beaucoup d’inspecteurs vont se contenter d’être dans l’attentisme. Il est probable aussi que Gafy and C° se sortent à peu près indemnes des rodomontades de de Robien.
De plus en plus de collègues vont se retrouver sous la pression soit des parents-consommateurs d’école, soit de leur hiérarchie lorsqu’elle se montrera zélée. Déjà, les pressions sur certains collègues sont fortes, dans les classes comme dans les IUFM.
On espère une défense syndicale... et une mobilisation des enseignants contre ce qui met profondément en cause leur statut....
On a beaucoup parlé de "transformation de l’école pour la réussite de tous les enfants". Ce mot d’ordre que nul ne peut rejeter peut sonner d’autant plus fort qu’il est creux. On ne transforme pas en défendant, en ménageant, en aménageant l’existant. On doit faire le pari qu’ il est possible de transformer profondément les pratiques en étant à la fois ambitieux et humbles.
Pour reprendre Bourdieu, "il faut faire le petit peu qu’on peut, là où on est, pour changer les choses"
ou le paraphraser "la pédagogie est aussi un sport de combat".
Un instituteur de base face à l'avalanche syllabique.
Merci d'abord à tous ceux qui défendent notre liberté pédagogique, à ceux qui reconnaissent la faiblesse de la recherche pédagogique en France, à ceux qui pensent qu'il serait utile de vérifier les assertions d'un pédagogue chevronné sur l'apprentissage de la lecture.
Les Instituteurs de C.P. qui sont intervenus dans le débat se comptent sur les doigts d'une main. Et ils ne sont pas entendus. On attend des élèves qu'ils comprennent ce qu'ils lisent. On est donc en droit d'attendre des chercheurs et des décideurs qu'ils comprennent les affirmations des uns et des autres. Sans caricaturer. Que signifie ce retour à la syllabique ? N'est-ce pas une réponse du terrain au martèlement médiatique (en lieu et place d'évaluations internes sérieuses) sur l'échec en lecture ? Si ces enseignants emploient des méthodes de lecture, peut-on le leur reprocher s'ils ont de bons résultats ?
En ce qui me concerne, je professe qu'il n'y a pas d'entrée réelle en communication écrite par la lecture. Que la porte d'entrée est le codage, l'écriture, et que la lecture est une conséquence de l'écriture. J'ai bien essayé de demander des expérimentations mais le Ministère et mon Académie m'ont renvoyé dans les cordes (il faudrait évaluer ce que je propose), quant à l'observatoire de la lecture (ONL) il déclare que ce n'est pas un de ses objectifs et que je dois m'adresser au Ministère. A pleurer de rire… mais pendant ce temps là, certains enfants continuent d'échouer.
Au pays de Descartes, on peut espérer que le questionnement finira par interroger ! Or, il a fallu inventer l'écriture, le codage de l'oral, pour relire ensuite. Historiquement le codage est premier. Ce que les pionniers ont élaboré sur des années n'est-il pas le cheminement à respecter ? Lorsqu'on commence par coder, le sens est au départ, il suffit d'inventer un code. Et l'avantage du code alphabétique c'est qu'il code des phonèmes, ce qui permet à l'enfant de reproduire avec les symboles écrits, ce qu'il a produit seul avec le code oral. La structure de fonctionnement est similaire. Si je sais écrire mare, je peux écrire ma, art, rame arme, bref, jouer de la combinatoire exactement comme à l'oral. Le geste qui est à l'origine de la parole selon Leroi-Gourhan et d'autres, est devenu geste phonatoire pour se muer en geste scriptural. Et la mémoire gestuelle fait partie du maillage mémoriel qui réunit phonèmes, graphèmes, gestes, images sonores et visuelles, devant conduire à un automatisme, que certains commencent à découvrir sous le terme de mémoire implicite auquel je préfère mémoire procédurale.
Mais les partisans du décodage ne désarment pas : ce serait intellectuellement plus difficile d'écrire que de lire…à cause de l'orthographe. Comme si lorsqu'on code initialement, on pouvait avoir une image mentale visuelle du mot qu'on n'a encore jamais vu. Si on écrit un mot pour la première fois, ce qui est le cas de l'enfant, on ne peut l'orthographier. Si l'enfant apprend à coder, c'est au maître de lui fournir l'orthographe, de façon à ce qu'en relisant, il constate par exemple que le /en/ de printemps s'écrit emps. Mieux, il doit lui indiquer cette écriture de /en/ avant qu'il n'écrive, en la lui montrant sur un écritoire récapitulant systématiquement toutes ou presque toutes les orthographes des phonèmes en français. Mentalement ce n'est pas indifférent de participer à la construction des mots, à savoir comment fonctionne notre système d'écriture, pour projeter ensuite cela sur la lecture de mots qu'on n'aurait pas écrits, en s'aidant du sens de la phrase et du contexte. Il faut donc distinguer orthographe et codage sans abandonner ni l'un ni l'autre.
Boscher a trahi Schuller. Il a inversé le processus : ce n'est plus /a/ qui s'écrit "a" mais "a" qui se lit /a/, il a instauré le décodage encore prôné actuellement. Il a transformé la méthode d'écriture en une méthode de lecture, croyant naïvement comme certains l'affirment que les lettres représentent 85% des sons de notre langue. Ces derniers prennent les statistiques d'écriture (celles de Nina Catach) pour des statistiques de lecture. Ce ne serait pourtant pas difficile, sur un texte donné, d'établir la comparaison édifiante entre écriture et lecture. Si on écrit "monsieur Martin n'a pas rencontré monsieur Mandrin", "n" ne se lit /n/ que dans 1 cas sur 7 (14 %) mais /n/ s'est écrit "n" dans 100%des cas. Dans des textes divers /n/ s'écrit à 100% "n", mais "n" se lit /n/ seulement dans 15 et 25% des occurrences. On est loin des 85%. C'est encore plus frappant pour les sons composés : j'écris "en" pour représenter /en/…Mais les idéovisualistes avaient raison alors, comment lire "ils viennent en tenue de sport" ? Oserai-je faire remarquer qu'à l'écriture cette phrase ne présente aucune difficulté majeure, le seul /en/ présent s'écrivant aussi facilement que ne s'écrira le /n/ de viennent (nnent).
Rien n'y fait. On n'expérimente pas. Tellement il est évident que la lenteur d'écriture viendrait interdire l'accès à la lecture des trop nombreux enfants malhabiles. Pourtant la solution, c'est l'écritoire, sur lequel, tout enfant peut désigner les orthographes des graphèmes constituant le mot à écrire à la vitesse de la parole.
Alors, messieurs les chercheurs – et je me réjouis de l'ouverture de Michel Fayol sur le sujet – quand testerez-vous cette démarche qui n'enlève rien à tout ce qu'on sait sur la lecture mais qui permet à l'enfant de bien comprendre le fonctionnement avant de généraliser et d'automatiser. Et s'il a écrit, il saura que tout écrit est porteur de sens et que la sonorisation ou la vision doivent libérer le sens emprisonné.
Le praticien affirme : tout élève de CP disposant de la parole sensée peut comprendre comment fonctionnent écriture et lecture, il lui reste à apprendre à écrire et à lire rapidement. Je l'ai réalisé en CP ainsi que d'autres maîtres, parfois à leur insu, lorsqu'ils favorisent copie et écriture (ici écriture de connu et non pas création comme je le propose). Tout maître chevronné de CP sait qu'un enfant qui écrit (même "fauxnétiquement") sait lire, l'inverse n'est pas vrai.
Le débat actuel ne peut aboutir, on ne peut pas apprendre à lire, sans passer, d'une façon plus ou moins ouverte, par l'écriture. Les partisans de méthodes de lecture ne trouveront jamais de terrain d'entente.
Par Georges RÉMOND, ancien instituteur (de CP notamment) et ancien IEN ,
Co-directeur et auteur avec Alain Bentolila des manuels d'apprentissage de la lecture de la collection GAFI le fantôme, j'assume pleinement les contenus de nos ouvrages comme les grandes orientations pédagogiques qui ont présidé à leur conception ……. et laisse à d'autres le soin de défendre la "bonne cause" de la lecture (Ils le font excellemment d'ailleurs notamment sur ce site): On ne saurait être à la fois juge et parti. !
Je me limiterai donc à quelques considérations:
1- Lors de sa sortie, notre ouvrage de CP a été jugé par certains comme sacrifiant beaucoup trop au B.A BA: trop "syllabique", disaient-ils, il fut donc banni de certaines circonscriptions d'inspection primaire. Aujourd'hui le voilà condamné par un ministre et un recteur zèlé parce que trop "global".
Que voilà donc des notions à géométrie fort variable !!
2- Affirmer péremptoirement qu'aujourd'hui, comme le font certains, ON ne sait plus lire (à cause de la méthode globale) alors qu'autrefois ON savait, témoigne d'une mémoire bien courte:
Voici ce qu'écrivait un IEN sur ce sujet en 1934, belle époque où les méthodes dites syllabiques avaient le monopole et où les apprentis-lecteurs n'étaient pas détournés de leur apprentissage par la télévision:
C'est un fait que vous ne contesterez pas: à quatorze ans, certains élèves quittent l'école sans savoir lire couramment. Les candidats au certificat d'études eux-mêmes lisent avec une lenteur embarrassée, un effort pénible de compréhension; ils manquent pour la plupart de cette aisance de cette expression intelligente qui font de la lecture un acte agréable et un exercice fructueux.
(in l'enseignement de la lecture par V.Delfolie, professeur de lettres et inspecteur de l'enseignement primaire - 1934)
Or, il faut savoir que la valeur professionnelle des instituteurs était alors mesurée à l'aune du pourcentage d' élèves reçus au Certificat d'études; seuls y étaient présentés ceux qui avaient quelques chances de succès; on devine donc aisément quels lecteurs étaient les autres !
3- L'enfant, le principal intéressé, me paraît étrangement absent d'un débat qui semble totalement ignorer l'indispensable moteur de tout apprentissage, la motivation.
J'ai du mal à penser que la seule lecture de gammes syllabiques (dont je ne conteste nullement la nécessité d'ailleurs) puisse y suffire.
L'acquisition de connaissances ne se réalise pas par la simple répétition d'un acte ou par la simple exposition à une situation. Il faut une motivation, c'est-à-dire qu'il faut que l'enfant veuille apprendre.
M.V. Seagoe
4- Que disaient nos grands anciens sur le sujet:
"Il faut toujours maintenir chez le lecteur une juste équilibre entre l'effort qu'on lui demande et le plaisir qu'on lui procure."
Paul Valery
Et à propos du nécessaire préalable du B.A. BA avant l'"entrée en lecture", thèse du ministre:
"Dans le syncrétisme de la compréhension, comme dans celui de la perception, le schéma d'ensemble et le détail sont solidaires. L'un peut précéder l'autre et en est donc indépendant, mais il entraîne l'autre et vice-versa, dans une oscillation infinie, ce qui a pour effet d'analyser de plus en plus le détail et de synthétiser de plus en plus le tout."
Piaget
" La poésie est une longue hésitation entre le sens et le son. ". (un propos tout à fait applicable à l'acte de lecture lui même)
Paul Valery
" L’idée sans le mot serait une abstraction. Le mot sans l’idée serait un bruit. Leur jonction est leur vie. "
Victor Hugo
Oui, plaidons pour la vie !
Il est bon, dans certaines circonstances, de réviser ses classiques !
Georges RÉMOND
19.
Le vendredi 3 février 2006 à
21:03, par
Bernard Le Guével Instituteur au CP pour la 27e année
consécutive en Brategne et auteur du livre "Le Bonheur est sous le
préau" paru en octobre 2005
Devant le flots d'onformation sasns fondmeent et quasiment injurieuses qui parraissent chaque semaine dans une certaine presse concernant les enseignants qui apprennent à lire au CP autrement qu'avec la "syllabique qui est automatique", il me semble qu'il est temps que les instits de base s'expliquent sérieusement sur leurs pratiques sans pour autant considérer les autres comme des assassins de lecteurs potentiles ou de vilains menteurs
Pour ma part, je constate, à chaque fois que je lis les articles qui défendent la syllabique (ce qui est leur droit le plus strict), qu'on ne passe jamais à côté de parents en colère contre les enseigants, d'enseignats fâchés dontre les formateurs, de pseudo recherches scientifiuque qui disent que le cerveau ceci et cela...
Pour ma part, je crois qu'il est une autre composante qui importe autant: les résultats.
Voilà près de 30 ans que j'enseigne au CP avec une méthode non syllabique pure et dure. Je propose donc à tous ceux qui veulent (profs de collège, de lycée, de fac, inspecteurs, ministres, présidents de la république, de venir voir pour de vrai ce que je fais dans ma classe.
Ils verront qu'il est totalement mensonger de prétendre que les enfants s'ennuient, qu'ils ne savant pas lire, qu'on ne leur fait pas travailler les sons de la langue, qu'on oublie les phonèmes, qu'on apprend uniquement avec "des silhouettes de mots"...
Il serait du reste tout aussi mensonger de notre part de prétendre que nous apprenons à lire à 100% des élèves. Cela n'a malhueruemsent jamais existé ni aujourd'hui, ni hier, ni avec la mtéhode syllabique ni avec aucune autre, méthode Assimil ou à MImille!!!
Ceux qui prétendent que tous leurs élèves ont appris à lire grâce à la mtéhode Boscher ou Léo et Léa se mettent le doigt dans l'oeil.
Pour ma part, je trouve très bien que certains aient envie de travailler de façon traditionnelle. Qu'ils laissent les autres travailler à leur façon.
Quant à ceux qui prétendent que Marc Le Bris a mis au point une savante méthode grâce à sa pratique sur le terrain, rappelons que ce collègue n'a jamais enseigné au CP.
Je propsoe aussi que l'on tienne autant compte de l'avis de ceux qui ont dix, quinze, vingt ans ou plus de vraie pratique sur letrrain!
Bon courage à tous quelle que soit leur méthode de travail et de lecture!
Je ne vois aucun inconvénient à ce que mon adresse électronique apparaisse, ça facilite le contact!
Je remercie monsieur Bernard Devanne pour sa lettre ouverte au ministre.
ministre qui ne mérite pas de majuscule, même en début de phrase, tant qu' il ne considèrera pas les enfants en apprentissage de lecture comme des êtres humains capables d' apprendre en tant que tels et non comme des machines à digérer les conséquences néfastes d' une prise de position irréfléchie.
Je suis proche de la fin de ma mission. J' ai passé ma vie professionnelle à me battre contre les idées les plus saugrenues sur l' apprentissage de la lecture, je n' aurais pas imaginé, que je verrais encore ressurgir ce genre de discours démagogique et destructeur pour les enfants apprentis lecteurs, en particulier pour ceux qui ont le plus de difficultés.
Une trentaine d' années m' ont appris qu' un enfant qui est prêt à apprendre à lire pourrait y réussir sans moi, sans vous, sans personne, avec comme support le journal, avec pour méthode la sienne....
D' où viennent les enfants qui le peuvent?
Pourquoi y arrivent-ils sans effort?
Pourquoi y a-t-il des enfants qui ne le peuvent pas?
Pourquoi y a-t-il des enfants qui ont besoin de moi?
Où vivent-ils? Avec qui vivent-ils?Que vivent-ils?
Tous, les uns... et les autres...
Là sont les vraies questions.
Essayons d' y répondre sans avoir peur de faire face aux réponses et proposons des solutions à CHACUN, dignes d' eux, pour l'avenir de TOUS et pas un enseignement au rabais qui formatera les premiers et mènera les seconds dans le meilleur cas "en apprentissage"...Mais il est vrai que tout est lié...
Puisque mon ministre doute de mes méthodes et de leur engagement, qu' il me permette de douter des siennes et de leur objectif.
Encore merci Monsieur Bernard Debanne pour votre démonstration qui me laisse penser que tout n' est pas perdu...
Avec mon profond respect ...Joss RUIZ, Institutrice Publique de CP
21. Le jeudi 19 janvier 2006 à 01:21, par Mireille Usséglio, Enseignante spécialisée AIS - Conseillère pédagogique
La méthode syllabique, une méthode élitiste !
Cette "bonne vieille méthode" a été à son apogée dans les années 60. Elle aboutissait à 30 % de redoublants au CP, à une époque où la seule exigence de cette classe était le "déchiffrage" puisque la "lecture courante", puis la "lecture expressive" était de la responsabilité des classes
suivantes.( statistique officielle du ministère ) Epoque où la moitié des enfants quittaient l'école sans aucun diplôme….
Epoque également où on considérait comme normal que seuls 10 % des élèves accèdent au lycée dans une optique "d'études longues".
Et c'est parce que les enseignants d'alors, comme ceux d'aujourd'hui, avaient à cœur la réussite de leurs élèves, qu'ils ont cherché d'autres voies d'apprentissage. Les pionniers en la matière, comme Célestin Freinet pour ne citer que lui, en avaient déjà proposé dès les années 30 ( difficile de le taxer de "soixante-huitard" !)
Il est temps de réfléchir sérieusement
Apprendre à lire et à écrire, c'est évidemment apprendre entre autre à maîtriser le code alphabétique et le code syllabique de notre langue. Plus personne ne le nie et les programmes 2002 le rappelle clairement.
Mais quels sont ces codes que l'enfant doit comprendre et maîtriser ?
Le code alphabétique définit les relations entre les 26 lettres et les 36 sons de notre langue. C'est déjà un premier problème : 26 / 36 … Il n'y a pas de correspondance terme à terme.
NON, la lettre "a" ne "fait" pas le son [a]. La preuve : chapeau, maman, maîtresse…
La lettre "o" ne "fait" pas le son [o] moto, oiseau, loup, bon…
Enfin, pour écrire le son [o], il existe au moins trois graphies courantes: vélo, auto, chapeau…
Apprendre à maîtriser le code alphabétique c'est apprendre que pour écrire les 36 sons de notre langue, il existe environ une cinquantaine de graphies différentes qu'il va falloir mémoriser.
Comprendre le code syllabique, c'est comprendre le principe de la combinatoire. C'est à dire comprendre que ces graphies se combinent entre elles pour fabriquer des syllabes qui elles-mêmes construiront les mots. C'est comprendre que pour écrire la syllabe [sã], il faut associer dans le bon ordre les deux sons [s] + [ã]. C'est apprendre et mémoriser qu'il existe de multiples possibilités d'écriture de cette syllabe : sanglier, cendre, ressembler, descendre,
Pour maîtriser le code syllabique, il faut mémoriser quelques 120 syllabes orthographiques courantes différentes .
Voici les difficultés liées au fonctionnement de notre langue écrite auxquelles les enfants doivent être confrontés pour apprendre à lire et à écrire. C'est là, la réalité linguistique à laquelle personne ne peut échapper. On en mesure la complexité !
En résumé, ils doivent comprendre comment fonctionne ces codes, et mémoriser l'ensemble des informations pour automatiser leur lecture.
Que nous proposent les adeptes de la syllabique ? Selon eux, il faudrait :
- Dire dans un 1er temps à l'enfant : "b" et "a" ça fait "ba" et ne lui donner à "lire" que des mots où "ba" se lit [ba].
- Dans un second temps lui dire "b" et "an" ça fait "ban" comme dans bande, ruban…en évitant soigneusement ce jour là, la rencontre avec le mot "banane"…
- Enfin, il faut construire ainsi toutes les syllabes possibles et ne lui donner à lire "que des mots dont il connaît les sons"
Autrement dit, ces "pédagogues" nous proposent de construire un apprentissage basé une succession d'affirmations fausses car incomplètes et contradictoires. Et ils demandent à l'enfant de les mémoriser sans lui proposer d'aides autres que des manipulations vides de sens.
L'ironie de la situation est qu'alors qu'ils reprochent aux autres méthodes de s'appuyer sur la mémorisation d'un certain nombre de mots de base pour permettre un travail réfléchi d’analyse comparative…. toute leur "pédagogie" s'appuie sur un exercice de mémoire … des syllabes puis des mots !
Car pour savoir que pour lire "bandeau" il faut "coller b+an" alors que pour lire "banane", il faut "coller b+a", il faut reconnaître ces mots
Apprendre à lire est une tâche complexe qui va demander du temps, des efforts de la part des enfants et de la méthode de la part de l'enseignant. Apprendre à lire est difficile. Dire le contraire serait mentir à l'enfant.
La méthode "syllabique pure" qu'on veut nous imposer ne permet au mieux que l’apprentissage d’un déchiffrage et relègue la lecture à « plus tard », sans d’ailleurs dire comment passer du déchiffrage à la compréhension.
Il faut le dire : C'est une méthode élitiste ! Pourquoi ?
Parce que seuls, les enfants qui ont le désir de lire parce qu'ils savent ce que cela va leur apporter, qui ont les compétences langagières ( vocabulaire et syntaxe ) liées à la langue écrite, qui ont la certitude que ce qui est écrit a un sens qu'ils pourront comprendre, seuls ceux-là peuvent tirer profit de l'enseignement incohérent de l’approche syllabique du code grapho-phonique. Seuls ceux-là peuvent accepter de faire l'effort considérable que cela leur demande sans en être dégoûtés…Seuls ceux-là peuvent comprendre à quoi ça sert de mémoriser tout ceci….
Pour ceux-là, pas de danger. Pour reprendre une formule célèbre "aucune méthode au monde n'a jamais interdit à un enfant qui le voulait d'apprendre à lire !"
Pour les autres, ceux dont les conditions de vie en dehors de l'école, n'offrent pas les occasions d'apprendre une langue riche avec un vocabulaire étendu et une syntaxe développée, ceux qui dans leur quotidien n'utilisent que 150 ou 200 mots, ne fréquentent jamais les lieux de culture, ceux qui ne rencontrent les livres et les merveilles qu'ils contiennent qu'à l'école…
Pour ceux-là deux solutions :
- Ou ils auront la chance de rencontrer des enseignants qui se battent pour leur apporter ces éléments là de l'apprentissage de la lecture , qui leur permettent de comprendre pourquoi ( pour quoi ) lire et comment faire pour apprendre … et ils deviendront lecteurs
- Ou, ils rencontreront les adeptes de la « syllabique » et au mieux ils apprendront à déchiffrer une langue écrite correspondant à leur niveau de langue orale du quotidien… mais n'auront jamais accès à la culture.
Les adeptes de la "syllabique pure" qui négligent l'enseignement de toutes les dimensions langagières de l'apprentissage, s'appuient sur le fait que les élèves construisent ces savoirs ailleurs qu'à l'école…Devinez où ?
Mais n’est-ce pas là, le but des initiateurs de cette campagne ?
Il suffit d’aller sur les sites de ces "groupes de pressions indépendants"¹ ultra conservateurs qui ne cachent même pas leurs objectifs de réformes telles que " faire des classes socialement hétérogènes mais intellectuellement homogènes", ou "supprimer le collège unique" et "créer un examen d'entrée en sixième", ou encore « créer les conditions d’une concurrence ouverte et équitable entre le secteur public et les initiatives privées. Ouverte en laissant créer et se développer toutes sortes d’établissements privés, peu importent leur statut et leur mode de gestion. Equitable en distribuant l’argent des contribuables aux familles qui doivent payer les études de leurs enfants. » ²…Vous avez bien lu !!!
Quand un ministre de l’Education Nationale reprend à son compte leur première revendication : « imposer la méthode syllabique », en bafouant la Loi et la démocratie, alors
une chose est sûre, l'école de la République est en danger !
Paris, le 22 décembre 2005
¹ voir le site de « soseducation.com » : « quelles réformes… »
² idem : article du 21 décembre 2005 « la faillite des ZEP »
22.
Le vendredi 13 janvier 2006 à
22:01, par
Yvan Limousi, prof d'école à Neuves-Maisons (Meurthe et Moselle)
L’enfant est une extraordinaire machine à apprendre que rêvent d’imiter les concepteurs de robots et d’intelligence artificielle, tandis que les pédagogues ont souvent pris ces merveilles de technologie naturelle pour des ordinateurs dont on chercherait la meilleure façon de les programmer. Les champions de l’enseignement, les rois de la méthode, ce sont bien évidemment les parents, capables en 2 ou 3 ans d’apprendre à n’importe quel enfant une langue si belle et si compliquée que notre Français ! Quel est leur secret ? D’où tiennent-ils cette science ?
L’enfant apprendra à lire, ou tout au moins à décoder, malgré ses enseignants, de la même façon qu’il est capable d’apprendre à parler, juste parce qu’il est immergé précocement dans un bain linguistique prolixe même si celui-ci n’est pas toujours de qualité (si l’on souhaite porter des jugements de valeur). La multiplicité des situations, la diversité des expériences mais aussi leur répétition (règle = régulier) lui suffisent à ingérer de façon tout à fait inconsciente des règles parfois assez complexes. La plupart de ses erreurs révèlent d’ailleurs ce processus, puisqu’elles consistent en une « hyper-régularisation » qui précède l’assimilation des exceptions (qui ne sont qu’un niveau supérieur de régularisation). « J’ai tombé », et non pas « je suis tombé », car la grande majorité des passés composés se forment avec le verbe auxiliaire avoir.
De la même façon, seule la fréquentation copieuse, répétée et systématique de la chose écrite peut permettre à l’enfant d’entrer dans un processus d’apprentissage, et ceci dès le plus jeune âge, puisque la capacité des enfants d’apprendre leur langue est maximale jusqu’à l’âge de 3 ans, bien que tout ne soit pas perdu au-delà ! Mais tous les enfants n’ont pas les mêmes chances car l’accès précoce à l’écrit n’est pas systématique et dépend fortement du milieu (c’est pareil pour la musique).
Heureusement, l’école tente tant bien que mal de combler les écarts en montrant à profusion dès la maternelle des livres, des textes variés et des adultes qui s’en servent.
Les méthodes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture peuvent s’inspirer du fonctionnement même de la langue écrite (comment ça marche ?). Ces règles sont fort complexes et on est souvent en situation d’apprendre à des enfants des « lois » qu’ils font fonctionner à l’oral quotidiennement et naturellement et qui, une fois objectivement (tant bien que mal) exposées deviennent de véritables labyrinthes. Il y aurait un roman à faire sur les stratagèmes utilisés par les enseignants pour faire exécuter correctement un exercice d’orthographe grammaticale. Il est plus intéressant d’approcher la conception d’une méthode en considèrant celui qui l’utilise (comment je fais ?). Encore faut-il ne pas se tromper de cible. La manière de lire du lecteur expert est passionnante et révélatrice de trésors d’astuces de notre cerveau. Mais l’enfant n’est pas un lecteur expert.
Comme je le disais plus haut, l’enfant apprend le langage parlé sans enseignant. Ne soyons pas des enseignants de lecture, mais des montreurs de texte et le plus tôt possible. C’est ce que nous faisons, et plutôt pas mal. Et même très bien. Les enseignants ne maîtrisent peut-être pas complètement tous les processus mis en œuvre dans l’apprentissage, mais on ne peut traiter par le mépris leur investissement sincère, leur dévouement, leur motivation formidable et prétendre imposer une méthode ou l'autre par des raisonnements démagogiques et inspirés de conversations de comptoirs à des personnes douées de réelles compétences acquises au cours de leur pratique quotidienne de la classe et dans des conditions souvent difficiles. A ce titre, la liberté pédagogique totale de l’enseignant est indispensable. Il est LE professionnel.
10/01/2006 11:45:50
Pour compléter mon intervention sur la lecture.
Je suis resté longtemps en poste de professeur de collège dans une localité. J'y ai aussi mené un travail d'étude de trois ans dans des classes de maternelle.
Je me suis aperçu qu'une maîtresse chevronnée de maternelle pouvait établir sur les enfants un diagnostic scolaire que j'ai pu constater exact dans l'immense majorité des cas. A cinq ans, semble-t-il, le destin scolaire d'un enfants est en grande partie scellé.
J'ai moi-même constaté ces disparités frappantes entre les enfants de maternelle, non tant en ce qui concerne un quelconque "niveau", mais dans une manière d'être et de se représenter dans le monde, d'être curieux ou résigné, d'avoir confiance en eux-mêmes ou de se tenir pour des "nuls".
Ces éléments de personnalité ont peut-être des origines génétiques, mais je ne pense pas que ces dernières soient les plus déterminantes. Ils ne proviennent pas uniquement non plus des conditions matérielles ou sociales, l'analyse des situations le montre.
Je pense qu'un enfant a surtout besoin d'amour, d'attention, de bienveillance complice, de douce parole maternelle et paternelle, de proches qui lui nomment, lui expliquent et lui présentent le monde avec enthousiasme, d'une autorité qui lui donne des repères, et aussi d'espaces de jeu et d'exploration suffisants.
La télé-nounou, la gardienne ou la crèche ne me semblent pas remplir ces fonctions de façon satisfaisante, non plus que certains parents qui se contentent de donner des preuves d'amour seulement matérielles. La peluche et les gadgets se substituent souvent à l'attention et au temps donné.
Ensuite, l'échec est généreusement attribué aux maîtres !
En ce qui concerne les paroles reçues par l'enfant dans les premières années de sa vie, il est intéressant de prendre connaissance de l'étude américaine de Hart, Risley et Todd (Meaningful Differences in the Everyday Experiences of Young American Childrens, Brookes, 1995) ? Cette étude, menée pendant 35 ans a constaté une relation directe entre la quantité de langage reçue par l'enfant ainsi que la qualité (injonctif, encourageant...) de cette langue, et la réussite dans l'apprentissage de la lecture. Les enfants ont été suivis ultérieurement et les écarts se sont aggravés selon la 'loi de Matthieu' :
"A celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l'abondance, mais à celui qui n'a rien, il sera tout pris même ce qu'il possédait. " (XXV-28-29).
Mes thèses qui ne sont pas inspirées par les chercheurs américains, que j'ai découverts seulement il y a deux ans alors que je tente de convaincre depuis vingt ans, induisent des conséquences considérables (et des mesures qui réduiraient les dépenses de l'EN de façon décisive). Entre autres :
1- les professeurs ne sont pas responsables de l'échec scolaire et ils ne servent que de boucs émissaires pour justifier une situation dont ils sont les secondes victimes (les premières étant les enfants et les troisièmes les parents) ;
2 - la querelle sur la méthode globale n'est qu'une perte de temps ;
3 - les milliards d'euros engloutis dans la lutte contre l'échec scolaire sont souvent gaspillés en pure perte, quel que soit le dévouement de ceux qui s'y consacrent, car les acteurs pédagogiques tentent de semer sur un terrain non préparé : beaucoup d'enfants sont dépourvus des outils et compétences absolument indispensables qui leur permettraient de bénéficier de toutes les procédures pédagogiques modernes, souvent excellentes ;
4 - il est donc indispensable que les parents se rendent compte du caractère déterminant des premières années de vie de leurs enfants et agissent en conséquence : j'ai développé dans un livre : La Parole contre l'échec scolaire, une partie des solutions possibles. J'y ai exploré d'autres domaines qui demandent un nouveau regard : développement des capacités de classement hiérarchisé et de raisonnement, approche de l'art et du beau, tranmission des valeurs éthiques et citoyennes, rôle fondateur des récits, utilisation de l'identité narrative pour améliorer la rétention des savoirs.
5 - l'école maternelle, puis l'école et le collège doivent jouer un rôle de substitution par rapport aux parents défaillants, au lieu de vouloir toujours avancer dans le temps l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, mutilant ainsi les enfants dépourvus et provoquant l'échec en tentant de le combattre.
Un certain scientisme improductf devrait laisser la place à des approches plus humanistes, tant dans les pratiques parentales que dans celles de l'école. Une technolâtrie aveugle peut provoquer de graves dégâts.
24.
Le dimanche 8 janvier 2006 à
13:13, par
Christian Laroche, rééducateur, Evry, co-auteur de "Apprendre à parler à l'école maternelle"L'Harmatan.
Alain Bentolila l'a souligné dans une tribune du Figaro le 15/12/05 :"L'importance est décisive de la quantité et de la qualité du vocabulaire qu'un enfant possède avant qu'il apprenne à lire". Dans ce lieu de réflexion, Christian Montelle puis Marie-Joëlle Bouchard partagent aussi cette conviction.
On peut lire dans "Qu'apprend-on à la maternelle ?"résumé des nouveaux programmes publiés en 2002 et préfacé par J. Lang :"En accueilant des enfants de plus en plus jeunes, l'école maternelle a fait du langage oral l'axe majeur de ses activités". C'est donc en marge de tous les échanges fondamentaux et essentiels à propos des démarches qui permettent le mieux aux enfants de devenir lecteurs (j'ai d'ailleurs à ce sujet trouvé très éclairants les apports de M-J Bouchard), des réponses nécessaires aux impérities ministérielles, que je voudrais effleurer cette question de la langue orale en aval du CP.
Est-elle bien au coeur des apprentissages comme elle devrait l'être? Je crains que non. En effet, l'emprise de l'apprentissage précoce, trop systématique, de l'écriture (au sens graphique) et de la lecture focalise le travail en maternelle dans ces deux directions qui tendent à absorber la plus grande partie du temps et de l'attention.
Il aurait fallu se satisfaire d' une culture de l'écrit (les I.O le recommandent aussi) tout au long de la maternelle en se donnant comme limite (les I.O ont oublié) de n'entrer ni dans l'apprentissage systématique de l'écriture ni de celui de la lecture. Malheureusement, en fixant comme objectif au programme de la grande section la capacité de "proposer une écriture alphabétique pour un mot simple en empruntant des fragments de mots au répertoire des mots affichés dans la classe"ainsi que la capacité à "copier une ligne de texte en écriture cursive...en respectant le sens des tracés", les textes ont fait rentrer à la maternelle un cheval de Troie qui mange tout sur son passage.
Il est paradoxal de rappeler que l'apprentissage de la langue orale est la priorité quand le même texte fait de cette priorité une priorité de papier tant est grande l'emprise de l'écrit et sa facilité à se répandre.
Alors que l'acquisition de la langue orale devrait être l'organisateur de la maternelle (en Z.E.P particulièrement parce que toutes les couches sociales n'ont pas les mêmes besoin en la matière), on n'en voit souvent que l'embryon d'une caricature tant la question est difficile à appréhender. Fascination pour l'hypercorrection syntaxique et lexicale, obnubilation sur l'articulation, travail en grand groupe, surdité sociologique sont les premiers démons à identifier et à éviter.
En ratant le coche sur ce point on compromet gravement les chances de réussites ultérieures des enfants des milieux peu diplômés et principalement de Z.E.P.
Les textes officiels ont fait un pas en avant :la priorité reconnue à la langue orale , pour tout de suite faire deux pas en arrière : l'élévation des exigences en matière d'écrit.
Alibi? Inconscience? Compromis résultant d'un mauvais rapport de forces? Ces hypothèses ne peuvent que venir à l'esprit. Là où il aurait fallu choisir une école qui élève le niveau de tous en sachant en prendre le temps dès le départ, on s'est empressé d'aller encore plus vite, mettant les maternelles sous la pression d'objectifs inatteignables pour la plupart des enfants (la ritaline a de beaux jours devant elle ...) C'est typique de l'école française, on exige d'acquérir trop de savoirs trop tôt.Ce faisant on demande aux enseignants, ainsi pris dans une sorte de double lien, de faire les choix démocratiques que l'institution et les politiques n'ont pas eu la lucidité et le courage de faire puis on se tourne vers cette école (faillite des Z.E.P a dit un ministre)pour la clouer au pilori de son prétendu echec.
l
25.
Le mercredi 4 janvier 2006 à
09:14, par
Christian Montelle, professeur de français à la retraite, auteur de : La Parole contre l'échec scolaire
Des travaux importants, effectués aux Etats-Unis depuis plusieurs années, apportent des lumières nouvelles sur l'apprentissage de la lecture. Ils démontrent que les capacités des enfants dans ce domaine dépendent de manière cruciale de leur "connaissance des mots et du monde". Alain Bentolila diffuse actuellement une partie de ces thèses que j'ai exposées dans un ouvrage.31. Le lundi 19 décembre 2005 à 18:44, par françois Bourdil professeur de Lettres Lycée technique Malraux - Béthune
1- "Si vous ne reconnaissez ni ne comprenez un mot en l’entendant, vous ne le comprendrez pas en le lisant."
Cela implique qu’un élève qui ne possède pas, dans sa tête, une langue orale riche de lexique et de structures est incapable de lire autre chose que des textes très sommaires ; de plus, il ne comprend qu’une infime partie de ce que ses maîtres tentent de lui transmette. Il est humilié, il souffre, il se révolte ou s'absente.
Il s'avère donc indispensable, pour que l'école redevienne démocratique, de transmettre à tous les enfants, dès les premières années de la scolarité puis de façon continuée, une "haute langue orale", outil indispensable pour accéder à une pensée organisée et subtile, à la culture et aux savoirs.
Pour l’instant, l’enseignement de la langue orale — en application de ce que préconisent les Instructions du ministère — se limite la plupart du temps à apprendre à discuter, à "tchatcher". Les enfants n’acquièrent pas un discours maîtrisé, mais se contentent d’utiliser ce qu’ils connaissent. Les élèves qui n’ont pas été "nourris de langue" lors de leur prime enfance sont voués à un échec inéluctable : incapables d'écouter ou de parler une langue de qualité, ils ne peuvent lire ni écrire. On veut leur faire acquérir un "socle", mais on ne s’est pas préoccupé de bâtir l’assise de ce socle, qui est une riche langue orale intériorisée.
2- Pour lire un texte, il est aussi indispensable d'en connaître le contexte. Les textes proposés aux enfants doivent donc présenter des milieux géographiques, historiques, professionnels... très variés, de façon à ouvrir les horizons. La télévision ne remplit pas cette fonction parce que le travail de traitement de l'information n'a pas lieu, au contraire de ce qui se passe quand on interprète collectivement des mots oraux ou écrits. Les informations données par les médias ne sont pas hiérarchisées, classées, critiquées et c'est à l'école de donner les compétences pour le faire.
Les textes proposés aux jeunes enfants sont trop souvent référencés à leur "vécu", ce qui les laisse au même niveau linguistique et culturel.
Pour lire avec plaisir et profit, il faut posséder une riche langue orale et avoir "des choses à dire au texte". Il est donc urgent de transmettre à tous les enfants le meilleur de la littérature orale : textes de la tradition orale (contes, légendes, proverbes, devinettes...), poèmes, œuvres dramatiques, donnés avec toute leur force culturelle, poétique et symbolique.
Dans cette perspective, la querelle des méthodes est dérisoire et vaine.
Bonjour
Ce que je constate, c’est que les élèves que je connais (d’abord en collège de Zup puis en lycée technique dans une région considérée comme « défavorisée ») se répartissent plus ou moins en deux groupes : ceux qui ont des difficultés de lecture (non automatisation du déchiffrage par exemple) et ceux qui n’en ont pas. Les élèves du premier groupe ne lisent pas- tout simplement parce que la lecture leur rappelle leur échec et s’avère en soi un exercice pénible et ceux du deuxième ne lisent pas non plus – sauf à la marge – parce qu’ils n’y voient aucun intérêt autre que d’avoir une bonne note ou de répondre à une demande précise d’un professeur. Il existe évidemment un autre groupe dont je ne parlerai même pas : ceux qui savent lire et lisent sans aucune incitation, par goût personnel, éducation etc . Dans les deux premiers groupes, certains réussissent, d’autres non. Tout dépend du sens que l’on donne à « réussir » : obtention d’un diplôme de fin d’étude ? poursuite d’études supérieures ? capacité à s’auto-former ? Les réponses seront naturellement diverses en fonction de ce que l’on attend. Mais, autant que je puisse en juger, il ne me paraît pas incompatible que l’on réussisse le bac en ayant un niveau de compétence en lecture et maîtrise de la langue proches d’une cinquième de collège (en regard des programmes officiels non de la réalité des classes, bien entendu).
J’explique ce phénomène de la manière suivante : il y a une erreur fondamentale sur ce que doit être l’apprentissage de la lecture. Ce n’est pas un art du déchiffrement, ce n’est pas non plus un jeu de devinette par le contexte. La qualité de la lecture dépend moins des capacités de déchiffrement ou de compréhension du sens par le contexte que de l’étendue et l’organisation du lexique qui donneront – du même coup- l’une et l’autre. Il ne faut pas se focaliser sur l’apprentissage de la technique de lecture (le déchiffrage) ni courir après les significations ou les fonctions du langage mais sur l’acquisition systématique du vocabulaire qui permet la mémorisation, la restitution et l’appropriation personnelle des connaissances. En somme, on ne lit pas, on relit. On reconnaît ou non les mots que l’on a stockés dans sa mémoire sémantique associative. C’est tout simple mais ce n’est jamais fait ou mal fait.
Ce que je propose donc : étude systématique et systémique des champs lexicaux du lexique affectif, intellectuel, de la société, de la nature etc à l’aide de textes et d’exercices spécifiques. Que l’on utilise la syllabique, la mixte, l’important au bout du compte, c’est la constitution d’un lexique interne qui varie en fonction de l’âge mais doit en 6 ème atteindre au moins 1OOOO mots sinon les professeurs parleront définitivement une langue étrangère à la plupart de leurs élèves.
Je crois qu’il faut savoir aussi sortir de la vieille opposition (assemblage/ adressage, le mot, assemblage de lettres ou de syllabes/ le mot, dans sa forme globale) par ce que j’appelle « le déchiffrage sémantique » c’est à dire la reconnaissance du mot grâce à des indices graphiques ou sonores qui se transforment tout naturellement en indices sémantiques ex : chais… ; fauteu… ; tabour ne peuvent que donner chaise/fauteuil/tabouret. On voit bien que le découpage n’est ni phonétique ni syllabique mais sémantique et qu’on lit chacun de ces mots parce que l’on en connaît la signification et que l’on a établi un rapport de sens entre eux. C’est le principe de la table de lecture : l’amorce grapho-phonique devient amorce sémantique (en raison du champ lexical associé) et il y a à la fois un assemblage et un adressage qui visent la constitution d’un lexique ortho-sémantique immédiatement activable. La minoration de ces questions d’apprentissage systématique et systémique du vocabulaire, à mon avis, est la raison principale de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons en matière de lecture.
Cordialement F Bourdil
Ecrire avant de lire.
Pour échanger sur un problème, encore faut-il poser la bonne question. Or, il n'y a pas de problème de lecture, mais un problème d'accès à la communication écrite. Et cela change tout.
Pour communiquer par écrit, il faut inventer une écriture, c'est à dire un code qui rend compte de la communication orale. Nous avons opté pour un code alphabétique. Nous remplaçons donc un son par un signe. Et c'est cela qu'il faut apprendre en priorité : apprendre à coder, à écrire. La lecture ne vient qu'ensuite.
Malheureusement notre code d'écriture code aussi de la grammaire, des distinctions de sens absentes à l'oral (ver, vers, verre…), de l'étymologie (quand elle est correcte, voir poids) tout cela en ne conservant que très peu de signes (les lettres) qu'on combine tant bien que mal pour différencier les mots (mot, monter, monnaie), rendant la lecture aléatoire.
Il n'existe donc qu'un code d'écriture à peu près stable. Ainsi le son /n/ s'écrit n à quelques variantes près (ne, nn, nne) dans 100% des cas.
Il n'y a pas de code de lecture réciproque car la lettre n se lit /n/ seulement dans 15 à 25% des cas suivant le texte. On a toujours intérêt à avoir écrit le mot pour pouvoir le relire.
Cette observation est valable pour toutes les écritures des sons de notre langue. Seule l'écriture est stable, la lecture est imprévisible. Et c'est une erreur de penser que dans 80 ou 85% des cas les lettres ou groupes de lettres se lisent comme ils s'écrivent. C'est la lettre e qui détient le pompon : elle est utilisée dans 100% des cas pour écrire /e/, mais elle se lit rarement /e/ (15%), étant présente dans les écritures de 34 phonèmes sur 36 (e final accompagnant toutes les consonnes, ou se lisant comme dans femme, oie, green, j'ai eu, tend, frein, feu, chercher…etc). Il ne faut pas confondre les statistiques d'écriture et celles de lecture.
Pour assurer la communication écrite, il faut partir du sens, faire écrire l'enfant, lui montrer les écritures particulières, et l'aider une fois qu'il sait relire ce qu'il a écrit, à lire ce qui adopte les mêmes contraintes de code. Si je sais écrire normal et relire ce mot, je peux alors lire, jusqu'à prise de sens des mots comme : mare, arme, rame, nord, mal, lame, larme, alarme qui comportent les mêmes correspondances phono-graphiques. Ou, mieux encore, je peux trouver et écrire ces mots, montrant que j'ai bien compris la liaison entre la mécanique d'écriture et le sens transporté.
Posé ainsi, le problème de la communication écrite s'éclaire d'un jour nouveau, nécessitant une pédagogie renouvelée : d'abord écrire, relire ce qu'on a écrit puis lire tout écrit.
L'approche par la lecture est contre productive. Globalement elle se heurte à une saturation de la mémoire, nécessitant le retour au b.-a.-ba qui n'a aucune réalité, l'enfant ne pouvant deviner la découpe graphique à effectuer (banc, mais banal) et encore moins lire ce qu'on appelle pudiquement les exceptions : abdomen, aquarium, ville (ou bille ?). Mais il est vrai qu'on finit, fascinés par la lecture, par lire cognition comme oignon !
De plus, chacun défendant son pré carré, des intellectuels dont on devrait attendre beaucoup plus de réserve et de jugement se laissent aller à des raccourcis dangereux. Ils font état de statistiques qui semblent leur donner raison : plus on est âgé, plus on risque d'être illettré, oubliant le reste du texte : "Mais ces différences résultent surtout de ce que l’on n’a pas à faire aux mêmes personnes. Comme l’écrit l’INSEE, « les 55-64 ans ont fréquenté moins longtemps l’école : 40 % des plus de 55 ans n’ont pas dépassé l’enseignement primaire contre moins de 5 % parmi les moins de 40 ans ». On peut encore ajouter qu’on a plus de chance de trouver des étrangers ou des immigrés illettrés chez les personnes âgées que chez les jeunes"
J'ajoute que les classes étaient de 35 élèves ou plus (j'ai eu un C.P. de 52 élèves). Et si les méthodes de lecture ne sont pas en cause, pourquoi si peu de succès des classes dédoublées ?
Parfois on en appelle à Freinet, sans aucun respect pour son option qui n'a jamais été globale, mais naturelle. Il faisait déjà écrire en faisant imprimer. Malicieusement je le citerai aussi, pour rappeler qu'il faut respecter la pensée des auteurs : (page 19 de "la lecture par l'imprimerie à l'école") " Les enfants soumis aux méthodes hybrides dont nous avons déjà dit le danger ont souvent une lecture exagérément globale. Ils se contentent de deviner l'ensemble et fabriquent des mots en fonction de cet ensemble, sans un suffisant recours à la contexture des mots."…"Il ne fait pas de doute que le fonctionnement défectueux du processus de lecture globale contribue à la faiblesse constatée en lecture."
Il faut absolument rétablir le processus historique et logique : faire écrire, user de la combinatoire pour faire écrire des mots avec les correspondances graphiques dont on dispose, puis faire relire et enfin lire et reconnaître. Alors seulement, les enfants pourront utiliser cet outil précieux qu'est la lecture, creuser le sens, ne pas en rester au sens premier, lire entre les lignes, découvrir les différentes formes d'écritures donc de lecture. A condition, comme le rappelle Bentolila, qu'on leur ait assuré une base langagière correcte.
Un collègue comparait fort justement la lecture au pédalage, deux pédales, le sens et le décodage. Certes, mais faut-il avoir le vélo : savoir écrire.
Jacques Delacour
Directeur d'Ecole honoraire
.
Intéressant de remarquer comme les déclarations de De Robien semblent agiter le petit monde des IUFM et certains responsables. Bref de gens détenteurs du pouvoir pédagogique à un titre ou à un autre. Jusqu'à Evelyne Charmeux dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'a pas été vraiment pour rien, avec Foucambert, dans la promotion, pendant des années, de la méthode globale idéo-visuelle qui conduisit à de véritables désastres, au point que le MEN a même dû en convenir (promotion qui se traduisait alors dans les ecoles normales puis par les IUFM par une véritable injonction à ne surtout pas discuter).
Venons-en aux prémisses communes des raisonnements déployés:
1 La méthode globale est un fantôme. Personne ne l'applique.
2 Lire c'est comprendre alors queLes méthodes "syllabiques" s'attachent uniquement au décodage et forment par définition des lecteurs ânonnants.
Qu'en est-il en réalité?
1 La globale fantôme? grossier mensonge: chaque écolier ou presque commence en maternelle par 3 ans de lecture à 100% globale. Excusez du peu... Ensuite il a toutes les chances d'enchaîner en CP sur une méthode dite "mixte" où il ne trouvera pas moins, introduits à chaque leçon, une dizaine de mots globaux nouveaux, parfois, bien plus.
2 Lire c'est comprendre ... : Bien sûr qu'un bon lecteur comprend ce qu'il lit mais, pour parvenir aux associations sources de compréhension, il faut au préalable que les élèves de CP aient le matériau sous la main, autrement dit qu'ils puissent déchiffrer et qu'on leur enseigne de façon progressive et raisonnée. Ce travail ne prend pas 5 ans d'élémentaire ! Pour 95% au moins des élèves, ce travail bien mené les rend quasi autonomes dans le courant du 2° trimestre, ce qui va quand même laisser un peu de temps d'ici la fin du CM2 pour lire des textes, des livres, etc. Ce qui ne signifie pas d'ailleurs qu'on aura négligé le sens en début de CP. Une simple phrase peut suffire à ce travail (voir ce qu'en dit "Apprendre à lire" édité par l'ONL) sans compter la lecture d'histoires par le maître et leur questionnement oral par les élèves, le travail à base d'images séquentielles, etc.
Bref, quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage, d'autant qu'il y va d'un pouvoir réel ou symbolique menacé, voire de la remise en question de 30 ans de pratiques tombées du ciel comme vérité d'Evangile au prix d'un déni de la réalité. On comprend que ça rende un peu nerveux !
Si 15/20% sont très mauvais lecteurs à l'entrée en 6°, je crois qu'il s'agit avant tout d'élèves qui payent très cher l'absence totale ou partielle d'un enseignement progressif et raisonné du décodage combiné à l'écriture. La plongée sans préparation dans la complexité, quand bien même s'effectue-telle sous le regard bienveillant d'apprentis sorciers, ne va pas sans quelques dommages collatéraux...
Pour autant je ne suis pas d'accord avec De Robien quand il prétend interdire ou prôner quoi que ce soit. Qu'il se montre simplement garant de la liberté pédagogique des maîtres et cela commence par veiller à ce qu'aucune méthode ne soit élevée au rang d'idéologie dans les IUFM, par de nombreux IEN ou leurs conseillers (heureusement pas tous, certains s'intéressant plutôt à ce que les élèves d'une classe ont appris en fin d'année, ce qui à mon avis devrait être LE critère d'inspection), qu'on considère les élèves-professeurs comme des gens dotés d'un cerveau et capables de s'en servir et enfin qu'on juge les maîtres sur leurs résultats et c'est tout.
Pourquoi la guerre des méthodes ?
parce que ni l'une (idéovisuelle faussement dénommée globale), ni l'autre (synthétique phonémique) ne correspond au fonctionnement spontané de l'enfant. Elles ne tentent, ni l'une ni l'autre, de chausser les lunettes de l'enfant et procèdent toutes deux, bien que diamétralement opposées dans leur conception, d'une analyse et d'un raisonnement d'adulte. Chacune à sa manière préconise une didactique artificielle, prêtant à l'enfant des capacités qu'il ne possède pas. D'une part , la conception idéographique prête à l'enfant le statut de lecteur accompli. D'autre part, la formule b+a=ba, simple pour l'adulte est très difficile à appréhender pour l'enfant: c'est une règle qu'il ne peut pas comprendre d'emblée, faute de l'avoir découverte par lui-même.
Quelques vérités concernant le fonctionnement cognitif du jeune enfant, non prises en compte dans les "méthodes" ci-dessus, ni malheureusement dans nombre de recherches "scientifiques".
1. l'enfant, qui apprend depuis qu'il est né, mémorise instantanément ce qui l'intéresse particulièrement.
2. il cherche inconsciemment des régularités dans le monde qui l'entoure et fait des hypothèses pour le comprendre en interaction avec son entourage.
3. son raisonnement est inductif: il lui faut des exemples pour comprendre un concept. Afin de pouvoir comprendre le concept "rouge" il a besoin de: pull rouge, camion rouge, feutre rouge….
Depuis 30 ans, je cherche à comprendre l'enfant qui découvre le langage écrit. J'ai pu constater en étudiant plus d'un millier de cas individuels
1. que l'enfant de 2 à 5 ans mémorise des symboles écrits (mots isolés) particulièrement intéressants à ses yeux (papa, maman, doudou, tracteur…) aussi facilement que les symboles oraux correspondants. Cela fonctionne aussi bien à l'école maternelle (10 ans d'expérience, ZEP comprises) à condition que les premiers mots soient donnés individuellement.
2. que l'enfant remarque spontanément la "régularité" dans par exemple maman, mamie, moto, miel… En interaction avec l'adulte, il découvre la correspondance lettre-son de lettres initiales, mais aussi la correspondance de groupe de lettres au début ou à la fin des mots (ca, ma, ette, eau….)
3. Que le raisonnement par inférence inductive qui est le sien, fonctionne aussi pour comprendre que b+a=ba, (voir explication détaillée dans l'ouvrage ci-dessous) J'en fait l'expérience depuis longtemps aussi bien avec des enfants de 3 ans avant scolarisation, que des déficients intellectuels de 30-40 ans (depuis 6 ans). La compréhension de la fusion consonne-voyelle (b+a=ba) en lecture n'est donc PAS une conséquence d'entraînements phonologiques en maternelle/CP, voie sans issue dans laquelle des "spécialistes" de tous bords s'engouffrent actuellement.
Il y a un tout un cheminement à parcourir en maternelle pour comprendre le principe alphabétique (les lettres correspondent à des sons) ainsi que plus tard la fusion des phonogrammes (dénommée habituellement "fusion des phonèmes") qui permettront à l'enfant de profiter d'un enseignement formel en CP.
Cet accompagnement est mis en œuvre dans quelques écoles maternelles, certaines depuis plusieurs années. TOUS les enfants font un bon CP. La première application date de 1997 dans une école rurale. Les enfants ayant profité de cette pédagogie ont non seulement fait un bon CP mais la moyenne globale de la classe était toujours supérieure en CM2.
Il est cependant bien évident que cette pédagogie n'a pas de sens si on ne fait pas quotidiennement la lecture de textes qui passionnent les enfants.
Françoise Boulanger, auteur de "Le bonheur d'apprendre à lire, Accompagner l'enfant de 2 à 5 ans" (Nathan, 2002)
On ne peut en effet que constater que les enfants, tant au collège qu'au lycée, et même dans le supérieur, ne savent pas lire, c'est à dire comprendre un texte. Par là-même, ils sont incapables de respecter des consignes simples. Bien souvent, ils ne connaissent même pas la grammaire, ce qui est dommage pour la compréhension de la grammaire et l'apprentissage des langues étrangères...
Le nivellement par le bas, voulu par certains, porte ses fruits. Pour des raisons obscures, il a été décidé que les enfants devaient apprendre à lire à 6 ans. Or, les enfants apprennent à parler dès la naissance, et les parents n'ont de cesse que d'entendre leurs bambins prononcer leurs premiers mots. Cet apprentissage procède de l'audition et de la phonation. Pourquoi ne pas développer aussi la vue, c'est à dire enseigner aux petits les formes des lettres, de même qu'on leur montre des images d'objets variés? Les lettres qui formeront les mots, sont de magnifiques dessins aussi. Et les enfants ont vite fait d'associer les lettres ensemble tant leur mémoire est à l'affut de nouveauté. Les enfants favorisés le sont d'autant plus qu'ils apprennent tôt la lecture (dans leurs familles) creusant également le fossé avec leurs camarades moins favorisés. En ce sens, l'école n'est pas à la hauteur. Je pense qu'à 6 ou 7 ans, il est trop tard pour apprendre à lire.
Maman de trois enfants, je n'ai pas voulu que l'école les "nivelle" vers le bas. A 3 ans, ils lisaient couramment en comprenant ce qu'ils lisaient. Nous avons "joué" avec les lettres, et j'ai utilisé une méthode différente avec chaque enfant (Boscher, sablier, et méthode américaine) Je ne pense pas que la méthode change grand chose, mais je reste convaincue que la précocité de l'apprentissage est fondamental pour l'autonomie de l'enfant.
Les savoirs de base (lecture, calcul, écriture) font la différence dans les études, que cela plaise ou non aux alchimistes dangereux de la pédagogie. Et mieux vaudrait enseigner ces bases jointes à d'autres matières telles la musique, le sport, les arts, l'histoire et la géographie, ainsi que des poésies qui développent la mémoire également... et le retour à la morale, et bien des choses encore... Pour cela aussi, il y aurait beaucoup à dire... Je me dis que les grands parents qui n'avaient "que" leur certificat d'étude étaient plus instruits que bien des bacheliers d'aujourd'hui... La sagesse voudrait que ce constat d'échec des méthodes nouvelles, révolutionnaires, conduisent à un retour vers des méthodes qui avaient porté leurs fruits. Vouloir tout changer pour expérimenter ne sert par l'égalité des chances, et c'est bien dommage dans un pays qui accueille beaucoup de familles étrangères dont les parents ne peuvent pas aider les enfants. C'est injuste, et révoltant.
26. Le mardi 3 janvier 2006 à 10:44, par Marie-Joëlle BOUCHARD Directrice d'école hohoraire36. Le mardi 13 décembre 2005 à 16:17, par Sophie NGO MAI enseignante en école primaire et maître formateur en IUFM
Marie-Joëlle BOUCHARD, directrice d'école honoraire, auteur de « Apprendre à lire comme on apprend à parler; Ed. Hachette Education -Pédagogies pour demain, Didactiques -1991 ».
Au cours de plus de trente ans de carrière comme directrice d’école, j’ai pu réfléchir à cette difficile question de l’apprentissage de la lecture. Aussi, les propos du ministre de l’Education nationale sur la méthode à proscrire et celle à imposer m’ont inspiré ces quelques lignes.
Les difficultés de lecture ne sauraient être imputables à une méthode plutôt qu’à une autre.
Le problème ne serait-il pas justement de n’utiliser qu’une méthode, qu’elle soit globale ou syllabique, quand la lecture, qui est un acte complexe, requiert aussi bien l’appréhension visuelle de certains mots (comment déchiffrer « les », « des » ou « est » par exemple ?), que le déchiffrage de nombreux mots nouvellement rencontrés.
La lecture ne saurait se réduire à une simple technique combinatoire.
Les enfants ont deux grandes découvertes à faire :
le langage écrit, ou langage de l’écrit, celui des livres, au vocabulaire et à la syntaxe souvent complexes.
le code écrit : le principe alphabétique, les correspondances grapho-phonologiques.
Le langage écrit :
Pour la plupart des enfants, environ 80%, à savoir ceux qui ont un bon niveau de langage, ceux qui ont un rapport régulier aux livres grâce à la lecture d’histoires par leur entourage depuis leur plus jeune âge, l’acquisition des correspondances grapho-phonologiques (apport de la méthode syllabique) suffit. Le langage écrit leur est familier.
Mais ce n’est pas le cas des 20% d’enfants pour qui le langage de l’écrit est presque une « langue étrangère ». Pour ces enfants-là, l’école a un rôle déterminant à jouer. Elle a le devoir de pallier les manques et de faire une priorité de la fréquentation régulière des livres et des histoires, du langage écrit (le vrai, pas celui du livre de lecture).
Et cela dès l’école maternelle, avant le CP, car :
-comment lire des mots que l’on ne comprend pas ? (« intrigué, indigné», par exemple)
-comment surmonter les difficultés liées aux irrégularités du code si on ne sait anticiper les mots ou le sens des mots ? (« j’ai trouvé la soluti…la soluti…on »)
-comment lire des phrases qu’on n’a jamais entendu employer ? (« Qu’y a-t-il ? »)
-comment comprendre des phrases composées de mots inconnus ?
S’il faut lire de vraies histoires pour que les enfants se familiarisent avec ce langage écrit si différent de celui qu’ils ont l’habitude d’entendre ou d’employer, il faut surtout leur apprendre à se poser des questions (qui ? à qui ? qui fait quoi ? pourquoi ? comment ?...), à établir des relations entre les personnages, les actions, les évènements…, des relations d’appartenance, de cause à effet..., à dégager les éléments essentiels, l’idée générale, l’intention… tout ce qui les aidera à la compréhension, par la suite, en lecture autonome.
On considère implicitement que tous les enfants procèdent à ce questionnement lors de la lecture effectuée pour eux par un adulte, et par eux par la suite. Or ils en restent trop souvent aux faits, car la lecture est pour eux une fin en soi et non le moyen d’interpréter des faits, d’accéder à des sens différents, de s’approprier l’histoire, de la comparer à son propre vécu…
« Parler sur l’écrit » participe à une meilleure compréhension de l’écrit ; il participe aussi au développement du langage oral.
Et que l’on ne dise pas que cela ne fait pas partie de l’apprentissage de la lecture, puisque ce sont là des moyens d’aider efficacement à la compréhension de la lecture future.
Ce n’est évidemment pas nécessaire lorsqu’on a à lire : « papa a puni Rémi » ou « papa a tapé Toto », où ni le déchiffrage, ni la compréhension ne posent problème ni question. Ces exemples montrent bien la limite de ce genre de méthode qui ne permet pas aux enfants d’entrer dans la complexité et donc de chercher à en résoudre les difficultés, qui ne manqueront pas de se présenter à eux lorsqu’ils liront sur de vrais livres.
Le code écrit :
Ayant été nommée directrice d’école maternelle dans un « quartier sensible » en 1981 et étant en charge d’une classe de Grande Section, je n’ai pas voulu commencer l’apprentissage systématique propre au Cours Préparatoire, mais j’ai souhaité aider les enfants à « entrer dans le code ». Plus encore, j’ai cherché à savoir comment ils y entraient pour mieux les y aider.
J’ai mené une recherche-action avec la MAFPEN et l’université Lumière Lyon 2 qui m’a permis d’établir «la ligne évolutive en lecture-écriture ».
La ligne évolutive en lecture-écriture :
Cette progression dans les différents stades de l’apprentissage montre que :
- au premier niveau : l’appréhension des mots est globale, la lecture est de type logographique : à un « tout graphique » l’enfant fait correspondre un « tout sonore » auquel il attribue un sens.
Mais il ne s’agit pas pour autant d’employer une méthode globale qui maintiendrait les enfants à ce stade d’appréhension visuelle globale, où la perception est plus ou moins confuse, où « la photo est plus ou moins floue » et qui est sujette à de nombreuses confusions de mots (ceux qui commencent par la même lettre, ceux qui ont des lettres semblables, ceux qui ont des lettres de formes proches…).
- au troisième niveau : la lecture est grapho-phonologique, l’enfant établit une correspondance au niveau des graphèmes et des phonèmes (voyelles et consonnes), il peut donc accéder à la combinatoire communément appelée b.a.-ba et donc à la méthode syllabique. Mais il n’est pas question de commencer par là, pas avant de s’être frotté à des écrits signifiants, sous peine de ne pouvoir entrer dans un code trop abstrait pour revêtir un sens pour lui. Pas sans avoir découvert les caractéristiques propres à l’écrit, sans savoir discriminé les lettres de formes proches (les b, d, p et q, les u et les n) qui font que des enfants confondent par exemple les mots « bonne » et « donne »…, qu’ils confondent encore « an » et « au », « on » et « ou », « gu » et « gn »…en classe de CE1, après avoir cependant suivi une méthode syllabique.
L’important est d’aider les enfants à passer d’un stade à l’autre, à passer d’une appréhension globale à une analyse visuelle des mots (premier niveau), à une mise en correspondance de l’oral et de l’écrit, à une analyse visuelle et auditive et à un découpage syllabique de la chaîne parlée et du code écrit (deuxième niveau), puis à une mise en correspondance des graphèmes et des phonèmes, au niveau des voyelles et des consonnes qui permettra d’aboutir à la combinaison des consonnes et des voyelles de la lecture combinatoire (troisième niveau, fin de la période d’analyse et début de la période de synthèse).
Mais ce n’est pas terminé pour autant, il reste à acquérir tous les digrammes et trigrammes (ou, on, an, en eu, in, ch, ph…). Il reste encore à lire les mots syllabe après syllabe.
Il reste surtout à appréhender les mots globalement selon leur orthographe et leur signification et plus encore selon leur organisation. La lecture est alors de type orthographique (quatrième niveau, période de synthèse). Le sens des mots ne naît pas, comme on pourrait le penser, uniquement de leur oralisation, nécessaire mais pas suffisante : il naît de leur organisation.
J’ajouterai que non seulement les enfants réinvestissent lors de la période de synthèse (troisième et quatrième niveaux) ce qui a été découvert et utilisé lors de la période d’analyse (les trois premiers niveaux), mais que cela est aussi particulièrement utile lors de l’écriture, à lier à la lecture, qui demande de procéder à l’analyse auditive des mots en tout ou parties.
Apprendre à lire vraiment :
Il est une manière bien plus intéressante pour tous, élèves et enseignant, d’apprendre et d’enseigner les correspondances grapho-phonologiques, c’est de considérer que tout enfant peut apprendre à lire comme il a appris à parler.
Il ne s’agit nullement d’attendre que cela vienne tout seul, bien au contraire. Il s’agit d’accompagner les enfants dans la découverte de ce système de lecture-écriture, comme leur entourage familial et l’école maternelle les ont accompagnés dans la découverte du langage parlé. Par des mises en situations bien choisies, motivantes, par des échanges riches et variés entre adulte et enfant et entre enfants, sur des supports affectivement importants pour eux.
Les prénoms des enfants de la classe, les noms de personnages d’histoires ou de contes, des noms d’animaux, des titres d’albums, des comptines…sont des supports à privilégier.
Ces mots écrits, dont l’équivalent oral est connu mais qui ne sont pas mémorisés sous leur forme écrite, sont l’occasion de mettre les enfants devant des situations-problèmes que l’on cherche à résoudre ensemble, tout en étant amenés à analyser l’écrit, à en découvrir les différents éléments constitutifs et les spécificités.
C’est l’occasion de comparer, de déduire, de généraliser, de conceptualiser, toutes compétences que les enfants ont eu à utiliser lorsqu’ils ont appris à parler et qui sont à réactiver sur l’écrit.
Agir ainsi c’est faire confiance à leur intelligence, c’est parier sur l’éducabilité de tous, sans prendre le milieu familial, social et culturel comme alibi, sans appliquer une méthode globale qui nécessite de faire seul tout le travail d’analyse visuelle et auditive des mots, ni une méthode syllabique abstraite et minimaliste qui ne peut convenir à tous.
Je suis en train de mettre en place un blog où je développe mes conceptions et pratiques:
www.animotlire.canalblog.com.Le discours d'un homme politique sur la méthode d'apprentissage de la lecture à proscrire montre à l'évidence que cette question n'est pas une "simple" discussion à caractère pédagogique, mais qu'elle revêt une dimension sociale importante au point d'en devenir une question politique.
En effet, si l'on admet, comme Evelyne Charmeux, que ces propos sont les plus bêtes qu'on ait jamais entendu, il faut en tirer des conclusions quant au niveau intellectuel des conseillers du ministre (au moins). Or, il est difficile d'en arriver là. L'entourage d'un ministre de l'Education nationale n'est pas composé de personnalités incultes, et celles-ci savent en général de quoi elles parlent. Et c'est bien cela qui est le plus grave!
Les "néoréac", car c'est bien comme cela qu'il faut les appeler, ont toujours considéré que ce qui, en matière d'enseignement, était bon pour les enfants des classes moyennes (supérieures à plus forte raison) devait obligatoirement l'être pour tous les enfants, négligeant en cela des facteurs importants comme la stimulation donnée par l'environnement (familial souvent).
Aussi, tant pis pour les enfants des milieux où l'on ne sait pas, où l'on ne peut pas apporter cette stimulation. Ces enfants, qui vont d'ailleurs s'ennuyer très vite à l'école et au collège (et qui vont gêner les autres) seront bien mieux dans des structures de préapprentissage ou d'apprentissage. S'ils ne savent pas bien lire, ce n'est pas grave (grâce au B-A, BA, ils sauront toujours déchiffrer). La télévision est là pour leur apporter leur part de culture (au sens où l'entend un haut responsable d'une chaîne privée!).
Y a-t-il une intention délibérée de maintenir une partie de la population en dehors de la culture, notamment en ne lui permettant pas d'accéder à la lecture, celle qui donne du sens et qui permet d'entrer dans d'autres univers, et en ne l'autorisant à accéder qu'au déchiffrage?
Si cette intention existe, elle se cache évidemment derrière le discours récurrent qui démontre que les déterminants socio culturels (ou personnels) sont tels que personne n'y peut rien, surtout pas l'école qui, n'est-ce pas, fait ce qu'elle peut avec les moyens qu'on lui donne!
Il est facile ensuite d'affirmer que, disons 20% de chaque classe d'âge, ne peut tirer aucun profit de l'enseignement secondaire.
Il est donc temps de jeter un oeil sur ce qui se fait à l'école primaire, et surtout à l'école maternelle dont on commence à comprendre l'importance dans la préparation de l'apprentissage de la lecture. Il est temps aussi d'affirmer qu'il est nécessaire d'établir une réelle continuité entre l'école et le collège.28. Le mercredi 28 décembre 2005 à 20:57, par el yagoubi m'hamed. Postdoctorant en Science de l'education (Aix-en-Provence)Lire et écrire ne se dissocient pas dans les processus d'apprentissages scolaires.
Critiquer ou abroger une méthode dite "golbale" ou "locale" en matiière de lecture c'est nécessairement une opération non didactique et non plus pédagogique.
L'école est un espace de légitimation des pratiques et des comportements individuels et collectiifs. Les règles y préscrivent des conditions de svoir-faire et de svoir-etre. Elles ne sont pas à l'abri des influences des jeux et des enjeux des conditions sociales et culturelles globales.
Ce qui importe ce n'est pas une telle méthode a plus d'effet sur le retour cognitif par rapport à l'autre, cela relève d'un selctif arbitraire, d'un choix empiriquement non fondé et d'un point de vue trop court.
Les apports de s modèles théoriques issus des paradigmes des sciences cognitives et des sciences du langage ne sont pas ignorés dans les systèmes de formation des enseignants dans l'ensemble des iufm en France et dans les autres centres de formation en Afrique (Maroc). Les formateurs et les futurs enseignant s savent consciemment qu'ils sont eux aussi des lecteurs et des personnes qui évaluent et s'évaluent dans le rapport à la lecture. Lire est une question qui doit etre articulée avec celle de l'écriture et de la communication. Si l'objectif partagé par l'ensemble de la communauté éducative à l'échelle planétaire en matière de la lecture, c'est la pertinence qui doit etre mise en relief en tant que critère (sperber).
Les lecteurs, en fonction de leur niveau et en fonction du rapport à l'activité de lecture ne décrochent pas parce qu'ils ont des difficulté à s'y mettre, ils s'impliquent en fonction des représentations qu'ils ont de l'objet.
C'est une expérience de plusieurs années scolaires que j'ai construite durant ma recherche doctorale concernant l'enseignement et l'apprentissage de la langue arabe en tant que LV1, LV2 et LV3 au Lycée paul Cézanne à Aix-en-Provence, (thèse soutenue 21 fevier 2005). Il est surprenant d'arriver à admettre que ce sont les élèves eux-memes qui contribuent largement à construire leurs méhodes en combinants les différentes modalités : Top-down et bottom-up. L'enseignant n'est que facilitateur. et organisateur.
Un regard d'en haut (ministre) sur les méthodes de lecture est déformant de la complexité de cette activité qui mobilise l'enseble des capacités cognitives. Il n'atteint que la surface, le profond (le sens) lui échape. parce qu'il ne lui appartient pas.
el yagoubi m'hamed
Postdoctorant en Sciences de l'Education
Aix-en-ProvenceLecture : l'objectif consensuel, les moyens conflictuels
Pas de doute, tout le monde est d'accord sur l'objectif principal de la lecture : donner du sens (un sens?) à un texte.
Pas de doute non plus : personne n'est d'accord sur les moyens à utiliser pour y parvenir. Et ce n'est pas seulement les clients du café du commerce qui croisent le fer, les intellectuels, les professeurs et les pédagogues aussi ! Entre syllabiques, semi-globales et globales, qualité du maître, tout est bon pour défendre son option. On en appelle à Rousseau (qui n'a jamais prôné aucune méthode!), à Freinet, aux tenants des sciences cognitives, à l'imagerie cérébrale…
Pour certains, c'est simple : la guerre des méthodes n'a plus lieu d'être : rassemblons tout ce qui fait les qualités de chacune d'elles dans un copieux boubliboulga et tout ira bien. Merci le désordre.
On finit par se demander comment nos prédécesseurs ont bien pu apprendre à lire, ignorant tout des sciences cognitives. Comment nos savants ont pu s'épanouir, inventer, mettre le monde sans cesse en question, sans avoir bénéficié de toutes ces richesses que constituent linguistique, grammaires modernes, lexicologie, la manière d'accéder au sens…etc, en ayant appris à lire avec une méthode syllabique ou alphabétique. Et s'il n'y avait pas de méthode de lecture ?
Les enfants en difficulté sont surtout ceux qui n'ont pas de bagage langagier. Et là, bravo Monsieur Bentolila. Ils ont déjà du mal à comprendre une conversation et encore plus de difficulté à s'exprimer clairement, comment voulez-vous qu'ils lisent un texte dont la plupart des mots ne font pas partie de leur bagage sémantique. Les autres enfants, même maltraités à l'apprentissage, finissent par lire, soutenus ou sauvés par leur milieu culturel.
J'essaie de faire entendre une troisième voie. Non pas par une troisième utopie méthodiste, mais parce que je l'ai expérimentée avec un succès quasi incroyable. Il suffit de ne rien renier, mais de commencer par le bon bout : respecter la hiérarchie historique qui a placé l'écriture avant la lecture, commencer par apprendre à coder, à écrire.
Sans dévoiler toute la pédagogie qui découle de cette priorité au codage, notons surtout que dans ce cas, le sens n'est pas à découvrir, il est dans la parole ou la pensée à traduire. L'élève constate qu'il écrit du sens (et pas des syllabes ou des lettres), il sait qu'en retour, il devra trouver du sens lorsqu'un écrit tombera sous ses yeux. Il emploiera la combinatoire pour écrire. Il pourra relire sans syllaber le mot qu'il vient d'écrire, pour finir par lire tout écrit dont la signification fait partie de son champ sémantique.
L'avantage, pour le culturellement défavorisé, c'est essentiellement que les mots utilisés en apprentissage font partie de son faible bagage lexical. Il dispose d'assez de mots pour faire fonctionner et comprendre ce qu'est l'écriture et la lecture. Et c'est certainement en lisant qu'il va augmenter son champ sémantique par la suite. Lire sera encore pour lui bien autre chose que comprendre ce qu'il lit, mais constituera le tremplin qui lui permettra d'améliorer ses connaissances.
Et puis il faut aussi en finir avec la lecture, adulée, libératrice. Elle a été longtemps asservissement à des textes, pour l'église qui apprenait à lire le latin et pas le français, pour la République, nul n'étant censé ignorer la loi, et généralement pour toute autorité qui veut s'asseoir (le petit livre rouge).
L'écriture est au contraire vent nouveau dont on se méfie (mises à l'Index), qu'on combat, mais qui peut finir par imposer des nouveautés jusqu'alors inconcevables. Toutes les sciences en témoignent. Notre histoire aussi. La révolution n'est-elle pas fille des lumières, d'écrits audacieux finissant par trouver une réalité et une expression collective ?
Quand j'écris le plus sérieusement du monde qu'on ne peut pas apprendre à lire si on n'apprend pas à écrire, c'est tellement incongru dans le débat actuel focalisé sur la lecture, que peu de personnes s'interrogent sur la validité de cette affirmation, logiquement et pédagogiquement parlant. Certains croient que je mets l'enfant devant une page blanche, quelle naïveté ! Pourtant, si on veut réussir à faire entrer en communication écrite tout enfant parlant, quel que soit son niveau de vocabulaire, il faut obligatoirement commencer par le faire écrire. Pour chacun de nous, notre lecture est limitée par nos connaissances, ce n'est pas le cas de notre écriture dont par exemple certaines productions poétiques peuvent exprimer l'au-delà des mots…
Jacques Delacour
En général, on n'apprend pas grâce à la méthode mais malgré la méthode.
L'invention de l'imprimerie peut-être identifiée comme le début de la lecture de masse, simplement parce qu'elle permit la diffusion massive des ouvrages. Les pouvoirs d'alors subirent bien malgré eux les conséquences de cette technologie.
Les grands perdants de l'histoire furent ceux qui se trouvaient dans la rétention possession des dits ouvrages et manuscrits, identifié comme le clergé dans son ensemble, mais il ne fut pas le seul.
Les conséquences de cette diffusion massive furent la révolution et l'invention du journal,correspondance de masse.
À la perte de la "rétention-possession" des manuscrits, (pas seulement religieux, mais scientifiques etc.), succéda la "rétention-détention" du savoir lire, pouvoir non matériel, tout aussi puissant car possession cachée.
Pour lutter contre la "rétention-possession" des manuscrits, il y eut les bibliothèques publiques, celles que l'on connaît de nos jours, (mais tous les manuscrits ne sont pas encore publics, la révolution a encore à faire avec le droit, et est loin d'être terminée, les enjeux se déplaçant actuellement sur l'utilisation du nouveau moyen de diffusion qu'est internet).
Pour lutter contre la "rétention-détention" du savoir lire, rien ne fut inventé! Ce savoir-pouvoir reste possession de castes car il traduit des compétences et des appartenances.
Il n'est jamais explicité que ce savoir nécessairement très variable, modelé et modelant est fonction de ses conditions sociales d'exploitation. Un inspecteur de l'éducation national du primaire ne saura pas forcément lire et explicité un compte rendu scientifique spécialisé en physique des particules, ses compétences en lecture n'iront pas jusque-là, on ne lui en demande pas tant. Il s'agit donc bien de prendre en compte dans les compétences du lecteur, les conditions sociales de production du texte. Tout texte supporte, les compétences nécéssaires au lecteur, pour sa compréhension.
Il faut relire les projets de J.Ferry en la matière pour en comprendre les enjeux.
Le projet de l'école d'alors était de produire des lecteurs dont les compétences en la matière étaient calculées et devait être suffisantes à la lecture-compréhension de consignes simples permettant l'utilisation des machines-outils.Je parle bien là des conditions d'exploitation d'un pouvoir lire volontairement limité. On comprend donc que pour le lecteur en devenir, le vouloir lire s'origine dans des pratiques et des désirs nécessairement extérieurs à la fréquentation scolaire, dans les biographies familiales et sociales, et est nécessairement révolutionnaire dans la mesure où il fut et il reste nécessaire de déconstruire les volontés affirmées et ou implicites pour trouver le chemin de son propre "vouloir devenir lecteur".
Ce n'est qu'à ce titre que les écoliers de la troisième république devinrent lecteurs! Reste donc que tout "sachant ou savant" tire sont savoir du savoir d'autres et son pouvoir de leurs ignorances . La question des méthodes de lecture ne peut apparaître que comme un discours d'évitement de cette problématique, oblitérant entre autres questions "celle d'un projet social possible pour un adulte ne sachant pas lire". Il appartient donc à chacun compte tenu de ses propres compétences de lecteur, de lire ce type d'abcès en restant lucide sur ses conditions d'éclosion ! Quel projet de méthode ou quelle méthode de projet?
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale veut une fois pour toutes en finir avec la méthode globale et ses assimilées. Vaste programme, car il semblerait que l’on n’en finisse jamais avec la méthode globale. Celle-ci est en effet régulièrement accusée de causer des dégâts colossaux dans l’apprentissage de la lecture des jeunes français depuis presque un siècle alors qu’elle n’a JAMAIS été en vigueur de manière systématique dans aucune école de France, ou si peu qu’elle n’a jamais pu être la cause des difficultés des jeunes apprentis lecteurs.
Cette méthode, bouc-émissaire absolue de toutes ses congénères, est pourtant loin d’être saugrenue. Conçue à la base par le Dr Decroly, elle a posé l’idée très intelligente de démarrer l’enseignement de la lecture avec des textes produits par l’enseignant à partir des projets menés dans les classes.
L’idée, alors tout à fait révolutionnaire, était celle de démarrer les apprentissages par des textes (et non pas par des lettres comme cela se pratiquait), d’isoler dans ces textes des phrases que l’on allait observer de plus près, puis de découper une phrase en mots pour pouvoir regarder ces mots, les ranger, les comparer et enfin les découper en lettres que l’on combinerait alors pour fabriquer d’autres mots, puis d’autres phrases et d’autres textes.
Vous voyez bien qu’il n’y a là rien de très pernicieux, ni rien qui puisse être de nature à expliquer les échecs des élèves dans les classes.
L’autre idée révolutionnaire du Dr Decroly, était celle de confier aux enseignants la responsabilité d’écrire les textes destinés à être étudiés à partir des projets de la classe. Encore fallait-il qu’il y ait des projets dans les classes !
Les IUFM, fortement décriés de-ci de-là, ont, il est vrai, essayé de sensibiliser les futurs enseignants à la nécessité de monter dans leurs classes des projets cohérents qui permettent de faire des liens entre les différentes disciplines et qui donnent du sens aux apprentissages des enfants.
Car la question centrale de ces dernières années n’est pas tant celle des méthodes que celle du sens et donc de la motivation des enfants. Cette question de la motivation n’est d’ailleurs pas exclusive de l’école. Elle occupe le centre des réflexions des entreprises, des centres de recherche… de tous les lieux où des êtres humains sont censés acquérir, produire et transformer des savoirs. Tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que l’on fait mieux les choses si elles nous concernent directement et si on en mesure bien les enjeux. En lecture, comme ailleurs, on apprend d’autant mieux que l’on sait ce que l’on va apprendre, et que l’on a envie et besoin d’apprendre.
Or pas un seul enfant de nos écoles ne peut avoir envie d’apprendre à partir de la méthode syllabique. Celle-ci propose en effet aux enfants l’étude systématique des lettres et de leurs sons à partir desquels on construira avec eux des mots, des phrases voire, en fin d’année des textes. Cette méthode, mise au point alors que l’objectif de l’école était d’alphabétiser les enfants et d’apprendre à la majeure partie d’entre eux à déchiffrer l’écrit a fait la preuve de son efficacité en matière de déchiffrement. Cependant, elle est devenue obsolète eu égard aux nouveaux objectifs de l’école qui sont d’apprendre à lire à tous les enfants de France. Car lire n’est pas déchiffrer. En effet, la plupart des enfants caractérisés aujourd’hui (à raison) comme non lecteurs sont, de fait, de corrects déchiffreurs. Ils sont en effet capables de dire tous les mots d’un texte à haute voix mais sont incapables d’en comprendre le sens. En effet, les textes qui évaluent le niveau de lecture des enfants sont de vrais textes qu’il convient d’interpréter. Or cette lecture interprétative des textes ne s’apprend pas dans les méthodes syllabiques. C’est pourtant d’elle dont il est question dans les écoles et dans les sondages. Les méthodes syllabiques ont répondu en leur temps à un objectif donné. Pas plus qu’il ne viendrait à l’idée de quiconque de demander aux médecins de revenir à l’utilisation massive et exclusive de l’aspirine qui a soulagé tant de gens en son temps (et qui donc à ce titre aurait fait les preuves de son efficacité) en rejetant toutes les médecines mises au point depuis, pas plus qu’il ne viendrait à l’idée de quiconque d’exiger la remise en route d’une série de 2CV qui ont fait leur preuve en leur temps… pas plus il ne peut être légitime de demander à l’école de revenir en arrière d’un siècle pour remettre à l’ordre du jour des méthodes dépassées aujourd’hui. Dépassées car les travaux sur le fonctionnement du cerveau par exemple, montrent que tous les apprentissages se gèrent dans la complexité et non de manière linéaire du simple vers le complexe.
De plus, ce qui convient à l’un, ne convient pas forcément à l’autre. L’enseignement s’individualise, se construit par, pour et avec les enfants. Il ne peut y avoir UNE méthode miraculeuse qui réponde aux besoins de tous, car l’enseignement est un métier complexe qui nécessite professionnalisme, doigté, écoute, observation et discernement. Chaque situation pédagogique est une situation originale pour laquelle il n’existe pas de recette toute faite qu’il suffirait d’appliquer. S’il était une réforme à faire, ce serait peut-être celle de donner aux professeurs des écoles le statut d’enseignants chercheurs, comme leurs collègues universitaires. Ainsi ils seraient au cœur des recherches et participeraient avec le talent qu’il est temps de leur reconnaître, aux nécessaires évolutions permanentes des pratiques d’enseignement. Monsieur le Ministre, cessons de regarder en arrière un passé qui n’est plus et tournons nous résolument vers l’avenir qu’il convient de construire ensemble.
37.
Le mardi 13 décembre 2005 à
16:13, par
Annie CARTON ex-maître formateur et directrice d'école d'application
Voici ce que je voudrais dire aux parents déboussolés par tant de manipulation :
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J’ai eu le bonheur d’apprendre à lire à des centaines d’élèves, de participer à la formation de pas mal d’enseignants et de militer pour un meilleur dialogue avec les familles. Grâce à des compagnons de route éclairés et solidaires, j’ai poursuivi par mes propres moyens ma formation tout au long de ma carrière. J’ai gardé mon enthousiasme et ma foi dans les possibilités de l’être humain jusqu’à la retraite et au-delà.
Aussi, je suis sidérée devant l’incompétence de ceux qui se permettent de juger des méthodes de lecture, de l’autorité des maîtres ou de l’orientation des adolescents. Qui sont-ils ? Responsables politiques aux connaissances approximatives ? Journalistes peu regardants avec la déontologie ? Enseignants aigris par leurs échecs ?
Lorsqu’on est ministre, il faut prendre garde de ne pas utiliser l’angoisse et la méconnaissance des parents en assénant des mensonges que peu d’entre eux auront les moyens de déceler.
Qu’on cesse enfin de nous parler d’une méthode «globale » fantasmée : si, effectivement, elle respectait mieux le fonctionnement du cerveau, pour certains enfants, elle n’allait pas assez loin dans l’analyse. Mais comme elle n’a été appliquée que très peu d’années, par un nombre infime d’instituteurs, elle ne risque en aucune manière d’être la cause de tous les maux dont on l’accable.
Célestin Freinet, répondant aux mêmes idées fausses, l’expliquait déjà très clairement ; c’était en 1959 ! Nous bégayons…
Quant à la méthode syllabique (la combinaison de lettres pour former des mots puis de mots pour former des phrases), elle apprend à déchiffrer mais sûrement pas à comprendre ce qu’on lit.
C’est ce qui se passe, aujourd’hui, pour nos élèves en difficulté : ils reconnaissent bien les lettres mais ne comprennent pas le sens de textes plus divers et complexes que ceux qui suffisaient autrefois pour trouver une place dans la société.
C’est peut-être, en partie, à cause d’elle que si peu d’adultes aiment lire…
Et ça risque de ne pas s’arranger car les méthodes les plus couramment employées aujourd’hui, sous un habillage moderne, sont plutôt syllabiques, contrairement à ce que s’imaginent nos ministres.
Nous qui avons appris malgré tout, c’est parce que nous avons effectué une démarche complémentaire, alliant l’identification du type de texte, la richesse du vocabulaire, la prise d’indices pertinents (pronoms, ponctuation…), l’anticipation et la combinatoire.
Je n’entrerai pas plus avant dans la technique ici mais je suis à la disposition de quiconque souhaite des précisions. (**)
La solution ne réside pas dans des consignes ministérielles à courte vue et fallacieuses de surcroît mais dans une meilleure formation des maîtres : la pédagogie est un métier, voire un art, n’en déplaise aux pourfendeurs du « pédagogisme » que je voudrais bien voir à l’œuvre dans une classe de 25 enfants de CP !
La solution est aussi dans le temps de travailler en équipes pluridisciplinaires et de collaborer avec les familles. Elle est dans le choix de la mixité sociale, de la coopération plutôt que la compétition, de l’éducation à la citoyenneté et à la culture plutôt que l’orientation « utilitaire » trop précoce (toujours préconisée pour les enfants des autres !).
Je peux témoigner que, là où ces éducateurs que sont aussi les enseignants se montrent à la fois compétents et enthousiastes, fermes et bienveillants, respectueux des ces personnalités en devenir que sont les jeunes, ceux-ci apprennent plus efficacement que ne veulent bien le dire les esprits chagrins et n’ont nulle envie de fuir l’école.
Encore faudrait-il que la société les accueille comme les siens, ces jeunes ; qu’elle leur offre des perspectives d’avenir au lieu de formater les uns et d’humilier les autres...
Encore faudrait-il que l’administration, les grands médias, les décideurs cessent de les désespérer, ces enseignants ; qu’elle cesse de les mépriser, de leur mettre des bâtons dans les roues, d’imposer des contre-valeurs qui détruisent tout ce qu’ils tentent de construire.
Si je vous ai parlé, moi, simple citoyenne, c’est que mon analyse est nourrie de mon expérience et du dialogue avec mes pairs (**) et avec les usagers du Service Public dès lors qu’ils ne sont plus consommateurs mais participants.
Je fais confiance à mes collègues pour ne pas suivre des directives incohérentes et aux parents pour résister aux mensonges racoleurs. Seule solution pour que nos jeunes s’y retrouvent, dans cette jungle.
Qu’ils s’emparent donc, eux aussi, de la parole !
(*) juste deux exemples proposés à votre méditation :
- comment lisez-vous les mots « est » ou « fils » si vous ne comprenez pas la phrase dans laquelle ils sont ?
- vous qui avez appris comment on prononce « e » et « n » accolés, cela vous aide-t-il pour lire les mots : renne, venu, viens, le couvent, elles couvent… ?
(**) Merci aux collègues qui ont bien voulu relire ce texte et m’aider de leurs observations.
38.
Le mardi 13 décembre 2005 à
11:26, par
René ANGEL, Retraité, Association de Recherche Pédagogique
On ne peut que constater que de (trop) nombreux élèves sont en situation d’échec scolaire essentiellement parce qu’ils ne maîtrisent pas la lecture et, partant, l'écriture et le calcul. Malgré certaines statistiques qui se veulent rassurantes l’illettrisme perdure, hélas.
Or, jusqu’à maintenant, les mesures appliquées pour tenter de remédier à cette situation (multiplication des méthodes d’apprentissage de la lecture, cours de soutien ou de rattrapage, RASED, etc...) n’ont pas permis d’améliorer sensiblement la situation. Ces mesures consistent d’ailleurs à tenter de « réparer les dégâts » sont ils sont avérés, c’est-à-dire à partir du CP ou, pire, qu’à l’entrée en 6e, c’est-à-dire lorsqu’il est souvent trop tard.
Il est pourtant une autre voie qui n'a été que peu explorée : l'apprentissage plus précoce de la lecture.
Deux théories s'affrontent en effet en ce qui concerne l'âge à partir duquel peut débuter cet apprentissage :
- il y a ceux qui pensent qu'avant l'âge de 6/7 ans l'enfant ne possède pas la maturité d'esprit nécessaire. - d’autres, par contre, plaident en faveur d'un apprentissage plus précoce car - disent-ils - "la capacité intellectuelle d'un jeune individu est immense, et les premières années de la vie, qui vont de la naissance à 6 ans environ, sont cruciales pour l'acquisition des habiletés mentales, et en particulier des habiletés cognitives nécessaires à tout apprentissage", ce qui a été confirmé par d’importantes recherches scientifiques sur le développement et le fonctionnement du cerveau humain.
Si l'on veut réellement « prévenir » l'illettrisme (prévenir pour ne pas avoir, plus tard, à tenter péniblement de corriger ce véritable handicap) et lutter enfin plus efficacement contre l'échec scolaire, il faut véritablement innover et débuter systématiquement l'apprentissage de la lecture dès l'âge de 3 ans environ, selon une démarche particulière adaptée à cet âge. Car il n’est bien entendu pas question d’utiliser alors l’une quelconque des méthodes, syllabique ou semi-globale, en cours à partir du CP.
L’enfant qui peut être aidé par ses parents à cet âge aura moins de problèmes au CP.
Mais pour les enfants de milieux défavorisés les écoles maternelles peuvent, et doivent, assurer le relais des parents. C'est ainsi que sera véritablement réduite l'inégalité des chances. La réussite scolaire du maximum d’enfants passe par une courageuse remise en question. Il n’est que temps ! D’autant que les expériences mises en place depuis quelques années dans certaines écoles maternelles ont démontré l’efficacité de la démarche. Alors, pourquoi ne pas les généraliser ?
Notre contribution au débat national sur l’école organisé en 2003 le proposait déjà. Elle est toujours consultable sur la page : perso.wanadoo.fr/range/de...
Le rapport de la commission Thélot a malheureusement occulté totalement ce problème. Pire ! le mot « illettrisme » ne figure qu’une seule fois dans ce rapport, alors même qu’il est incontestablement l’une des causes essentielles des cas d’échecs scolaires.
Pour ceux qui se sentent concernés par la prévention de l’illettrisme d’autres arguments sont développés sur les sites : perso.wanadoo.fr/range et/ou ialfi34.free.fr
Pour information, le rapport sur la lecture, qui a été remis à Gilles de Robien, et qui lui aurait fait dire ce qu'il a dit (no comment) , a mis du temps à arriver sur son bureau et à produire des ondes négatives dans les cerveaux des membres de son cabinet.
Ce rapport , reprend les actes des journées de l'Observatoire national de la Lecture, sur les troubles de l'apprentissage de la lecture, en février 2005. Il est disponible en ligne depuis pas mal de temps [onl.inrp.fr/ONL/publicati... .
Vous pourrez le lire, je suis sûre que votre lecture ne sera pas la même que celle de l'équipe de M. de Robien.
Par contre, vous trouverez des explications fort intéressantes sur ce qu'est la dyslexie .
Autre dossier intéressant sur le site : un état des lieux sur les manuels de lecture au CP, datant de 2003.
Avec ces avis éclairés et tant d'autres, nos gouvernants ne devraient pas dire n'importe quoi, non? (mais j'ai peur d'avoir une réponse...)
Il n'y a aucune bonne méthode d'apprentissage de la lecture. La seule méthode possible, pour entrer en communication écrite, et c'est bien de cela qu'il s'agit, est de respecter la chronologie, commencer par écrire, comme nos ancêtres l'ont fait en inventant l'écriture.
En effet, il est toujours facile de convenir de l'écriture d'un son, /n/ par exemple et de l'utiliser à sa place dans des mots où on l'entend comme notre, nature minuit, …etc. La transcription est d'environ 100% n ou nn.
Par contre, notre système orthographique étant ce qu'il est, la lettre n ne se lit /n/ que dans 15 à 25% des cas suivant les textes. Et pour le débutant, il est encore tenu de choisir, donc de réduire ses chances d'oralisation correctes, donc d'atteinte du sens. Dans la phrase : "Rendez la montre à ce monsieur.", aucun n ne se lit /n/. On peut vérifier le constat pour toutes les graphies des sons (phonèmes). Le pompon étant détenu par le son /e/ qui s'écrit presque toujours e mais qui peut se lire de 34 façons différentes (il est présent dans toutes les écritures finales des consonnes) : tente, monter, j'ai eu, oiseau, peintre, oie, eux, clef, abdomen, et même femme ou green ! Alors qu'on lira faisait, monsieur ou couvent !
Ceci explique que l'écriture est beaucoup plus facile que la lecture, si on veut bien ne pas confondre écriture et orthographe. Les enfants de CP savent d'ailleurs écrire phonétiquement et ils ne s'en privent pas. Remarquez que de nombreuses langues s'écrivent phonétiquement et assurent ainsi une lecture rapide, en miroir, comme le latin qu'on enseignait à lire avant le français !
Il faut donc cesser les querelles des méthodes de lecture. Il n'y en a aucune de possible. Seule l'écriture des mots, correctement orthographiés avec l'aide d'un maître, fournit l'occasion de pouvoir les relire sans se tromper sur leur sens ou leur prononciation. C'est le cas si je sais ce qu'est une zarzuela et que j'ai appris à prononcer puis écrire ce mot, avec les "orthographes" qui conviennent. Saurez-vous le lire ?…
Ayant appliqué ce principe de priorité à l'écriture (et il y a des moyens simples de faire écrire rapidement tout élève, sans le faire graphier), la plupart des enfants décodaient à Noël et tous sortaient du CP en sachant lire. D'autres avant moi (Maurice Block, alias Schüler ou Javal faisaient lire aussi rapidement en donnant priorité au codage, à l'écriture). Malheureusement, jusqu'à maintenant, on ne m'a pas plus entendu qu'eux ! Il est malheureux qu'au XXIème siècle, le soleil tourne encore autour de la terre….cf. www.meirieu.com/FORUM/delacour.pdf
41. Le mardi 13 décembre 2005 à 08:52, par Robert Demarbre Président FCPE Parent d'élève Bollène 84500
Je constate autour de moi, que la majorité des parents se prononcent pour la méthode syllabique.
Les raisons invoquées sont "celles du café du commerce": de mon temps je savais lire" et quand on leur demande qu'est ce qu'ils savaient lire ils viennent sur les fautes d'orthographe. Ils n'abordent jamais la question de la compréhension, du sens, du bonheur de lire et peut être d'écrire.
Notre société depuis le XIX siécle fonctionne (et son système éducatif en est le vecteur) sur des bases d'efficacités, un ouvrier à la chaine n'a pas besoin de comprendre. Il suffit qu'il sache déchiffrer les mots.
Néanmoins nous ne sommes plus au XIX ni au XX siécle. Nous sommes aujourd'hui entrés dans une nouvelle ére. L'évolution des connaissances, l'évolution des sciences, l'évolution de la communication (Internet) multiplie les les possibilités d'apprentissage, de connaissances. Aujourd'hui la question qui est posée ce n'est pas de savoir déchiffrer, c'est de savoir et pouvoir communiquer. A. Giordan cite dans un article l'exemple des pays scandinaves ou les dessins animés ne sont pas traduits mais sous titrés, et on constate une évolution sur la lecture compréhensible et l'apprentissage des langues.
L'éducation et la formation tout au long de la vie (je rajouterai l'apprentisssage) sont devenus, même si elle s étaient avancées par de nombreux chercheurs, penseurs depuis longtemps, quasiment des incontournables. Mettre ces notions en avant nécessite de changer de paradigme, de changer la les fondements philosophiques. Nous sommes en train de passer (et nous serons obligés de passer) de procédures empilables, semblant etre utilisables immédiatement, vers des processus évolutifs, modifiables. Ces processus d'apprentissages semblent impliquer une comprehension, une facilité d'apprentissage poly-sens des choses.
La méthode syllabique ne semble pas répondre à cette question car elle donne un seul sens, une seule donnée.
Ce message il doit passer auprès des parents qui ne veulent que le bonheur de leurs enfants mais qui avec la recherche de l'efficaité immédiate (il ne fait pas de faute d'orthographe, il sait compter) mais qui au contraire ne préparent pas leurs enfants à devenir des femmes et des hommes pensant, communiquant, philosophant sur les savoirs et les connaissances
42.
Le mardi 13 décembre 2005 à
07:28, par
laury de Lamotte professeur de svt au lycée et maman de 2 enfants
Je suis étonnée des réactions de certains enseignants en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture; certains soulèvent le fait que le ministre veut interdire quelque chose qui l'est déjà. Soit, mais certains enseignants continuaient d'utiliser la méthode globale; un de mes fils, dislexique de surcroit en a fait les frais.
Bien sûr, un texte n'est pas seulement une suite de mots et la compréhension globale passe sans doute par autre chose que le déchiffrage des syllabes; mais en tant qu'enseignante de lycée voici mon constat : les élèves font plus d'une faute par mot, la grammaire de texte est peut être présente mais la grammaire de phrase est inexistante; les élèves sont pénalisés dans les matières rédigées pour des lacunes qui ne concernent que le français en tant qu'outil. Lorsqu'on a la chance d'avoir un élève qui s'exprime correctement, rédige correctement et comprend les énoncés on s'aperçoit très vite qu'il a eu un apprentissage syllabique, ou proche, de la lecture et un enseignement "traditionnel" en langue française. Alors oui, je rejoins ce que disait une collègue proffesseur des écoles "les méthodes globales ou associées sont éllitistes".
43.
Le mardi 13 décembre 2005 à
01:16, par
Patrice GOURDET, enseignant et formateur dans le premier degré
Effaré, scandalisé et révolté, voilà mes sentiments suite à la lecture des journaux ces derniers jours sur la prise de position du ministre de l’éducation nationale, Monsieur de Robien qui déclare officiellement que sous huit jours il interdira par une circulaire la méthode globale.
Le ministre de l’éducation nationale, me semble t-il, est garant entre autres des programmes de l’école primaire qui datent du mois de Février 2002. Ces instructions officielles représentent le contrat entre l’école et la société, contrat que tout enseignant a le devoir de mettre en œuvre dans sa classe, c’est la loi ! Pourquoi notre ministre ne fait-il pas référence à ces programmes et aux documents d’accompagnement ? Permettez moi de le faire :
« Apprendre à lire, c’est apprendre à mettre en jeu en même temps deux activités très différentes : celle qui conduit à identifier les mots écrits, celle qui conduit à comprendre la signification des textes… »
Cette reconnaissance des mots écrits s’appuie sur deux entrées complémentaires, l’identification des mots par la voie directe (la lecture globale) et l’identification par la voie indirecte (le déchiffrage en passant par le fameux B-A, BA). En parallèle le travail sur le sens et donc la compréhension des textes, la production d’écrits et le contact régulier avec les livres sont des composantes indispensables pour apprendre à lire (dixit les programmes).
Apprendre à lire suppose donc un équilibre subtil entre ces entrées. L’apprentissage syllabique a tout naturellement sa place ainsi que la mémorisation globale et orthographique de certains mots. L’élève doit posséder l’ensemble de ces outils pour reconnaître un mot et privilégier une entrée par rapport à une autre, voire les opposer ne permettra pas de résoudre les difficultés. Cela, hélas, démontre une méconnaissance totale de l’apprentissage de la lecture, c’est une simplification dangereuse car elle stigmatise des démarches pédagogiques. Or ces programmes de 2002 ont réellement pris en compte la complexité de cet apprentissage essentiel pour l’avenir de chaque élève. Méfions-nous d’un dogmatisme autour de la syllabique qui remplacerait celui autour de la globale !
Dans la société actuelle, ne pas savoir lire, c’est-à-dire ne pas comprendre ce que l’on lit et que l’on nomme illettrisme est devenu un véritable handicap. L’illettrisme est un constat que l’on ne peut faire que sur des adultes qui ont été scolarisés. Il est inadmissible de parler d’illettrisme chez les enfants car ils sont encore dans un système éducatif et donc dans une structure qui a le devoir de leur apprendre à lire en adaptant la pédagogie et les moyens mis en oeuvre. Nous ne pouvons donc pas conclure à l’illettrisme alors que l’apprentissage n’est pas encore terminé.
De plus l’illettrisme renvoie à la compréhension des textes que l’on lit, cette compétence ne se limite pas seulement à la capacité de déchiffrer de manière syllabique chaque mot d’un texte. Dans ce sens, apprendre à lire est un travail de longue haleine qui a débuté dès la première année de maternelle et qui se poursuivra tout au long de la scolarité de l’enfant, l’année de CP n’étant simplement qu’un moment important de compréhension du fonctionnement des mots. Combattre donc l’illettrisme ne peut se réduire simplement à l’apprentissage syllabique des mots. Cette seconde stigmatisation est tout aussi dangereuse.
Pour finir, les déclarations du ministre laissent donc à penser qu’à tout moment l’institution peut réformer des programmes, imposer des interdits sur des méthodes d’apprentissage. Cette immédiateté de l’injonction est dangereuse. Les programmes, j’y reviens, se construisent dans le temps à travers des instances officielles qui privilégient les échanges, les débats, les réflexions. Ces instructions officielles engagent l’Etat sur un temps qui dépasse les durées des mandats électoraux, c’est une garantie pour la démocratie car le rapport entre l’école et la société est complexe, il a besoin de sérénité que ce temps lui offre. Ne pas respecter ce rapport au temps (« sous huit jours ! ») c’est mettre en danger l’école, la formation des enseignants, les réflexions pédagogiques mais aussi la relation de confiance indispensable entre les familles et l’institution. Comment expliquer aux parents que la méthode globale n’est plus pratiquée dans les classes (elle ne l’a jamais été réellement), comment les rassurer, comment leur dire que le manuel utilisé prend en compte la complexité et la diversité des entrées pour apprendre à lire, comment reconquérir une confiance primordiale alors que le ministre parle de nocivité, de danger et utilise même le terme de « criminel ». L’enseignant devient l’assassin, pourquoi le juger, condamnons le tout de suite, n’attendons pas, pourquoi utiliser une pensée critique, oublions Condorcet, Rousseau, nous avons trouvé le ou plutôt la coupable, c’est elle, la méthode globale !
Cette démarche du ministre ouvre les portes à d’autres stigmatisations, à d’autres injonctions politiques qui peuvent être influencées par des pressions populistes et j’y vois là un réel danger pour notre démocratie.
Samedi 10 décembre 2005
Patrice GOURDET, enseignant et formateur dans le premier degré
44.
Le mardi 13 décembre 2005 à
01:15, par
Eveline Charmeux, professeur honoraire de l’IUFM Toulouse
L’abandon de la méthode globale en apprentissage de la lecture, préconisé par le Président de la République, va-t-il résoudre les difficultés des élèves ? par Eveline Charmeux, professeur honoraire de l’IUFM Toulouse, ex-chercheur en didactique de la lecture et de la langue
Cette déclaration gouvernementale est, à coup sûr, la chose la plus bête, la plus ignorante, la plus honteuse donc pour des gens prétendument cultivés, qu'on ait pu dire depuis longtemps sur l'école et sur l'apprentissage de la lecture.
Rappelons que lire, c'est comprendre un texte écrit, et donc, apprendre à lire, c'est apprendre à comprendre un texte écrit.
La véritable question qui se pose est évidemment : « Comment fait-on pour comprendre un texte écrit ? » : c'est cela qu'il faut enseigner !
Deux réponses possibles à cette question et le véritable choix se situe entre les deux objectifs correspondant aux réponses que l'on donne à cette question. :
1) ou bien on enseigne comment identifier les mots d'un texte, en considérant que si l'on connaît tous les mots d'un texte, on comprend ce texte.
2) ou bien on enseigne les opérations mentales, fort nombreuses et fort complexes, par lesquelles on peut comprendre un texte écrit.
Or, la première hypothèse est fausse : ce ne sont pas les mots seuls qui permettent de comprendre : il arrive fréquemment qu'on connaisse tous les mots d'un texte dont on ne comprend rien ; et de même, il est fréquent que, dans nos lectures, nous rencontrions des mots inconnus qui ne gênent pourtant pas du tout la compréhension.
Un texte n'est pas un ensemble de mots, c'est démontré depuis quarante ans et plus.
De plus, il est inefficace de commencer la lecture d'un texte par l'identification des mots, car ceux-ci n'ont de sens que grâce au contexte : je peux identifier le mot « livre » dans un texte, mais le sens, que ce mot peut y avoir, ne m'est donné que par le contexte : s'agit-il de lecture, de pesée, de livraison, de monnaie anglaise ? Seul le contexte peut répondre à ces questions, c'est-à-dire, les autres mots (notamment ceux qui suivent), la situation, le type d'écrit, sa fonction etc.
Cela signifie que toute lecture doit commencer par l'exploration du texte entier, à la recherche des indices permettant de comprendre les mots : on va du texte vers les mots et non des mots vers le texte.
Naturellement, le travail sur les mots n'est pas absent, bien au contraire : leur fonctionnement orthographique et celui de leur signification est l'objet d'un travail approfondi qui débouche sur une véritable connaissance de la langue écrite et sur une maîtrise de toutes les formes de lecture
Le problème n'a donc jamais été de choisir entre la méthode syllabique et la méthode globale, car la méthode globale n'est qu'un des moyens d'identifier les mots, et c'est pour cela qu'elle n'est pas bonne (pas plus que la méthode syllabique, tout aussi mauvaise).
Il faut rappeler que la méthode globale a été inventée au début du XXème siècle par un médecin belge, Ovide Decroly, psychologue et éducateur, pour aider dans l'apprentissage de la lecture des enfants en très grandes difficultés, qui n'arrivaient pas à lire par les méthodes habituelles. Trois idées-force dirigent les propositions de Decroly: se servir de la compréhension pour motiver la lecture; ne pas couper la lecture des autres activités, et notamment, de l'expression, de l'observation, de la construction; mettre en jeu ce qui était, à l'époque, un acquis récent des recherches, la fonction de « globalisation », permettant aux enfants de reconnaître le "dessin" des phrases. Ajoutons que cette méthode n'est qu'un aspect de toute une philosophie de l'enfant, largement inspirée de Rousseau, qui tentait de ressaisir, au plus profond, l'élan spontané qui porte les enfants à s'intéresser à leur milieu, et à communiquer leurs observations. Même si, à la lumière des travaux actuels sur l'apprentissage, certains aspects de ces propositions méritent quelques réserves, leur profonde intelligence rend absurde l'anathème dont la méthode globale est l'objet.
En France, elle a été, de plus, très peu pratiquée (à peine, 0,2 % des enseignants). Il faut enfin rappeler que les formes qu'elle a prises chez nous n'ont que peu de rapport avec la pensée de Decroly. Les manuels qui se réclament de la méthode globale (ce qui constitue déjà un contresens puisque Decroly n'en utilisait pas!) proposent essentiellement des mots, comme point de départ, parfois, mais pas toujours, insérés dans des phrases, mots que l'on analyse en syllabes puis en lettres pour aboutir au déchiffrage oralisé, tout comme les méthodes traditionnelles, dites syllabiques. La compréhension reste extérieure à l'apprentissage, elle est censée apparaître toute seule, au terme d'une lecture à haute voix, effectuée par application automatique de l'assemblage des lettres et de leur transformation en sons. Quant à la méthode dite « mixte », elle se contente d'inclure quelques mots appris globalement à une démarche tout à fait traditionnelle:
Même chez Decroly, l'apprentissage de la compréhension n'est pas prévu: on se sert de la compréhension (ce qui constitue certes un fameux progrès!) pour motiver la lecture, mais on n'apprend toujours pas comment on peut faire pour comprendre.
La différence essentielle avec les propositions de la Recherche en Didactique de la lecture, c'est que l'objectif visé n'est pas le déchiffrage, mais les processus de construction des significations, c'est-à-dire, l'appropriation des indices nécessaires à cette construction et l'acquisition de conduites de questionnement des textes mise en relation des indices repérés, activités de raisonnement, de réflexion, de déduction. Rien de « global » dans tout cela, au contraire, c'est par des activités nombreuses d'analyse et de théorisation que les enfants vont s'approprier les composantes du savoir-lire.
On voit combien les propos gouvernementaux sont loin de la réalité, et encore plus loin d’une solution véritable aux problèmes de lecture des jeunes et des autres…
Il serait bon de le dire un peu plus fort.
Eveline Charmeux, professeur honoraire IUFM Toulouse, ex-chercheur en pédagogie de la lecture et auteur de nombreux ouvrages sur la question,.
Le train de l’Ecole peut en cacher un autre…
Le scoop du jour est tombé : mort aux méthodes globales !
Cette guerre à la méthode globale, responsable de tous les maux de notre école et surtout du développement de plusieurs générations de grands invalides de la lecture, a la vie dure depuis les quarante ans au moins que je l’entends clouée au piloris de nos écoles.
Mais cette fois, ça y est, la bête immonde a été clairement identifiée, sa mort est proche.
Il est vrai que la course des Présidentielles devrait voir éclore dans les mois qui viennent bon nombre de révélations sur tous les maux qui rongent nos sociétés.
Qu’en est il au juste ?
L’histoire de l’apprentissage de la lecture est commencée depuis bien longtemps. « Soit, mais pour bien suivre votre pensée…, il faut commencer, selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres et de la différente manière de les prononcer toutes. » (« Le bourgeois gentilhomme », acte 2 scène 5), écrivait Molière, il y a 300 ans. Alphabet, puis association de consonnes avec des voyelles pour faire des sons, puis assemblages de sons pour faire des mots…
Au début du XX ème, avec la scolarité obligatoire (…et les premiers échecs scolaires) la psychologie se développe de façon scientifique. DECROLY montre statistiquement que les enfants reconnaissent plus facilement une phrase qu’un mot, un mot qu’une syllabe, une syllabe qu’une lettre…On comprend aisément que « chien » qui renvoie au cerveau beaucoup d’images s’imprègne plus rapidement que « ch » ou « ien »…qui ne renvoient rien. Nous reconnaissons et identifions une image à son ensemble et non à une addition de ses éléments simples.
A partir de là , se mettent en place des méthodes où l’on commence par lire une phrase courte, puis un mot, d’où l’on extrait une lettre. Ce sont les méthodes dites mixtes, qui sont appliquées dans la quasi-totalité des classes. En réalité, ce sont des méthodes syllabiques, puisque l’opération à effectuer est l’association de syllabes constitutives du mot…
La méthode globale, elle, met l’élève en situation de lire dès le début, en identifiant des mots, des groupes de mots. C’est petit à petit, qu’on le conduit à analyser les mots, à effectuer des analogies et à identifier des éléments plus simples (au sens chimique) : les syllabes et les lettres. Célestin Freinet s’est inspiré largement de cette démarche avec sa « méthode naturelle ».
A l’époque – et aujourd’hui, on le voit - les combats entre les tenants de l’une ou de l’autre allumèrent les feux pédagogiques des conférences d’enseignants, des conversations de cours d’écoles et de nombreuses réunions avec les parents d’élèves. En réalité, les méthodes globales n’ont jamais dépassé le taux de 5 % de présence dans les classes, ce qui nous fait mieux mesurer la relativité de la lourde responsabilité qu’on leur fait porter. Depuis les années 80, des travaux scientifiques approfondis ont permis de mieux comprendre la place irremplaçable du sens dans la réussite de l’apprentissage de la lecture, ce qui ne nous étonnera pas quand on reconnaît que dire que les enfants ne savent pas lire, c’est dire qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Et quand on sait que la grande majorité des méthodes de lecture apprennent à identifier des lettres et des syllabes, que l’on consacre beaucoup de temps à faire comprendre à l’enfant que pour lire il faut faire autre chose que comprendre, on ne s’étonnera pas qu’une proportion importante d’élèves s’arc boutent sur ce déchiffrement, alignent quelques suites de syllabes formant peut être un mot mais dont le sens est perdu par la difficulté à identifier des lettres puis des combinaisons, puis des syllabes, qui n’atteignent pas le mot.
Ajoutons à cette difficulté technique, la carence culturelle souvent conjuguée, qui ne permet pas de prévoir le contenu des textes, faute d’avoir des expériences suffisantes de la langue écrite, des livres, des textes et de ce qu’ils racontent. (Sartre et Pagnol ont su lire sans avoir appris…et beaucoup d’autres avec eux). Toutes les activités considérant l’enfant comme un lecteur avant qu’il sache lire (et avant même le CP) – écoute de livres lus, confrontation de livres proches dans les trames de récits mais légèrement différents, verbalisation de ces différences, jugements sur des récits, usages des fonctions de l’écrit (pour ranger, écrire à quelqu’un, se faire plaisir…) sont des outils décisifs qui installent peu à peu l’enfant dans la culture de l’écrit, déterminante pour la réussite de l’apprentissage.
Le processus de lecture ne relève pas d’une sonorisation des éléments simples de la langue écrite ; on lit un texte trois fois plus vite que sa restitution sonore le nécessiterait, parce que le cerveau photographie des ensembles de mots, stimulé par le sens…ce sens qui lui fait même rectifier le hasard d’un mot à la graphie erronée.
Il est injuste de rendre responsable de l’échec en lecture, 5 % des pratiques globales alors qu’il est davantage certain que c’est l’enlisement du déchiffrage et de la syllabation par certains, qui ne permet pas d’appréhender le sens. ALAIN, dans les propos sur l’Education, en 1932, a écrit de très belles pages sur cette nécessité d’apprendre à lire « sans ânonner », en regardant la phrase « d’un seul coup d’œil, en allant vite, comme en lisant ces enseignes publicitaires lumineuses qui défilent ,…comme on reconnaît le navire qui rentre au port à son gréement… ». C’est souvent le sens qui permet d’identifier le mot, et non l’inverse (« les poules du couvent couvent »…. « le père avait réuni ses cinq fils »…).
Le Ministère de l’Education a lancé en 95 une vaste enquête en France pour déterminer l’efficacité des méthodes de lecture au CP. Celle-ci a conclu à une différence non significative, mais attribuant à l’équation personnelle du maître la différence des réussites de l’apprentissage (regard positif sur l’enfant, encouragement, aides personnalisées, bilans individuels des acquis…)….les méthodes sont renvoyées dos à dos.
Ce qui me semble inquiétant dans la mise en cause des méthodes globales c’est la mise en cause du recours au sens dès le début de l’apprentissage. Dans le cheminement de l’apprentissage, on voit des enfants utiliser pendant les premiers mois ce qu’on leur apprend à faire : épeler, identifier des lettres, des syllabes. Et au bout de quelques mois, certains trouvent plus économique de se laisser guider par le sens jusqu’à commettre de « bonnes » erreurs : « l’enfant se promène sur la route » , alors qu’il est écrit « l’enfant se promène sur le chemin » (exemple vécu). Le problème est que d’autres continuent à faire ce qu’on leur a appris « len –fant-se-pro-mè-ne-sur-le-che-min-« , sans avoir le moins du monde l’idée, l’image de la scène. C’est là que l’échec en lecture discrimine les « bons » des « mauvais » lecteurs. A un moment donné, il faut s’affranchir du déchiffrement pour comprendre, c'est-à-dire faire autre chose que ce que l’on nous a appris à faire. A ce moment là , tous les exercices aidant à entrer dans le sens (reconnaissance rapide de mots graphiquement voisins mais différents au plan du sens…etc…) mettent sur le chemin du sens.
Si l’on oppose la syllabique et la globale comme explicative de l’échec, alors il faut dire que les méthodes basées sur le déchiffrement apprennent à déchiffrer et non à lire.
On peut voir à travers le texte suivant que ce n’est pas les lettres qui conduisent au sens, c’est l’anticipation, les hypothèses, activités éminemment cognitives.
« L’ordre des lettres…
Sleon une édtue de l’Uvinertisé de Cmabridge, l’odrre des ltteers dans un mot n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dans un dsérorde ttoal et vuos puovez tujoruos lrie snas porlbème. C’est prace que le ceraveu hmauin ne lit pas chaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.
La peruve…
Arlos ne veenz puls m’ememdrer aevc les corerticons otrahhgropqiues. »
Notre Ecole souffre davantage de maux que de mots, les difficultés sociales de son environnement viennent de l’exprimer douloureusement. Comment l’une des Institutions de la Société – l’Ecole – pourrait elle bien se porter quand la Société qui la porte va mal ? Quelle baguette magique pourrait effacer le lien entre une société et son Ecole fréquentée par les enfants de la première ? Une psychologue scolaire me confiait cette expérience vécue : alertée par le refus d’un enfant à l’égard des activités scolaires, elle fit venir la mère de cet enfant pour que celui-ci la voie dialoguer avec son institutrice. Le mal fut circonscrit aussitôt, l’enfant voyant pour la première fois à travers cet échange une image positive de l’école, sans craindre de trahir l’image négative véhiculée par sa famille – une famille qui attribuait à l’Ecole son exclusion sociale.
Il est tentant, en période électorale, d’identifier rapidement la cause de la maladie, comme remède, sauf à courir deux risques : celui d’un faux diagnostic et celui d’appliquer un faux remède.
Toutes les mesures allant dans le but d’aider nos élèves à mieux comprendre donc à mieux lire risquent fort d’êtres vaines , en renforçant encore les pratiques du déchiffrement.
Jackie FEREY
Inspecteur de l’EDUCATION honoraire.
Décembre 2005
Le B-A BA d'un ministre de l'Education nationale peu informé
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/baba_index.aspx
Les
récentes prises de position du ministre de l'Education nationale
concernant les prétendus effets de la méthode globale sont pour le moins
surprenantes (Le Parisien. Aujourd'hui en France du 08/12/2005).
Encore une fois, certains responsables politiques semblent plus enclin à
emboîter le pas à des thèses réactionnaires et sous-informées qu'à
prendre le temps et la distance nécessaires pour prendre les décisions
qui s'imposent (voir les questions au gouvernement et les réponses
fournies lors de la session de l'Assemblée nationale du 23/11 dernier, à
la suite de la diffusion du reportage de France 2 du 15/11). Il est
également étonnant de constater qu'un ministre de la République ignore
les textes qu'il a pourtant signés et qu'il est censé défendre.
En effet, concernant
l'apprentissage de la lecture au cours préparatoire (du cycle 2) de
l'école primaire, les programmes et instructions en vigueur - et
préfacés par M. de Robien dans leur édition de 2005 - sont clairs ; il y
est explicitement précisé que "Pour identifier des mots, l'apprenti
lecteur doit avoir compris le principe qui gouverne le codage de la
langue écrite en français : les lettres ou groupes de lettres
(graphèmes) représentant le plus souvent des unités distinctives de la
langue orale (phonèmes) assemblées en syllabes" (Qu'apprend-on à l'école primaire,
programme du ministère de l'Education nationale, XO-editions, 2002, p.
72). Suivent 14 pages qui détaillent les conditions et modalités de cet
apprentissage, et notamment le passage suivant qui met en garde les
maîtres de ce cycle : " Certaines méthodes proposent de faire l'économie
de l'apprentissage de la reconnaissance indirecte des mots (méthodes
globales, méthodes idéo-visuelles…) […] On considère souvent aujourd'hui
que ce choix comporte plus d'inconvénients que d'avantages" (Ibid., p. 78).
Comme on le voit, les
principes issus de la méthode globale sont officiellement écartés, au
moins depuis 2002. En fait, cette méthode, régulièrement présentée comme
l'apanage des maîtres progressistes, n'a jamais été réellement
pratiquée. Elle a été mise au point dans les années 1920 par un médecin
pédagogue belge, Ovide Decroly, et reprise dans les années 1960 par
quelques-uns de ses collaborateurs ; mais elle n'a eu, en France, qu'un
succès très limité et éphémère. Les enquêtes menées à cette époque
montrent que moins de 20 % des maîtres de CP l'ont utilisée, et encore
sur une période très courte ; la plupart l'abandonnant en cours d'année,
pour revenir à des méthodes alphabétiques plus classiques.
Et ce ne sont pas les
délires et rumeurs colportés par certains pseudo-pédagogues ou
orthophonistes en mal de clientèle et visiblement sous-informés (voir
l'interview de l'une d'entre-elles dans la même édition du Parisien) qui peuvent changer ces faits ; pas plus que les récentes prises de position hystériques publiées sur le Forum Internet du Monde
qui amalgament la méthode globale, la démocratisation de
l'enseignement, la gauche marxiste, les chercheurs du CNRS, mai 68… et
j'en passe.
Dans un autre registre, je ne sais pas quels sont les experts consultés par le ministre, et qui voient dans cette méthode globale la cause des dyslexies actuelles ; mais si ces experts existent, ils ne sont certainement pas très sérieux. En fait ceux qui ont une réelle audience nationale et internationale (voir entre autres les actes de la journée d'étude de l'Observatoire national de la lecture de février 2005) affirment justement que les méthodes de lecture n'ont pas de rapport direct avec les troubles dyslexiques, décrits aujourd'hui très précisément dans le cadre de travaux en psychologie cognitive et confirmés par des études de neuro-imagerie cérébrale. Ces dysfonctionnements affectent sélectivement les capacités grapho-phonologiques (le décodage des lettres et des sons) et sont malheureusement indépendants des modalités d'apprentissage.
Dans un autre registre, je ne sais pas quels sont les experts consultés par le ministre, et qui voient dans cette méthode globale la cause des dyslexies actuelles ; mais si ces experts existent, ils ne sont certainement pas très sérieux. En fait ceux qui ont une réelle audience nationale et internationale (voir entre autres les actes de la journée d'étude de l'Observatoire national de la lecture de février 2005) affirment justement que les méthodes de lecture n'ont pas de rapport direct avec les troubles dyslexiques, décrits aujourd'hui très précisément dans le cadre de travaux en psychologie cognitive et confirmés par des études de neuro-imagerie cérébrale. Ces dysfonctionnements affectent sélectivement les capacités grapho-phonologiques (le décodage des lettres et des sons) et sont malheureusement indépendants des modalités d'apprentissage.
Enfin, il faut de
nouveau revenir sur cette falsification des pourcentages d'élèves en
difficulté de lecture à l'entrée en sixième. Nous avons déjà dénoncé
l'ignorance des mêmes protagonistes qui avancent des chiffres très
fantaisistes : 30 et parfois même 40 % d'élèves entrant au collège sans
savoir lire. Et pourquoi pas 50 ou 60 %… ! De fait, là encore, les
enquêtes sérieuses ne manquent pas, et il faudrait sans doute s'y
référer avant de lancer de tels anathèmes. Ainsi, les données fournies,
très officiellement, par le ministère de l'Education nationale, à partir
des évaluations passées par tous les élèves de sixième montrent, depuis
plus de dix ans, que 15 % des élèves sont réellement en "grande
difficulté" de lecture (14,9 % très exactement, selon l'"Etude
spécifique relative aux élèves en difficulté en lecture à l'entrée en
sixième", parue dans Les Dossiers n° 112, du ministère de
l'Education nationale, 1999). On est loin des 30 ou 40 % avancés dans
certains reportages ou articles complaisants. Certes, ces 15 % d'élèves
repérés en difficulté constituent un public encore trop important, mais
au moins ceux-là peuvent-ils, aujourd'hui, poursuivre ou reprendre leur
apprentissage de la lecture, au collège et dans les structures
spécialisées mises en place. Ce n'était pas le cas des 70 % élèves qui,
dans les années 1950, sortaient de l'école primaire sans pouvoir entrer
au secondaire, et surtout des 50% qui n'avaient pas réussi le Certificat
d'études primaires.
On se demande alors
pourquoi tant d'ignorance, tant de rumeurs et de propos sous-informés
sont colportés à l'envi. Pourquoi dès lors vouloir légiférer et
promulguer décrets et circulaires sur la question, si ce n'est pour
occuper un espace médiatique plus ou moins vacant dans le champ de
l'éducation et tenter de masquer l'absence de réponses solides aux
difficultés réelles des jeunes, notamment face à leur avenir scolaire et
professionnel ?
On dénoncera également
les critiques à peine voilées, adressées aux enseignants du primaire,
soupçonnés de défendre des méthodes qu'ils n'ont en fait jamais
pratiquées. Je défie qui que ce soit, ministre ou conseiller,
journaliste ou délateur, de trouver sur le marché éditorial français un
manuel de lecture qui propose une approche globale de l'apprentissage de
la lecture. Au contraire, il faudrait soutenir ces innombrables
enseignants qui savent conduire, avec compétence et énergie, les
apprentissages de la lecture et de l'écriture, en parvenant tout autant à
intéresser leurs élèves par des activités attrayantes et adaptées, et à
maintenir la rigueur nécessaire à la maîtrise du système alphabétique
du français. Il n'y a pas de contradiction entre une pédagogie moderne,
intelligente, adossée aux résultats des recherches les plus actuelles,
et une pédagogie combinant pertinence et précision méthodologiques. Pour
cela point n'est besoin d'agiter cet épouvantail désuet qu'est la
méthode globale. A notre avis, dans le domaine de l'Education nationale,
d'autres dossiers plus urgents - et plus réels - sont à traiter ; les
maîtres, les élèves et leurs familles attendent certainement des
réponses plus sérieuses aux difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.
Jacques DAVID,
professeur de français à l'IUFM de Versailles,
rédacteur en chef de la revue Le français aujourd'hui et
conseiller scientifique à l'Observatoire national de la lecture.
Date de mise en ligne : 11-12-2005professeur de français à l'IUFM de Versailles,
rédacteur en chef de la revue Le français aujourd'hui et
conseiller scientifique à l'Observatoire national de la lecture.