Une expérience révélatrice (ci-dessous)
Introduction : Une histoire qui se confond avec celle de la lecture
I- ÉCRIRE, LIRE ET COMPRENDRE : L'ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE
1. Enseigner les éléments
2. Henri Wallon et les pédagogies héritées du sensualisme
II- LES PENSEURS DE LA DESTRUCTION DE L'ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE
3. Le gentil pédagogue peut cacher un méchant idéologue : À propos des idées de Foucambert sur la lecture
4. Le devoir de réussir : Le rapport Migeon
III- LES AVATARS DE LA RECHERCHE-ACTION
5. L'apprentissage précoce de la lecture
6. Convaincre à l'extérieur de l'école
7. Évaluer au lieu de transmettre
IV- LES ERRANCES DE L'ÉDUCATION NOUVELLE
8. Aux sources de la dérive actuelle de l'école, réflexions sur le livre de Philippe Nemo
9. À propos du projet d'établissement
10. Utopie pédagogique et scientisme
V- L'ENFANCE ÉPIÉE
Chapitre 11. L'école maternelle à la croisée des chemins
Chapitre 12. La connaissance totale de l'enfant
CONCLUSION
Chapitre 13. Homme fonctionnel ou droit à l'intimité
DU MÊME AUTEUR
Études de l'acte graphique. Paris, La Haye : Mouton, 1974 (traduit en italien).
L'enfant et l'espace : le rôle du corps. Paris : PUF, 1976, 2e éd., 1979 (traduit en
italien et en espagnol).
La maternelle, une école différente ? Paris : Éd. du Cerf, 1976, 3e éd., 1979
(traduit en italien et en espagnol).
Une école maternelle. Paris : Stock, 1976 (traduit en italien, espagnol,
portugais).
L'échec et le désintérêt scolaire. Paris : Éd. du Cerf, 1976 (traduit en italien, espagnol,
grec, portugais).
L'activité graphique à l'école maternelle. Paris, ESF, 1979, 4e éd. 1988 (traduit en
espagnol).
L'enfant et les autres à
l'école maternelle, ou : comment on devient un écolier. Paris : ESF, 1981 (traduit en
espagnol).
À cinq ans seul avec Goldorak.
Le jeune enfant et la télévision. Paris : Syros, 2e éd. 1981 (traduit en
italien).
Espace vécu et espace connu à l'école
maternelle. Paris : ESF, 1982.
Grand à la crèche ou petit à la maternelle ?
La vie collective à deux ans (en
collaboration). Paris : Syros, 1982.
Le jeune enfant devant les apparences
télévisuelles. Paris : ESF, 1984, 2e
éd., Paris : Desclée de Brouwer, 1994.
L'écriture et le langage écrit de l'enfant.
École maternelle et élémentaire. Paris
: ESF, 1985.
Les necessitats i els drets dels infants. Barcelone : Éd. AAPSA, 1986, (traduit en espagnol).
Wallon
H. et Lurçat L. Dessin, espace et schéma
corporel chez l'enfant, Paris : ESF, 1987 (traduit en portugais).
Violence à la télé.
L'enfant fasciné. Paris :
Syros, 1989.
Le temps prisonnier. Des enfances volées par
la télévision. Paris : Desclée de Brouwer,
1995.
TABLE DES MATIÈRES COMPLÈTE
Une expérience révélatrice
Introduction : Une histoire qui se confond
avec celle de la lecture
L'échec de l'école
Un fil conducteur
Le scientisme et l'autodidactisme à l'école
L'Éducation Nouvelle
Le rêve et la réalité
PREMIÈRE PARTIE
ÉCRIRE,
LIRE ET COMPRENDRE : L'ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE
Chapitre 1. Enseigner les
éléments
L'écriture-lecture,
méthode de l'École de la République
L'apprentissage de l'écriture et ses liens avec la lecture
Le rôle des sens dans la connaissance
Qu'est-ce
que savoir lire et écrire aujourd'hui aux différents niveaux de l'école primaire ?
L'acquisition des compétences
Le développement des compétences : culture d'usage et culture de transmission
L'effort
de la pensée : la lecture à voix haute et l'accès au sens
Les rapports entre la ponctuation et la pensée : ponctuation mélodique et
ponctuation sémantique
Chapitre 2. Henri
Wallon et les pédagogies héritées
du sensualisme
Henri Wallon et l'enseignement
Decroly et les sensualistes
Henri Wallon et l'associationnisme de Pavlov
Wallon observateur, la recherche sur le terrain
Les
liaisons intersensorielles et interfonctionnelles dans l'œuvre de Wallon
DEUXIÈME PARTIE :
LES
PENSEURS DE LA DESTRUCTION DE L'ENSEIGNEMENT ÉLÉMENTAIRE
Chapitre 3. Le gentil pédagogue peut cacher
un méchant idéologue :
À propos des idées de
Foucambert sur la lecture
Les sources
L' enrichissement
Il ne sert à rien de transmettre
Langage oral et langage écrit
Il parle donc il lit
Créer le besoin, mais de quelle façon ?
L'exotisme des idéogrammes
Apprendre et savoir
Les mots sont-ils des images ?
Et voilà pourquoi votre fille est muette
Un projet foucambertien : déscolariser la lecture
Tout est dans tout...et réciproquement
Impuissance à alphabétiser et formation des maîtres
Une pratique, un art, ou une science ?
Chapitre 4. Le devoir de réussir : Le rapport
Migeon
Première
partie : l'échec de l'école dans le domaine de la lecture
Deuxième partie : la recherche fondatrice de la pédagogie
Troisième partie : l'application des idées des chercheurs
Le « bon lecteur » de Foucambert est aussi un élève de Smith
TROISIÈME PARTIE :
LES AVATARS DE LA RECHERCHE-ACTION
Chapitre 5. L'apprentissage
précoce de la lecture
Lire ou ne pas lire à la maternelle
Lecture précoce à la maternelle
Lire avec la télévision
Chapitre 6. Convaincre à
l'extérieur de l'école
Persuader les parents du bien-fondé des idées nouvelles
Les parents savent-ils vraiment lire
Un autre son de cloche
Chapitre 7. Évaluer au lieu
de transmettre
Prévoir la réussite
Évaluer de la maternelle à l'Université
Le sociologisme des sciences de l'éducation
Post-scriptum de François Lurçat
QUATRIÈME PARTIE :
LES ERRANCES DE L'ÉDUCATION NOUVELLE
Chapitre 8. Aux sources
de la dérive actuelle de l'école,
réflexions sur le livre de Philippe Nemo
réflexions sur le livre de Philippe Nemo
Comprendre les transformations de l'école française
Le plan Langevin-Wallon
La loi d'orientation
Les prédécesseurs américains
Chapitre 9. À propos du
projet d'établissement
Les projets collectifs en Union Soviétique
Les courants utopiques dans l'école américaine
Chapitre 10. Utopie
pédagogique et scientisme
De la psychologie expérimentale à l'Éducation nouvelle
CINQUIEME
PARTIE :
L'ENFANCE ÉPIÉE
L'ENFANCE ÉPIÉE
Chapitre 11. L'école
maternelle à la croisée des chemins
Une école différente
L'enfant observateur et actif
La spécificité en question
De la critique des apprentissages précoces au spontanéisme pédagogique
Spontanéisme et scientisme : l'enfant observé, constructeur de ses savoirs
Spontanéisme et scientisme : l'enfant observé, constructeur de ses savoirs
Repenser l'école maternelle
Chapitre 12. La
connaissance totale de l'enfant
Le droit au secret
La connaissance totale de l'enfant
Des précédents historiques
La médicalisation du problème scolaire
La banalisation de l'observation scientifique
Égalisation des chances ou généralisation des malchances
CONCLUSION
Chapitre 13. Homme
fonctionnel ou droit à l'intimité
Intimité et sphère sociale
La leçon de publicité à la maison et à l'école
La leçon de sexualité à l'école maternelle et la télévision
La leçon d'évaluation à l'école et pour tout le monde
La leçon d'évaluation à l'école et pour tout le monde
UNE EXPÉRIENCE
RÉVÉLATRICE
Au cours de l'année scolaire 1972-1973, je menais mes
recherches dans l'école d'application d'une école normale d'instituteurs, où
fonctionnaient simultanément trois cours préparatoires. J'étudiais à l'époque
la représentation de l'espace chez l'enfant, et j'avais été amenée à examiner
tous les enfants de cette école (L. Lurçat, L'enfant et l'espace. Le rôle du corps, PUF, 1976).
Les épreuves que j'avais imaginées
étaient suffisamment abstraites pour nécessiter la mise en œuvre par les
enfants de diverses opérations intellectuelles. Ces épreuves auraient
éventuellement permis de faire des observations psychologiques assez fines pour
comprendre certaines des particularités individuelles des enfants examinés.
Mais tel n'était pas le but de mon travail. Formée à l'école d'Henri Wallon, je
devais, par mes recherches sur le terrain, étudier la manière dont se mettent
en place des activités complexes, intégrant tout à la fois des habiletés
motrices, des perceptions et des représentations.
C'est à l'école que je menais mes
recherches, selon la conception d'Henri Wallon, qui préférait le terrain au
laboratoire pour le recueil d'un matériel ne demandant pas d'appareils
compliqués. C'est en effet la seule façon de rencontrer la diversité des
enfants scolarisés, et de multiplier les investigations. En contrepartie, il
m'arrivait de donner des avis quand on me le demandait.
[8]
Dans cette pratique de la recherche, le chercheur est présent à l'école une ou
deux fois par semaine, ce qui lui permet de revoir les enfants à différents
moments de l'année. Cela lui permet également de se pénétrer de l'ambiance de
l'école et des styles pédagogiques des maîtres. Cependant il n'est pas un
psychologue scolaire, il n'a donc pas pour fonction de se consacrer aux
difficultés que peut rencontrer tel ou tel enfant. L'objet de son travail
l'amène à s'intéresser, par le biais d'approches singulières, aux aspects communs
des démarches et des cheminements des enfants, afin d'isoler des phénomènes
évolutifs, de la manière la plus proche du réel. Il peut arriver que certaines
de ses observations soient utiles aux enseignants, quand il a acquis une
expérience suffisante du terrain.
L'un des cours préparatoires de
cette école avait eu la malchance d'être confié à des instituteurs
inexpérimentés, qui se sont succédé tout au long de l'année scolaire, en
remplacement d'une institutrice malade. C'est un événement insolite dans une
école d'application, où l'on est censé savoir encore mieux qu'ailleurs que le
cours préparatoire doit être confié à un instituteur expérimenté. Par la
suite, beaucoup des enfants de cette classe ont connu un échec durable, ayant
mal acquis les automatismes de base. Or rien ne présageait un tel devenir
scolaire : il n'y avait apparemment pas de tri préalable des enfants. Ces
élèves n'étaient pas moins bons que les autres, ils ont seulement eu moins de
chance.
Dans ce cas, la persistance de l'échec est à prendre en
considération. Ces enfants auraient eu besoin d'une rééducation permettant de
reprendre l'ensemble des habiletés lexiques et graphiques depuis leurs aspects
les plus élémentaires. Il aurait fallu le faire dès qu'on s'était rendu compte
des difficultés persistantes éprouvées par un nombre relativement important d'entre
eux. Une maîtresse [9] d'application de l'un des autres cours
préparatoires m'avait demandé par la suite, devant la persistance de l'échec
collectif, si je ne pouvais pas trouver d'explications psychologiques
individuelles à ces difficultés. Rien dans ce que j'avais pu recueillir ne
donnait d'indication dans ce sens : le problème paraissait essentiellement
pédagogique.
L'idée qu'on pouvait fausser les
automatismes de base par un mauvais enseignement, ou par une absence d'enseignement,
ne m'était pas étrangère : nous avions eu l'occasion d'examiner beaucoup
d'enfants en échec à la consultation d'Henri Wallon. Mais ici, il s'agissait
d'une véritable démonstration, par la situation d'échec qui devait — la suite le
montra — persister tout au long de la scolarité primaire. Elle permettait de
comprendre un aspect essentiel du mauvais fonctionnement de l'école : alors
qu'on peut aider un enfant en difficulté, notamment grâce à l'intervention
d'un' rééducateur, il n'existe pas de système interne à l'école permettant de
corriger les effets massifs des fautes et des accidents pédagogiques. Personne
ne peut en effet, ayant constaté le problème au moment où il se cristallise, y
remédier immédiatement, avant qu'il ne s'installe de manière durable et
dommageable pour les enfants. Rien ne peut être fait au départ, quand les
conditions sont remplies pour qu'il apparaisse.
L'école fonctionne sans moyen
d'auto-correction, sans possibilité de rectifier les erreurs dues aux accidents
scolaires. Il y a une dimension pathétique dans cette fatalité scolaire dont
sont victimes de trop nombreux enfants. Fatalité scolaire trop souvent due aux
lourdeurs institutionnelles, parfois aussi à l'indifférence, mais aussi, et de
plus en plus, à l'esprit de système qui envahit la pratique pédagogique,
engendrant une bureaucratisation de l'école.
L'exemple donné par cette école d'application permet de
comprendre les transformations mises en place actuellement [10] avec l'instauration des cycles
d'apprentissage. L'étalement des apprentissages sur de longues années,
l'absence de rigueur dans la transmission des automatismes de base, mettent un
nombre de plus en plus grand d'enfants en situation d'échec. L'échec se
généralise, au point que dans les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques on se
plaint de devoir rééduquer des enfants intelligents, que l'école casse par des
méthodes aberrantes.
Je suis progressivement devenue plus attentive aux causes
scolaires de l'échec, à la nécessité de les connaître et de les inventorier, afin
de mieux les comprendre. On ne dispose pas actuellement de moyens pour
appréhender et décrire la dimension tragique du destin scolaire de beaucoup
d'enfants, qui auraient pu ne pas échouer ou bien ne pas se désintéresser de
l'école. Ce type de problème n'est jamais posé explicitement, il est parfois
évoqué de manière allusive, à voix basse, comme s'il s'agissait d'une maladie
honteuse de l'école.
La connaissance que j'ai de l'école est essentiellement
pratique, je l'ai acquise dans l'exercice de ma profession. Chercheur sur le
terrain dans des écoles maternelles et primaires pendant plus de quarante ans,
j'ai pu rencontrer quelques milliers d'enfants, représentant plusieurs générations
successives, ainsi que de nombreux instituteurs et institutrices. C'est
l'étude des habiletés graphiques, de l'écriture et du langage écrit, qui m'a
amenée à m'intéresser à l'enseignement donné aux enfants. Car les habiletés et
les connaissances ne dépendent pas uniquement de ceux qui les acquièrent, mais
aussi, et pour une part importante, des conditions de leur acquisition. Quand
on étudie la mise en place d'activités complexes, qui supposent de longues
années d'apprentissage et d'exercice, on est nécessairement amené à prendre en
considération la façon dont les enfants sont instruits.
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