Le gouvernement britannique cherche à se débarrasser du fardeau budgétaire que représente l'éducation. Selon The Independent, le ministre de l'Education projetterait de transformer les écoles en entreprises à but lucratif.
"Education à vendre", pouvait-on lire le 2 juillet, en une de
The Independent.
Selon le quotidien britannique, Michael Gove, ministre de
l’Education bien décidé à réformer entièrement le système éducatif britannique
d’ici 2015, aurait pour projet de transformer l’ensemble des 30 000 écoles
d’Angleterre en "Academy schools". Les "Académies" sont
des écoles publiques indépendantes des autorités locales, financées par le
gouvernement mais aussi par des fonds privés. Plus encore, le ministre souhaiterait faire de ces "Académies" des
entreprises à but lucratif, ce qui signifie que des entreprises privées
pourraient fonder des écoles et les revendre plus cher - à condition que ces écoles ne
fassent pas faillite avant. Il envisage même un recours à des fonds
spéculatifs et à des capitaux à risque pour récolter de l’argent. Le quotidien
de Londres rappelle que cette expérience a déjà été réalisée en Suède, se
soldant par un échec total.
Le projet encore "secret" a été révélé au
journal par des membres du ministère de l’Education qui craignent que
"l’argent ne soit détourné des classes, que les matières qui coûtent
trop
cher soient réduites, comme la musique et les sciences, et que cela
mette un
terme à la vocation de professeur pour le service public."
Autant d’inquiétudes qui amènent un éditorialiste du titre à
comparer Michael Gove au dictateur cambodgien Pol Pot, pour souligner
l’absurdité de telles réformes: "pour Michael Gove, le Pol Pot de
l’éducation, tous les ans c’est l’Année Zéro", faisant ainsi référence au
début du règne des Khmers Rouges au Cambodge.
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ENSEIGNEMENT • France – “La voie royale vers la médiocrité”
Christian Rioux, correspondant du quotidien québécois Le Devoir, sur l’enseignement en anglais à l’université.
Courrier international – Le projet de loi qui facilite
l’enseignement en anglais à l’université suscite un vif débat. C’est un
sujet important ?
Christian Rioux – Très important. Il y avait déjà tout
ce qu’il fallait dans la loi pour permettre à un professeur étranger
d’enseigner dans une autre langue. Cette fois, il en va de la qualité de
l’enseignement supérieur en France et de la capacité des chercheurs
français à faire de la recherche dans la seule langue où ils excellent
vraiment : le français. A qui fera-t-on croire qu’un professeur français
enseignera aussi bien en anglais qu’en français ? On veut attirer les
meilleurs étudiants du monde et on pense le faire en rabaissant la
qualité des cours ! Enseigner en anglais en France, c’est la voie royale
vers la médiocrité.
Quel est votre regard de Québécois sur le sujet ?
Cette loi sème le défaitisme dans toute la francophonie. Elle traite le
français comme si c’était le suédois ou le néerlandais alors qu’il est
la langue d’un bassin de 200 millions de personnes réparties sur tous
les continents et la deuxième langue la plus traduite et enseignée dans
le monde. Comment voulez-vous ensuite que les Québécois, les Sénégalais,
les Roumains résistent à l’anglicisation galopante ? Ce sont eux que la
France écarte ainsi d’un revers de la main. Quant aux meilleurs
étudiants qui souhaitent étudier en anglais, croyez-moi, ils préféreront
toujours l’original à sa pâle copie hexagonale.
Le français est menacé, dit-on. Mais par quoi ?
Puisqu’ils ne craignent pas l’assimilation comme les Québécois, les
Français cultivent un faux sentiment de sécurité. Parmi les élites,
l’anglais est même devenu un snobisme. Ils ne voient plus les formes
syntaxiques anglaises qui pénètrent massivement leur langue depuis une
décennie. Or, avec elles, ce sont les idées et une façon de penser qui
se répandent. Un jour, nous parlerons de ce que le poète québécois
Gaston Miron appelait le “traduit du”, ce sabir vaguement
français que l’on entend à Ottawa. A terme, ce qui est en jeu en France
comme au Québec, c’est la capacité de nommer le monde et sa modernité en
français. Nous avions cru naïvement que c’était çà, “le rêve français”…
DIPLÔME • “80 % au bac, c’est une utopie”
Rudolf Balmer, correspondant du quotidien allemand progressiste Die Tageszeitung (TAZ), sur le baccalauréat français.
Courrier international – Comment voit-on le bac français en Allemagne ?
Rudolf Balmer – Il n’existe pas en Allemagne d’examen
tout à fait similaire. L’Abitur [le bac allemand] est organisé au niveau
des Länder [les régions], et non par l’Etat central. Il n’y a pas cet
événement médiatique où toute la nation regarde, mi-amusée,
mi-angoissée, des milliers de candidats passer les épreuves. En outre,
une partie du bac se passe en contrôle continu, ce qui donne à l’examen
moins d’impact et de gravité. Et puis il n’y a pas l’épreuve de
philosophie, si attendue et si commentée en France.
Un tel examen se justifie-t-il encore ?
Il y aurait une grande réforme à faire. Le taux de réussite au bac est
au-delà de 80 % : l’examen n’est plus sélectif. Dès lors, on se demande
si la fin justifie les moyens. Quand on connaît le coût d’organisation
du bac, récemment mis en lumière [par une étude du principal syndicat de
chefs d’établissement], c’est même assez choquant. Mais les Français
sont-ils prêts à accepter un changement ? Le bac fait partie du
patrimoine culturel, il paraît très difficile d’y toucher.
“80 % au bac” : cet objectif lancé en 1985 a été atteint l’an dernier. Est-ce une bonne chose ?
C’est une utopie de vouloir amener 80 %, d’une génération au niveau du
bac. C’est un idéal qui ne correspond à aucune réalité économique ou
sociale. Le bac est dévalorisé et de nombreux jeunes vont perdre deux ou
trois ans à l’université avec l’illusion qu’ils auront un diplôme et du
travail.
Le système allemand fonctionne-t-il mieux ?
Il n’est pas parfait, mais l’Allemagne n’a jamais dévalué la formation
professionnelle et l’orientation y est plus efficace. En France, le bac
professionnel a été créé plus tard et concerne une minorité d’élèves. Il
reste beaucoup de travail à faire pour trouver le juste milieu entre
sélection et droit d’accès à l’université. Les études ne sont pas la
seule voie d’accès à la culture et au savoir !