L'Institut
musulman de la Grande Mosquée de Paris a élaboré un texte qui définit un islam
républicain et respectueux des lois et coutumes françaises.
Modifié
le 30/03/2017 à 07:28 - Publié le 29/03/2017 à 18:14 | Le
Point.fr
Dalil Boubakeur, rector of the Great Mosque of Paris,
leaves after the French president's New Year address to religious authorities,
on January 5, 2017, at the Elysee Palace in Paris. / AFP PHOTO / GEOFFROY VAN
DER HASSELT© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP/ GEOFFROY VAN DER HASSELT
C'est un
moment historique dans la construction du culte musulman en France. L'Institut
musulman de la Grande Mosquée de Paris a élaboré une « proclamation de
l'islam en France » (Et non pas de France, la nuance est de taille),
en 25 points, pour « accompagner les Français de confession
musulmane sur leur chemin spirituel ». Un document fondateur qui définit
et décrit l'islam tel qu'il est pratiqué par la « majorité des
musulmans » dans l'Hexagone et doit être pratiqué par tous « au
regard des réalités d'aujourd'hui ». Le
Point.fr publie en exclusivité et en intégralité ce texte daté
du 28 mars 2017 et signé par Dalil Boubakeur, recteur
de la Grande Mosquée de Paris, institution emblématique de l'islam de France.
La réunion
de travail pour adopter la proclamation a eu lieu mardi matin, en présence
notamment de Dalil Boubakeur, d'Amar Dib, conseiller spécial du recteur, de Chems-Eddine
Hafiz, vice-président du Conseil français du culte musulman (et qui représente
la Grande Mosquée de Paris au sein de cette institution), de Djelloul Seddiki,
directeur de l'Institut de théologie al-Ghazali de la Grande Mosquée de Paris,
de Slimane Nadour, responsable de la communication de la Grande Mosquée, ainsi
que du politologue Thomas Guénolé, auteur du livre Islamopsychose (Fayard, 2017), invité en tant que
conseiller extérieur. Le projet a été salué par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
Un islam au
service de la société
Pour Dalil
Boubakeur, cette démarche était dictée par une certaine urgence liée à la
montée de l'islamophobie sur le territoire français. « Dans les
circonstances de l'élection présidentielle, la crise économique a exacerbé le
rejet d'un certain nombre de Français qui voient la religion musulmane d'un œil
négatif, inquiet, après la vague de violence qui s'est abattue sur le pays.
Daech, que nous sommes les premiers à combattre, a propagé une vision
cataclysmique de l'islam dans le monde », s'inquiète Dalil Boubakeur. Le
recteur de la Grande Mosquée de Paris a donc souhaité « réfléchir à un
islam qui ne change pas sa vocation mais qui, dans sa liberté, choisit lui-même
d'être au service de la société ». Le but de la proclamation est également
de « clarifier des zones d'ombre » et d'« éviter tout amalgame
ou toute fausse interprétation de notre culte, mais aussi toute stigmatisation
des musulmans de France », explique la Grande Mosquée de Paris dans un
communiqué adressé au Point.fr.
« La
Grande Mosquée a souhaité avoir une position centrale en adoptant un texte de
définition de l'islam en France, moderne, tolérant, bienveillant, laïque, qui
est déjà pratiqué dans leur vie quotidienne par l'écrasante majorité des
Français de confession musulmane. Notre point de convergence avec le recteur
était d'inscrire le texte dans le rejet simultané de deux extrêmes : les
pseudo-laïcs, qui usurpent la laïcité pour essayer de mettre l'islam sous
tutelle, et les intégristes, qui usurpent l'islam pour le transformer en une
religion de haine qu'il n'est pas », précise Thomas Guénolé.
Paternalisme
D'un côté,
la proclamation dénonce la création de la Fondation de l'islam de France,
présidée par l'ancien ministre de l'Intérieur Jean-Pierre
Chevènement. Elle y voit une « tendance actuelle à vouloir désigner
des autorités de tutelle n'étant pas de confession musulmane aux fins
d'encadrer avec paternalisme l'expression du fait religieux musulman dans la
société française : cela, au mépris de la liberté religieuse et de la
séparation des Églises et de l'État ». « Nous avons rompu les
négociations avec la fondation à cause de la manière dont elle nous a été
imposée. Nous ne souhaitons pas d'ingérence ni d'autoritarisme. Notre religion doit
être traitée par ses pratiquants », affirme Dalil Boubakeur au Point.fr.
De l'autre
côté, cette même proclamation condamne l'islam intégriste : elle le
qualifie d'« interprétation erronée de l'islam, reposant sur une lecture
du texte sélective, partiale et au premier degré, qui conduit à
l'obscurantisme, à la pédanterie ignorante, à la misogynie, au sectarisme et au
refus des valeurs républicaines ». « Nous souhaitons que les
musulmans pratiquent ce que communément nous appelons la communauté du juste milieu :
ne jamais aller vers l'extrémisme, tendre vers la sagesse, vers le respect du
prochain, l'attachement à la loi, à l'ordre et à la paix », précise encore
Dalil Boubakeur au Point.fr.
La France
n'est pas une terre d'islam
À ce titre,
le texte définit l'islam en France, républicain et respectueux des lois et
coutumes françaises : « La France n'est pas une terre d'islam :
elle est une terre où coexistent plusieurs religions, dont l'islam, ainsi que
des habitants qui sont athées ou agnostiques. Dans ce contexte, tout musulman
doit évidemment respecter les valeurs et les lois de la République française. »
La
proclamation s'élève en particulier contre les usurpateurs de l'islam :
« Tout musulman doit prendre garde à ne pas chercher sa culture religieuse
auprès de sources, de prédicateurs, de prêcheurs télévisuels, qui ne sont pas
reconnus par les savants les plus respectés de la communauté. » Et surtout
elle condamne fermement les terroristes djihadistes : « Il est
explicitement interdit à tout musulman de déclencher une guerre, car ce type de
djihad n'est permis qu'en situation de légitime défense contre un agresseur
(Coran 2, 190). En outre, si l'adversaire est disposé à faire la paix, les
musulmans ont le devoir de chercher eux aussi à obtenir la paix. Il s'ensuit
que les criminels qui se prétendent djihadistes sont des
usurpateurs impies du jihad et, par voie de conséquence, des usurpateurs impies
de l'islam, qui est la religion de la paix », ajoute la proclamation.
Nul musulman
n'a le droit d'exiger que la France modifie ses valeurs
La Grande
Mosquée de Paris n'a pas hésité à entrer dans les détails sur des points
difficiles, comme les caricatures du prophète. Si elle déclare légitime qu'un
musulman se dise « blessé ou offensé », elle condamne toute
justification de l'assassinat des journalistes de Charlie Hebdo.
« Puisque le blasphème et la caricature religieuse sont autorisés par la
loi française, l'on peut s'en déclarer blessé ou offensé, mais il ne faut ni
exiger leur interdiction ni réagir par la violence. Plus largement, bien
évidemment, nul musulman n'a le droit d'exiger que la France modifie ses
valeurs et ses lois pour convenir à sa propre foi, tout comme nul chrétien, nul
juif, nul athée, nul agnostique n'en ont le droit », édicte ainsi le
texte.
En outre, la
proclamation de l'islam de France n'impose pas le port du voile aux femmes
musulmanes. Il est écrit qu'« hommes et femmes de confession musulmane ont
simplement le devoir de s'habiller d'une façon décente » et que
l'« égalité entre hommes et femmes s'impose ». Elle proscrit
également « les châtiments corporels », « la polygamie »,
et prône un islam des lumières en expliquant que les « théories scientifiques
actuelles les plus avancées », en particulier la théorie du big bang et la
théorie darwinienne de l'évolution, sont « compatibles » avec
l'islam. Le document rappelle par ailleurs que « toute forme
d'antisémitisme est contraire à l'enseignement du prophète Mohammed lui-même (paix
et bénédictions soient sur lui) ».
EXCLUSIF.
La mosquée de Paris veut un islam français
L'Institut
musulman de la Grande Mosquée de Paris a élaboré un texte qui définit un islam
républicain et respectueux des lois et coutumes françaises.
Modifié
le 30/03/2017 à 07:28 - Publié le 29/03/2017 à 18:14 | Le
Point.fr
Préambule :
La Grande
Mosquée de Paris,
institution créée par une loi d'État, est consciente de ses responsabilités au
sein de la communauté musulmane française, en termes de réflexion,
d'interprétation et d'éclairement religieux. Elle sait qu'il est de son devoir
d'accompagner les Français de confession musulmane sur leur chemin spirituel.
Elle est
soucieuse de la montée en puissance, au sein de la société française et parmi
tout un pan de ses élites politiques, médiatiques et intellectuelles, d'une
extrême diabolisation de la minorité musulmane : l'islamophobie. Cette
dernière est la conséquence de l'islamopsychose, qui est une représentation
délirante, c'est-à-dire déconnectée de la réalité, de ce que sont réellement
l'islam et les Français de confession musulmane.
Elle
s'alarme du fait que l'islamophobie et l'islamopsychose françaises soient de
nos jours assurément comparables en gravité à l'antisémitisme français de la
fin du XIXe siècle.
Elle
condamne la tendance actuelle à vouloir désigner des autorités de tutelle,
n'étant pas de confession musulmane, aux fins d'encadrer avec paternalisme
l'expression du fait religieux musulman dans la société française : ceci,
au mépris de la liberté religieuse et de la séparation des églises et de
l'État.
Elle
s'inquiète de la montée en puissance, au sein de la communauté musulmane
française, d'une interprétation erronée de l'islam, reposant sur une lecture du
texte sélective, partiale, et au premier degré, qui conduit à l'obscurantisme,
à la pédanterie ignorante, à la misogynie, au sectarisme, et au refus des
valeurs républicaines. Elle constate toutefois que les prêcheurs de cette
lecture égarée de l'islam sont marginaux en France, et que les croyants qui y
adhèrent sont minoritaires.
Elle
constate que selon les enquêtes sociologiques disponibles les plus récentes,
approximativement les trois quarts des Français de confession musulmane vivent
déjà dans un islam paisible, tolérant, bienveillant, républicain et laïc.
Elle
constate que cette immense majorité des Français de confession musulmane est
demandeuse d'un texte de clarification de leurs droits et devoirs dans leur
foi.
Ouverte au
dialogue spirituel que ce texte ne manquera pas de susciter, la Grande Mosquée
de Paris exprime donc par la présente, à l'attention de la communauté musulmane
française mais aussi de tous les hommes et femmes de bonne volonté en France et
dans le monde, la présente Proclamation.
Proclamation :
1. L'islam
en France n'est ni un nouvel islam, ni une innovation. L'islam en France est
simplement la clarification du dogme au regard des réalités d'aujourd'hui.
L'islam en France est la résultante de la réinterprétation du texte dans le
contexte, c'est-à-dire l'ijtihad.
2. Tout
musulman doit prendre garde à ne pas chercher sa culture religieuse auprès de
sources, de prédicateurs, de prêcheurs télévisuels, qui ne sont pas reconnus
par les savants les plus respectés de la communauté. Il doit préférer
directement lire les écrits de tels savants. Il doit se prémunir en la matière
du péché de vanité, qui consiste à donner des leçons à autrui sur ce qu'est un
bon ou un mauvais musulman quand on n'a soi-même qu'une culture religieuse
péremptoire, superficielle et approximative.
3. Tout
musulman doit prendre garde à ne pas verser dans l'observation irréfléchie et
obsessionnelle de règles sans finalité spirituelle. Tout musulman doit se
prémunir des diversions superficielles, pour se concentrer sur le respect des
principes spirituels de sa foi.
4. Est
musulman celui qui croit en l'unicité d'Allah, dieu unique et universel, et en
la révélation divine faite au dernier prophète Mohammed (paix et bénédictions
soient sur lui).
5. Tout
musulman a le devoir de respecter l'éthique de réciprocité : il faut en
tous points traiter autrui comme l'on voudrait soi-même être traité. La
tradition prophétique dit en effet : « Vous ne serez musulmans que
quand vous voudrez pour les autres ce que vous voulez pour vous-mêmes. »
6. Tout
musulman a le devoir d'être miséricordieux : le saint Coran insiste sur la
nécessité de savoir pardonner.
7. Tout
musulman a un devoir de solidarité : il doit pratiquer l'aumône au
bénéfice des plus pauvres, à proportion de ses moyens.
8. Tout
musulman a le devoir de cultiver sa connaissance des sciences et des savoirs de
tous ordres. Il s'ensuit que l'obscurantisme, le refus de la science, le refus
du progrès scientifique, sont des lectures erronées de l'islam.
9. Allah
a créé l'Univers et tout ce qu'il contient. Les théories scientifiques
actuelles les plus avancées laissent sans réponse la question de la cause
première de la naissance de l'Univers. Il s'ensuit qu'elles sont compatibles
avec l'islam.
10. Allah
a créé l'humanité. Il n'y a nulle contradiction entre la création de l'humanité
selon le saint Coran, qui révèle métaphoriquement qu'Adam a été façonné à
partir de la terre, et les théories scientifiques actuelles les plus avancées,
selon lesquelles l'humanité a été façonnée au fil de l'évolution successive
d'espèces terrestres.
11. Allah
a créé l'humanité en la voulant fraternelle. Tout musulman doit donc militer en
toutes circonstances pour la paix et contre la guerre, pour la fraternité et
contre le racisme, pour les paroles de concorde et contre les paroles de haine.
12. Lorsqu'il
entend quiconque asséner des mensonges et des préjugés sur ce qu'est l'islam et
sur ce que sont les musulmans, la meilleure réponse d'un musulman est
d'accomplir des actes de bienfaisance.
13. Comme
le rappelle la tradition prophétique, la pratique de la prière ne doit en
aucune manière produire du désordre ou du trouble.
14. La
France n'est pas une terre d'islam : elle est une terre où coexistent
plusieurs religions dont l'islam, ainsi que des habitants qui sont athées ou
agnostiques. Dans ce contexte, tout musulman doit évidemment respecter les
valeurs et les lois de la République
française. Par exemple, puisque le blasphème et la caricature religieuse
sont autorisés par la loi française, l'on peut s'en déclarer blessé ou offensé
mais il ne faut ni exiger leur interdiction ni réagir par la violence. Plus
largement, bien évidemment, nul musulman n'a le droit d'exiger que la France
modifie ses valeurs et ses lois pour convenir à sa propre foi, tout comme nul
chrétien, nul juif, nul athée, nul agnostique, n'en a le droit.
15. Au
sens de la loi de 1905, la laïcité est un principe de neutralité de l'État, de
l'administration, des services publics, et des fonctionnaires, en ce qui
concerne les religions et la spiritualité. En d'autres termes, la République
française ne finance aucun culte, n'accepte aucune demande formulée au nom d'un
culte, ne favorise aucun culte, ne pratique pas d'ingérence dans la vie d'un
culte, et se contente de donner aux communautés religieuses les mêmes droits et
les mêmes devoirs qu'à toute association d'habitants du pays, qu'elle soit
cultuelle ou pas. Sa définition ainsi rappelée, l'existence du fait religieux
musulman dans la société française est compatible avec la laïcité.
16. La
laïcité n'est pas un principe d'intolérance envers la manifestation du fait
religieux dans l'espace public. Celles et ceux qui veulent la redéfinir ainsi
se fourvoient et méconnaissent gravement la loi de 1905.
17. Concernant
les versets consacrés au devoir de chasteté et de pudeur en matière
vestimentaire pour les hommes et les femmes, il faut retenir le principe
général d'une tenue vestimentaire pudique en toutes circonstances, et non pas
les vêtements précis qui sont cités. Il s'ensuit qu'hommes et femmes de
confession musulmane ont simplement le devoir de s'habiller d'une façon
décente.
18. Dans
un esprit de contextualisation nécessaire aux pratiques de la foi musulmane
aujourd'hui, les châtiments corporels, la polygamie, ne se justifient plus et
n'ont plus lieu d'être. Dans le même esprit, l'égalité entre hommes et femmes
s'impose.
19. Dans
ses relations sociales, familiales et affectives, tout musulman doit faire
preuve d'une maturité épanouie et responsable.
20. Dans
sa vie quotidienne, tout musulman doit faire preuve de tempérance et chercher
le juste milieu.
21. Tout
musulman consomme de la viande halal. La souffrance animale ne saurait être
admise par Allah. Il est donc nécessaire de réduire au maximum la souffrance
causée à l'animal.
22. Durant
le mois de Ramadan, tout musulman s'abstient de boire, de manger, d'avoir des
relations sexuelles, et de fumer s'il est fumeur, depuis l'aube jusqu'au
coucher du soleil, afin de commémorer la révélation coranique. En cas
d'incapacité, le croyant est tenu de remplacer son jeûne par une aumône ou par
le fait de jeûner un autre jour. Les personnes malades, ainsi que les femmes
durant leurs menstruations et leur grossesse, sont dispensées du jeûne. La
règle qui suspend le jeûne lorsque l'on est en voyage ne vaut évidemment pas
pour un trajet de quelques heures en train ou en avion. En outre, le Ramadan
implique que les musulmans fassent montre de respect à l'égard du
voisinage : il ne faut pas importuner la population, notamment pendant la
nuit.
23. Le
prophète Mohammed (paix et bénédictions soient sur lui) avait proclamé
lui-même, au moyen de la Constitution de Médine, que tous ceux qui croient en
l'unicité d'Allah, qu'ils soient musulmans, juifs ou autres, faisaient partie
de la même communauté du Livre. Il s'ensuit que toute forme d'antisémitisme est
contraire à l'enseignement du prophète Mohammed lui-même (paix et bénédictions
soient sur lui). Plus largement, sur son exemple, l'islam implique les vertus
de tolérance et de bienveillance, car seul Dieu est juge.
24. Il
est explicitement interdit à tout musulman de déclencher une guerre, car ce
type de djihad n'est permis qu'en situation de légitime défense contre un
agresseur (Coran 2, 190). En outre, si l'adversaire est disposé à faire la
paix, les musulmans ont le devoir de chercher eux aussi à obtenir la paix. Il
s'ensuit que les criminels qui se prétendent « djihadistes » sont des
usurpateurs impies du djihad et par voie de conséquence, des usurpateurs impies
de l'islam, qui est la religion de la paix.
25. Le
djihad le plus noble est l'effort de maîtrise de soi, de dépassement de soi,
pour atteindre les vertus du meilleur des musulmans.
Fait à
Paris, le 28 mars 2017.
Le
recteur de la Grande Mosquée de Paris,
Docteur
Dalil Boubakeur
Et si s’interroger sur la compatibilité entre « l’Islam de France » et « l’Islam du Coran » était une ineptie ? Le seul qui est habilité à pouvoir définir ce que l’Islam est et ce que l’Islam n’est pas, c’est son auteur lui-même !
Du point de vue (mythifié) défendu par les Musulmans, il a bien fallu que Dieu en vienne à transmettre le message du Coran au prophète Muhammad afin que ce dernier puisse informer l’humanité tout entière sur ce monothéisme universaliste et impérieux qu’est l’Islam. Parce que je ne suis plus Musulman depuis une bonne dizaine d’années maintenant, j’ai depuis bien longtemps exorcisé de mon esprit la conviction selon laquelle les versets du Coran seraient une œuvre plus divine qu’humaine. Mais, si l’on croit le Coran, ses propres lois nées de l’esprit d’un être omnipotent, omniscient et à l’intelligence suprême ont vocation à s’appliquer pour tous les hommes, en tous lieux, et ce jusqu’au jour du Jugement dernier.
Pourquoi les Musulmans coranistes d’aujourd’hui ne mangent-ils pas de porc, si ce n’est parce que cet interdit qui concernerait tous les Hommes n’a jamais été limité ni dans le temps ni dans l’espace par le Coran ? Cette prescription coranique est par ailleurs aussi peu conjoncturelle que celle invitant les Musulmans à couper la main du voleur et de la voleuse (Coran, V, 38). Aucun verset coranique ne vient contredire cette autre loi juridique, ni limitée dans le temps ni dans l’espace, et qui fut édictée il y a environ 1.400 ans, quelque part au milieu du désert d’Arabie. Couper la main du voleur et de la voleuse n’est peut-être pas prévu par les lois françaises afin de sanctionner le vol à l’étalage ou le braquage de banque ; mais, du point de vue d’Allah, c’est une sanction judiciaire on ne peut plus légale. Parce que le dieu Allah envoie ceux qui obéissent à ses ordres et croient en lui au Paradis, tandis qu’il envoie tous les autres en Enfer, on pourrait même dire que cette loi est, dans l’absolu, plus une vertu d’égoïste ou une réponse à un chantage mafieux qu’une action purement désintéressée ou altruiste.
« L’Islam du Coran » est ainsi un pléonasme, contrairement à « l’Islam de France », « l’Islam de Mahmoud Benchoukroute, pompiste à La Membrolle-sur-Choisille » ou « l’Islam d’Averroès ».
Il n’y a pas d’autre maître à penser dans l’Islam que le dieu unique Allah, et je ne connais aucun Musulman qui ait déjà été assez audacieux pour oser avancer que le dieu ayant créé le livre du Coran ne serait pas à même de définir le véritable Islam.
Que doit-on par conséquent comprendre de celui qui parle de moderniser l’Islam ou de le réformer en France ? Ignorer certaines lois universelles d’Allah, voire même les contredire (donc les transgresser), ici plus qu’ailleurs ? Aujourd’hui, en France, on peut entendre absolument tout et son contraire sur ce livre du Coran, vis-à-vis duquel je porte plus un intérêt par devoir politique que par plaisir intellectuel. La France n’étant pas encore gouvernée par un président ou une majorité parlementaire jugeant que le Coran est un livre utile, salutaire et divin, ce que bien des observateurs appellent « l’Islam de France » n’est pas (encore) un pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire.
L’Islam de France, plus associatif que politique, n’a aucune légitimité juridique à défendre ou à imposer au peuple français. Les millions de mes compatriotes français de confession musulmane ne sont d’ailleurs même pas capables de défendre leurs intérêts politiques autrement que comme des faire-valoir diplomatiques ou des électeurs. Dans une France où le pouvoir politique ne gouverne qu’en fonction d’intérêts communautaristes et de comptes à rendre à ceux qui tiennent les cordons de la bourse, c’est sans doute parfois amplement suffisant…
Contrairement à d’autres pays où la pluralité des opinions est un minimum défendue par la presse au nom d’une liberté d’expression vue comme un droit plus que comme une responsabilité paternaliste, dans ma France où 7 milliardaires contrôlent 95% de la production journalistique, ce sont toujours les mêmes experts qui donnent leur avis sur l’Islam à la télévision, dans les journaux ou à la radio. Je ne suis pas convaincu par les débats « virulents » opposant « les pour » contre « les très pour » qui sont organisés par la presse nationale française, habituée en général à véhiculer l’idée selon laquelle craindre ou mépriser le Coran serait un vice extrême-droitisant.
On y compare tout, sauf la seule et véritable comparaison qui vaille la peine : juger l’arbre coranique aux fruits de la réalité qu’il a produits.
Aux islamologues salariés d’État qui prétendent que le Coran défend la liberté de croyance et l’équité sexuelle, j’ai envie de demander : « Alors pourquoi plus un pays dans le monde décide d’appliquer le Coran et plus il est un pays qui asservit les femmes et persécute les apostats de l’Islam ? »
Aux imams costumés et rasés de très près qui passent à la télévision après chaque attentat jihadiste pour nous expliquer que l’Islam est une religion de paix compatible avec les valeurs de la République, j’ai envie de demander : « Bien avant que les royaumes et empires européens ne se répartissent le Maghreb et le Moyen-Orient pour en faire des colonies ou des protectorats, pourquoi l’Islam y ayant fait la loi durant plus de 1.000 ans y a fait perdurer des marchés aux esclaves, des femmes non-scolarisées traitées comme des sous-hommes ainsi qu’un néant démocratique où seule la loi du plus fort régnait ? »
Si le message du Coran impose l’équité sexuelle devant la loi et la liberté de conscience, alors force est de constater que le dieu Allah est un dieu particulièrement inefficace et/ou peu explicite puisque c’est exactement le contraire de ces dogmes que le Monde musulman s’acharne à produire.
Dans la majorité des Corans imprimés, publiés et vendus sur Terre, le verset 34 de la sourate 4 promeut le droit pour le mari de frapper l’épouse dont il aurait à craindre la désobéissance. Ici, en France, ce comportement est un crime. Ailleurs dans le Monde, là où la Charia fait loi, ce comportement est une réponse judiciaire, un droit dont peut user la victime de l’insubordination de son épouse. Pourquoi le dieu Allah laisserait-il donc son Coran être mal compris sans intervenir afin de corriger cela ? Quel est donc l’intérêt pour le dieu Allah d’envoyer un message originel qui finirait par échapper à la vigilance de ses omniscience et omnipotence pour finalement demeurer durablement corrompu ?
Le Coran est un message essentiellement fait de commandements et d’interdits juridiques.
Ce n’est pas « le bouddhisme des Bédouins » que voient en lui tant de bobos parisianistes persuadés que l’interdiction de manger du porc que s’imposent les Musulmans en général serait une simple tradition, aussi peu politique que la fête de la Saint-Valentin ou Halloween.
Ce livre du Coran est politique par essence car il a vocation à encadrer et limiter les libertés individuelles des gens, partout où des Musulmans peuvent appliquer ses lois. Le jour où la France sera devenue une province d’un grand califat islamique ou l’État souverain du Francistan, je ne vois en outre pas pourquoi la source idéologique du Coran ne pourrait pas y produire ce qu’elle a pourtant toujours produit ailleurs, en tous temps et en tous lieux, dans le Monde musulman. L’Islam de France ni politique ni juridique d’aujourd’hui n’a en tous cas pas encore les moyens de prouver sa compatibilité avec le livre du Coran autrement que sous la forme d’un lobbying électoral ou économique.
Dans sa 47ème sourate (une sourate post-Hégire), le Coran demande aux Musulmans de ne pas appeler à faire la paix alors qu’ils sont les plus forts (ils ne doivent donc appeler à faire la paix que quand ils sont en position de faiblesse). Cette doctrine est-elle vraiment contredite par l’attitude de l’écrivain ou militant associatif islamiste qui utilise son droit de cité dans nos médias mainstream afin d’endormir la vigilance des Occidentaux vis-à-vis de vices que lui-même considère secrètement comme étant des vertus ?
Rien ne dit que les déclarations politiquement correctes d’islamistes adeptes du double-discours, car encore incapables de contrôler nos parlements et casernes militaires aujourd’hui, ne sont pas des investissements pour l’avenir. Pourquoi dévoiler ses intentions plus Charia que Charlie, et risquer de donner envie à des Français « mécréants », majoritaires mais divisés sur des questions secondaires ou cosmétiques, de s’unir politiquement afin de faire de la lutte contre l’islamisation politico-juridique de la France une priorité ?
Et si l’Islam de France, incompatible avec l’Islam du Coran, rendait en fait un immense service à ce dernier en l’ignorant, en le cachant ou en le niant ?
Une bonne politique, c’est une politique qui produit des résultats, et pas des bonnes intentions de départ sacrifiées sur l’autel des regrets. L’Islam est un projet politique qui se vit mieux qu’il ne se raconte, quoi qu’en disent des livres ou des hommes à son sujet.
Je n’ai aucune raison de chercher à dénoncer l’incompatibilité entre les lois françaises et un conte de fées destiné à effrayer les enfants, parce que ceux qui croient les contes de fées n’ont en général pas encore l’âge d’avoir des ambitions politiques…
Majid Oukacha