Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a confié au chercheur Simon Larose de l’Université Laval le mandat d’évaluer les effets du renouveau pédagogique chez les élèves du secondaire (projet ERES). Cette évaluation visait à alimenter la réflexion et les travaux du Ministère quant à la poursuite des actions dans ce domaine.
L’évaluation s’est déroulée de 2007 à 2013. Au total, 3 724 jeunes et 3 913 parents répartis en trois cohortes distinctes y ont participé. La première cohorte (cohorte contrôle) regroupait des élèves n’ayant pas été exposés au renouveau pédagogique et ayant fait leur entrée au secondaire en 2004-2005. Elle a été comparée à deux autres cohortes d’élèves exposés au renouveau pédagogique. Ces deuxième et troisième cohortes étaient composées d’élèves ayant fait leur entrée au secondaire en 2006-2007 ou en 2007-2008 (soit lors des 2e et 3e années de mise en œuvre du renouveau pédagogique au secondaire). Des questionnaires, des tests standardisés et des épreuves ministérielles administrés aux participants en 2e, 4e et 5e secondaire ainsi qu’une lecture d’indicateurs scolaires provenant du Ministère ont permis d’évaluer les variables de l’étude.
Québec : "Une étude révèle que le renouveau
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Entretien avec Claude Lessard
Réforme au Québec : les dangers du virage à 180°
26 janvier 2015
Voici un entretien avec Claude Lessard, président du Conseil supérieur de l’éducation du Québec, qui vient de diriger un rapport sur l’état et les besoins de l’éducation au Québec. Programmes, compétences, curriculum y sont ici éclairés.
Quelle importance ont dans votre pays de tels rapports et quelle est leur fonction ?
Conformément à la Loi, ils sont rédigés tous les deux ans et remis aux députés. Ils doivent contribuer à cerner les enjeux et à aider les acteurs de l’éducation et de la société civile à faire entendre leur voix et à converger sur une vision commune des priorités afin de participer à la mise à l’agenda politique de questions éducatives importantes.
Conformément à la Loi, ils sont rédigés tous les deux ans et remis aux députés. Ils doivent contribuer à cerner les enjeux et à aider les acteurs de l’éducation et de la société civile à faire entendre leur voix et à converger sur une vision commune des priorités afin de participer à la mise à l’agenda politique de questions éducatives importantes.
Le « curriculum » est au centre du rapport. Que proposez-vous pour vaincre les obstacles que vous avez pointés dans sa mise en œuvre effective ?
En Amérique du Nord, la notion de curriculum, entendu comme projet d’instruction et d’éducation global, comprenant les finalités, l’architecture d’ensemble des matières et des contenus, l’évaluation des apprentissages et des orientations pédagogiques suggérées, est relativement acceptée. Mais si les enseignants acceptent l’autorité de l’état en matière de détermination des contenus, ils refusent toute intervention sur le terrain de leur autonomie pédagogique traditionnelle.
D’ailleurs, on peut dire que 15 ans plus tard, deux questions demeurent objets de préoccupation : le lien entre compétences et connaissances ou comment remonter des compétences valorisées (profil de sortie) aux savoirs des grands champs disciplinaires (profil de formation) et le lien entre compétences et pédagogie ou quelles situations pédagogiques contribuent au développement de quelles compétences. Ces deux questions avaient déjà été identifiées par le conseil à la fin des années 90, donc avant la mise en œuvre de la réforme. Le conseil avait suggéré alors que l’on prenne le temps de bien valider, dans le cadre d’expériences pilotes sérieuses auprès des enseignants les nouveaux programmes. Mais des impératifs politiques en ont décidé autrement.
Cette réforme du curriculum a accaparé beaucoup d’énergies et différents acteurs (enseignants, directions, conseillers pédagogiques, parents), elle a été et est toujours objet de vives controverses qui bien qu’apaisées, couvent toujours, et le conseil s’estimait bien placé pour tenter de produire une analyse distancée de cette mise en oeuvre. De plus, il constatait que des impasses bloquaient toute évolution et il lui a semblé important de nommer ces impasses et d’en appeler à l’autorité ministérielle pour mettre en branle des processus susceptibles de faire évoluer la situation. Il a réfléchi aux conditions qui rendent difficile toute grande réforme systémique en éducation, ce qui l’a amené à proposer pour l’avenir une approche plus gradualiste, construite avec les acteurs enseignants et parents.
En Amérique du Nord, la notion de curriculum, entendu comme projet d’instruction et d’éducation global, comprenant les finalités, l’architecture d’ensemble des matières et des contenus, l’évaluation des apprentissages et des orientations pédagogiques suggérées, est relativement acceptée. Mais si les enseignants acceptent l’autorité de l’état en matière de détermination des contenus, ils refusent toute intervention sur le terrain de leur autonomie pédagogique traditionnelle.
D’ailleurs, on peut dire que 15 ans plus tard, deux questions demeurent objets de préoccupation : le lien entre compétences et connaissances ou comment remonter des compétences valorisées (profil de sortie) aux savoirs des grands champs disciplinaires (profil de formation) et le lien entre compétences et pédagogie ou quelles situations pédagogiques contribuent au développement de quelles compétences. Ces deux questions avaient déjà été identifiées par le conseil à la fin des années 90, donc avant la mise en œuvre de la réforme. Le conseil avait suggéré alors que l’on prenne le temps de bien valider, dans le cadre d’expériences pilotes sérieuses auprès des enseignants les nouveaux programmes. Mais des impératifs politiques en ont décidé autrement.
Cette réforme du curriculum a accaparé beaucoup d’énergies et différents acteurs (enseignants, directions, conseillers pédagogiques, parents), elle a été et est toujours objet de vives controverses qui bien qu’apaisées, couvent toujours, et le conseil s’estimait bien placé pour tenter de produire une analyse distancée de cette mise en oeuvre. De plus, il constatait que des impasses bloquaient toute évolution et il lui a semblé important de nommer ces impasses et d’en appeler à l’autorité ministérielle pour mettre en branle des processus susceptibles de faire évoluer la situation. Il a réfléchi aux conditions qui rendent difficile toute grande réforme systémique en éducation, ce qui l’a amené à proposer pour l’avenir une approche plus gradualiste, construite avec les acteurs enseignants et parents.
En France, dans les milieux pédagogiques, on a tendance peut-être à mythifier le Québec qui aurait réussi sa « réforme tranquille » de son système éducatif, avec de bons résultats. Alors qu’à lire le rapport, on se retrouve bien souvent en terrain (hélas ?) familier : résistances aux changements, tentation du retour en arrière, doute sur le slogan de la réussite de tous, conception étroite de l’égalité qui conduit à rejeter les pédagogies différenciées par certains, attachement à la centralisation étatique de la part des syndicats… Qu’en est-il ?
Le Québec a sans doute réussi sa réforme des années 60, celle qui a modernisé et démocratisé son système d’éducation public, comme l’a montré Denis Meuret. Mais, notre réforme curriculaire, s’est heurté à un contexte autrement plus difficile : une société pluraliste, hétérogène et fortement individualiste, divisée en matière d’orientations éducatives ; réformer ou rénover est toujours plus difficile que construire, car il faut prendre acte des contraintes existantes et faire avec ; des problématiques sociales, culturelles et éducatives à la fois anciennes (pauvreté et inégalités) et nouvelles (diversité culturelle issue de l’immigration, nouvelles technologies de communication et leur impact sur la culture des jeunes et leur rapport au savoir ; explosion des connaissances) ; la réponse des réformateurs, du moins un certain discours de légitimation a trop mis l’accent sur un virage à 180 degrés – le fameux « changement de paradigme » — qui disqualifiait implicitement les enseignants et déstabilisait les parents —. Au total, le lien entre la réforme proposée et les problématiques sociales, culturelles et éducatives n’était pas clair. Les réformes échouent souvent parce que les acteurs perçoivent mal le lien causal entre la problématique à l’origine de la réforme et les « solutions » proposées ou les injonctions faites aux acteurs de changer leurs représentations et leurs pratiques.
Le Québec a sans doute réussi sa réforme des années 60, celle qui a modernisé et démocratisé son système d’éducation public, comme l’a montré Denis Meuret. Mais, notre réforme curriculaire, s’est heurté à un contexte autrement plus difficile : une société pluraliste, hétérogène et fortement individualiste, divisée en matière d’orientations éducatives ; réformer ou rénover est toujours plus difficile que construire, car il faut prendre acte des contraintes existantes et faire avec ; des problématiques sociales, culturelles et éducatives à la fois anciennes (pauvreté et inégalités) et nouvelles (diversité culturelle issue de l’immigration, nouvelles technologies de communication et leur impact sur la culture des jeunes et leur rapport au savoir ; explosion des connaissances) ; la réponse des réformateurs, du moins un certain discours de légitimation a trop mis l’accent sur un virage à 180 degrés – le fameux « changement de paradigme » — qui disqualifiait implicitement les enseignants et déstabilisait les parents —. Au total, le lien entre la réforme proposée et les problématiques sociales, culturelles et éducatives n’était pas clair. Les réformes échouent souvent parce que les acteurs perçoivent mal le lien causal entre la problématique à l’origine de la réforme et les « solutions » proposées ou les injonctions faites aux acteurs de changer leurs représentations et leurs pratiques.
On entend parler d’abandon de l’évaluation par compétences, du retour aux notes chiffrées et au bulletin traditionnel. Alors même que le Québec n’obtient pas de mauvais résultats à PISA. Pouvez-vous nous éclairer ?
L’évaluation des apprentissages est une des impasses que le conseil a nommée. À ses débuts, la réforme proposait une évaluation formative, intégrée à l’apprentissage, critériée et qualitative ; pas de chiffres, pas de moyennes, pas de note finale combinant toutes les notes de toutes les épreuves, seulement une qualification de la progression de l’élève vers la maîtrise des compétences requises. Mais les grilles d’évaluation ont tardé à être produite et remise entre les mains des enseignants ; elles étaient complexes et exigeaient un important travail collectif d’appropriation ; en soi, cette question est difficile et on peut penser qu’on a sous estimé la réelle difficulté de l’évaluation des compétences ; les parents ont aussi été fortement déstabilisés, et ont exigé un retour à l’évaluation traditionnelle. Alors, nous nous retrouvons présentement avec des programmes qui enjoignent les enseignants de se soucier du développement des compétences et un bulletin traditionnel qui les mesurent quantitativement et remet les connaissances à l’avant plan. C’est un dossier politiquement chargé. Dans son rapport, le conseil a analysé les situations belge, française et suisse romande. Toute évolution de l’un ou l’autre de ces systèmes en matière d’évaluation des apprentissages nous intéresse grandement !
Les résultats du Québec au PISA montrent que l’enseignement dispensé dans les écoles permet, malgré notre politique évaluative incohérente, le développement des compétences dont se soucie le programme PISA.
L’évaluation des apprentissages est une des impasses que le conseil a nommée. À ses débuts, la réforme proposait une évaluation formative, intégrée à l’apprentissage, critériée et qualitative ; pas de chiffres, pas de moyennes, pas de note finale combinant toutes les notes de toutes les épreuves, seulement une qualification de la progression de l’élève vers la maîtrise des compétences requises. Mais les grilles d’évaluation ont tardé à être produite et remise entre les mains des enseignants ; elles étaient complexes et exigeaient un important travail collectif d’appropriation ; en soi, cette question est difficile et on peut penser qu’on a sous estimé la réelle difficulté de l’évaluation des compétences ; les parents ont aussi été fortement déstabilisés, et ont exigé un retour à l’évaluation traditionnelle. Alors, nous nous retrouvons présentement avec des programmes qui enjoignent les enseignants de se soucier du développement des compétences et un bulletin traditionnel qui les mesurent quantitativement et remet les connaissances à l’avant plan. C’est un dossier politiquement chargé. Dans son rapport, le conseil a analysé les situations belge, française et suisse romande. Toute évolution de l’un ou l’autre de ces systèmes en matière d’évaluation des apprentissages nous intéresse grandement !
Les résultats du Québec au PISA montrent que l’enseignement dispensé dans les écoles permet, malgré notre politique évaluative incohérente, le développement des compétences dont se soucie le programme PISA.
Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk
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Au Québec le Renouveau Pédagogique n'a pas amélioré l'Ecole
Approche par compétences, nouveau référentiel croisant les disciplines, appui aux fondamentaux : les piliers du Renouveau pédagogique québécois ont-ils amélioré les résultats scolaires ? Une étude dirigée par Simon Larose et Stéphane Duchène de l'Université de Montréal rend un verdict sévère pour la réforme. Globalement le niveau des élèves est un peu moins bon, celui du climat scolaire également enfin les parents un peu moins satisfaits. L'étude impacte la politique scolaire de Québec. Par ricochet elle touche aussi les réformes qui s'en inspirent. Par exemple la notre...
Le Renouveau pédagogique québécois
A l'origine de cette étude la nouvelle politique éducative lancée au Québec en 1997 et introduite au secondaire en 2005. La réforme repose sur 5 changements. Le premier c'est l'approche par compétences. " Les compétences « constituent un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources » (MELS, 2007). L’élève devrait pouvoir utiliser ces ressources selon les caractéristiques de la situation dans laquelle la compétence doit être mobilisée... Finalement, ce concept « implique la capacité à exposer le cheminement emprunté pour accomplir des tâches et résoudre des problèmes »". Le second changement c'était l'introduction d'un nouveau référentiel. " Des domaines généraux de formation qui font référence aux enjeux sociaux actuels, soit Santé et bien-être, Orientation et entrepreneuriat, Environnement et consommation, Médias ainsi que Vivre-ensemble et citoyenneté, servent de point d’ancrage aux situations d’apprentissage réalisées en classe. Ces domaines favorisent l’interdisciplinarité et « concrétisent la mission de l’école, inspirent les pratiques éducatives et concourent à donner plus de sens et d’authenticité aux situations d’apprentissage » (MELS, 2007). En complément des domaines généraux de formation, six domaines d’apprentissage sont établis : Langues, Mathématique, science et technologie, Univers social, Arts, Développement de la personne et Développement professionnel. Diverses disciplines se regroupent sous un même domaine, démontrant leur complémentarité; par exemple, les cours « Éthique et culture religieuse » et « Éducation physique et à la santé » font partie du domaine du Développement de la personne".
En troisième appui de la réforme vient le renforcement des fondamentaux. Le programme de français est augmenté de 50 heures entre 6ème et 4ème. Le programme d'histoire et éducation civique reçoit 150 heures supplémentaires au collège. Les maths aussi voient leur horaire augmenté. Le quatrième pilier visait à changer les pratiques pédagogiques. " La réussite pour tous passe d’abord par un programme qui veut prendre en compte l’hétérogénéité des élèves. Dans ce contexte, l’utilisation de situations d’apprentissage variées, signifiantes et adaptées aux besoins des élèves a été encouragée. De plus, l’enseignant est appelé à jouer un rôle d’accompagnateur auprès des élèves en les supervisant lors d’activités de groupe", écrit le rapport. Le dernier changement mis en lumière dans le modèle est la possibilité, pour l’élève, de choisir un cheminement scolaire en fonction de ses champs d’intérêt et de ses aptitudes. Un choix de parcours lui est désormais offert à partir du 2e cycle du secondaire.
Baisse des résultats, hausse des inégalités
Pour étudier les effets du Renouveau Pédagogique, les auteurs ont travaillé durant 6 ans de 2007 à 2013. Ils ont réalisé deux grandes enquêtes auprès de 3724 élèves et 3913 parents. Ils ont récupéré les résultats de tests ministériels et réalisé une évaluation en maths et une autre en français. Tout cet appareil leur permet d e comparer les résultats des élèves ayant suivi le Renouveau pédagogique à une cohorte d'élèves de l'époque antérieure.
L'enquête auprès des parenst et des élèves montre d'abord moins de satisfaction envers l'école pour les cohortes ayant connu le Renouveau. Les élèves affichent une perception moins positive du climat scolaire que la cohorte précédente. En maths par exemple les problèmes de discipline sont perçus comme plus importants après le Renouveau. En histoire et en sciences également. L'engagement civique des élèves semble par contre meilleur après le Renouveau.
Sur le plan des résultats, "les élèves du Renouveau ont obtenu un résultat global à l’épreuve de mathématique légèrement inférieur à celui obtenu par les élèves non exposés au Renouveau", annoncent les auteurs. " L’écart entre les cohortes exposées au Renouveau et la cohorte contrôle s’est accentué pour les élèves jugés à risque par leurs parents et pour ceux fréquentant des écoles de milieux défavorisés". Autrement dit l'objectif de lutte contre les inégalités n'est pas atteint lui non plus. En français, le niveau reste élevé mais moins bon pour les élèves du Renouveau. " Le critère « orthographe » est celui pour lequel les taux de réussite ont été les plus bas, et ce, particulièrement pour les élèves de la troisième cohorte; cette différence est d’autant plus vraie pour les garçons de cette cohorte", écrit le rapport.
Quel enseignement en tirer ?
Si la réforme québécoise est sur certains points différente de la Refondation française, on retrouve dans le Renouveau pédagogique québécois des éléments repris en France. L'approche par compétences, la philosophie générale de la réforme qui veut à la fois renforcer les fondamentaux et encourager els initiatives des élèves, illustrent cette proximité tout comme le role donné aux disciplines. On retrouve aussi en France comme au Québec de fortes réticences face à la réforme. L'étude québécoise ne dégage pas les motifs de l'échec du Renouveau. L'accompagnement de la réforme, sa justification aux yeux des enseignants, leur formation sont autant de critères qui peuvent permettre de comprendre ce qui se passe. Cette étude n'a pas fini de nous interroger au moment où on tente de changer l'Ecole.
François Jarraud et Jean Horvais
renouveau pédagogique a causé du tort"
Comment aider nos jeunes en français?
L’enseignement du français préoccupe. Cette semaine, à partir de la France, le premier ministre Philippe Couillard s’est de nouveau interrogé sur ces ratés.
Mais que faire pour redresser la barre? Le Journal a posé la question à des acteurs du réseau de l’éducation, alors que le nouveau ministre, François Blais, vient tout juste d’arriver en poste. Voici cinq pistes de solutions.
1- La lecture, la clé du succès
La recherche a aussi montré que les aptitudes en lecture jouent un rôle crucial dans la réussite scolaire. La FSE a déjà proposé une révision en profondeur des programmes du début du primaire concernant les premiers apprentissages en lecture. Plutôt que d’apprendre à reconnaître les mots d’un coup d’œil, en ayant recours à des «mots-étiquettes», il faut plutôt enseigner clairement aux enfants le son que fait chacune des lettres et le lien entre elles, explique sa présidente, Josée Scalabrini. «Ce sont des changements qui peuvent aider les jeunes et se faire à coût nul», affirme-t-elle, déplorant que cette révision, qui avait été acceptée par l’ancienne ministre Line Beauchamp, n’ait jamais vu le jour. «C’est essentiel et urgent de réactiver ce dossier», ajoute Monique Brodeur.
2- Des lettres à la maternelle
Plusieurs études ont montré que la connaissance des lettres, dès la maternelle, fait toute une différence dans les aptitudes développées par la suite en lecture. Et les enfants, dès quatre ans, sont en mesure de se familiariser avec l’alphabet, affirme Monique Brodeur, doyenne de la faculté des Sciences de l’éducation de l’UQAM. Présentement, les programmes du préscolaire ne prévoient que la reconnaissance de quelques lettres par les enfants. «On est en deçà de ce qu’ils sont capables de faire. Ça n’a pas de bon sens», lance Mme Brodeur. La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) est d’accord avec ces modifications, tant que cet apprentissage passe par le jeu.
3- Réformer la façon d’enseigner
De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer un enseignement «explicite», par opposition à un enseignement par «émergence», souvent associé à la pédagogie par projets, où l’on amène le jeune à «découvrir par lui-même» certains savoirs, une façon d’enseigner qui a été mise de l’avant avec la réforme scolaire. «Ça peut marcher pour les élèves doués, mais pour les autres, donc la majorité, ça ne convient pas vraiment», affirme Clermont Gauthier, professeur à la faculté des Sciences de l’éducation de l’Université Laval. Ce type de pédagogie ne signifie toutefois pas le retour à un enseignement magistral, associé à une autre époque, précise M. Gauthier. L’enseignement explicite implique une plus grande participation de l’enseignant pour aider les élèves lorsqu’ils mettent en pratique les règles enseignées. «Il y a beaucoup de résultats de recherche qui montrent que ça fonctionne», affirme-t-il. Mais la résistance dans le réseau de l’éducation est encore vive. Selon la Fédération autonome de l’enseignement, certaines commissions scolaires interdisent à leurs profs d’enseigner de façon explicite, privilégiant plutôt l’approche par découverte associée à la réforme.
4- Tout se joue avant sept ans
Selon une étude de l’équipe du chercheur Michel Janoz, les difficultés en lecture, en écriture et en mathématiques, dès la première année du primaire, sont un indicateur de décrochage au secondaire. Les difficultés en français, que l’on peut voir apparaître dès l’âge de sept ans, seraient même un facteur de risque aussi important que le statut socioéconomique de l’enfant. Un enfant de famille aisée pourrait donc être aussi à risque de décrocher qu’un élève issu d’un quartier pauvre s’il en arrache en français. Pour éviter que les élèves ne traînent leurs difficultés comme un boulet d’une année à l’autre, il faut intervenir rapidement, répète depuis des années Égide Royer, spécialiste en adaptation scolaire à l’Université Laval. L’intervention d’orthopédagogues et d’autres professionnels peut donner un coup de pouce aux enseignants.
5- Redonner au français la place qui lui revient
La Fédération des syndicats de l’enseignement considère que le nombre d’heures d’enseignement du français devrait être obligatoire. «On ne doit pas laisser différents projets prendre le dessus sur le français», lance sa présidente, Josée Scalabrini. Le régime pédagogique prévoit, par exemple, qu’au début du secondaire, 200 heures devraient être consacrées à l’apprentissage de la langue de Molière. Il s’agit toutefois de temps «indicatif» et non obligatoire. Chaque école peut déroger à la règle lorsqu’elle détermine sa grille-matières. Selon un document du ministère de l’Éducation, environ 60% des groupes d’élèves inscrits dans des programmes particuliers ne reçoivent pas le nombre d’heures recommandé. Les écoles qui offrent l’anglais intensif à la fin du primaire réduisent aussi de moitié le nombre d’heures consacrées à l’enseignement du français, ajoute Mme Scalabrini.
Des signaux d’alarme
- Les résultats des élèves de cinquième secondaire à l’examen ministériel de français sont en baisse. Le taux de réussite est passé de 91,1% en 2011 à 89,3% en 2014.
- Les inscriptions aux cours de mise à niveau en français au cégep sont en hausse de 50% depuis 10 ans.
- Dans certaines universités, environ 50% des futurs profs échouent au test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFEE).
- La réforme scolaire est un échec, selon une récente étude de l’équipe du chercheur Simon Larose.
- Cette semaine, le premier ministre Philippe Couillard s’est demandé comment un pays pauvre comme Haïti fait pour si bien réussir l’enseignement du français, alors que le Québec «a de la difficulté à le faire».
Autopsie d’un échec
Les résultats des élèves en français sont en baisse au secondaire, malgré un plan d’action pour améliorer l’enseignement du français qui avait été lancé en 2008 par l’ancienne ministre Michelle Courchesne.
Ce plan comprenait 22 mesures, qui allaient de la rédaction d’au moins un texte par semaine à la révision des programmes de français, en passant par des séances de lecture quotidiennes et davantage de soutien et de formation pour les enseignants.
L’initiative avait été relativement bien accueillie dans le milieu de l’éducation. «Ce n’est pas le plan qui était le problème, c’est plutôt le suivi qui a été un échec», résume Suzanne Richard, ancienne présidente de l’Association québécoise des professeurs de français, qui a siégé au comité de ce plan d’action.
« Mort dans l’oeuf »
Aucune évaluation n’a été faite, si bien qu’il est impossible aujourd’hui de savoir quelles mesures ont été mises en place. «On ne sait pas ce qui a été fait. Tout ça est mort dans l’œuf», déplore Mme Richard.
En décembre, l’ancien ministre Yves Bolduc avait annoncé l’élaboration d’une «stratégie ministérielle» pour améliorer l’enseignement du français, sans aucune référence au plan d’action déjà mis de l’avant. Reste à voir si le nouveau ministre, François Blais, poursuivra dans cette voie.
Publié le 04 février 2015 à 11h22 | Mis à jour le 04 février 2015 à 14h23
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