Alors que le gouvernement
envisage de durcir les lois contre le racisme et de renforcer la lutte contre
la « cyber-haine », nous avons rencontré Emmanuelle Ménard, député de
l’Hérault, et co-fondatrice du site Boulevard Voltaire, créé pour défendre la
liberté d’expression, il y a 5 ans. Une bonne occasion pour approfondir
certaines questions…
Riposte Laïque : Vous
êtes d’abord la cofondatrice de Boulevard Voltaire, site dont l’objectif était
de défendre la liberté d’expression. Avez-vous l’impression, cinq ans plus
tard, que ce journal en ligne, dans le contexte politique actuel, est plus
nécessaire que jamais ?
Emmanuelle Ménard : Oui,
malheureusement… La tendance générale est vers toujours plus de propos
convenus, policés, encadrés. Et lorsque vous sortez des sentiers battus, du
politiquement correct, de la moraline, la mise à l’index est immédiate.
Mais j’ai peut-être une sensibilité exacerbée dans ce domaine-là. Il est vrai
que l’hémicycle de l’Assemblée nationale ne se prête pas beaucoup aux
propos « iconoclastes ». J’ai en souvenir d’avoir osé poser une
question, il y a quelques semaines, au sujet d’un article posant comme principe
que la finalité de l’enseignement supérieur était de faire de nos étudiants des
« citoyens éclairés ». J’ai demandé si quelqu’un pouvait me donner la
définition d’un « citoyen éclairé » et surtout, qui allait décider
que vous étiez éclairé ou non… Une députée LREM s’est levée pour dire que
j’étais « la honte de l’hémicycle »… Rien que cela ! Alors, oui,
des médias comme Boulevard Voltaire, où l’on peut encore s’exprimer librement,
sont absolument nécessaires en ce qu’ils constituent une véritable
soupape de liberté. Mais pas seulement ! Nos médias non
seulement permettent d’informer mais ils obligent les médias
traditionnels à traiter certaines informations qu’ils préféreraient parfois
garder bien cachées. Bref, une véritable mission d’utilité publique !
Riposte Laïque : Fidèle à
vos idées, vous aviez durement critiqué l’article 1 de la régularisation de la
vie publique, y voyant un véritable crime contre la liberté d’expression de
ceux qui pensent différemment. Rappelons qu’il s’agissait d’interdire de vie
politique quiconque aurait été condamné pour racisme ou incitation à la haine.
Et pourtant, ce texte avait été voté par la presque totalité de vos collègues.
Vous les pensez donc tous hostiles à la parole libre ?
Emmanuelle Ménard : L’incrimination
visée était plus large que « racisme » ou « incitation à la
haine ». Il s’agissait plutôt de « discrimination ». Je me suis
élevée contre ce texte, et de façon bien solitaire en effet, car il me semblait
évident que ses conséquences pour la liberté d’expression auraient été
dramatiques ! Et qu’il aurait accordé un pouvoir énorme aux juges ! Quelle
belle épée de Damoclès nous aurions alors eu au-dessus de nos têtes ! Et
quel encouragement adressé aux associations qui passent leur vie à intenter des
procès pour des propos qu’elles jugent discriminatoires ! C’était la porte
ouverte à tous les règlements de comptes et à tous les abus. Surtout, quel
imparable argument pour faire taire un adversaire politique ! Mais
attention ! Je suis persuadée que cet amendement, largement voté dans
l’hémicycle, et heureusement retoqué par le Conseil constitutionnel, reviendra
dans le débat. Je sais qu’une proposition de loi sur la moralisation politique
(encore une !) est en préparation du côté du Sénat dans laquelle le casier
judiciaire vierge est de nouveau exigé. Oui s’il s’agit d’empêcher des élus
jugés coupables d’abus de confiance ou de détournements de fonds, non s’il
s’agit de condamnations liées à la liberté d’expression. Malheureusement, la
distinction n’est jamais faite.
Cette loi contre
les fake news promet des débats agités dans l’hémicycle !
Riposte Laïque : De
grandes inquiétudes ont été émises par ce qu’on appelle la réinfosphère,
suite à l’annonce du nouveau président de la République, lors de ses vœux à la
presse, de promouvoir au plus vite une loi contre ce qu’ils appellent
« les fake news » et que nous préférons nommer
« Bobards ». Des informations inquiétantes ont circulé, parlant d’un
durcissement de la loi contre les hébergeurs, et des possibilités données à un
juge de fermer un site en 48 heures, ou de faire supprimer un article. Dans un
registre complémentaire, les associations dites antiracistes réclament un
durcissement des lois, contre ce qu’ils appellent la libération de la parole
raciste. Partagez-vous, devant tous ces faits, l’inquiétude de vos anciens
collègues de la réinformation ?
Emmanuelle Ménard : Cette
loi contre les fake news promet des débats agités dans
l’hémicycle ! Même le Syndicat national des journalistes met en garde
contre une probable forme de censure, c’est dire ! En réalité,
les médias visés derrière ce texte sont Russia Today et
Sputnik. Mais ce qui est amusant, c’est que Mounir Mahjoubi, le secrétaire
d’Etat au Numérique, a quand même expliqué, « avoué » devrais-je dire,
que les griefs que son parti nourrit contre les journalistes de ces deux médias
concernent plutôt « un état d’esprit » qui ne serait pas favorable au
président Macron que de fausses informations à proprement
parler… Pour ma part, je ne vois pas l’intérêt de légiférer sur cette
question. Je trouve même cela dangereux. Et puis, les réponses judiciaires
existent déjà. Alors, pourquoi voter de nouvelles lois quand la législation
existante permet déjà de lutter contre les fausses informations ? Je vous
rappelle que l’article 27 de la loi sur la liberté de la presse de 1881,
condamne « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque
moyen que ce soit, de fausses nouvelles, de pièces fabriquées,
falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque,
fait de mauvaise foi, elle aura troublé l’ordre public ou aura été susceptible
de le troubler ». Tout est dit ! Une nouvelle loi permettrait de supprimer
très vite du web certains articles ou sujets, de fermer les comptes des
utilisateurs ou de bloquer l’accès à certains sites. Lorsqu’elle a exposé les
mesures envisagées par le Gouvernement, la ministre de la Culture a
expliqué que la saisie du juge des référés pour faire cesser la diffusion de
fausses nouvelles en période électorale serait assortie de véritables garanties
pour protéger la liberté d’expression. Pour être interdite, il
faudrait par exemple que la nouvelle soit « manifestement
fausse » ou que sa diffusion « soit massive » et
« artificielle ». Mais est-ce à la justice, et surtout au juge des
référés, de juger si une information est vraie ou fausse
? Emmanuel Macron a même évoqué la possibilité
d’une certification – par qui ? – des médias qui respectent les
règles de déontologie… Sous-entendu, ceux qui ne seront pas
« certifiés », « tamponnés » seront, a contrario,
soupçonnés de ne pas respecter la déontologie journalistique… Vous voyez
les abus que cela pourrait entraîner !
La relaxe de Robert Ménard, un
superbe signal d’espoir envers tous ceux qui sont poursuivis par la police de
la pensée antiraciste !
Riposte Laïque : Votre
époux Robert Ménard vient d’être relaxé par la Cour d’Appel de Paris, alors
qu’il avait été condamné par la 17eChambre, pour avoir montré la
réalité du Grand Remplacement à Béziers en publiant d’anciennes photos d’école.
Que pensez-vous de ce verdict ?
Emmanuelle Ménard : Vous
imaginez comme nous avons été heureux d’apprendre cette décision ! Cette
victoire est importante : c’est celle de la vérité, du réel sur une France
fantasmée… Et puis, c’est aussi une sacrée bagarre contre les associations
prétendument « antiracistes » qui vivent de subventions publiques et
qui font des procès à répétition un véritable fonds de commerce. À titre plus
personnel, je sais combien Robert était blessé par ces accusations de racisme (les
plaidoiries des associations étaient vraiment ignobles), lui qui a passé sa vie
à défendre les droits de l’homme et la liberté ! Il a abordé l’appel de ce
procès dans un état d’esprit différent, en refusant de s’excuser puisqu’il
avait sa conscience pour lui. Je pense qu’il a eu raison. Et je dois dire
qu’avec son avocat, Gilles-William Goldnadel, ils ont fait un sacré
tandem ! J’espère maintenant que cette jurisprudence sera confirmée. En
tout cas, c’est un superbe signal d’espoir envers tous ceux qui sont poursuivis
par la police de la pensée antiraciste !
Je reste persuadée que
l’avenir ne réside plus dans les partis politiques
Riposte Laïque : Le Front
national vient de changer de nom. Vous avez souvent, avec votre époux, exprimé
des divergences quant à son orientation et à ce qu’on appelait la
ligne Philippot, appelant plutôt à l’Union des droites. Ce congrès est-il
porteur de l’évolution que vous souhaitiez ?
Emmanuelle Ménard : Si
cela se limite au seul changement de nom, cela ne modifiera pas grand-chose. Si
le nouveau nom s’accompagne d’un changement de ligne, pourquoi pas ? La
proposition de Marine Le Pen de soutenir le candidat LR lors des législatives
partielles à Mayotte est un signe encourageant. Mais je reste persuadée que
l’avenir ne réside plus dans les partis politiques. Les Français s’en sont
détournés et n’y croient plus. C’est flagrant depuis l’élection présidentielle.
À Béziers, nous avons expérimenté depuis plus de quatre ans une nouvelle façon
de faire. Avec des militants de différents partis mais surtout, une majorité de
personnes qui n’appartiennent à aucune formation politique. Et ça fonctionne !
Nous remportons les élections successives et nos idées progressent. Je
suis certaine que cette expérience pourrait être dupliquée ailleurs. Robert
sort d’ailleurs un petit livre, « Pour une droite du réel », en avril
prochain, dans lequel il s’appuie sur son expérience municipale pour nous
rappeler l’absolue nécessité de nous unir si l’on veut vraiment emporter les
élections un jour…
Riposte Laïque :
Souhaitez-vous ajouter quelque chose, Madame le député, chère Emmanuelle ?
Emmanuelle Ménard : Dire
et redire à quel point nous avons besoin de tout le monde pour construire cette
droite d’avenir que nous appelons de nos vœux. Au niveau des idées d’abord, en
menant au quotidien un travail d’information, de persuasion et de conviction,
par le biais de nos médias alternatifs qui mènent un vrai travail de fond et
qu’il nous faut absolument soutenir… Mais au niveau des actes également, chacun
à son niveau, parce que la France est le pays des libertés et qu’elle vaut
d’être défendue, pour nos parents, pour nous-mêmes et surtout, pour nos enfants
et petits-enfants… Le défi vaut d’être relevé !
Propos recueillis par
Pierre Cassen
Publié le 21 mars 2018 -
par Emmanuelle
Menard -
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