Nathalie Bulle et Julien Gautier proposent une série
d'articles et d'extraits présentant la pensée du psychologue et pédagogue russe
Lev Vygotski
(1896-1934), dont les travaux nous semblent essentiels pour aborder les
questions de l'enseignement scolaire.
Vous trouverez en bas de cette
page plusieurs liens vers des extraits de son œuvre majeure, Pensée et langage, ainsi que des
éléments d'analyse de sa pensée.
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Lev Semionovitch Vygotski
est né le 5 novembre 1896 dans la ville d’Orcha, en Biélorussie. Son
instruction primaire lui fut donnée par un tuteur privé, avant son entrée au
gymnasium. Etudiant particulièrement brillant, passionné par les humanités et
les sciences sociales, il s’est inscrit en médecine à l’Université de Moscou en
raison de la fermeture des carrières officielles, comme le professorat, aux
étudiants juifs. Il a rapidement bifurqué vers le droit, tout en suivant
parallèlement des cours d’histoire, de philosophie, de littérature et de
psychologie. Diplômé en 1917, Vygotski a rejoint Gomel, la ville où il avait
grandi et où se trouvait sa famille. Il a animé à l’Institut de pédagogie un
laboratoire consacré à la petite enfance et enseigné des sujets aussi
différents que la littérature, la logique, la psychologie, ou l’histoire de
l’art.
Vygotski
acheva son premier grand projet de recherche en 1925, La
psychologie de l’art, thèse qu’il soutint à l’Institut de Psychologie
de Moscou. Son sujet, relatif aux formes élevées de la conscience humaine, est
révélateur de sa conception de la psychologie. Elle dominera son œuvre. La
psychologie de Vygotski est une science de la conscience. Elle place les
fonctions psychiques supérieures au premier plan. La pensée humaine ne peut
être appréhendée comme simple développement des fonctions psychiques
élémentaires. Elle marque une rupture qualitative avec les formes de
développement d’origine biologique. Dans cette perspective, la psychologie de
Vygotski met au jour le rôle joué par les « outils psychologiques »
médiateurs de la pensée, d’origine sociale. Ces outils (signes, concepts,
système numérique etc.) ont été créés par les sociétés dans le cours de
l’histoire humaine et sont transmis notamment par l’école. Vygotski s’attache
ainsi tout particulièrement au rôle joué par l’enseignement formel dans le
développement intellectuel de l’enfant.
L’importance cruciale
pour la formation de l’homme des outils de pensée socialement constitués représente, dans le contexte
révolutionnaire russe, une forme d’extension de la pensée marxiste à la
psychologie. L’outil chez Engels est le moyen par lequel l’homme transforme la
nature et, ce-faisant, se transforme lui-même. La médiation culturelle des
processus cognitifs sous-tend chez Vygotski
l’avènement de l’homme lui-même. Le psychologue russe est néanmoins proche du
Durkheim des Formes élémentaires de la
vie religieuse (1912) où les instruments de pensée « que les groupes
humains ont laborieusement forgés au cours des siècles et où ils ont accumulé
le meilleur de leur capital intellectuel », sont les éléments structurant
de la pensée logique et abstraite. En ouvrant cette voie de recherche, Vygotski
a créé l’école historico-culturelle en psychologie.
C’est lors d’une
conférence donnée au second Congrès panrusse de psycho-neurologie à Leningrad
en 1924 que Vygotski se fit connaître en s’élevant contre le courant de
réflexologie alors puissant en Union soviétique. Il y défendit, avec les
concepts mêmes de ce courant matérialiste de psychologie objective, l’impossibilité
pour la psychologie d’ignorer les faits de conscience. Il fut alors invité
à intégrer l’Institut de psychologie de l’université de Moscou où il
développera une activité intense jusqu’à la fin de sa vie brève, emporté par la
tuberculose, en 1934.
Son génie, sa
créativité et l’abondance de ses travaux, lui vaudront d’être qualifié de
« Mozart de la psychologie » par Stephen Toulmin, mais aussi le
sentiment de beauté qu’inspire son œuvre. Lecteur fervent des penseurs russes
comme européens, psychologie, philosophie, sociologie et politique nourrissent
une pensée alliant clarté logique et profondeur humaine. Parmi ses nombreux
ouvrages, Signification historique de la
crise de la psychologie, Défectologie
et déficience mentale, Histoire du
développement des fonctions psychiques supérieures, Théorie des émotions, Pensée
et Langage (1933-34) représente une grande œuvre synthétique qui
couronne ses travaux sur le développement intellectuel.
Dès 1936 et pendant
vingt années, à la suite d’un décret sur la pédologie, discipline qui proposait
une approche scientifique pluridisciplinaire de l’enfant, les œuvres de
Vygotski furent interdites en Union soviétique alors sous la domination
stalinienne. La pédologie fut accusée d’antimarxisme pour ses inspirations
étrangères comme pour l’utilisation abusive de tests psychologiques. Cette
utilisation était critiquée aussi bien par Vygotski, mais l’éclectisme par trop
occidental de son œuvre, et ses thèses par trop librement inspirées du
marxisme, les rendaient suspectes pour le pouvoir en place. Elles restèrent
ignorées en Occident, jusqu’à leur redécouverte dans les années 1960, après la
traduction de Pensée
et langage en anglais en 1962.
Achevons cette brève
introduction en invitant à une approche directe de Vygotski car les lectures de
Vygotski sont diverses et bien souvent éloignées du cœur des thèses du grand
psychologue russe.
Nathalie Bulle
source : http://skhole.fr/s%C3%A9rie-lev-vygotski
La conscience, la parole et la "zone proximale" : réflexions sur la théorie de Vygotsky, par Jérôme Seymour BRUNER
- Lev Vygotski - extrait - La zone prochaine de développement
- Lev Vygotski - extrait - L'apprentissage de la grammaire
- Lev Vygotski - extrait - Langage écrit et réflexivité de la pensée
- Lev Vygotski - extrait - Concepts spontanés et concepts scientifiques
- Lev Vygotski - extrait - Dynamique du développement
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- Lev Vygotski - extrait - Langue étrangère et langue maternelle