I. — L’écolier de France arrive en
classe pourvu d’un vocabulaire français déjà riche. Chaque mot lu —pour peu que
le syllabaire ait été judicieusement composé — éveille en son esprit une pensée
ou un souvenir. Il s’émerveille de constater que, très vite, les petits signes
noirs du livre de lecture se transforment pour lui en réalités vivantes. Cette connaissance
du vocabulaire facilite évidemment la tâche du maître ; elle rend l’enseignement
de la lecture moins ingrat ; elle permet à l’enfant de deviner, grâce au sens,
telle ou telle syllabe dont l’étude exigerait, sans le secours de cette
intuition, des efforts considérables.
Beaucoup de petits
Africains, au contraire, ne connaissent bien souvent pas un seul mot français
quand, pour la première fois, ils viennent s’asseoir sur les bancs de l’école.
Si l’on n’y prend garde, le mot lu n’est pour eux qu’un son qui n’évoque aucun
souvenir, ne suggère aucune image. L’exercice de lecture leur paraît dès lors
fastidieux, insipide, parce que dénué de tout intérêt pratique immédiat.
Il faut que l’enfant comprenne aussi complètement que
possible ce qu’il lit, tel
est le premier principe qui doit présider à la rédaction d’un syllabaire.
Mais la progression du
cours de lecture et la progression du cours de langage sont divergentes. Les
faire coïncider est une entreprise impossible. Nous avons essayé de tourner la
difficulté : 1° en n’employant dans le présent syllabaire que des mots figurant
au cours de langage ou correspondant à des objets qui peuvent facilement être
montrés aux élèves ; 2° en composant des phrases exprimant des actions que l’élève
peut exécuter ou mimer aisément ; 3° en introduisant dès que possible des «
lectures courantes » qui sont à la fois des révisions du cours de lecture et
des applications des leçons de langage faites pendant les semaines précédentes.
En d’autres termes, nous
avons voulu que les deux enseignements : lecture et langage se prêtent un
mutuel appui. Syllabaire et livre de langage sont, dans cette méthode, absolument
inséparables. La lecture, au lieu d’être un exercice machinal, purement
mécanique, fait ainsi appel à l’intelligence, à la réflexion, puisqu’elle exige
un incessant effort de compréhension ; elle renforce les notions étudiées
pendant la leçon de langage en ajoutant au souvenir auditif du mot entendu le
souvenir visuel du mot (la mémoire visuelle est très développée chez l’élève
africain). D’autre part, les mots lus, correspondant à des objets qui ont été
vus et palpés, ou à des actions qui ont été exécutées, ne sont plus des
expressions vides de sens : ils sont riches de « substantifique moelle ».
L’enseignement du français ne peut que tirer un bénéfice considérable de cette
convergence des efforts.
II. —
Nous avons également voulu faire simple.
Chacune des leçons du syllabaire ne contient qu’une seule difficulté nouvelle.
Exemple : nous avons soigneusement écarté de l’étude des voyelles et consonnes
simples les syllabes inverses (or, ar, ac, is, il etc.) et les articulations
composées (br, cr, bl, pl, etc.) qui gênent les enfants et les rebutent quand
elles sont abordées trop tôt.
III. — Nous nous sommes efforcé de faciliter la tâche du
maître : 1° en donnant après chacune des premières leçons quelques
conseils et indications d’ordre pédagogique ; 2° en fixant la répartition
hebdomadaire du cours de lecture.
IV. — Nous avons évité
toute improvisation hâtive. Le syllabaire a été mis à l’essai dans une dizaine
d’écoles, puis rectifié à plusieurs reprises, l’épreuve de la pratique ayant
fait ressortir un certain nombre d’imperfections.
Ce petit ouvrage ne
prétend d’ailleurs aucunement être une innovation. Nous avons simplement essayé
de concilier, puis d’adapter aux écoles africaines des méthodes en usage dans
les écoles de France et dont la valeur a été reconnue par les instituteurs.
Directions
pédagogiques
La plupart des élèves
sont capables de lire le livre entier à la fin d’une seule année scolaire.
Mais, pour les moins habiles, deux années d’études sont nécessaires. Au cours
de la première année on lit les syllabes, les mots, les phrases, et les
meilleurs sujets abordent la lecture courante. Au cours de la seconde année, on
relit syllabes, mots, phrases, et, si la méthode a été bien suivie, tous les
retardataires doivent lire le livre en entier. A ce moment d’ailleurs, le cours
de langage de l’année précédente permet à ces retardataires de comprendre
parfaitement tout ce qu’ils lisent.
Les résultats que nous
avons obtenus par cette méthode sont des plus encourageants : dans une classe
comptant 80 élèves, âgés de 5 à 7 ans, tous nouvellement recrutés, c’est-à-dire
ne connaissant ni une lettre ni un seul mot français, un jeune maître, qui a
suivi scrupuleusement les indications données dans le présent ouvrage, est
parvenu à faire lire presque couramment au bout de 6 mois 75 enfants. La
proportion est magnifique. Ces mêmes enfants pouvaient, à la fin de ces six
mois, écrire sous la dictée des phrases entières comme « fabilé a du bon savon
; fabilé lave son pantalon » et tenir une petite conversation en français sur
les sujets étudiés en langage[1].
Soyons donc optimistes.
Disons-nous bien qu’un élève qui lit sans peine lit avec plaisir, et que, dès
lors, il apprend rapidement le français.
Mais n’oublions pas qu’un livre n’est qu’un
outil, et que l’excellence du travail accompli dépend moins de la valeur de l’outil,
que de l’habileté de l’ouvrier.
Directions pédagogiques (suite)
[1] André Davesne, Le français élémentaire. Nouveau cours de langage pour les classes de débutants des écoles africaines. Livre du maître. Paris, Librairie Istra (1956).
Avertissement
« Mamadou et Bineta apprennent à lire et à écrire » se substitue au « Nouveau syllabaire de
Mamadou et Bineta ».
Nous avons voulu que ce
manuel pour l’apprentissage de la lecture fût plus avenant que le précédent et
d’un emploi plus agréable : les pages sont moins compactes; les illustrations
sont beaucoup plus nombreuses et imprimées en deux couleurs.
Nous avons augmenté la
longueur des textes afin que l’élève puisse s’exercer suffisamment à l’étude de
chaque difficulté.
Par contre nous avons
supprimé certaines des indications à l’usage du maître qui accompagnaient
chaque leçon dans le précédent ouvrage. Depuis la parution du « Nouveau syllabaire », les maîtres des écoles africaines ont considérablement amélioré
leur technique. Le rôle du manuel doit être désormais de faciliter leur tâche
en les guidant dans leur travail, mais en leur laissant une large initiative.
Voir aussi :
Mamadou et Bineta
Méthode globale contre Méthode syllabique : une querelle vaine
Dessin sur quadrillage - Cours préparatoire
Table des matières
Avant-propos et directions pédagogiques
|
2
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||
3
|
|||
5
|
|||
6
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1re
partie – Les voyelles :
|
|||
- i
|
7
|
||
- u
|
8
|
||
- o
|
9
|
||
- a
|
10
|
||
- e é
|
11
|
||
- è ê
|
12
|
||
Révision
|
13
|
||
2e
partie – Les consonnes :
|
|||
14
|
et
|
15
|
|
- t
|
16
|
et
|
17
|
- p
|
18
|
et
|
19
|
- n
|
20
|
et
|
21
|
- l
|
22
|
et
|
23
|
- d
|
24
|
et
|
25
|
- v
|
26
|
et
|
27
|
- m
|
28
|
et
|
29
|
- r
|
30
|
et
|
31
|
- b
|
32
|
et
|
33
|
Révision : ali a bu du dolo
|
34
|
||
Moriba va à l’école
|
35
|
||
- f
|
36
|
et
|
37
|
- s
|
38
|
et
|
39
|
- c
|
40
|
et
|
41
|
- g
|
42
|
et
|
43
|
- j
|
44
|
||
- k
|
45
|
||
- h
|
46
|
||
- x z y
|
47
|
||
Révision :
|
48
|
||
à l’école
|
49
|
||
l’hyène
|
50
|
||
le vélo de hamadi
|
51
|
||
3e
partie – Les diphtongues.
Méthode à employer
|
53
|
||
- ou
|
54
|
et
|
55
|
- eu
|
56
|
et
|
57
|
- oi
|
58
|
et
|
59
|
- an, en
|
60
|
et
|
61
|
- in, ein, ain
|
62
|
et
|
63
|
- on
|
64
|
et
|
65
|
- ai, ei
|
66
|
et
|
67
|
- au, eau
|
68
|
et
|
69
|
- er, ed, ez
|
70
|
et
|
71
|
- et, es, est
|
71
|
et
|
73
|
Révision
|
74
|
et
|
75
|
4e
partie – Les majuscules
|
76
|
à
|
79
|
5e
partie – Les articulations composées
|
|||
- bl, cl
|
80
|
et
|
81
|
- br, cr
|
82
|
et
|
83
|
- ch
|
84
|
et
|
85
|
- gn
|
86
|
et
|
87
|
- qu
|
88
|
et
|
89
|
- gu
|
90
|
et
|
91
|
6e
partie – Syllabes inverses. Méthode
à employer
|
92
|
||
- ac, ar
|
93
|
||
- Révision
|
94
|
et
|
95
|
- eur, oir
|
96
|
et
|
97
|
- ec, er, es
|
98
|
et
|
99
|
7e
partie – Les équivalences et les sons liés
|
|||
- c = s
|
100
|
et
|
101
|
- s = z
|
102
|
et
|
103
|
- g = j
|
104
|
et
|
105
|
- ié, iou, ieu
|
106
|
et
|
107
|
- ien, oin
|
108
|
et
|
109
|
- ill
|
110
|
et
|
111
|
- ail, eil, euil
|
112
|
et
|
113
|
- tion = sion
|
114
|
||
- y = ii
|
115
|
||
8e
partie – Les lettres nulles
|
116
|
||
- ph = f
|
117
|
à
|
119
|
Révision générale – Lecture
courante
|
120
|
à
|
123
|
https://3.bp.blogspot.com/-rutavRV3tBU/VbARPaOBoQI/AAAAAAAB4aA/ypA1gJxG8hQ/s1600/Mamadou%2Bet%2BBineta%2Blisent%2Bet%2B%25C3%25A9crivent%2Bcouramment_0101.jpg
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