Natacha Polony : «Macron et l'amnésie bienveillante des médias»
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/06/23/31001-20170623ARTFIG00314-natacha-polony-macron-et-l-amnesie-bienveillante-des-medias.php
CHRONIQUE - Ceux qui croyaient que le rôle des médias dans
le débat démocratique est de mettre en perspective, de donner les éléments
intellectuels et factuels qui permettent de percer la surface des événements,
sont de doux utopistes.
Ne sentez-vous pas cet air nouveau, cette fraîcheur qui fait
de la France un pays désirable et plein d'élan? Les commentateurs, cette
semaine, rivalisaient d'originalité. On vante son «pouvoir d'attraction», cette
façon de «secouer une torpeur». Tel ancien ministre de l'Économie semble nous
dire, comme Jack Lang en mai 1981, que «la France est passée de l'ombre à la
lumière». L'Europe aussi. Oui, même l'Europe, depuis Macron, «pense printemps».
Ceux qui croyaient que le rôle des médias dans le débat
démocratique est de mettre en perspective, de donner les éléments intellectuels
et factuels qui permettent de percer la surface des événements, sont de doux
utopistes. Intelligence: du latin inter-ligere : relier les choses entre elles
(l'imbécile dit «je ne vois pas le rapport»). Mais il y a longtemps qu'on
n'exige plus le latin dans le cursus honorum du commentateur professionnel. ...
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Islam et République : le décryptage du discours de Macron au
CFCM
Par Eloi Thiboud
Publié le 23/06/2017 à 20:18
FIGAROVOX/ENTRETIEN - « Personne ne peut faire croire que
l'islam n'est pas compatible avec la République », a déclaré Emmanuel Macron
devant devant le Conseil français du culte musulman. Pour Annie Laurent , des
contradiction entre l'islam et la République existent bel et bien.
Journaliste et docteur d'État en science politique, Annie
LAURENT a été nommée experte par Benoît XVI, au synode spécial des évêques pour
le Moyen-Orient, qui s'est tenu à Rome en octobre 2010. Elle a créé
l'association Clarifier qui vise à éclairer les réalités de l'Islam, son
dernier article traitant la question des imams. Elle vient de publier L'Islam
pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore)
(éd.Artège, 2017).
FIGAROVOX. - À l'occasion du repas de clôture du jeûne du
Ramadan (Iftar), Emmanuel Macron a prononcé ce mardi un discours devant le CFCM
(Conseil français du culte musulman), dix ans après Nicolas Sarkozy. Il a
notamment affirmé que «personne ne pouvait faire croire que l'islam n'était pas
compatible avec la République». Qu'en pensez-vous?
Annie LAURENT. - Pour les musulmans, les principes
d'organisation sociale et politique sont d‘ordre divin. Ils s'appuient sur deux
sources principales: le Coran et la Sunna (la tradition mahométane). On voit
bien la discordance avec le modèle démocratique lorsqu'on considère notre
devise nationale: «Liberté, Égalité, Fraternité». Sur la question des libertés :
pour nous, Français, la liberté est universelle et également partagée. Dans
l'islam, il n'y a de libertés que restreintes: ainsi en est-il, par exemple, de
la liberté de conscience, qui est inexistante. Par conséquent, un musulman ne
peut être reconnu comme athée ou se convertir à une autre religion. À cet
égard, il faut souligner que, tout en interdisant l'apostasie, le Coran ne
prévoit aucune peine temporelle pour punir celui qui s'en rend coupable. Le
droit islamique s'appuie donc sur une sentence attribuée à Mahomet: «Celui qui
quitte la religion, tuez-le». Dans ce registre, la Charia fait figure de Code
pénal pour les musulmans. Dès lors, si une Constitution proclame la Charia
comme source du droit, rien n'empêche un magistrat saisi d'une telle affaire de
prononcer la peine de mort.
Pour revenir au contexte français, lorsque dans les
années 1990, alors que les négociations étaient entamées entre le gouvernement
et des responsables musulmans en vue de l'organisation du culte islamique, le
ministre de l'intérieur de l'époque, Jean-Pierre Chevènement, avait proposé à
ces derniers une charte contenant notamment une clause par laquelle ils
s'engageraient à respecter la liberté de conscience, y compris le droit de renoncer
à l'islam. Or, sous la pression de certains mouvements, notamment les
islamistes Frères musulmans, le ministère retira cette clause de la charte. Il
justifia cette reculade en rappelant que la Constitution française garantit
déjà la liberté religieuse. Ce faisant, il ignorait que pour les musulmans
convaincus la Charia est supérieure à toute loi humaine, donc à celle de la
République. Cet exemple permet de prendre la mesure de l'incompatibilité entre
nos principes respectifs.
Concernant l'égalité, le Coran instaure la
supériorité du musulman sur le non-musulman et l'homme sur la femme. Ces
principes ne sont pas discutables puisqu'ils relèvent de l'arbitraire divin.
Autrement dit, ils ne peuvent être sujets à modification. On perçoit
immédiatement les problèmes que cela peut poser dans la vie sociale. Certes,
l'islam reconnaît le principe de «fraternité», mais il ne s'applique qu'au sein
de l'Oumma, la communauté des croyants musulmans. C'est pourquoi un musulman
peut se sentir d'abord citoyen de l'Oumma avant d'être citoyen de son propre
pays si celui-ci n'est pas régi par l'islam. Il en résulte une grande
divergence avec les fondements démocratiques. Il faut ajouter que l'islam
ignore le concept de «personne». D'origine biblique, celui-ci confère à tout
être humain une dignité inviolable et inaliénable, puisque, selon la Genèse,
Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance. Il s'agit là d'un
fondement ontologique, qui est l'un des piliers structurants de notre société.
Or, le Coran occulte cette mention, instaurant une distance infranchissable
entre Dieu et ses créatures humaines. De tout cela résulte le fait que, dans
l'islam, l'individu a des devoirs ; quant à ses droits, ils ne sont que ceux
que Dieu veut bien lui donner. L'islam accorde donc la primauté au juridique,
d'où la prépondérance, pour certains de nos compatriotes musulmans, de la
Charia sur le droit français.
Le Président de la République a insisté à plusieurs reprises
sur le rôle que doivent assumer les organisations musulmanes de France dans la
lutte contre le terrorisme et les prédicateurs salafistes, qui prêchent «ce qui
est contraire au cœur de l'islam». Les extrémismes auxquels la France est
confrontée trahissent-ils le véritable islam?
Il faut d'abord signaler qu'il existe mille et une
interprétations des textes sacrés de l'islam. Cette religion, sans sa version
sunnite, ultra-majoritaire et la seule concernée par les débats en France, ne
possède pas d'autorité dotée d'un pouvoir d'interprétation revêtu du sceau de
l'authenticité. Autrement dit, il n'y a pas de pape de l'islam habilité à
trancher et à imposer sa lecture, ce qui permettrait, par la même occasion, aux
non-musulmans de savoir ce qui est conforme à l'interprétation officielle. En
outre, les Français musulmans ne sont pas unis, du fait de la variété de leurs
origines et de leurs différences idéologiques. Ainsi l'islam des Turcs n'est
pas celui des Maghrébins, le salafisme diffère des Frères musulmans, etc. C'est
pourquoi je ne vois pas comment le président de la République ou un autre
responsable politique peut dire de façon certaine ce qui constitue «le cœur de
l'Islam». À quel titre la République peut-elle se prononcer sur une telle
définition? Et comment concilier de tels propos avec la laïcité propre à
l'État? En réalité, l'unique moyen d'en finir avec l'extrémisme serait de
supprimer les passages du Coran et de la Sunna justifiant la violence et les
atteintes aux libertés. Car, qu'on l'admette ou pas, ces textes sacrés
comportent bien des incitations à la haine. Or, pour les musulmans, le Coran
est un livre incréé ayant Dieu pour seul auteur. Ce dogme prévaut depuis le IXè
siècle. Aucune autorité humaine ne peut donc prétendre le modifier. Ce n'est
pas le cas de la Bible puisqu'elle est inspirée, non dictée. Même les intellectuels
musulmans engagés dans la promotion d'un islam adapté à la modernité ne
reviennent pas sur ce dogme. L'absence de magistère et le caractère incréé du
Coran sont deux obstacles structurels qui empêchent toute évolution dans le
sens d'une interprétation unique et authentique.
Emmanuel Macron a aussi mentionné le rôle des imams et des
organisations régionales, comme les CRCM. Pour lui, il est impropre de faire
des analogies entre l'islam et les autres religions en ce qui concerne les
ministres du culte. Dans quelle mesure l'islam est-elle une religion
décentralisée, et quel est le rôle exact d'un imam?
Emmanuel Macron a raison, l'imam ne peut être assimilé à un
prêtre. L'islam ignorant le principe de médiation entre Dieu et l'homme, il n'a
ni sacerdoce ni sacrements. Son rôle consiste à diriger la prière et d'assurer
la prédication du vendredi. Celle-ci ne se limite pas au domaine religieux
puisque dans l'islam le temporel et le spirituel sont mêlés, elle peut
comporter des aspects relatifs par exemple à la politique, aux relations avec
les non-musulmans, aux rapports hommes-femmes… L'imam n'a pas pour mission
d'assurer un accompagnement spirituel, c'est pourquoi son rôle se limite
souvent à veiller à l'observance des rites ou des interdits alimentaires.
Ainsi, l'imam ne peut être tenu responsable des actions de ses fidèles. La
difficulté est accrue si l'on sait qu'une partie des imams officiant en France
ne parle pas français. Dans son discours, Emmanuel Macron a vanté la création
par l'État d'une aumônerie musulmane. Il s'agissait de montrer que l'État
français accorde le même traitement à toutes les religions présentes chez nous.
Or, l'aumônier n'existe pas dans la tradition islamique. Je pense qu'il s'agit
là d'une erreur puisque, comme je l'ai souligné, il n'y a pas de médiation
entre Dieu et l'homme dans l'islam. Bien sûr, les responsables musulmans
peuvent faire preuve de bonne volonté. Ainsi, en mars dernier, le CFCM a
produit une «charte de l'imam» qui comporte des mesures bienvenues tels que
l'attachement à la laïcité, à la liberté, au dialogue interreligieux et le
rejet de toute justification de la violence au nom de Dieu. Le CFCM a demandé à
toutes les instances représentatives de l'islam en France et aux mosquées
d'adhérer à cette charte… mais celle-ci a immédiatement été rejetée par la
majorité d'entre elles. Encore une fois ces initiatives ont trouvé leurs
limites face à l'absence d'autorité réellement représentative de l'islam.
Le Président de la République souhaite que l'État puisse
participer à la formation des imams. Est-ce possible, selon vous?
Il faut être d'une intransigeance absolue quand il s'agit de
sécurité publique et ne pas hésiter à aller jusqu'à des mesures d'expulsions.
La demande est légitime mais sa réalisation pose
d'importantes questions. En effet, comment la République laïque envisage-t-elle
d'intervenir dans ce domaine? Qui va trancher les difficultés liées à
l'interprétation des dogmes et des textes sacrés? Comment gérer les divergences
idéologiques? En fait, qui va contrôler l'enseignement dispensé dans les
instituts de formation d'imams? Je ne vois pas de réponse pertinente à ces
questions. Imagine-t-on voir un jour la République laïque s'immiscer dans les
programmes des séminaires de l'Église catholique, interdire l'enseignement de
la loi naturelle (je pense notamment au mariage et à la filiation)? Concernant
l'islam, il existe déjà des Instituts de formation d'imams, dont certains sont
gérés par l'UOIF, association qui, à bien des égards, ne transmet pas des
valeurs compatibles avec la démocratie. Mais il est vrai que la question de la
formation des imams est pertinente si l'on considère les préoccupations liées à
la sécurité publique. Il me semble que l'État devrait mettre fermement les
représentants officiels de l'islam face à leurs responsabilités. En cas de
violences ou de discours haineux prononcés dans les mosquées en référence au
Coran et à la Sunna, ceux-ci devraient pouvoir être poursuivis pour complicité
avec les imams dangereux. L'État devrait aussi imposer la langue française lors
de prêches et interdire tous financements étrangers des mosquées et
associations. Il faut être d'une intransigeance absolue quand il s'agit de
sécurité publique et ne pas hésiter à aller jusqu'à des mesures d'expulsions.
Enfin, en se mêlant de l'organisation de l'islam en France, je crains que
l'État ne contribue, sans doute malgré lui et tout en dénonçant le communautarisme,
à confessionnaliser les musulmans, alors que, selon la Constitution de notre
pays, ceux-ci sont d'abord des citoyens avant d'être chrétiens, musulmans,
juifs ou autres. On risque donner à l'islam le statut de religion d'État comme
le regrettait feu le cardinal Lustiger.
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