7 juin 2017

Justice, terrorisme et lutte contre l'islamisme radical

«Livre noir» : les procureurs dénoncent une «clochardisation» de la justice (04.07.2017)


«Livre noir» : les procureurs dénoncent une «clochardisation» de la justice (04.07.2017)
Par Renaud Lecadre — 4 juillet 2017 à 19:42

Le parquet milite pour son indépendance vis-à-vis du gouvernement et met Emmanuel Macron au pied du mur.

Les procs ne sont pas contents et le font savoir. Dans un «livre noir du ministère public» dévoilé ce mardi, cahier de doléances et de propositions, ils mettent bigrement les pieds dans le plat. Sur la misère de leurs moyens humains : en France, les membres du parquet sont quatre fois inférieurs à la moyenne européenne, pour des missions deux fois supérieures en nombre – engorgement garanti. Sur la pauvreté ou l'obsolescence de leurs moyens matériels – d'où un «retard incompréhensible de la justice en matière informatique». Bref, la justice française serait digne d'un pays du tiers monde, «sinistrée, clochardisée».


A les lire, la problématique n'est pas que budgétaire ou corporatiste, quoique l'Allemagne consacre deux fois plus d'argent (par habitant) que la France au fonctionnement de son système judiciaire. La crise judiciaire serait aussi liée à une «hyperinflation normative, législative ou jurisprudentielle». Depuis un quart de siècle, le code de procédure pénale a triplé de volume (de 849 à 2 791 pages), tandis que les directives des ministres successifs de la Justice adressées aux parquets ont été multipliées par cinq (une centaine par an). En cause également, un Parlement enquillant par populisme les lois au moindre fait divers «sans la moindre attention pour leur condition concrète de mise en oeuvre et de coût sur le terrain.» Et puis enfin cette «pénalisation à outrance de nombreux comportements, solution commode à l'incapacité des administrations publiques à faire respecter les normes», contribuant à engorger un peu plus les tribunaux.

Poussière sous le tapis

Bref, la marmite serait sur le point d'exploser. «Malgré une volonté de bien faire, chacun est navré de ne pouvoir traiter chaque affaire particulière avec le soin qu'elle mériterait.» En 2015, les magistrats du parquet ont eu à traiter plus de 4,2 millions d'affaires (dont seulement un tiers finiront un jour devant un tribunal). Dans certains tribunaux, un seul procureur a en charge plus de 1 000 dossiers –impossible à traiter correctement, sauf à gagner du temps en glissant la poussière sous le tapis, au désespoir ou à l'exaspération des justiciables.

Ce coup de gueule des procureurs, parfaitement documenté et circonstancié, n'élude pas la question qui fâche même s'il n'en fait pas de prime abord une affaire de principe : l'indépendance du parquet, sous la tutelle formelle du Garde des Sceaux, au risque de voir la France se faire régulièrement critiquer par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Sur ce serpent de mer, le «livre noir» de la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) avance à pas de loup, ou avec une pudeur de jeune fille. Pointant l'absence de «majorité qualifiée pour une réforme», tout en relevant qu'elle «semble voir le jour» après l'élection d'Emmannuel Macron à l'Elysée, il suggère une «solution médiane» à défaut d'un grand soir constitutionnel : aligner le régime de nomination et la procédure disciplinaire des membres du parquet sur celui des magistrats du siège. En résumé, confier les clés du camions au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont l'avis n'est que facultatif s'agissant des parquetiers, le dernier mot relevant du ministère de la Justice. Et de suggérer d'ajouter benoitement le terme «avis conforme» dans les statuts du CSM.

Question de constitutionnalité

Car pour le grand soir, promis par François Bayrou et Emmanuel Macron sans véritable engagement formel à ce jour, c'est l'Union syndicale des magistrats qui s'y colle. Regroupant magistrats du siège comme du parquet, l'USM a déposé début juin une très pertinente question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil d'Etat : «L'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 est-il contraire à l'article 64 de la constitution ainsi qu'au principe de séparation des pouvoirs affirmé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 ?»

Pour mémoire, l'article 5 en question proclame que «les magistrats du parquet sont placés sous la direction et l'autorité du Garde des Sceaux». Depuis, la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel a eu maintes fois l'occasion de proclamer «l'indépendance de l'autorité judiciaire, à laquelle appartiennent les magistrats du parquet.» Il y a là un hiatus auquel il serait enfin temps de mettre un terme.

Saisi en référé de la QPC de l'USM, le Conseil d'Etat vient de renvoyer l'affaire au fond, pour un jugement à l'automne. «Il a botté en touche», grince un responsable syndical. Mais le président Macron est désormais prévenu : si lui-même ne passe pas volontairement aux actes à la rentrée, la justice administrative pourrait bientôt l'y contraindre… Libre à lui de choisir son calendrier.


Le livre noir des procureurs sur la justice en France (04.07.2017)
Par Paule Gonzales Mis à jour le 04/07/2017 à 19:40 Publié le 04/07/2017 à 19:29
Conférence de presse de onze procureurs de la République, autour du procureur de Lyon, Marc Cimamonti, mardi, au Palais de justice de Paris.

La Conférence nationale des procureurs a rendu public un état des lieux alarmant qui dénonce la béance des effectifs et une organisation kafkaïenne.


Un coup de semonce que la nouvelle garde des Sceaux, Nicole Belloubet, aurait tort d'ignorer. La Conférence nationale des procureurs a rendu public ce mardi un livre noir sur la justice. Un état des lieux sans concession de quarante pages. Bras armé de la politique pénale, le ministère public, qui ne représente que «25 % des effectifs du corps judiciaire mais traite, seul, 70 % des affaires pénales», doit non seulement faire face à des béances d'effectifs et à un manque de moyens terrifiant, mais aussi affronter une organisation kafkaïenne. «En 2016, le taux d'inoccupation des postes peut être fixé à 20 % et a pu atteindre dans certaines juridictions jusqu'à 50 %», constate le livre noir. «Les procureurs de la République déplorent que leur politique pénale locale soit au moins autant ...

Terrorisme : la peur des magistrats (19.01.2017)
Depuis quelques mois, certains de ceux qui traitent ces affaires ont demandé que leur nom ne soit plus cité dans les comptes rendus d’audience écrits ou réalisés par les journalistes.

LE MONDE | 19.01.2017 à 11h03 • Mis à jour le 20.01.2017 à 07h49 | Par Jean-Baptiste Jacquin

A Paris le 16 janvier.
A Paris le 16 janvier.

Les magistrats sont des citoyens comme tout le monde, et à eux aussi, le terrorisme fait peur. Depuis quelques mois, certains de ceux qui traitent ces affaires ont demandé que leur nom ne soit plus cité dans les comptes rendus d’audience écrits ou réalisés par les journalistes. Des magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris, ceux qui portent l’accusation devant la chambre du tribunal correctionnel spécialisée dans le terrorisme, l’ont ainsi fait savoir directement auprès de journalistes ou par le biais de l’Association de la presse judiciaire, début janvier. Certains magistrats du siège, ceux qui jugent, se demandent également s’ils ne feraient pas mieux se glisser dans l’anonymat, à l’abri de leur robe.

« C’est la République qui recule »

« A quoi bon exposer inutilement des magistrats », plaide Catherine Champrenault, procureure générale à la cour d’appel de Paris. Selon elle, aucune consigne n’a été donnée au sein du parquet où chaque procureur, vice-procureur ou substitut est libre d’exprimer ce souhait d’anonymat. Depuis l’attentat de Magnanville en juin 2016, où un policier et sa compagne également fonctionnaire dans un commissariat ont été sauvagement tués chez eux, la peur de représailles ciblées a gagné. Dans la police d’abord. Dans la justice aussi. Certaines enquêtes ouvertes depuis accréditent ce risque de magistrats identifiés parmi les cibles envisagées par des individus liés au terrorisme.

« C’est la justice et donc la République qui recule face au terrorisme », dénonce un haut magistrat parisien… qui préfère rester anonyme de peur de s’attirer les foudres, qui ne sauraient pourtant être que verbales, de ses collègues.

La question de cet anonymat divise d’autant plus qu’il gagne d’autres maillons de la chaîne judiciaire. Le projet de loi gouvernemental réformant la légitime défense des policiers, voté mercredi 18 janvier par la commission des lois du Sénat, prévoit également d’étendre la possibilité...


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