Tchétchénie: les persécutions contre les homosexuels ont repris (30.06.2017)
http://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/Tch%C3%A9tch%C3%A9nie/146168
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Amina Okouïeva et Adam Osmaïev,
Donbass badass (03.07.2017)
http://www.liberation.fr/planete/2017/07/03/amina-okouieva-et-adam-osmaiev-donbass-badass_1581277
Par Pierre Sautreuil — 3 juillet
2017 à 17:06
.
. Photo Niels Ackermann. Lundi 13
pour Libération.
Rescapés d’une tentative
d’assassinat par un faux journaliste du «Monde», ces Tchétchènes combattent la
Russie en Ukraine.
Amina Okouïeva et Adam Osmaïev, Donbass badass
Quand il parle de l’homme qui lui
a tiré dans le poumon, Adam Osmaïev, 36 ans, ne peut s’empêcher de sourire. «Je
n’ai rien de bon à dire à son sujet, mais il en fallait de l’audace pour venir
essayer de nous tuer de la manière dont il s’y est pris», raconte-t-il d’un ton
détendu, encadré par deux gardes du corps dans un restaurant de cuisine tatare
de la capitale ukrainienne. «C’est le diable, oui, mais le diable avec des
couilles !» De l’audace, il a dû en falloir à Artur Denisoultanov, bandit
tchétchène soupçonné d’agir pour le compte du président Ramzan Kadyrov, pour
monter un coup pareil : se faire passer pour un journaliste français du journal
le Monde, interviewer plusieurs fois Osmaïev et son épouse, Amina Okouïeva,
endormir leur méfiance, et, à la quatrième interview, dégainer un Glock pour
tenter de les abattre à bout portant dans l’habitacle de sa voiture. Voyant
l’arme, Adam l’attrape par le canon, mais trop tard, les coups partent. La
lutte laisse le temps à Amina de réagir. «Je n’ai eu que quelques secondes,
j’ai sorti mon arme, et je lui ai tiré dessus», dit-elle en tapotant, sous sa
veste cintrée, le pistolet Makarov qui ne la quitte jamais. Touché à quatre
reprises, Denisoultanov est hospitalisé, puis placé en détention. Comment
ont-ils pu se faire duper à ce point, eux que les services secrets ukrainiens
avaient mis en garde contre des attentats en préparation, eux qui ne sortent
plus sans armes ni bandes hémostatiques, et qui, chaque matin, vérifient
qu’aucune bombe n’a été placée sous leur voiture pendant la nuit ? «On avait
des doutes, mais c’était un acteur si phénoménal qu’il a réussi à nous avoir,
en adoptant à la perfection la "persona" du journaliste européen,
vaguement homosexuel, qui parle russe sans jamais se départir d’un léger accent
français», confie Adam Osmaïev, avec dans la voix une pointe d’admiration. La
couverture parfaite, donc, pour approcher des cibles comme eux, que la guerre a
placés sous les projecteurs, et qui mettent leur notoriété au service d’une
cause commune : la lutte, en Ukraine autant qu’en Tchétchénie, contre
«l’impérialisme russe».
Fils d’un riche homme d’affaires
tchétchène tombé en disgrâce après l’arrivée au pouvoir de Ramzan Kadyrov en
2005, Adam Osmaïev dirige depuis 2015 le bataillon Doudaïev, qui rassemble dans
le camp ukrainien de nombreux volontaires venus de Tchétchénie. Au plus fort du
conflit, cette formation financée par des dons privés a rassemblé plus de 200
combattants désireux de continuer à se battre contre la Russie, mais aussi
contre les hommes de Ramzan Kadyrov, déployés aux côtés des séparatistes
prorusses. Lors de sa jeunesse, il a vécu pendant six ans au Royaume-Uni, où il
a fréquenté le Wycliffe College, lycée privé parmi les plus onéreux du pays,
avant d’intégrer l’université de Buckingham. Volubile et rieur, il conserve de
ses années anglaises une forme de détachement ironique, mais s’il arrive que sa
nonchalance passe pour du dilettantisme, c’est seulement parce qu’elle souffre
la comparaison avec la détermination si sérieuse de son épouse. «Elle, c’est
une fanatique de la cause», prévient un ami du couple. Raide sur sa chaise, les
cheveux dissimulés sous un hijab qui fait ressortir ses yeux bleus, Amina
Okouïeva parle avec une assurance froide. Après une enfance passée à Odessa,
Moscou et Grozny, elle a quitté la Tchétchénie à 20 ans pour fuir la guerre.
C’est le choc fondateur. Etablie en Ukraine, elle s’inscrit à l’université de
médecine d’Odessa, dont elle ressort diplômée de chirurgie générale. C’est là
qu’elle se marie en 2009 avec Adam, récemment installé dans la ville portuaire.
Leur vie est de nouveau bouleversée quand il est arrêté en février 2012 et
condamné à la prison au motif discutable qu’il aurait planifié d’assassiner
Vladimir Poutine. Son extradition vers la Russie est empêchée par la Cour
européenne des droits de l’homme. «Je me suis dit qu’il fallait que je me batte
contre ce gouvernement qui a jeté mon mari en prison, pour obtenir une révision
du procès, et peut-être sa libération.»
Lorsque débutent les
manifestations contre le président Ianoukovitch en novembre 2013, Amina quitte
Odessa pour Kiev, afin de participer à l’occupation de Maïdan. Elle y reste
jusqu’à l’aboutissement de la révolution, en février 2014, prend part aux
affrontements contre la police antiémeute, et s’occupe des blessés. Et quand la
guerre éclate dans l’est de l’Ukraine, elle s’engage sans hésiter dans un
bataillon de volontaires ukrainiens pour continuer son combat, les armes à la
main. Est-ce compatible avec le serment d’Hippocrate ? Amina pouffe de rire.
«Je ne l’ai pas prononcé, c’était contre ma religion [musulmane] de jurer sur
les dieux païens.» Elle admet qu’un médecin devrait plutôt sauver des vies que
les prendre, mais elle gère le dilemme éthique en faisant les deux en même
temps : un fusil de sniper dans une main, une pochette de sang dans l’autre.
Le 18 novembre 2014, un tribunal
autorise enfin la libération de son mari. Ensemble, ils rejoignent le bataillon
Doudaïev. Selon toute vraisemblance, la tentative d’assassinat du 1er juin
serait la conséquence de leur participation aux combats, mais aussi de leur
opposition flagrante au président Kadyrov. «Tout le monde sait qu’il pourchasse
ses opposants dans le monde entier», affirme Okouïeva, évoquant les assassinats
d’opposants commis à Dubaï, en Turquie ou encore en Autriche. Reste à savoir
pourquoi le commanditaire de l’assassinat aurait décidé de frapper maintenant,
car le bataillon Doudaïev n’est, depuis 2015, plus que l’ombre de lui-même.
Malgré des demandes répétées, il n’a jamais été intégré aux forces armées
ukrainiennes ni au ministère de l’Intérieur, ce qui le condamne de facto à
l’inactivité. Tout de même, le ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov, a offert
à Amina Okouïeva un cadeau au goût discutable après l’agression : un pistolet
Glock.
La tentative d’assassinat est du
pain bénit pour le gouvernement. Elle permet de rappeler la dimension
transnationale du conflit, à l’heure où l’intérêt de la communauté
internationale pour l’Ukraine est retombé. «Cet incident malheureux va donner
une nouvelle stature à Adam et Amina, à condition bien sûr qu’ils n’oublient pas
ce qu’ils doivent à Avakov, et qu’ils abandonnent toute ambition politique»,
affirme un observateur de la politique ukrainienne. Amina, candidate
malheureuse aux élections locales à Odessa en 2014, contre la majorité
actuelle, parle aujourd’hui d’une erreur : «Je soutiens l’action de notre
gouvernement et je ne pense pas que je saurais me rendre utile en politique.»
Message reçu cinq sur cinq.
1981 Naissance d’Adam Osmaïev à
Grozny (Tchétchénie). 1983 Naissance d’Amina Okouïeva à Odessa (Ukraine). 2009 Mariage
à Odessa. 2012 Incarcération d’Adam Osmaïev. 2014 Rejoignent le bataillon
Doudaïev. 1er juin 2017 Tentative d’assassinat à Kiev.
Tchétchénie: les persécutions contre les homosexuels ont repris (30.06.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 30/06/2017 à 10:13
Publié le 30/06/2017 à 10:06
Les persécutions contre les homosexuels, qui avaient cessé
durant le ramadan, ont repris de plus belle en Tchétchénie depuis la fin de
cette période de jeûne musulman, a affirmé, aujourd'hui, l'ONG Russian LGBT
network (réseau LGBT russe).
"Depuis la fin du ramadan, les détentions ont repris.
Pendant le ramadan, il n'y en avait plus", a déclaré Igor Kochetkov, le
directeur du réseau LGBT russe, dans un entretien avec l'AFP réalisé à Paris,
où il devait être reçu à l'Elysée, au ministère des Affaires étrangères ainsi
qu'au Sénat.
"Des dizaines de personnes nous contactent sur notre
hotline. Ils nous disent qu'on essaie d'accuser les gays sous de fausses
preuves, qui vont du cambriolage au terrorisme. Cela se passe maintenant. C'est
tout récent", s'est-il inquiété.
Selon le journal russe Novaïa Gazeta, plus de cent homosexuels ont été arrêtés ces derniers mois dans cette république russe du Caucase, où les autorités ont incité leurs familles à les tuer pour "laver leur honneur". Toujours selon le journal, au moins deux personnes ont été assassinées par leurs proches et une troisième est décédée des suites d'actes de torture.
Pour le président du réseau LGBT russe, ce sont même
"six gays" qui ont été "tués", alors qu'il chiffre à
"300 à 400" le nombre d'homosexuels tchétchènes à avoir été détenus
et torturés dans des lieux non officiels, comme des écoles abandonnées ou des
garages. Entre "60 et 70" d'entre eux ont été "exfiltrés"
pour leur sécurité dans d'autres provinces russes, dont 14 ont depuis lors été
admis dans des pays étrangers avec "visa humanitaire et asile
garanti", a-t-il affirmé. L'un d'entre eux est arrivé fin mai en France.
"La police tchétchène n'était pas contre les gays.
Elles les faisait chanter. C'était un business stable", a-t-il déclaré.
Mais en février, "il y a eu un ordre du gouvernement tchétchène de mener
des purges systématiques", a accusé Igor Kochetkov.
Mi-avril, le président de cette république russe du Caucase,
Ramzan Kadyrov, a démenti toute arrestation d'homosexuels. Son porte-parole
avait de son côté estimé qu'il ne pouvait y avoir d'exactions contre les gays
puisque ceux-ci "n'existent pas" en Tchétchénie.
LIRE AUSSI:
» La Tchétchénie soupçonnée d'enfermer des homosexuels
Tchétchénie
http://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/Tch%C3%A9tch%C3%A9nie/146168
- Superficie : 16 600 km2
- Population : 1 269 095
hab. (recensement de 2010)
- Capitale : Groznyï
Une terre caucasienne
Le caractère montagneux du pays
dont la frontière méridionale suit la ligne de crête du Grand
Caucase à plus de 4 000 m (point culminant :
4 493 m) prédomine, mais le pays s'ouvre aussi au nord sur les
plaines de la steppe semi-désertique nogay et à l'ouest sur les vallées
agricoles du Terek et
de son affluent, la Sounja, dont le tributaire, l'Argoun,
constitue le cours d'eau principal du pays. D'où une certaine variété de
climats (à dominante continentale), de sols et de couverture végétale ainsi que
de paysages – de la steppe sablonneuse ou herbeuse aux forêts de chênes ou
de conifères et aux alpages selon l'altitude.
Outre une agriculture (céréales,
vergers, élevage) et un artisanat (tissage, dinanderie,
armurerie) traditionnels, le secteur pétrolier et gazier, centré autour des
gisements de Groznyï (1,8 % du pétrole et 0,6 % du gaz russes,
évacués par des tubes vers la Caspienne par Makhatchkala ou
vers la mer Noire par
Touapse), représentait l'essentiel des ressources du pays, avant les guerres
russo-tchétchènes des années 1994-1996 et 1999-2008. Le passage par la
Tchétchénie d'une des voies de transit du pétrole de la Caspienne en fait une
zone stratégique. La Russie met fin à la guerre en 2008. Le conflit de
1999-2008 a fait 100 000 victimes.
Les Tchétchènes constituent
la majorité de la population qui comprend aussi une minorité d'Ingouches (au
S.-O.) avec lesquels ils partagent un islam sunnite
récent (xviiie s.), encadré par des confréries
soufies, et une langue de la famille paléo-caucasique (groupe nakh),
ainsi que divers peuples du Caucase et des Russes arrivés aux diverses étapes
de la conquête et concentrés surtout à Groznyï.
Une longue tradition
d'insoumission
Les ancêtres des Tchétchènes, les
Gargares, font partie du puissant royaume de l'Albanie du Caucase contre
lequel Pompée fit
campagne. Retranchés dans les aouls, les
villages fortifiés des hauteurs inviolables, lors des vagues successives
d'invasion des peuples de la steppe – Huns, Khazars, Mongols, Tatars,
etc. –, les Tchétchènes n'ont jamais été réellement soumis. Mais c'est surtout
face aux Russes et aux colons cosaques,
dont la pénétration commencée au milieu du xvie s.
s'accentue à la fin du xviiie s., qu'ils font la
démonstration de leur capacité de résistance. Au terme d'une implacable guerre
coloniale d'un demi-siècle, de 1817 à 1859, leur pays est conquis. La
forteresse russe de Groznyï (« la
Féroce »), future capitale du pays, est fondée en 1818. Mais la conquête
militaire du Caucase du Nord n'est entreprise qu'une fois l'annexion du Sud
achevée. Les Tchétchènes participent activement à la lutte des montagnards,
sous la bannière de l'islam et
la conduite de l'imam Chamil,
un chef charismatique avar, originaire du Daguestan,
s'appuyant sur le réseau soufi de la Naqchbandiyya.
Sa reddition en 1859 et la fin de la guerre sont suivies de massacres, de
déportations et de l'exil forcé et massif vers l'Empire
ottoman où les Tchétchènes, comme d'autres peuples montagnards du
Caucase, sont souvent utilisés à des postes militaires (on trouve encore
aujourd'hui leurs descendants dans ce type de fonctions, comme c'est le cas
avec la Garde du roi de Jordanie). Sous les tsars, des révoltes ont encore lieu
en 1877, lors de la guerre russo-turque. La « guerre du Caucase » a
nourri l'imaginaire des romantiques russes (Pouchkine, Lermontov, Tolstoï)
pour lesquels la résistance des montagnards devient l'incarnation de l'amour
absolu de la liberté. Le Caucase d'Alexandre
Dumas accorde aussi une large place au combat de Chamil et de ses
compagnons.
À la fin du xixe s.,
l'exploitation des gisements pétroliers de Groznyï crée un pôle industriel
d'importance régionale qui profite moins aux populations locales qu'aux colons
russes.
De l'indépendance à la
soviétisation
L'organisation fédérale de
l'U.R.S.S.
L'effondrement de l'empire
tsariste en 1917 donne un nouveau souffle aux aspirations autonomistes (révolution
russe de 1917). Les Tchétchènes participent à l'éphémère République de la
Montagne, confédération des peuples du Caucase du Nord, qui proclame son
indépendance en avril 1918 à Batoumi et
se heurte à l'hostilité des armées
blanches comme des bolcheviks,
avant d'être soviétisée par l'Armée rouge au cours de l'hiver 1920-1921. Leur
territoire est constitué en Région autonome (R.A.) en 1921, réuni à l'Ingouchie en
1934, et organisé en république autonome biethnique en 1936. À la fin des
années 1920, des persécutions religieuses et la répression massive qui
accompagne la collectivisation forcée
entraînent une série de révoltes contre le régime. Le mouvement prend de
l'ampleur au début de la Seconde Guerre mondiale, surtout après l'attaque
allemande contre l'URSS et la poussée des troupes du Reich jusqu'au Caucase. Et
en février 1944, les Tchétchènes, avec les Ingouches,
font partie des « peuples punis » que Staline décide
de déporter dans leur totalité en Asie
centrale, au prétexte d'une collaboration présumée avec les Allemands. À la
destruction physique (un tiers des déportés ont péri durant le transfert)
s'ajoutent celle de la mémoire collective (archives, monuments) et la
suppression de la république tchétchéno-ingouche. Les Tchétchènes ne sont
réhabilités et autorisés à revenir dans leur république rétablie qu'en 1957. Le
« dégel » post-stalinien permet la reconstitution d'une élite et son
insertion dans le tissu économique et social soviétique, même si l'importante
minorité slave occupe souvent les emplois les plus qualifiés au niveau local.
La nouvelle guerre du Caucase
Le premier conflit
russo-tchétchène (1994-1996)
La perestroïka a
trouvé, un peu comme en 1917, les Tchétchènes divisés en un camp
« prorusse » et un camp indépendantiste, selon une ligne de partage à
la fois géographique (montagne rurale contre plaine plus industrialisée) et
clanique. En 1989, alors qu'une Confédération des peuples montagnards tente de
se reconstituer, Moscou désigne pour la première fois un Tchétchène prorusse,
Dokou Zavkaïev, au poste de Premier secrétaire du parti communiste local. Ce
dernier doit bientôt s'effacer devant le chef de file du mouvement
sécessionniste, le général d'aviation Djokhar Doudaïev, qui proclame
l'indépendance de la République tchétchène d'Itchkérie en novembre 1991, alors
que l'URSS est en cours de disparition, et instaure un régime autoritaire. La
partition avec l'Ingouchie (janvier
1992) est officiellement entérinée en décembre de la même année. Après avoir
tenté plusieurs fois de renverser D. Doudaïev, en appuyant ses opposants,
le président Boris
Ieltsine opte pour l'intervention militaire, le 11 décembre 1994,
escomptant une victoire rapide. Mais la guerre, qui dure deux ans et demi,
s'achève par une humiliante défaite des forces fédérales, non sans
d'importantes pertes civiles (plus de 4 000 soldats russes,
2 000 combattants tchétchènes, 35 000 victimes civiles et
quelque 500 000 réfugiés) et d'énormes destructions, notamment dans
la capitale bombardée.
Ni guerre ni paix
Tchétchénie,
accord de paix, 1997
Sous la pression des
indépendantistes, qui ont recours aux prises d'otages (Boudionnovsk, en 1995,
et Kizliar, au Daguestan, en 1996) afin d'obtenir le retrait des troupes
fédérales – leur principale revendication –, le général russe Lebed
et le chef de la résistance tchétchène Aslan Maskhadov signent un accord de
cessez-le-feu le 31 août 1996. Par l'accord de Khassaviourt, la définition
du statut de la république est reportée de cinq ans, tandis que Moscou s'engage
à retirer ses troupes, à aider à la reconstruction et à laisser organiser des
élections libres. De fait, ni la Russie ni les indépendantistes tchétchènes ne
misent sur une quelconque application de l'accord de Khassaviourt :
humiliée par sa défaite, l'armée russe rêve d'une revanche ; ni l'aide à
la reconstruction ni les pourparlers sur le statut de la république ne voient
jamais le jour. Le 27 janvier 1997, le candidat indépendantiste modéré
Aslan Maskhadov, successeur de Doudaïev mort dans un attentat (avril 1996), est
élu président de la République face au chef de guerre islamiste Chamil
Bassaïev. À la tête d'un pays exsangue et désorganisé, en proie à une grave
crise économique et sociale, à des dérives mafieuses et à une agitation
intégriste (nourrie par des volontaires wahhabites venus d'Afghanistan et du
Proche-Orient à partir de 1995-1996), Maskhadov ne parvient pas à contrôler les
autres chefs militaires, offrant ainsi à Moscou l'opportunité de la revanche.
La reprise du conflit (octobre
1999)
Groznyï
bombardée, avril 2000
À l'automne 1999, prétextant des
attentats en Russie et des incursions au Daguestan voisin, attribués aux
islamistes, Moscou lance une nouvelle campagne armée. Le 1er octobre, Vladimir
Poutine, Premier ministre de la Fédération de Russie depuis le 9 août,
déclare ne plus reconnaître la légitimité du président Maskhadov. Le même jour,
les troupes russes pénètrent en Tchétchénie et « libèrent » en deux
semaines le tiers du territoire. Les combats font des milliers de victimes
parmi les civils tchétchènes et provoquent le départ massif de réfugiés
(environ 250 000) vers les républiques voisines. Après de violents
bombardements, Groznyï tombe le 1er février 2000. Achevées dans
la capitale et les plaines, les grandes opérations militaires se poursuivent
dans les régions montagneuses. Les attentats se multiplient contre l'armée
russe en Tchétchénie et touchent sporadiquement le territoire russe (prise
d'otages du théâtre de la Doubrovka à Moscou, en octobre 2002, attentats
suicides). La République tchétchène devient la cible d'opérations de
« nettoyage » visant à rechercher les « terroristes » parmi
la population civile (camps de filtration). Cette politique de maintien de
l'ordre, menée tant par les forces fédérales que par les milices locales du
gouvernement tchétchène prorusse, s'accompagne de nombreuses exactions à
l'encontre des civils – pillages, arrestations arbitraires, disparitions,
tortures, exécutions sommaires –, qui font quelque
70 000 victimes.
La tchétchénisation du conflit
À partir du printemps 2003, les
autorités russes annoncent une « normalisation » de la situation.
Celle-ci se traduit par la tenue, en Tchétchénie, d'un référendum portant sur
l'adoption d'une nouvelle Constitution garantissant le maintien de la
République au sein de la Fédération de Russie et par l'élection, le
5 octobre 2003, du chef de l'administration prorusse, Akhmad Kadyrov, à la
présidence. Qualifiés de « mascarades électorales » par le président
indépendantiste Maskhadov et de nombreuses associations de défense des droits
de l'homme, ces deux scrutins tendent à prouver, selon le Kremlin, que la
question tchétchène est un « problème presque résolu ». Pourtant, le
9 mai 2004, Kadyrov est tué lors d'un attentat à la bombe revendiqué plus
tard par Bassaïev ; le 21 juin, le bâtiment du ministère de
l'Intérieur de la République russe d'Ingouchie est pris d'assaut par un
commando tchétchène (92 morts) ; le 1er septembre,
une prise d'otages dans une école de Beslan, en Ossétie du Nord, fait, selon un
bilan officiel, 338 morts, dont plus de la moitié sont des enfants.
Survenue le 8 mars 2005 dans des circonstances non élucidées (assassinat
au cours d'une opération spéciale des services secrets russes, mort
accidentelle ou sur ordre préalable donné à l'un de ses gardes du
corps ?), la mort du chef modéré des indépendantistes, Maskhadov, après
cinq années de traque par les forces russes, constitue un tournant dans le
conflit.
La disparition de Maskhadov
éloigne toute perspective de réglement négocié et laisse le champ libre à la
rébellion radicale tchétchène. Toutefois, la guérilla est fortement affaiblie
après la mort, en 2006, de ses deux principaux leaders : le successeur de
Maskhadov, le cheikh Abdoul-Khalim Sadoulaïev, est assassiné lors d'une
opération spéciale menée par les milices tchétchènes prorusses et le FSB le
17 juin ; le 9 juillet, Bassaïev est tué en Ingouchie. Le
vice-président Dokou Oumarov (un proche de la mouvance radicale islamiste du
chef de guerre Bassaïev) devient le nouveau président des Tchétchènes
indépendantistes. Il est désormais le seul rescapé des chefs de guerre de la
première guerre russo-tchétchène. L'élimination des principaux symboles de la
rébellion tchétchène entraîne un recul de la guérilla, mais elle ne met pas fin
aux affrontements. En voyant progressivement disparaître ses cadres référents,
la nouvelle génération de volontaires évolue vers de nouvelles formes d'actions
menées au sein de petits groupes autonomes.
La « normalisation »,
vantée par le Kremlin, se poursuit autour du nouvel homme fort de la
République, Ramzan Kadyrov, le jeune fils du président assassiné en 2004. Chef
des services de sécurité durant la présidence de son père, R. Kadyrov
entreprend, avec le soutien de Poutine, une ascension politique fulgurante.
Premier ministre entre novembre 2005 et mars 2007 (d'abord par intérim puis
officiellement à partir de février 2006), il accède à la présidence de la
République tchétchène, le 2 mars 2007, après la démission d'Alou Alkhanov.
Symbole d'une certaine « renaissance » de la Tchétchénie qui a
entrepris un vaste programme de reconstruction de ses infrastructures
(principalement à Groznyï), R. Kadyrov est aussi celui qui, au prix de
milliers de disparitions et d'assassinats menés par ses milices, parvient à
réduire la rébellion tchétchène (des combattants, sont exterminés, d'autres lui
font allégeance ou poursuivent leur combat dans les républiques caucasiennes
voisines, au Daguestan,
en Ingouchie ou
en Kabardino-Balkarie)
ou toute voix susceptible de dénoncer ses exactions : le 7 octobre
2006, la journaliste russe Anna Politkovskaïa, une des figures de la défense
des droits de l'homme, est assassinée à Moscou. Depuis l'annonce par la Russie
de la fin de « l'opération antiterroriste » en avril 2009,
R. Kadyrov a reçu carte blanche du Kremlin pour gérer son fief en
s'appuyant sur des hommes de main et les centres de torture qu'il contrôle
personnellement. Les enlèvements se multiplient ; le 15 juillet,
Natalia Estemirova, la représentante de Memorial, l'association russe de
défense des droits de l'homme, est tuée par balles après avoir été enlevée près
de son domicile de Groznyï. Le 11 août, Zarema Sadoulaïeva et son mari,
Alik Djabrailov, animateurs d'une association pour la réinsertion d'enfants
invalides, sont retrouvés assassinés dans le coffre de leur voiture à Groznyï.
Un double attentat survenu dans le métro moscovite en mars 2010 et revendiqué
par l'émir Dokou Oumarov, signe l'échec de la politique du Kremlin dans le
Caucase-Nord.
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