5 juillet 2017

La diplomatie de la France au Proche et Moyen-orient

En conflit avec le Hamas, Mahmoud Abbas vient chercher du soutien à Paris (05.07.2017)
Congrès de Versailles : le paroxysme de l'hyper-présidence (04.07.2017)
Diplomatie : la politique étrangère de la France n’est pas « néoconservatrice » (03.07.2017)
Diplomatie : le néoconservatisme est une doctrine exclusivement américaine (03.07.2017)
Delphine Allès : « Réinventer une diplomatie autonome » (03.07.2017)
Monsieur le Président, maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme (02.07.2017)
Syrie. La presse officielle de Damas salue la “volte-face” de Macron (23/06/2017)
En écartant le départ d'Assad, l'Elysée choque les opposants syriens (22/06/2017)
Syrie : Poutine, Bachar el-Assad, Daech... le virage diplomatique à 180° d'Emmanuel Macron (22.06.2017)
Syrie : monsieur le Président, ne tombez pas dans le piège de Vladimir Poutine à Versailles (28/05/2017)
Jean-Yves Le Drian et ses nouveaux horizons diplomatiques (26/05/2017)




Non, le lien établi par Macron entre climat et terrorisme n'est pas inepte (09.07.2017)

Par Dounia Hadni — 9 juillet 2017 à 16:50

La déclaration de Macron au G20 selon laquelle «on ne peut prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique» a déclenché une avalanche de critiques. Et s'il avait – en partie – raison ?

Alors que Macron annonce un nouveau sommet sur le climat au G20, le 12 décembre, deux ans après l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, il déclare qu'«on ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique». Un sujet qui sera vraisemblablement mis sur la table lors de la visite de Donald Trump à Paris le 14 juillet.

Plusieurs personnalités politiques, notamment, se sont contentées de s’indigner devant la petite phrase quand d’autres ont abdiqué, non sans ironie, devant ladite complexité de la pensée macroniste. En réalité, étabir une corrélation entre ces deux luttes n’est pas absurde : plusieurs études scientifiques abondent dans ce sens depuis plusieurs années.

9 Jul
 Paul Aveline  @PaulAveline
En réponse à @PaulAveline
Sur le sujet, top papier d'Agnès Sinaï : comment les récoltes en Chine (!!!) ont joué dans les Printemps Arabes https://www.monde-diplomatique.fr/2015/08/SINAI/53507 …

 Paul Aveline @PaulAveline
C'est ennuyeux cette façon de traiter la petite phrase, parce qu'il va vraiment finir par croire que sa pensée est trop complexe.
00:23 - 9 Jul 2017

Des scientifiques américains ont déjà fait le lien entre la sécheresse en Syrie et l’émergence de l’EI

Si le Pentagone a dès 2003 établi un lien entre changement climatique et sécurité dans un rapport rendu public, c’est en 2007 que la Défense américaine a considéré officiellement le changement climatique comme un «multiplicateur de menaces». Cela dit, cette requalification est plus nuancée que le parallèle fait par Macron, comme le souligne le chercheur spécialisé dans les impacts géopolitiques du dérèglement climatique Bastien Alex, dans une interview qu’il nous a accordée en octobre 2015 : «Le lien entre changement climatique et conflits n’est ni à surévaluer ni à négliger».

De son côté, en 2015, l’Académie des sciences américaine a clairement corrélé la sécheresse syrienne, qui a eu lieu de 2006 à 2009, à la naissance du conflit syrien en mars 2011 contre le régime de Bachar al-Assad, et par ricochet à l’émergence du groupe Etat islamique. Par ailleurs, des experts américains ont conclu, en analysant la carte des territoires victimes de sécheresse et celle des territoires dominés par l’EI, qu’elles étaient quasi identiques.

Selon les chercheurs de cette Académie, en provoquant le déplacement de près d’1,5 million de Syriens vers des zones urbaines, la sécheresse a conduit à la hausse des prix des denrées alimentaires et donc à des tensions importantes fragilisant la stabilité de la société et du système politique. Scientifique spécialisé dans le climat, Richard Seager précise : «Nous ne disons pas que la sécheresse a causé la guerre […], mais que cela a fait partie des facteurs de stress qui ont conduit à la naissance du conflit».

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Fin 2015, François Hollande, lors de son discours d’ouverture de la COP21, avait déclaré devant quelque 150 chefs d’Etat : «Le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l’orage […]. Oui, ce qui est en cause avec cette conférence sur le climat, c’est la paix».

Bernie Sanders, l’adversaire d’Hillary Clinton pour l’investiture démocrate à la présidentielle américaine de 2016, affirmait, lors du débat télévisé du 15 novembre, en citant des rapports du Pentagone et du ministère de la Défense, que «le dérèglement climatique est directement lié à l’expansion du terrorisme».


Dounia Hadni @douniahadni

En conflit avec le Hamas, Mahmoud Abbas vient chercher du soutien à Paris (05.07.2017)
Le président de l’Autorité palestinienne doit être reçu mercredi par Macron, resté en retrait sur le dossier israélo-palestinien.

LE MONDE | 05.07.2017 à 06h40 • Mis à jour le 05.07.2017 à 15h56 | Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)

Des bulldozers palestiniens à Rafah (sud de la bande de Gaza). Le Hamas a lancé le chantier d’une zone démilitarisée le long de la frontière égyptienne. SAID KHATIB / AFP

Ne pas se soumettre à la médiation exclusive des Etats-Unis : mû par cet objectif, le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, doit être reçu par Emmanuel Macron à l’Elysée, mercredi 5 juillet. Le vieux « raïs » aimerait que Paris poursuive son effort en faveur de la solution à deux Etats, concrétisé par deux conférences internationales, en juin 2016 et en janvier 2017. Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, Washington a repris son rôle de parrain unique d’une paix introuvable. En coulisses, les contacts s’intensifient pour relancer un processus régional, tandis que la scène politique palestinienne est en ébullition.

M. Abbas espère que la France va accompagner l’effort américain, en veillant à une forme d’équilibre. Pour l’heure, M. Macron est resté en retrait sur ce dossier, même s’il a exprimé son hostilité à une reconnaissance unilatérale de la Palestine. Il accueillera à Paris le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, le 16 juillet, à l’occasion du 75e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv.

Abbas sous pression

M. Trump, lui, s’est rendu en Israël et dans les territoires occupés les 22 et 23 mai. Dans la foulée, son avocat et envoyé spécial Jason Greenblatt est revenu sur place. Il était à nouveau là le 22 juin, accompagné du conseiller spécial et gendre du président, Jared Kushner. « Ils ont écouté les deux parties, explique au Monde Majdi Al-Khaldi, le conseiller diplomatique de M. Abbas. Mais le président Trump n’a pas encore reçu leur rapport sur les différences existant de part et d’autre. »

M. Abbas a rencontré le président américain à deux reprises, à Washington puis à Bethléem. « Il lui a dit clairement qu’il souhaitait la solution à deux Etats basée sur les frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale, poursuit M. Al-Khaldi. Il faut connaître l’épilogue avant d’entrer dans les détails. » Mais M. Nétanyahou, lui, se garde bien de confirmer son propre engagement en faveur d’un Etat palestinien. Il réclame en priorité la fin du système de pensions versées aux « martyrs » palestiniens et à leurs familles, qu’il assimile à des incitations au terrorisme.

A la Knesset, en juin, les députés ont adopté en lecture préliminaire un texte visant à retenir 1,1 milliard de shekels (280 millions d’euros) sur les taxes prélevées chaque année par Israël et reversées à l’Autorité palestinienne. Ce montant correspond selon eux à celui des aides aux « martyrs ». Pour le même motif, le Sénat américain pourrait adopter le Taylor Force Act, un projet de loi visant à réduire l’aide versée aux Palestiniens. M. Abbas se trouve donc sous pression. « Les Israéliens veulent éviter la discussion sur les vrais sujets, comme les frontières, l’occupation, les réfugiés ou Jérusalem, dit M. Al-Khaldi. Ils savent que ces aides sont de nature sociale. Si on doit les revoir et envisager des ajustements mineurs, c’est envisageable. »

La priorité de M. Abbas est d’entrer à nouveau dans un cycle de négociations multilatérales, qui lui donne une légitimité évanouie sur le plan intérieur. A 82 ans, dans la douzième année de son quinquennat, faute d’élections, il ne se fait pas d’illusions sur le potentiel de la médiation américaine. Mais il n’a aucun intérêt à exprimer ses réserves, tant il a besoin du soutien de Washington. D’autant que M. Abbas a lancé une offensive sans précédent contre le Hamas, maître de la bande de Gaza depuis 2007. Dernier épisode, mardi 4 juillet : l’AP a annoncé le départ à la retraite anticipé de plus de 6 000 fonctionnaires de ce territoire.

Le Hamas et l’Egypte

Aux diplomates occidentaux venus le voir récemment, il a dit sa détermination farouche et mentionné trois exigences : la suppression du comité administratif, crée en mars par le Hamas pour gouverner Gaza ; le retour effectif de l’AP dans ce territoire ; enfin, un gouvernement d’union nationale en vue d’élections. « Pendant dix ans, on a essayé avec le Hamas le dialogue direct et indirect, via l’Egypte et le Qatar. Aujourd’hui, notre stratégie est claire, explique M. Al-Khaldi. La part totale de notre budget versée à Gaza chaque année est de 1,5 milliard de dollars [1,3 milliard d’euros], pour l’électricité, l’éducation, la santé, les salaires publics. On a déjà imposé une coupe de 25 %. Et ce n’est qu’un début, si rien ne se passe de leur côté. »

Mais cette pression sur le Hamas va-t-elle se révéler contre-productive ? Isolé, le mouvement islamiste s’est tourné vers l’Egypte pour obtenir une aide d’urgence en fioul et répondre à la crise énergétique. Le Caire, remonté contre M. Abbas pour son incapacité à réconcilier les factions palestiniennes, semble déjà préparer la succession du « raïs ». A la fureur du président de l’AP, l’Egypte a favorisé le rapprochement improbable entre le Hamas et son ancien ennemi juré, Mohammed Dahlan. Celui-ci avait joué un rôle-clé dans les règlements de comptes sanglants entre Fatah et Hamas en 2006-2007, lorsqu’il dirigeait la Sécurité préventive à Gaza.

Plusieurs réunions se sont tenues au Caire, en juin, entre les deux parties. « Dahlan croit que, pour éviter une nouvelle guerre et une crise humanitaire, il faut améliorer les relations entre le Hamas et l’Egypte, explique l’un de ses proches, Soufiane Abou Zaideh, qui a participé aux réunions du Caire. Le retour de Dahlan à Gaza est acté sur le principe, mais il faut le préparer. »

Le signal spectaculaire de cette convergence d’intérêts serait l’ouverture du point de passage de Rafah, qui mettrait un terme au blocus égyptien. « Une fois les travaux d’aménagement effectués, j’espère que ce sera possible d’ici à septembre », dit-il. En attendant, le Hamas a lancé le chantier d’une zone démilitarisée de cent mètres de large, le long de la frontière, pour rassurer les Egyptiens, dont la priorité est la sécurisation du Sinaï, où sévissent toujours des centaines de djihadistes.



Congrès de Versailles : le paroxysme de l'hyper-présidence (04.07.2017)
Par Maxime Tandonnet Mis à jour le 04/07/2017 à 06:57 Publié le 03/07/2017 à 16:58

FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Maxime Tandonnet, en réunissant le Congrès à Versailles pour un discours solennel, le président de la République «franchit un nouveau palier dans la présidentialisation du régime, qu'il porte à un niveau jamais atteint ni par Sarkozy, ni par Hollande. »

Maxime Tandonnet, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, est l'auteur d'Histoire des présidents de la République (éd. Perrin, 2013 et 2017) et des Parias de la République (éd. Perrin, 2017).

Le Congrès de Versailles, réunissant l'Assemblée nationale et le Sénat, n'est pas une institution nouvelle. Il a été créé par la Constitution de 1875, établissant la IIIe République. Sous la IIIe et la IVe république, il servait, en principe tous les sept ans, à élire le président de la République. Sous la Ve république, son rôle a été profondément transformé. Le chef de l'État était élu par un collège élargi de grands électeurs, puis à partir de 1962, au suffrage universel. Le Congrès servait désormais à voter les modifications constitutionnelles, chaque fois que le Gouvernement renonçait à soumettre ces dernières au référendum.


Depuis la révision constitutionnelle de 2008, commencée par le président Sarkozy, le chef de l'État est autorisé à s'exprimer devant le Congrès. Cette réforme, d'apparence anodine, aboutissait à rompre avec une tradition républicaine fondamentale. Depuis 1873 et la présidence d'Adolphe Thiers, au titre de la séparation des pouvoirs, le président de la république ne devait en aucun cas s'exprimer directement devant la Chambre. Nicolas Sarkozy a fait usage de cette nouvelle possibilité en juin 2009, pour annoncer son «grand emprunt», et François Hollande en novembre 2015, à la suite de l'attentat du Bataclan. Emmanuel Macron innove en étant le premier président de la République, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, à ouvrir son mandat par une déclaration devant le Congrès. Par ce geste solennel, il franchit un nouveau palier dans la présidentialisation du régime qu'il porte à un niveau jamais atteint ni par Sarkozy, ni par Hollande.

À l'origine, la Constitution de 1958 créait un régime «semi-présidentiel» fondé sur un équilibre entre les pouvoirs. Le président de la République se présentait comme une autorité supérieure, impartiale, incarnation de l'unité, de la sécurité et du destin de la Nation, élu pour sept ans (article 5). Le Premier ministre disposait d'un rôle fondamental, complémentaire de celui du chef de l'État. Il était chargé de gouverner le pays, de mettre en œuvre la politique économique et sociale de la Nation, avec le soutien de sa majorité à l'Assemblée, et sous le contrôle du parlement (article 20 et 21). Le Premier ministre et ses ministres avaient seuls la mission de présenter et de défendre la politique du Gouvernement devant l'Assemblée nationale et le Sénat. La répartition des rôles variait en fonction de la personnalité des présidents et de leur premier ministre: de Gaulle/Pompidou, Giscard d'Estaing/Barre, Mitterrand/Mauroy, Mitterrand/Rocard, etc. Mais dans les grandes lignes, le partage entre les missions de nature présidentielle (long terme, politique étrangère et de défense) et l'action gouvernementale, la conduite d'une politique, se trouvait respecté.

Les années 2000 ont ouvert la voie à un processus de présidentialisation du régime qui voit le pouvoir présidentiel écraser tout autre pôle de responsabilité politique.

La prise de parole du président de la République devant le Congrès, notamment en début de quinquennat, marque une étape nouvelle, décisive, dans la présidentialisation du régime.

Déjà, le passage du septennat au quinquennat a bouleversé les équilibres politiques. Le président de la République, élu juste avant l'Assemblée nationale, pour un mandat coïncidant avec celui des députés, devenait de facto le chef de la majorité parlementaire, responsable de la mise en œuvre de son propre programme. Dès lors, le président de la République perdait son rôle de sage au-dessus de la mêlée, se substituant au chef de Gouvernement dont la mission se trouvait considérablement amoindrie. La prise de parole du président de la République devant le Congrès, notamment en début de quinquennat, marque une étape nouvelle, décisive, dans la présidentialisation du régime. Autant sur le plan du symbole que de la pratique, il s'impose à lui tout seul comme l'incarnation d'une politique gouvernementale face au Parlement, à la place du Premier ministre qui parlera après lui.

Le quinquennat qui s'ouvre en 2017 semble ainsi porter à son paroxysme une présidentialisation engagée par les deux précédents qui tend vers la disparition de fait (et un jour peut-être, de droit), du poste de premier ministre. Est-ce un bien, est-ce un mal? Le phénomène de l'hyper-présidence s'inscrit dans la tradition française de l'homme providentiel. L'image du chef unique renvoie, dans l'inconscient collectif, à celle de l'autorité, du pouvoir sans partage. La médiatisation de la politique, devenue un grand spectacle quotidien, centrée sur un seul homme, décuple la personnalisation du pouvoir. Pourtant, au-delà des illusions, l'hyper-présidence n'est aucun cas une garantie d'efficacité ni d'autorité de l'État, bien au contraire. La concentration du pouvoir à l'Élysée a pour effet de démotiver et déresponsabiliser les autres pôles de décision. Mais surtout, élu sur une image, dont il tient sa légitimité, le président de la République aura inévitablement pour priorité de préserver celle-ci, voire de l'améliorer, surtout s'il entend briguer un second mandat. Consciemment ou inconsciemment, cette inclination l'emportera toujours sur l'intérêt général du pays. L'hyper-présidence, en tant que système de pouvoir, favorise inévitablement la communication, les postures et les illusions au détriment des choix de gouvernement et de la confrontation avec la réalité. L'hyper-présidence, fondée sur une forme d'idolâtrie médiatique, à la fois fragile et superficielle, risque à tout moment de basculer dans le rejet et le lynchage d'un président devenu bouc émissaire et d'engendrer ainsi une crise de confiance.

Depuis des décennies, il manque cruellement à la France un chef de l'État au sens le plus noble du terme, autorité morale au-dessus de la mêlée.

Depuis des décennies, il manque cruellement à la France un chef de l'État au sens le plus noble du terme, autorité morale au-dessus de la mêlée, visionnaire, impartial, exemplaire, incarnation du pays, parole de la Nation et symbole de confiance. Il lui manque aussi un Premier ministre puissant, autoritaire, responsable de ses choix, capable d'assumer le risque de profondes réformes. Il lui manque enfin un Parlement respecté, indépendant, représentatif du pays, expression de la démocratie, chargé de soutenir et de contrôler la politique du Gouvernement.

Le débat sur la «VIe République» est totalement biaisé: nous sommes déjà sous une VIe République, fausse imitation du régime américain, qui n'a strictement plus aucun rapport avec la Ve République du général de Gaulle! Cette dérive politique, de décennie en décennie, facteur d'indécision, d'immobilisme, et de fuite dans la posture, explique en partie le décrochage de la France en Europe et dans le monde. De fait, le bon sens devrait conduire à un retour aux fondamentaux de la Ve République, à un septennat, rendu non renouvelable, à un rééquilibrage des pouvoirs, à parts égales entre le chef de l'État, le Gouvernement et le Parlement. Mais dans l'aveuglement, la béatitude, l'abêtissement général et la dictature des illusions, qui y songerait?

La rédaction vous conseille



Diplomatie : le néoconservatisme est une doctrine exclusivement américaine (03.07.2017)
Dans son ouvrage, le géopoliticien Hadrien Desuin n’évite pas l’écueil de la simplification et traite du sujet avec un regard, hélas, exclusivement souverainiste.

LE MONDE | 03.07.2017 à 14h57 • Mis à jour le 03.07.2017 à 18h55 | Par Gaïdz Minassian

French President Emmanuel Macron waits for Indian Prime Minister Narendra Modi, before their meeting at the Elysee Palace in Paris, France, Saturday, June 3, 2017. Macron meets Modi as the world reels over Trump's withdrawal from the Paris climate accord, and as Macron beefs up his diplomatic credibility by meeting major world leaders. (AP Photo/Kamil Zihnioglu)

LE LIVRE. Dans l’entretien qu’il a accordé le 21 juin à plusieurs quotidiens européens, Emmanuel Macron a lancé un pavé dans la marre diplomatique : « Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. » En rompant ainsi avec le « sarkollandisme », la France aurait pour ambition de sortir d’une décennie de diplomatie atlantiste. Le géopoliticien Hadrien Desuin dresse un constat équivalent dans l’ouvrage qu’il vient de publier en apportant toutefois une touche personnelle qui l’éloigne – hélas – de tout discernement.

S’emparer d’une thématique aussi sensible est un exercice difficile. La démonstration de cet ancien Saint-Cyrien est d’autant plus méritoire qu’il n’existe quasiment pas d’ouvrages sur le sujet en France. Mais aussi salutaire qu’elle puisse être, son initiative ne lui interdit pas d’éviter la simplification, voire parfois la caricature souverainiste. En effet, si la lecture est accrocheuse, le ton est souvent excessif et les conclusions à charge. Bref, seuls les souverainistes devraient se satisfaire de ce réquisitoire qui prône le retour intégral à l’indépendance des nations fondée sur le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats.

Il faut se réjouir de l’existence en France d’un débat autour des différentes approches en relations internationales. A condition toutefois de faire preuve de nuances. Placer, par exemple, dans une même inspiration néoconservatrice toutes les interventions militaires occidentales depuis dix ans relève au moins de la myopie ; chaque opération armée répondant à une logique propre et un corpus idéologique différent.

Mais en fait, de quoi parle-t-on au juste ? Peut-on sortir de ce brouhaha où les partisans du souverainisme voient du « néoconservatisme » partout ? De même que le gaullo-mitterrandisme est un courant spécifiquement français, le néoconservatisme...



Diplomatie : la politique étrangère de la France n’est pas « néoconservatrice » (03.07.2017)
Dans une tribune au « Monde », un collectif de spécialistes estime qu’en passant de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy en 2007, il n’y a pas eu de rupture diplomatique. Le réalisme est toujours de rigueur dans la politique étrangère de la France.

LE MONDE | 03.07.2017 à 14h56 • Mis à jour le 03.07.2017 à 18h56 | Par Collectif

« La première séquence diplomatique d’Emmanuel Macron a été unanimement saluée. Poignée de main virile avec Trump, réception franche de Poutine à Versailles… Il s’inscrit dans le réalisme dont il se réclamait durant la campagne » (Emmanuel Macron reçoit Vladimir Poutine au château de Versailles, le 29 mai).

TRIBUNE. Depuis quelques années, le débat public de politique étrangère prétend opposer deux camps : d’un côté, le « gaullo-mitterrandisme » ; de l’autre, une école de pensée qui serait « atlantiste », « occidentaliste », ou encore « néoconservatrice ». Dans un récit porté par de nombreuses personnalités, la France aurait abandonné sa tradition diplomatique en 2007 : il serait urgent de revenir à une politique « d’équilibre » entre les puissances, que ce soit vis-à-vis de Washington et Moscou ou au Moyen-Orient, et de cesser un interventionnisme militaire dangereux. C’est à la fois une reconstruction de l’histoire et une vision dépassée de notre diplomatie.

Peut-on vraiment dire qu’il y a eu « rupture » en 2007 avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy ? Le général de Gaulle n’a jamais confondu l’indépendance et le non-alignement, comme on le vit notamment lors de la crise de Cuba. François Mitterrand avait soutenu le déploiement des Euromissiles, et, après la fin de la guerre froide, entamé un rapprochement avec l’OTAN. Tous deux savaient « choisir leur camp ». Jacques Chirac avait tenté une manœuvre de réintégration de la France dans le commandement militaire de l’Organisation. A l’inverse, les quinquennats de Nicolas Sarkozy et François Hollande n’ont pas manqué d’occasions d’agacement vis-à-vis de Washington et de tensions dans la relation bilatérale.

Avons-nous vraiment changé de politique au Moyen-Orient ? L’Arabie saoudite est un partenaire privilégié depuis la fin des années 1970, et nous n’avons jamais eu de bonnes relations avec la République islamique d’Iran. C’est sous Chirac que notre position « en pointe » sur le dossier nucléaire fut élaborée.

En France, le réalisme prévaut

Sommes-nous subitement devenus, en 2007, « interventionnistes » ? Comment alors qualifier la politique de François Mitterrand, qui engagea trente fois nos forces à l’étranger, de l’Afrique aux Balkans en passant...



Delphine Allès : « Réinventer une diplomatie autonome » (03.07.2017)
Dans un entretien au « Monde », l’universitaire spécialiste des relations internationales Delphine Allès analyse l’orientation donnée à la diplomatie d’Emmanuel Macron

LE MONDE | 03.07.2017 à 15h00 • Mis à jour le 03.07.2017 à 16h05 | Propos recueillis par Gaïdz Minassian

« En revendiquant un héritage gaullo-mitterrandien, Emmanuel Macron s’inscrit dans une tradition politique consistant à valoriser l’autonomie de la France dans les relations internationales » (Emmanuel Macron le 28 juin à l’Elysée).

Professeur en sciences politiques à l’université Paris-Est-Créteil, Delphine Allès est l’une des meilleures spécialistes des relations internationales de sa génération en France. Diplômée de Sciences Po, cette jeune chercheuse travaille sur les conceptions extra-occidentales des relations internationales.

Dans cet entretien, elle apporte d’utiles éclairages sur la diplomatie macronienne, qu’elle juge à mi-distance entre approche réaliste et approche libérale, et revient sur le débat entre néoconservatisme et gaullo-mitterrandisme, qu’elle considère « incompatibles ». Delphine Allès est l’auteur de plusieurs dizaines d’articles et d’ouvrages en relations internationales.

Comment analysez-vous les premiers pas du président Emmanuel Macron sur la scène européenne et internationale ?

Delphine Allès.- Emmanuel Macron arrive en novice sur la scène internationale. C’est un avantage, car il ne peut être tenu comptable des contradictions de ses prédécesseurs. Porté par les attentes suscitées par son élection, il va devoir ne pas surestimer sa capacité à peser sur les événements. La question se pose au regard de la mise en scène du volontarisme présidentiel – la poignée de main avec Trump, l’échange avec Poutine, couplés à ses déclarations détonantes sur la Syrie où il a menacé d’employer unilatéralement la force tout en revenant sur l’exigence de destitution de Bachar Al-Assad.

En pratique, il semble vouloir une politique étrangère de synthèse qui serait le pendant de sa politique intérieure. Conscient que l’autonomie ne s’acquiert qu’en multipliant les partenaires, il s’est rapproché de ses alliés naturels (Angela Merkel, Justin Trudeau) tout en engageant un dialogue qu’il veut égalitaire avec les incontournables chefs d’Etat russe et américain. Au Mali et au Maroc, il a inscrit l’impératif de lutte contre le terrorisme dans le contexte plus large de politiques de développement.

De...



Monsieur le Président, maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme (02.07.2017)
— 2 juillet 2017 à 17:27 (mis à jour à 18:04)

Le président syrien Bachar al-Assad au cours lors d'un entretien avec l'AFP dans la capitale Damas, le 12 avril, 2017 Handout - Syrian Presidency Press Office - AFP 

Dans une interview donnée à la presse européenne le 21 juin, Emmanuel Macron ne fait plus du départ de Bachar al-Assad un «préalable à tout». Une centaine d’intellectuels et de spécialistes de la région réagissent.

  Monsieur le Président, maintenir Assad, c’est soutenir le terrorisme
Dans une interview récente accordée à huit journaux européens, vous avez rendu public un revirement diplomatique majeur de la France. Vous avez déclaré, à propos de la Syrie : «Le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar al-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime (1) !» Vous justifiez ce revirement au nom de la lutte contre le terrorisme. C’est une erreur d’analyse majeure qui non seulement affaiblira la France sur la scène internationale mais n’endiguera en aucune manière le terrorisme.

En reconnaissant la légitimité de Bachar al-Assad, alors même que ses crimes sont largement documentés, vous placez la France dans la position d’Etat complice. Or, le peuple français ne vous a pas donné le mandat pour mener cette politique, puisque vous avez fait campagne en défendant des positions contraires. En réponse aux questions des associations franco-syriennes, vous aviez notamment affirmé entre les deux tours de l’élection présidentielle : «Bachar al-Assad a commis des crimes de guerre contre son peuple. Son maintien au pouvoir ne peut en aucun cas être une solution pour la Syrie. Il n’y aura pas non plus de paix sans justice et donc les responsables des crimes commis, notamment les attaques chimiques, devront en répondre. La France continuera d’agir au Conseil de sécurité en ce sens, malgré l’obstruction systématique d’un des membres permanents (2).»

La diplomatie française s’est jusqu’ici distinguée par une ligne politique cohérente en condamnant explicitement le régime criminel de Bachar al-Assad. Les preuves ne cessent de s’accumuler (3) et plus de 90 % des victimes civiles en Syrie sont le fait du régime et non de l’insurrection syrienne, du PYD kurde (branche syrienne du PKK) ou même de l’Etat islamique (4). Vous déclarez vouloir poser deux lignes rouges : «les armes chimiques et l’accès humanitaire». Celles-ci ont été franchies depuis longtemps en toute impunité. Vous en excluez d’autres : bombardements des populations civiles, tortures et incarcérations de masse, y compris d’enfants, sièges de villes et de quartiers qui affament les populations, enrôlements forcés, etc. Ces exactions sont tout autant inacceptables.

Vous renoncez à l’exigence de justice que vous aviez affirmée au nom d’un prétendu réalisme selon lequel il n’y aurait pas d’alternative à Assad. Vous ajoutez que «la démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples». Vous validez ainsi la thèse du régime syrien selon laquelle ce n’est pas le peuple qui aspirerait à la démocratie mais des puissances extérieures qui tenteraient de la lui imposer. La Syrie n’est pas l’Irak, il ne s’agit en aucun cas «d’exporter la démocratie». La révolution syrienne débute dans le contexte des «printemps arabes» et n’est pas le fait d’une invasion occidentale. C’est justement pour obtenir la démocratie par lui-même que le peuple syrien s’est levé contre Assad. S’il y a ingérence, c’est plutôt parce que la Russie et l’Iran s’obstinent à entraver son droit à l’autodétermination. Votre propos porte en lui l’infantilisation de tout un peuple : vous n’envisagez pas qu’il puisse désigner lui-même un successeur légitime à Assad.

Quoi pourtant de plus illégitime qu’un dictateur qui pratique le gazage des populations civiles, l’usage des barils d’explosifs, les exécutions sommaires, le viol collectif des femmes et des enfants, la destruction intentionnelle des hôpitaux et des écoles ? Vous affirmez : «Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien.» En réalité, Bachar al-Assad n’est pas uniquement l’ennemi du peuple syrien : il est l’ennemi de l’humanité tout entière. Non seulement du fait de ses crimes contre l’humanité, mais aussi parce qu’il est l’un des premiers responsables de la montée en puissance de Daech qui s’attaque à la France et au reste du monde.

Votre solution n’est pas nouvelle et aligne la diplomatie française sur les positions américaine et russe : au nom de la lutte antiterroriste, donner un blanc-seing au régime et cautionner l’élimination de la rébellion issue des manifestations pacifiques de 2011. L’échec de cette stratégie engagée par Barack Obama à partir de 2013 est pourtant patent. C’est bien l’abandon de l’insurrection par l’Occident qui a donné à des groupes jihadistes l’occasion de prospérer dans une partie de la Syrie. C’est pourquoi la perpétuation de cette configuration ne laisse d’autre alternative à ceux qui s’opposent au régime que l’exil, la mort ou le rapprochement avec les groupes les plus radicaux.

Assad n’est pas l’ennemi du terrorisme, il en est le promoteur. Le régime ne s’est pas contenté de créer le chaos permettant la prolifération de groupes jihadistes : il a adopté une stratégie délibérée et active consistant à faciliter leur implantation sur le territoire et à éliminer dans le même temps les franges les plus démocratiques de l’insurrection. Il a libéré en 2011 de sa prison de Saidnaya des centaines de jihadistes. Puis, avec le concours de ses alliés, il a systématiquement bombardé et attaqué les zones tenues par les rebelles et non pas celles tombées sous le contrôle de l’Etat islamique.

Vous avez déclaré que vous ne voulez pas d’un «Etat failli». Or, il l’est déjà. Le régime de Damas, désormais sous tutelle étrangère, n’assure plus les missions régaliennes d’un Etat et ne contrôle plus son territoire : l’armée est suppléée au combat par des milices ou des forces armées étrangères omniprésentes, un quart de la population syrienne est exilée, les zones insurgées qui demeurent libérées sont gérées de façon autonome (par exemple, les soins et l’aide alimentaire y sont assurés soit par les ONG internationales soit par les populations locales).

Il existe des alternatives à Bachar al-Assad en Syrie. L’insurrection issue des groupes qui ont manifesté pacifiquement en 2011 pour la fin de la dictature continue de résister. Daraya, Douma, Alep, Deir Ezzor, Raqqa, Homs, Deraa, Idleb et bien d’autres villes insurgées ont mis en place leurs propres conseils locaux et ont organisé des élections pour leur gestion. Ce sont ces expériences démocratiques qui constituent le véritable terreau pour que puisse émerger une transition politique.

Quant à lui, par la voix du journal du parti Baath, le régime de Damas a d’ores et déjà instrumentalisé vos propos pour valider sa thèse officielle du complot terroriste fomenté par l’Occident en déclarant : «Après l’échec de tous les paris sur les mouvements terroristes pour porter atteinte à l’Etat patriotique syrien, après l’échec du complot ourdi par les soutiens du terrorisme et ses créateurs, après le retour du terrorisme à la gorge de ses créateurs, les pays occidentaux commencent à faire volte-face et à changer leur position sur la crise syrienne, afin de trouver une nouvelle posture pour sauver la face (5).» Cela ne fait que confirmer qu’il n’y a pas de négociation possible avec un tel régime. La seule solution de sortie du conflit en Syrie est politique et doit se faire sans Bachar al-Assad.

Monsieur le Président, une realpolitik digne de ce nom, c’est d’admettre que, s’il n’est pas une condition suffisante pour lutter efficacement contre le terrorisme, le départ de Bachar al-Assad est du moins une condition absolument nécessaire.



(3) Entre autres : dossier «César», rapports d’Amnesty International, rapports de Human Rights Watch, témoignages et livres de nombreux Syriens, qu’ils soient en exil ou encore en Syrie.

(4) Syrian Network for Human Rights (mars 2017) : «207 000 Civilians Have Been Killed Including 24 000 Children and 23 000 Females ; 94 % of the Victims Were Killed by the Syrian-Iranian-Russian Alliance» ; ou Violation Documentation Center in Syria : Monthly Statistical Report on Victims.

(5) «La presse officielle de Damas salue la "volte-face" de Macron», Courrier international, 23 juin.

Les membres du comité Syrie-Europe, après Alep :

Racha Abazied Association Syrie moderne démocratique laïque Hala Alabdalla Cinéaste syrienne Adam Baczko Doctorant en science politique à l’EHESS Patrice Barrat Fondateur de l’ONG Bridge Initiative International, producteur de l’émission Syrie maintenant Jonathan Chalier Secrétaire de rédaction, revue Esprit Catherine Coquio Professeure de littérature, université Paris-Diderot Frédérik Detue Maître de conférences, université de Poitiers Marc Hakim Médecin hospitalier Santé publique Joël Hubrecht Juriste Sarah Kilani Médecin anesthésiste-réanimateur hospitalier et auteure d’articles sur le conflit syrien Charlotte Lacoste Maître de conférences, université de Lorraine Véronique Nahoum-Grappe Anthropologue, EHESS Claire A. Poinsignon Journaliste indépendante Manon-Nour Tannous Docteure en relations internationales, spécialiste des relations franco-syriennes, ATER au Collège de France David Tuaillon Traducteur et dramaturge Nadine Vasseur Auteur Caroline Zekri Maître de conférences, université Paris-Est-Créteil.

Les autres signataires :

Zakaria Abdelkafi Photographe, correspondant de l’AFP Nadia Leïla Aïssaoui Sociologue Maria al-Abdeh Chercheure et directrice exécutive de Women Now for Development, Paris Majd al-Dik, Khalil al-Haj Saleh Intellectuel et traducteur syrien Yassin al-Haj Saleh Intellectuel syrien Maabad al-Hassoun Intellectuel syrien Fatima Ali Artiste et doctorante à Paris-X Zahra Ali Chercheure au SOAS et à l’Ifpo Moustapha Aljarf Auteur, réfugié syrien Zaid Alkintar Directeur informatique, militant pour les droits humains Janine Altounian Auteure et psychanalyste Joseph Bahout Politologue spécialiste du Moyen-Orient, chercheur au Carnegie Endowment, Washington DC Faraj Bayrakdar Poète syrien Robin Beaumont Doctorant en science politique à l’EHESS Souhaïl Belhadj Chercheur au Center on Conflict, Development and Peacebuilding de l’IHEID à Genève Yohanan Benhaim Doctorant en science politique à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne Cécile Boëx Maître de conférences, EHESS Nathalie Bontemps Ecrivaine et traductrice Hamit Bozarslan Historien, directeur d’études à l’EHESS Edith Bouvier Journaliste, auteure de Chambre avec vue sur la guerre Tal Bruttmann Historien François Burgat Politiste, CNRS, Iremam Manuel Cervera-Marzal Sociologue, Archipel des devenirs Géraldine Chatelard Chercheure spécialiste du Moyen-Orient Sophie Cluzan Archéologue spécialiste de la Syrie, conservateur du patrimoine Leyla Dakhli Spécialiste du Moyen-Orient et du Maghreb, chercheure CNRS au Centre Marc-Bloch Sonia Dayan-Herzbrun Professeure émérite en sociologie politique, université Paris-Diderot Delphine de Boutray Metteure en scène Gilles Dorronsoro Professeur de Science politique, membre sénior de l’IUF Sakher Edris Journaliste syrien, membre fondateur du Working Group for Syrian Detainees Jean-Pierre Filiu Professeur, Sciences-Po Thibaud Fournet Ingénieur de recherche au CNRS, architecte, archéologue Mike Gadras Doctorant en sciences de l’éducation, université Paris-13 Claire Gallien Maître de conférences, université Paul-Valéry Montpellier-3, CNRS Xavier Garnier Professeur, université Sorbonne Nouvelle - Paris-3 Vincent Geisser Chercheur au CNRS, Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman Antoine Germa Scénariste Hélène Gorkiewiez Avocate, barreau de Paris Antonin Grégoire Chercheur en sociologie et Nadia Meziane Auxiliaire de vie scolaire, pour l’association Mémorial 98 Agnieszka Grudzinska Historienne, université Paris-Sorbonne Nacira Guénif Sociologue, université Paris-8 Vanessa Guéno Chercheure à l’Ifpo, antenne d’Amman, Jordanie Omar Guerrero Psychologue clinicien et psychanalyste, Centre Primo-Levi Raphaëlle Guidée Maître de conférences, université de Poitiers Moiffak Hassan Consultant pétrolier et trésorier de Souria Houria Isabelle Hausser Ecrivaine Fares Helou Acteur syrien Joël Jovet Militant des droits de l’homme Shiyar Khalil Journaliste syrien, membre fondateur du Working Group for Syrian Detainees Stéphane Lacroix Professeur associé, Sciences-Po-Ceri Bérénice Lagarce-Othman Egyptologue, chercheure associée à Paris-IV et à l’Ifpo Jacques LagarceArchéologie de la Syrie, retraité du CNRS, Gérard Lauton, universitaire, syndicaliste, Garance Le Caisne Journaliste indépendante, auteure de Opération César, au cœur de la machine de mort syrienne Olivier Lepick Chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des armes chimiques Agnès Levallois Consultante spécialiste du Moyen-Orient et de la Syrie, vice-présidente de l’Iremmo Camille Louis Philosophe et dramaturge, universités Paris-8 et Paris-7 Ziad Majed Politiste, spécialiste du Moyen-Orient et de la Syrie, universitaire Farouk Mardam-Bey Editeur, écrivain et président de Souria Houria Claude Marill Militant syndicaliste et humanitaire Philippe Marlière Politiste University College London
Sarah Mazouz Sociologue Ined
Franck Mermier Anthropologue spécialisé sur le monde arabe, directeur de recherche au CNRS
Barbara Métais-Chastanier Maître de conférences et dramaturge, université d’Albi
Hélène Michalak Consultante indépendante
Samira Mobaied Chercheure en écologie
Olivier Mongin Editeur et écrivain Sarah MoonPhotographe et cinéaste, Michel Morzières, Militant associatif,
Boris Najman Maître de conférences, université Paris-Est-Créteil Ali Othman Archéologue, conservateur du patrimoine
Marie Peltier Historienne
Thomas Pierret Senior Lecturer, université d’Edimbourg Pauline Piraud-Fournet Archéologue au Proche-Orient, chercheure contractuelle au CNRS
Jean-Yves Potel Ecrivain Pierre Puchot Ecrivain et journaliste spécialiste du Moyen-Orient
Arthur Quesnay Doctorant en science politique à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
Martin Rass Maître de conférences, université de Poitiers Candice Raymond Historienne, université Paris-1
Tiphaine Samoyault Auteure et professeure à l’université Paris-3
Annie Sartre-Fauriat Historienne de la Syrie gréco-romaine, professeure des universités émérite
Maurice Sartre Historien de la Syrie, université de Tours
Leïla Seurat Spécialiste du Moyen-Orient, postdoctorante à l’Iremam
Béatrice Soulé Réalisatrice et directrice artistique
Alexis Tadié Professeur à l’université de Paris-Sorbonne
Etienne Tassin Professeur de philosophie, université Paris-Diderot
Pierre Tevanian Professeur de philosophie, collectif Les mots sont importants Sylvie Tissot Sociologue, université Paris-8
Laetitia Tura Photographe et réalisatrice Les membres de la revue Vacarme
Anaïs Vaugelade Auteure et éditrice
Dominique Vidal Journaliste et historien Leïla Vignal Géographe spécialiste du Moyen-Orient, université d’Oxford
Lise Wajeman Enseignante-chercheure
Emmanuel Wallon Professeur de sociologie politique, université Paris-Nanterre
Frédéric Worms Philosophe, professeur à l’ENS

Samar Yazbek Journaliste et écrivaine.

Syrie. La presse officielle de Damas salue la “volte-face” de Macron (23.06.2017)


Dans un entretien accordé à plusieurs journaux européens, publié le 22 juin, Emmanuel Macron a assuré que la destitution de Bachar El-Assad n’était pas un préalable à la résolution du conflit syrien. Un revirement de la diplomatie française remarqué par le régime en Syrie.

“Les pays occidentaux commencent à faire volte-face et à changer leur position sur la crise syrienne”, titre Al-Baath ce 22 juin. Le journal du parti Baas de Bachar El-Assad réagit ainsi aux propos tenus par Emmanuel Macron sur la crise syrienne. Le chef d’État français a affirmé, dans une interview accordée à huit journaux européens :

Et il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne réglera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. Le vrai aggiornamento que j’ai fait sur ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar El-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime !”

Le président français a établi ses priorités sur le sujet : la lutte contre les groupes terroristes, la stabilité de l’État syrien, l’interdiction des armes chimiques, la protection de l’aide humanitaire et le respect des minorités en Syrie. Le journal Al-Baath retient en particulier deux aspects de la position d’Emmanuel Macron, qu’il résume ainsi : “pas d’alternative au Président Assad et nous ne pouvons pas exporter la démocratie à l’étranger.”

Le quotidien syrien salue cette évolution de la diplomatie française, qui jusqu’ici faisait d’un départ de Bachar El-Assad un préalable à toute résolution du conflit :

"Après l’échec de tous les paris sur les mouvements terroristes pour porter atteinte à l’État patriotique syrien, après l’échec du complot ourdi par les soutiens du terrorisme et ses créateurs, après le retour du terrorisme à la gorge de ses créateurs, les pays occidentaux commencent à faire volte-face et à changer leur position sur la crise syrienne, afin de trouver une nouvelle posture pour sauver la face.”

Syrie. Les avions de la coalition dans le viseur des forces russes


En écartant le départ d'Assad, l'Elysée choque les opposants syriens (22/06/2017)


Annonçant un «aggiornamento» de la politique française sur la Syrie, le président français Emmanuel Macron écarte officiellement l’idée d’un départ de Bachar el-Assad. Une position qui va de pair avec une volonté affichée de pactiser avec la Russie

Au sein de l’opposition syrienne à Bachar el-Assad, c’est la consternation. Dans l’interview qu’il a accordée mercredi à plusieurs journaux étrangers, dont Le Temps, le président français, Emmanuel Macron, a explicité les lignes de force qui guideront sa politique étrangère, laissant une très vaste place à la Syrie, comme si ce thème constituait en réalité le cœur même de l’entretien.

A lire : l'interview d'Emmanuel Macron au Temps

Evoquant un «aggiornamento», le chef de l’Elysée a écarté l’idée que «la destitution de Bachar el-Assad était un préalable» à une solution en Syrie. La fin d’un retournement complet pour la France qui, jusqu’à il y a peu, était encore parmi les rares Etats à réclamer avec véhémence le départ du président syrien.

«Digne de Donald Trump»

La déception est d’autant plus grande pour les opposants syriens que, au cours de la campagne présidentielle française, Macron apparaissait pratiquement comme le seul candidat (avec Benoît Hamon) à défendre une ligne ferme sur cette question. Aussi bien François Fillon que Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen avaient démontré une grande compréhension à l’égard de la Russie, alliée du régime de Damas. Mercredi, le nouveau président français se plaisait à souligner, lui aussi, des «convergences» avec le président russe, Vladimir Poutine, et disait partager avec lui deux priorités en regard de la guerre syrienne: combattre le terrorisme et éviter que la Syrie ne «devienne un Etat failli».

Comme d’autres, Salam Kawakibi, chercheur en sciences politiques et directeur adjoint de l’Arab Reform Initiative établi à Paris, n’en revient pas: «La Syrie est un Etat failli depuis très longtemps, depuis bien avant le déclenchement de la révolution [dont la répression a conduit à la guerre]. Ici, il n’y a pas d’Etat, mais un régime dictatorial qui s’est approprié du pouvoir et des ressources. Tout cela, c’est le b.a.-ba de la situation.»
Une phrase a particulièrement choqué ceux qui se battent pour un changement de régime et qui y voient la seule option pour mettre fin à la guerre. Emmanuel Macron en convenait: «Bachar el-Assad est l’ennemi du peuple syrien.» Mais il ajoutait, en parlant de la France: «Il n’est pas notre ennemi.» «Venant d’un Etat qui se proclame un pays de valeurs, c’est une insulte à l’égard du peuple syrien», affirme Salam Kawakibi, qui fut aussi le directeur de l’Institut français du Proche-Orient à Alep. «Cette manière de faire la distinction entre les intérêts de la France et la défense des droits de l’homme est digne de Donald Trump.»

Privilégier la lutte contre le terrorisme

Vis-à-vis de la Syrie, la France avait déjà entamé un virage notable, à la suite des attentats qui l’ont frappée et qui l’ont amenée à privilégier la lutte contre le terrorisme au-delà de toute autre considération. Dans l’achèvement de cette volte-face, certains voient la patte d’Hubert Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui prône la «realpolitik» vis-à-vis de Damas et surtout de son protecteur russe.
Peu avant qu’Emmanuel Macron accorde ce premier entretien depuis le début du quinquennat, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, faisait assaut d’amabilité lors d’une visite à Moscou, appelant à renouer les liens entre les deux pays et à travailler ensemble «dans un esprit de confiance».

Dans l’immédiat, Emmanuel Macron a insisté sur le fait qu’une destitution de Bachar el-Assad était d’autant plus difficile à envisager que «personne ne m’a présenté son successeur légitime». Une formule qui laisse planer le doute sur la pertinence, aux yeux des responsables français, de poursuivre les discussions qui se tiennent à Genève depuis un lustre afin, principalement, de mettre en place une «transition politique». Ces discussions regroupent le pouvoir de Damas et une opposition qui, jusqu’ici, était considérée précisément comme «légitime» par ses soutiens internationaux, dont la France.

Deux lignes rouges

Comme il l’avait déjà fait lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine en avril, Emmanuel Macron a établi deux «lignes rouges» à ne pas dépasser dans le conflit syrien, sous peine de représailles françaises: l’utilisation d’armes chimiques et l’accès de l’aide humanitaire. On estime que les armes chimiques ont causé la mort de quelque 2000 personnes en Syrie. «C’est une mascarade», tempête Salam Kawakibi, en évoquant le chiffre d’un demi-million de morts dus aux bombes du régime.

Quant à l’accès de l’aide humanitaire dans les zones assiégées par l’armée syrienne et ses milices, il concerne au moins 600 000 personnes, et il est rendu impossible, depuis des mois, par les «empêchements bureaucratiques, le manque de permis et d’autorisations délivrés par le gouvernement», détaillait la semaine dernière le responsable de l’ONU Jan Egeland.

Syrie : Poutine, Bachar el-Assad, Daech... le virage diplomatique à 180° d'Emmanuel Macron (22.06.2017)
Par Bruno Rieth
Publié le 22/06/2017 à 18:55

Dans un entretien accordé à huit journaux européens, Emmanuel Macron expose les grandes lignes de ce que sera sa diplomatie : rapprochement avec la Russie, lutte contre l'Etat islamique comme objectif principal, nécessité de "la stabilité de la Syrie". Autant de positions qui détonnent avec les hésitations d'un François Hollande.

C'est bien plus qu'un entretien, c'est une véritable feuille de route qui fait table rase du passé. Emmanuel Macron, tout juste installé dans son fauteuil de président de la République, a décidé de ne pas perdre de temps sur le dossier syrien. Dans un entretien donné à huit quotidiens européens dont Le Figaro et Le Temps, publié ce jeudi 22 juin, le chef de l'Etat s'exprime longuement sur ses aspirations européennes, la diplomatie française et la place de la France dans un monde redevenu multipolaire. Et d'y assumer un véritable tournant diplomatique sous le signe de la "realpolitik" en ce qui concerne la crise politique et militaire qui secoue le Moyen-Orient.

Sur l'analyse d'abord, Emmanuel Macron pose un constat clair et précis (et nécessaire) sur les raisons qui ont vu la Russie devenir incontournable en Syrie. "Les Etats-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France ? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations ? Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des gens qui avaient des lignes rouges mais ne les faisaient pas respecter", explique le chef de l'Etat. Ce qui le conduit, une fois ce constat posé, à penser une stratégie diplomatique et politique dégagée des erreurs du passé pour être la plus utile aux intérêts français.

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Emmanuel Macron défend un rapprochement avec la Russie

"Je respecte Vladimir Poutine. J’ai eu avec lui un échange constructif. Nous avons de vrais désaccords, sur l’Ukraine en particulier, mais il a vu aussi ma position", poursuit le président, rappelant ainsi que la Russie est un partenaire de la France tout en actant les désaccords existants. De quoi faire rougir un François Hollande ou un Jean-Marc Ayrault qui en appelaient en permanence à des "sanctions" contre legéant Russe. Puis, Emmanuel Macron lâche : "Il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne réglera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. Le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime !" Une déclaration qui tranche radicalement avec la position qui a longtemps servi de boussole au ministère des Affaires étrangères. Pour rappel, en 2012, Laurent Fabius, alors le patron du Quai d'Orsay, tonnait contre un "M. Bachar el-Assad (qui) ne mériterait pas d'être sur la Terre", estimant que "le régime syrien devait être abattu et rapidement".
  
Interrogé fin 2012 sur TV5 Monde sur la position de la France par rapport au groupe djihadiste Front Al Nosra (aujourd'hui rebaptisé Front Fatah al-Cham), Laurent Fabius répétait le "souhait" de la France de voir "Monsieur Bachar" tomber. Une ligne de conduite que Jean-Marc Ayrault, son successeur, poursuivra à son tour avant que François Hollande, après les attentats du 13 novembre, décide d'amorcer un rapprochement avec la Russie et le régime de Bachar el-Assad pour lutter efficacement contre l'EI.

Mais revenons à l'entretien, Emmanuel Macron, affirme ainsi les objectifs de la France en Syrie. "Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie", rappelant ainsi un certain… Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle.

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La stabilité de la Syrie plutôt que le départ de Bachar el-Assad

Puis, le chef des armées défend la nécessité de "la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie." Une position qui pourrait être inspiré par l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine selon le chercheur Frédéric Pichon et le grand reporter Georges Malbrunot.

 Frédéric Pichon @Fred_Pichon
L'entretien très védrinien d'Emmanuel #Macron https://www.letemps.ch/monde/2017/06/21/emmanuel-macron-leurope-nest-un-supermarche-leurope-un-destin-commun …
2:29 PM - 22 Jun 2017

 Georges Malbrunot @Malbrunot
XIV- On croit entendre Hubert Védrine qui conseille parfois le jeune président qui pourrait avoir remis notre diplomatie sur les rails.
4:22 PM - 22 Jun 2017

Et qui rapproche de facto les objectifs de la France de ceux de Vladimir Poutine : empêcher que l'Etat syrien de s'effondre. D'ailleurs plus loin, Emmanuel Macron analyse très justement les raisons du soutien de la Russie à Bachar el-Assad : "Je ne crois pas que [Vladimir Poutine] ait une amitié indéfectible à l’égard de Bachar el-Assad. Il a deux obsessions : combattre le terrorisme et éviter l’Etat failli. C’est pour cela que sur la Syrie des convergences apparaissent. Longtemps nous avons été bloqués sur la personne de Bachar el-Assad. Mais Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien (…) Que peut-on faire ? Réussir à travailler ensemble sur la Syrie pour lutter contre le terrorisme et déboucher sur une vraie sortie de crise."


Un entretien étonnant et détonnant qui a le mérite de tirer les leçons des errances diplomatiques françaises sur le dossier syrien. Et qui laisse entrevoir la possibilité pour la France de revenir sur le devant de la scène internationale. Affaire à suivre.

Syrie : monsieur le Président, ne tombez pas dans le piège de Vladimir Poutine à Versailles (28/05/2017)

Les ruines de la cathédrale arménienne des Quarante-Martyrs, à Alep, le 9 décembre.
Les ruines de la cathédrale arménienne des Quarante-Martyrs, à Alep, le 9 décembre. Photo George Ourfalian. AFP 

La politologue Bassma Kodmani interpelle Emmanuel Macron en lui demandant de ne pas oublier les civils, toujours pris au piège de la guerre en Syrie, lors de sa rencontre lundi avec le président russe.

Monsieur le Président, souvenez-vous du 14 juillet 2008. Alors chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy tentait de relancer les relations franco-syriennes en recevant avec les honneurs le président syrien Bachar al-Assad, venu présider les cérémonies de la fête nationale. La présence du dictateur syrien à la tribune présidentielle au pied des Champs-Elysées laisse aujourd’hui encore une marque indélébile sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy, tant Bachar al-Assad a réduit la Syrie en cendre ces six dernières années.

Votre rencontre avec le président russe Vladimir Poutine lundi au Grand Trianon de Versailles est, elle aussi, hautement symbolique et susceptible de laisser une impression durable en France comme à l’étranger. Vous avez mis la Syrie à l’ordre du jour de votre première rencontre avec un chef d’Etat étranger et cela vous honore. Mais soyez assuré que votre invité tentera surtout de faire de cette visite en grande pompe à Versailles, un triomphe de communication dont les médias russes ne perdront pas une image.

Monsieur le Président, lorsque vous vous retrouverez en tête à tête avec votre homologue russe, souvenez-vous d’Alep. N’oubliez pas les millions de Syriens toujours pris au piège du conflit, qui attendent de trouver protection et aide humanitaire en l’absence d’une solution politique, tenue à distance par la stratégie de guerre totale menée par le régime syrien et son allié russe.

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Depuis le début de son intervention armée en septembre 2015, la Russie s’est illustrée par son soutien militaire aux crimes de guerre du régime syrien. L’aviation russe continue à bombarder sans discernement différentes localités syriennes. À coup de veto, Moscou sape tous les efforts diplomatiques au Conseil de Sécurité susceptibles d’améliorer le sort des civils.

J’étais à Genève la semaine dernière pour la sixième série des négociations de paix sous l’égide des Nations unies, en tant que membre de la délégation de l’opposition syrienne. J’y ai une nouvelle fois constaté comment Vladimir Poutine cherche à imposer les seuls pourparlers d’Astana, où la Russie n’a à traiter qu’avec l’Iran et la Turquie.

Au début du mois, ces trois puissances se sont accordées, dans la capitale kazakhe, sur l’établissement de quatre zones de «désescalade», qui suscitent de nombreuses interrogations et ne présentent pour l’heure aucune garantie de protection ou d’accès humanitaire pour les civils. Si des millions de personnes pourraient potentiellement bénéficier de zones de désescalade, il revient à la France et à ses partenaires de modifier la proposition faite à Astana pour en faire un véritable outil d’action internationale au service des négociations de Genève. Pour fonctionner, les zones de désescalade doivent être dotées d’un système de surveillance international et garantir l’arrêt des déplacements forcés de populations qui se sont accélérés à un rythme effréné ces derniers mois.

Pendant la campagne présidentielle, vous avez dit vouloir remettre la France au centre du jeu diplomatique. La France bénéficie d’une position forte et a été depuis le début au premier plan des efforts pour une résolution politique du conflit. Vous avez aujourd’hui un rôle décisif à jouer pour que la sécurité de tous les Syriens soit garantie, condition indispensable à une solution politique viable et une lutte efficace contre le terrorisme en Syrie.

Monsieur le Président, ne faites pas du Grand Trianon le 14 juillet 2008 de votre quinquennat : ne signez pas de chèque en blanc à Vladimir Poutine à Versailles. Vous risqueriez de tomber dans le piège du Kremlin et de perdre la confiance de vos partenaires les plus proches.

Bassma Kodmani Directrice exécutive de l’Arab Reform Initiative et membre de la délégation de l’opposition syrienne pour les négociations de paix


Jean-Yves Le Drian et ses nouveaux horizons diplomatiques (26/05/2017)
Publié le 26 mai 2017 à 09h59
Par Christophe Boisbouvier

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a prévenu que la lutte contre le terrorisme resterait l’une de ses priorités au Quai d'Orsay, comme lorsqu'il était à la tête du ministère de la Défense. Reste à savoir s’il tentera la même approche que sur le continent.

L’homme est taiseux et se méfie de la presse. « Je suis une tombe », répond-il souvent, un sourire en coin, aux indiscrets qui sollicitent une confidence. Pourtant, un soir d’octobre 2014, dans un avion qui le ramenait de Bamako à Paris, il s’est lâché un peu.

À la question : « Vous venez de dîner avec le président malien et vous avez sans doute parlé de l’affaire Tomi [du nom du magnat corse du jeu qui était alors en cour à Bamako], non ? », il nous a répondu : « J’ai le regard du naïf. Je flirte, mais je ne couche pas. Je sais très bien comment [les présidents africains] peuvent m’amener à… Je reste dans mon périmètre de ministre. »

Jean-Yves Le Drian, c’est un petit-fils de docker breton d’une grande prudence. Avec le Tchadien Idriss Déby, le Nigérien Mahamadou Issoufou ou le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, le président de la région Bretagne sait jusqu’où créer une relation de confiance sans se compromettre. Du grand art.

Rescapé du quinquennat Hollande

Il a effectué un quasi-sans-faute à la tête des armées françaises. Les très longs applaudissements de tout l’état-major lors de sa dernière cérémonie de vœux, en janvier, à Paris, en témoignent.

Ses qualités ? D’abord, un pragmatisme à rebours de toutes les positions dogmatiques du Parti socialiste – dont il est issu –, d’où son choix anti-Hamon et pro-Macron avant le premier tour de la présidentielle. Une décision qui lui vaut aujourd’hui d’être l’un des seuls rescapés du quinquennat Hollande, avec Annick Girardin, dans le premier gouvernement Macron.

Un marchand breton d’aliments pour bétail raconte : « Quand il était député-maire de Lorient et qu’une grève des dockers ou des cheminots bloquait mes livraisons de céréales, je l’appelais discrètement et il donnait des consignes pour que mes marchandises passent. »

Pas bavard, toujours à la recherche du mot juste, l’ancien professeur agrégé d’Histoire de l’université de Rennes ne promet que ce qu’il peut réaliser. En Bretagne, on dit de lui qu’« il est carré ».

Le meilleur ministre de la Défense pour Serge Dassault

Autre atout, sa ténacité. À la Défense, il a gagné deux batailles. D’abord celle du budget de son ministère. Après les attentats de 2015 en France, il a « sauvé » 28 000 emplois dans les armées.

Ensuite, grâce aux commandes d’avions Rafale par l’Égypte, le Qatar et l’Inde et à l’achat de sous-marins par l’Australie, le socialiste a triplé les prises de commandes par rapport à 2012, la dernière année du quinquennat Sarkozy. Ce qui fait dire à l’industriel Serge Dassault, un sénateur de la droite française, qui fabrique les Rafale : « C’est le meilleur ministre de la Défense qu’on ait jamais eu. »

Le Drian restera-t-il le « ministre de l’Afrique », comme le surnomme la presse parisienne depuis quatre ans ? Pas sûr. Désormais, il passera beaucoup plus de temps à Bruxelles ou à New York qu’à Dakar ou à N’Djamena.

Et Sylvie Goulard, la nouvelle ministre des Armées, sera nécessairement la partenaire régulière des chefs d’État du G5, l’alliance militaire qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.

Priorité à la lutte antiterroriste

Mais Le Drian prévient : la lutte antiterroriste sera l’une des priorités de sa politique étrangère. « Je vais poursuivre d’une autre manière le combat pour la sécurité des Français », a-t-il déclaré le 17 mai, lors de la passation des pouvoirs au Quai d’Orsay.

Dans la continuité de ce qu’il a fait depuis cinq ans, la construction d’une Europe de la défense sera aussi l’un de ses objectifs communs avec Sylvie Goulard. L’homme, qui aura 70 ans le 30 juin, pensait sans doute partir tranquillement à la retraite. C’est raté.

Pendant les cinq ans où il a sillonné le continent et le Moyen-Orient, le Breton a développé une diplomatie personnelle, « à l’africaine », qui lui a plutôt réussi. Va-t-il tenter la même approche avec ses homologues américains, russes ou chinois ? À suivre.

Réputé pour sa ténacité, il a effectué un quasi-sans-faute à la tête des armées françaises.

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