9 juillet 2017

Libye

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Le maréchal Haftar consolide son ascension en Libye (07.07.2017)
Libye : « Haftar veut s’imposer comme un sauveur » (07.07.2017)
Benghazi "libérée" des islamistes après 3 ans de bataille mais toujours pas d'espoir réel de démêler l'imbroglio libyen (07.07.2017)
Libye : sécurité des ressortissants français (07.07.2017)
Libye : le maréchal Khalifa Haftar proclame la « libération totale » de Benghazi (06.07.2017)
En Libye, les forces du maréchal Haftar ont repris le Croissant pétrolier (14.03.2017)
Libye : « Le cyclone de la guerre a emporté dans ses flots Gandoufa » (09.03.2017)
En Libye, le Croissant pétrolier théâtre de nouveaux combats (04.03.2017)
En Libye, les ambiguïtés idéologiques du maréchal Haftar (21.02.2017)
En Libye, l’incessante bataille du pétrole (26.09.2016)
En Libye, le général Haftar s’empare du « croissant pétrolier » (12.09.2016)
A Syrte, la province libyenne de l’EI a vécu (30.08.2016)
Cartes géographiques et géostratégiques
Présentation de la Libye (28.04.2017)
Le maréchal Haftar consolide son ascension en Libye (07.07.2017)
L’homme fort de la Cyrénaïque a proclamé la « libération totale » de Benghazi.

Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

LE MONDE Le 07.07.2017 à 11h07

Des forces loyales à Khalifa Haftar, le 6 juillet à Benghazi.

Le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénaïque (est), s’impose plus que jamais comme une figure incontournable de la scène politico-militaire libyenne. Mercredi, 5 juillet, il a proclamé la « libération totale » de la ville de Benghazi, où ses troupes de l’Armée nationale libyenne (ANL) combattaient des groupes « révolutionnaires » – composés de djihadistes, mais pas exclusivement – retranchés dans quelques bastions résiduels.

Cette bataille de Benghazi avait commencé au printemps 2014, lorsque Khalifa Haftar, ancien proche de Mouammar Kadhafi devenu dissident en exil aux Etats-Unis, avant de prêter son concours à la révolution de 2011, avait déclenché l’offensive baptisée « Karama » (« dignité ») contre des groupes islamistes radicaux qui s’étaient livrés à une campagne d’assassinats dans la métropole de l’Est libyen. Trois ans plus tard, le hiérarque militaire, nommé depuis maréchal par l’Assemblée repliée à Tobrouk, émerge comme un vainqueur incontestable, mais au prix de destructions et de victimes civiles dénoncées comme des « crimes de guerre » par ses adversaires.

L’ascension de Haftar aiguise le dilemme diplomatique auquel sont confrontées les chancelleries occidentales. En témoignent les controverses qui ont éclaté dès le lendemain de l’annonce de la «libération» de Benghazi. La mission des Nations unies pour la Libye et l’ambassadeur britannique en Libye, Peter Millett, ont salué dans un langage quasi identique la «libération» de Benghazi comme «l’espoir» d’une première étape vers «la paix». La formule a été peu appréciée par les adversaires du maréchal Haftar, surtout concentrés à Tripoli et Misrata (ouest). Abderrahmane Souihli, figure politique de Misrata et président du Conseil d’Etat, une institution associée au gouvernement d’«union nationale» siégeant à Tripoli, a dénoncé le commentaire de M. Millett comme un «feu vert» donné au «voyou» Haftar pour «attaquer» Tripoli.

Irritation

Cette réaction est symptomatique de l’irritation qui saisit les milieux hostiles au maréchal devant les inflexions en cours chez les diplomates occidentaux. Après avoir snobé Haftar, voire œuvré à son éviction du commandement de l’ANL, ces derniers ont pris acte de ses percées militaires depuis un an – à Benghazi et dans le Croissant pétrolier notamment – et opté pour le réintégrer dans une solution politique de la crise libyenne. Ce changement de pied est surtout mal perçu à Misrata, siège de la principale force militaire en Tripolitaine, où se recrutent les opposants les plus irréductibles au maréchal.


Le « réalisme » affiché par les Occidentaux, où les impératifs de la lutte antiterroriste ont toute leur place, comporte toutefois le risque de fragiliser l’accord de Skhirat (Maroc) – signé en décembre 2015 – dont est issu le gouvernement d’«union nationale» de Faïez Sarraj. Le maréchal Haftar n’a en effet cessé de faire obstruction à la mise en place de ce nouveau dispositif institutionnel censé incarner la réconciliation nationale. Si les deux hommes se sont rencontrés début mai à Abou Dhabi (Emirats arabes unis), ils ont pour l’instant échoué à s’entendre sur un scénario de sortie de crise. Encouragé par ses avancées militaires, le maréchal Haftar peine à admettre formellement qu’il subordonnerait son autorité militaire à un pouvoir civil. Il est encouragé dans son inflexibilité par le soutien – diplomatique, militaire et financier – qu’il reçoit de l’Egypte et des Emirats arabes unis. Fort de sa trajectoire ascendante, il a maintes fois annoncé qu’il se préparait à « libérer » Tripoli. Les répliques sismiques de la «libération de Benghazi» pourraient affecter ces prochaines semaines la capitale libyenne.

Libye : « Haftar veut s’imposer comme un sauveur » (07.07.2017)
07 juillet 2017 à 20h14
Par Maëva Poulet
 @maevaplt

En proclamant, mercredi 5 juillet, la libération « totale » de Benghazi, le maréchal Khalifa Haftar s'est imposé comme l'homme fort de la Libye. Pour Hélène Bravin, chercheuse associée à l'Institut Prospective et sécurité en Europe, spécialiste de la Libye, celui qui avait été exclu de l'accord politique de 2015 devient un acteur incontournable, disposant d'une crédibilité propre à lui permettre d'exiger son intégration au sein du gouvernement d'union nationale.

Une « libération totale ». Après plus de trois ans d’affrontements meurtriers, le maréchal Khalifa Haftar, a annoncé, mercredi 5 juillet au soir, que ses troupes de l’Armée nationale libyenne (ANL) avaient réussi à reprendre le contrôle de la ville de Benghazi où sévissaient des groupes djihadistes. Ancien proche de Mouammar Kadhafi passé à l’opposition, Khalifa Haftar avait lancé au printemps 2014 l’opération « Dignité », pour combattre les groupes islamistes radicaux dans la deuxième ville du pays.

Un temps perçu d’un bon œil par l’Occident, Khalifa Haftar a ensuite fait figure d’importun, à l’heure de l’unification du pays contre l’État islamique. En décembre 2015, l’accord de Skhirat, censé incarner la réconciliation nationale, avait acté la création du gouvernement d’« union nationale » de Faïez Sarraj. Un dispositif dont le maréchal, accusé par ses détracteurs de vouloir mettre en place un régime militaire, a été écarté. Reconnu par la communauté internationale, ce gouvernement basé à Tripoli dispute donc le pouvoir avec les autorités non reconnues basées dans l’Est, auxquelles est lié le maréchal Haftar.

Mais après la prise de contrôle des troupes pro-Haftar dans le Croissant pétrolier en mars et la libération de Benghazi, les occidentaux ont commencé à prendre acte des percées militaires du maréchal. La mission d’appui des Nations unies en Libye a d’ailleurs salué, jeudi 6 juillet, la libération de la ville dans un tweet. De quoi recomposer les lignes politico-militaires en Libye.

 UNSMIL @UNSMILibya
Welcome the liberation of #Benghazi. Hope it is a step toward #peace stability & #reconciliation in #Libya. No place 4 #terrorism in country
13:18 - 6 Jul 2017
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Hélène Bravin est chercheuse associée à l’Institut Prospective et sécurité en Europe, spécialiste de la Libye. Interviewée par Jeune Afrique, elle soutient que le maréchal, qui consolide son ascension dans le pays, s’impose de plus en plus comme un acteur incontournable dans les négociations de paix.

Jeune Afrique : En quoi la libération de Benghazi marque un tournant ?

Hélène Bravin : Le Général Haftar avait déjà conquis les trois-quarts de cette ville, il ne restait que quelques petits bastions terroristes à vaincre. On s’attendait donc à ce qu’il prenne cette ville. Aujourd’hui c’est quasi fait à quelques jihadistes près, lesquels sont cernés. 

C’est un trophée important et un coup dur pour les milices de Misrata qui œuvraient via certaines milices contre Haftar à Benghazi. [Les milices de Misrata, les plus puissantes du pays, avaient combattu, au nom du gouvernement d’« union nationale » contre les éléments de Daech à Syrte, NDLR]. Aujourd’hui, Misrata est pris en étau. Haftar a conquis l’Est et contrôle les puits pétroliers. Il a conquis des villes stratégiques au Sud. Lui, qu’on a considéré longtemps comme un général qui ne pouvait pas avoir de succès, les multiplie aujourd’hui. 

Cette conquête de Benghazi redore davantage son image dans le pays, puisqu’il combat des jihadistes, mais aussi vis-à-vis des Occidentaux – même si bon nombre d’opposants et d’ONG l’accusent d’avoir les mains tachées de sang.

Quelles pourraient être ses prochaines étapes ?

Haftar va d’abord devoir montrer qu’il peut contrôler Benghazi. La libération de la ville est une chose, mais elle précède la sécurisation. Si les jihadistes combattants sont défaits, il n’en reste pas moins que certains vont probablement s’activer dans l’ombre pour déstabiliser à nouveau l’armée de Haftar. On s’attend donc à ce que Benghazi soit prochainement la cible d’attentats. Il faudra beaucoup de temps avant de pouvoir prétendre à une sécurité à 100 % de la ville. 

La deuxième étape possible, c’est de s’attaquer à Derna qui est une autre ville marquée par la présence de jihadistes. 

Il faudra aussi qu’il sécurise le sud du pays : Belmokhtar, dit « le borgne », est toujours dans les parages, et il y a encore de nombreuses cellules de jihadistes dans cette partie-là de la Libye, tout comme à l’Ouest. En bref, son combat contre les jihadistes n’est pas terminé.

Avec cette victoire, le maréchal a acquis une légitimité. Est-ce que cela pourrait reconfigurer les lignes politico-militaires en Libye ? Le gouvernement d’« union nationale » pourrait-il être tenté de composer avec Haftar ?

Cette victoire peut avoir un impact sur les négociations avec le gouvernement d’union nationale dans la mesure où les milices de Misrata sont affaiblies. 

La prétention de Haftar a beaucoup changé. Pendant un temps, il disait vouloir faire la guerre aux jihadistes. Ces opposants l’accusaient alors déjà de vouloir, en réalité, prendre le pouvoir en Libye. Mais il est resté sur cette ligne. Depuis qu’il a pris d’assaut les puits pétroliers de l’Est, il est en position de force et son discours a changé. 

Haftar ne se positionne plus dans une seule dynamique d’intégration dans l’armée, il se positionne aujourd’hui dans le sens d’une intégration politique et militaire. Il souhaiterait être à la tête du conseil présidentiel. La question, c’est de savoir si Faïez Sarraj acceptera et s’il est assez fort pour cela. 

Si Sarraj  va dans le sens du maréchal, cela pourrait potentiellement heurter les milices – notamment de Misrata – qui pourraient se retourner contre lui. Et jusqu’alors, Faïez Sarraj n’a jamais prouvé qu’il était un homme assez fort pour tenir tête aux milices.

Et si cela ne fonctionne pas ? Le maréchal serait-il prêt à marcher sur Tripoli ?

Si Haftar n’arrive pas à trouver une solution politique, il se pourrait aussi qu’il crée son conseil militaire dans l’Est. Peut-être envisagera-t-il par la suite de marcher sur Tripoli, mais cela reste très compliqué, car les milices sur place sont bien armées. En fait, ça risque d’être un véritable massacre, qu’Haftar essaiera sans doute d’éviter pour garder son image de marque internationale – qui est déjà assez entachée par les rapports. Il y a eu, en effet, des dommages collatéraux à Benghazi qui ont touché la population. Amnesty International parle de crimes de guerre.

Comment le maréchal est-il perçu aux yeux des Libyens ?


Le maréchal veut aujourd’hui s’imposer comme un homme providentiel, sauveur. Mais est-ce qu’il va être plébiscité ? 

Les Libyens sont partagés sur cette question. Le coup d’État de 69 reste en mémoire. [Le 1erseptembre 1969, le colonel Kadhafi renverse la monarchie libyenne du vieux roiIdriss 1er Al-Senoussi, NDLR.] Même si Kadhafi a écarté l’armée du pouvoir au fur et à mesure, l’idée d’un régime militaire ne parait pas être la solution pour une bonne partie des Libyens. Mais ils se trouvent dans une position ambiguë, d’autant plus qu’ils ont besoin de sécurité. Ils s’entendent sur le fait qu’il faut mettre fin au règne des milices… et c’est ce que souhaite Haftar.

Libye : sécurité des ressortissants français (07.07.2017)
Dernière mise à jour le : 2 décembre 2016 - Information toujours valide le : 7 juillet 2017

En raison de la dégradation de la situation sécuritaire et du développement de la menace terroriste, il est demandé aux ressortissants français en Libye de quitter le pays d’urgence. Il est, en outre, formellement déconseillé aux ressortissants français de s’y rendre.

Depuis le 30 juillet 2014, les locaux de notre Ambassade à Tripoli sont fermés. Les intérêts français ne sont plus représentés en Libye depuis la fermeture de l’Ambassade d’Italie à Tripoli, en février 2015.

Pour les questions consulaires, les Français restés en Libye sont invités à contacter le Consulat général de France à Tunis :
Par téléphone, au +216 71 105 000 ;

Le terrorisme, les combats disséminés dans le pays, l’insuffisant déploiement des forces de sécurité gouvernementales, la prolifération des armes et la présence de différents groupes armés imposent la plus grande prudence et une vigilance permanente, notamment lors des déplacements, lesquels sont formellement déconseillés. Ce contexte favorise par ailleurs le développement de la délinquance et de la criminalité de droit commun (braquages, « carjackings »…).

Les risques d’enlèvement dans ce pays sont bien réels, comme a pu le montrer l’enlèvement à Tripoli de l’Ambassadeur de Jordanie en Libye le 15 avril 2014.


Consignes de précaution et de prudence
Il est conseillé aux ressortissants français restés en Libye de respecter les consignes de précaution et de prudence, et notamment :
se tenir à l’écart des rassemblements et des mouvements de foule ;
proscrire les déplacements nocturnes ;
adopter une attitude de réserve et de discrétion en toutes circonstances ;
s’informer des dernières évolutions.

Est de la Libye, et notamment à Benghazi
Compte tenu de la présence avérée d’éléments terroristes à Benghazi et Derna, et du fait des combats qui y ont lieu, il est, plus que jamais, formellement déconseillé de se rendre dans ces deux villes. Les déplacements dans toute la région Est de la Libye, exposée à la menace terroriste (attentats terroristes de Tobrouk, en décembre 2014, et al-Qobba, en février 2015), sont aussi formellement déconseillés.

Sud de la Libye
Des informations émanant de source gouvernementale libyenne accréditent le risque d’enlèvements ou d’actes hostiles contre des citoyens français dans le Sud du pays, zone échappant au contrôle des autorités et où des affrontements se poursuivent depuis septembre 2014, notamment à Oubari. En conséquence, tous les déplacements vers cette région sont à proscrire.

Tripolitaine (Ouest de la Libye)
Compte tenu d’informations faisant état de la présence d’éléments terroristes aux environs de Sabratah et de Zawiyya et suite à l’attentat contre l’hôtel "Corinthia" à Tripoli, en janvier 2015, et l’assassinat des ressortissants égyptiens par des éléments terroristes à Syrte, en février 2015, il est formellement déconseillé de se rendre à Syrte et en Tripolitaine.

Zones frontalières
Les zones frontalières avec l’Algérie, la Tunisie (dans sa partie sud), le Niger, le Tchad et le Soudan présentent un fort risque d’insécurité lié à la présence de bandes armées, voire de terroristes. Ces zones sont à éviter absolument.

Navigation de plaisance

Il est fortement recommandé aux plaisanciers d’éviter les eaux territoriales libyennes et de faire preuve de la plus grande prudence et de la plus grande vigilance.


Libye : le maréchal Khalifa Haftar proclame la « libération totale » de Benghazi (06.07.2017)
Les forces de l’ANL ont enregistré mercredi des percées dans les derniers bastions djihadistes. Cette libération devrait influencer les lignes politico-militaires libyennes.

Le Monde.fr avec AFP | 06.07.2017 à 02h59 • Mis à jour le 06.07.2017 à 15h24 | Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

Après plus de trois ans de combats meurtriers, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen, a annoncé, mercredi 5 juillet au soir, la « libération totale » de la ville de Benghazi des djihadistes. Dans son discours diffusé à la télévision, le maréchal Haftar a rendu hommage « aux caravanes de martyrs » tués dans les combats contre les djihadistes, ajoutant que Benghazi entrait aujourd’hui « dans une nouvelle ère de paix, de sécurité, de réconciliation (…) et de reconstruction ».

Les forces loyales à Haftar avaient annoncé plus tôt dans la journée une importante percée dans les derniers bastions des djihadistes à Benghazi. L’Armée nationale libyenne (ANL) auto-proclamée, par Haftar, avait ainsi annoncé la fin des opérations militaires dans le quartier de Soug Al-Hout, ajoutant avoir avancé dans le quartier central d’Al-Sabri, selon le général Abdessalam Al-Hassi, chef de la cellule des opérations. Il avait précisé à l’Agence France-Presse que les derniers djihadistes étaient cernés dans un petit périmètre du quartier d’Al-Sabri et faisaient l’objet d’attaques sur trois fronts, sous une couverture des forces aériennes.


Soutenu par l’Egypte et les Emirats arabes unis

Même si elle ne fait que consacrer symboliquement un contrôle territorial déjà acquis, cette « libération totale » annoncée par Haftar va renforcer la main du maréchal à l’égard du pouvoir rival incarné par Faïez Sarraj, le chef du gouvernement d’« union nationale » installé à Tripoli (ouest) avec le soutien de la communauté internationale. De sa place forte de la Cyrénaïque (Libye orientale), le maréchal Haftar avait fait obstacle à la mise en place des institutions prévues par l’accord signé à Skhirat (Maroc) sous l’égide des Nations unies. A ses yeux, l’accord de Skhirat comportait le vice originel de planifier son éviction de la tête de l’ANL.

Depuis l’arrivée de M. Sarraj à Tripoli fin mars 2016, l’homme fort de la Cyrénaïque a exercé les pressions nécessaires pour que le Parlement refuse l’investiture du gouvernement d’« union nationale », affaiblissant de facto ce dernier. Simultanément, le maréchal Haftar a avancé ses pions militaires, conquérant à l’automne 2016 le Croissant pétrolier, poumon économique de la Libye, et réalisant des percées plus au sud dans les zones d’Al-Juffrah et de Sabha. Ces avancées ont été permises par un soutien actif prodigué par l’Egypte, qui l’a souvent appuyé par des frappes aériennes, et les Emirats arabes unis.


Aux yeux de ses soutiens extérieurs, Haftar incarne un pôle anti-islamiste affaiblissant en Libye la galaxie de l’islam politique – allant des Frères musulmans aux djihadistes radicaux – qui s’était imposée à la faveur du renversement en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi. Ses connexions avec certains réseaux salafistes dits « madkhalistes » – salafistes « quiétistes » se réclamant de l’école du théologien saoudien Rabia Ben Hadi Al-Madkhali, qui prêche la loyauté aux régimes en place – sont toutefois jugées avec inquiétude par certains Libyens de sensibilité libérale.

Quid de l’attitude des groupes les plus hostiles à Haftar ?

En outre, ses penchants militaristes, illustrés par le remplacement des maires démocratiquement élus par des officiers de l’armée dans les régions qu’il contrôle, renforcent le scepticisme, voire l’hostilité à son égard, des Libyens attachés aux idéaux de la révolution de 2011.

Malgré ces multiples réserves, la popularité de Haftar est réelle en Cyrénaïque, et à Benghazi en particulier. La grande cité de l’Est a particulièrement souffert du déchaînement de violence à partir des années 2012-2013 orchestré par des noyaux djihadistes assassinant systématiquement militaires, policiers, intellectuels, militants de la société civile, etc.

Au lendemain de cette « libération » proclamée, la grande inconnue réside désormais dans l’attitude des groupes les plus hostiles à Haftar, notamment en Tripolitaine (ouest). Ces derniers se concentrent surtout autour de la cité marchande de Misrata. Si le gouvernement d’« union nationale » de Sarraj basé à Tripoli devait être tenté de composer avec un Haftar en pleine ascension, il ne fait guère de doute aux yeux des observateurs que les « durs » de Misrata se retourneraient contre Sarraj, ouvrant une fracture au cœur même de la Tripolitaine. Les répliques sismiques de la « libération » de Benghazi vont reconfigurer sans tarder les lignes politico-militaires en Libye.

En Libye, les forces du maréchal Haftar ont repris le Croissant pétrolier (14.03.2017)
Après avoir perdu, début de mars, Ras Lanouf et Sidra, deux des principaux ports d’exportation du brut libyen, l’homme fort de la Cyrénaïque a repris l’avantage.

Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

LE MONDE Le 14.03.2017 à 12h18 • Mis à jour le 15.03.2017 à 10h42

Vue d’installations pétrolières de Ras Lanouf, en janvier 2017.
Vue d’installations pétrolières de Ras Lanouf, en janvier 2017.

Les combats se sont intensifiés, mardi 14 mars, au cœur du Croissant pétrolier, poumon économique de la Libye, où les forces loyales au maréchal Haftar, l’homme fort de l’Est libyen et chef en titre de l’Armée nationale libyenne (ANL), ont repris l’avantage face aux assaillants qui les avaient délogés de la zone dix jours plus tôt.


Selon des officiels de l’ANL, cités par diverses agences de presse, les forces de M. Haftar ont rétabli leur contrôle sur Ras Lanouf et Sidra, deux des ports de cet arc de terminaux pétrolier situé en bordure du golfe de Syrte. « Les forces armées ont libéré le Croissant pétrolier », a déclaré Ahmad Al-Mesmari, porte-parole de l’ANL. Les combats auraient fait 21 morts parmi les forces de l’ANL, selon des sources locales citées par le journal en ligne Libya Herald. On ignorait mercredi le nombre de victimes chez leurs adversaires de la Brigade de défense de Benghazi (BDB).

Force d’obédience islamiste

Principale plate-forme d’exportation du brut libyen, le Croissant pétrolier est une région stratégique. La production de la Libye atteignait, avant les combats de mars, 700 000 barils par jour, plus du double de son niveau d’il y a un an, mais loin du nombre – 1,6 million de barils par jour – que le pays produisait avant le renversement de Mouammar Kadhafi, en 2011. La BDB, une force d’obédience islamiste, avait enlevé, contre toute attente, la zone le 3 mars. Dans les jours ayant suivi sa victoire, la BDB avait résisté à une première série de ripostes aériennes des troupes de Haftar. Le rapport des forces lui est ensuite devenu défavorable alors que l’ANL massait des troupes aux abords du Croissant pétrolier.


La reprise de ce dernier par l’ANL de Haftar place le gouvernement d’« union nationale » de Faïez Sarraj, la seule autorité reconnue par la communauté internationale, dans une situation embarrassante. M. Sarraj n’a que mollement condamné la percée militaire de la BDB du 3 mars, donnant l’impression qu’il s’en satisfaisait. Si la BDB et le gouvernement de M. Sarraj ne sont pas formellement liés, ils partagent le même adversaire en la personne du maréchal Haftar. Depuis un an, ce dernier est le principal obstacle à la mise en place de l’autorité de M. Sarraj, privé de l’investiture du Parlement de Tobrouk, dominé par les amis de M. Haftar.

La BDB est l’émanation du Conseil de la choura révolutionnaire de Benghazi, un complexe de groupes s’inscrivant dans l’héritage de la révolution anti-kadhafiste de 2011 mais où certains noyaux djihadistes, des proches d’Al-Qaida et d’autres de l’organisation Etat islamique (EI), avaient trouvé leur place. Cette mouvance combattait les forces du maréchal Haftar qu’elle dénonçait comme un « putschiste » aux visées « contre-révolutionnaires ».

Une impasse

De son côté, le maréchal, soutenu par une partie significative de la population de la Cyrénaïque (Est), se posait en champion de la « lutte antiterroriste ». Appuyé par l’Egypte, les Emirats arabes unis (EAU) et des unités spéciales de pays occidentaux – dont la France et les Etats-Unis –, le maréchal était parvenu à reprendre l’essentiel de Benghazi à ses adversaires du Conseil de la choura révolutionnaire de la ville, qui ne résistaient plus que dans certaines poches. Cette bataille de Benghazi s’était accompagnée de destructions de quartiers entiers et du déplacement de centaines de familles issues des groupes anti-Haftar.


C’est dans ce vivier de personnes déplacées, notamment à Misrata, que la BDB a recruté la majeure partie de ses combattants. Alors qu’elle n’avait pas caché son inclination islamiste lors de sa création au printemps 2016, la brigade a ensuite tenu à projeter une image différente afin de contrer le procès en « extrémisme » qu’instruisait contre elle le camp du maréchal Haftar. Dans ses récents communiqués, la BDB insistait sur sa priorité du « retour » des réfugiés à Benghazi. Elle affirmait aussi combattre le « terrorisme » et vouloir empêcher que la Libye abrite des forces pouvant constituer une « menace » pour les pays voisins.


Les derniers développements du Croissant pétrolier mettent à mal les efforts diplomatiques, en particulier ceux des pays voisins (Egypte, Tunisie, Algérie), visant à ramener tous les protagonistes de la crise libyenne autour d’une table de négociations. Six ans après le déclenchement la révolution qui conduisit – avec l’aide de l’OTAN – au renversement du régime de M. Kadhafi, l’impasse libyenne n’a jamais semblé aussi profonde.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/03/14/offensive-sur-les-sites-petroliers-de-l-est-libyen_5094254_3212.html

Libye : « Le cyclone de la guerre a emporté dans ses flots Gandoufa » (09.03.2017)
Le spécialiste du Maghreb Raouf Farrah explique, dans une tribune au « Monde », que le discours triomphaliste de l’armée du général Haftar sonne comme une fausse note pour la population civile de Gandoufa, où se déroule une véritable crise humanitaire.

LE MONDE IDEES | 09.03.2017 à 14h53 • Mis à jour le 15.03.2017 à 11h00 | Par Raouf Farrah (Analyste politique spécialiste du Sahel et du Maghreb chez SecDev)

« Le 25 janvier 2017, l’armée a proclamé la libération de Gandoufa et sa victoire sur les forces obscurantistes. « Une victoire du peuple » déclare un commandant de l’armée. Mais ce petit succès recèle un vrai drame humanitaire, sur fond de pénurie et de famine, d’hôpitaux terrassés et d’écoles détruites. » AFP/MAHMUD TURKIA

TRIBUNE. Gandoufa pleure dans un silence de mort. La ville n’existe aujourd’hui que par le gémissement de sa population, isolée du reste de la Libye. Du monde aussi. Cette petite encablure de la banlieue de Benghazi fait partie de ces mille et un lieux abandonnés par les discours médiatiques dont les souffrances et les tourments résonnent comme des cris terrifiants.

De jour comme de nuit, Gandoufa vibre sous le bourdonnement des bombes de l’armée du général Haftar [homme fort de la Cyrénaïque et chef de l’Armée nationale libyenne (ANL)] et des balles des groupes terroristes. Une triste symphonie que les enfants de la ville connaissent par cœur. Car pour eux, la peur est constante, et les gestes sont identiques : il faut se courber à même le sol, et attendre, attendre le silence rédempteur, seul signe d’un apaisement temporaire.

Prétendu succès militaire sur fond de crise humanitaire

Depuis juillet 2014, l’Opération dignité dirigée par Haftar contre les milices islamistes a détruit la plupart des quartiers de Gandoufa. L’armée et les combattants du Conseil des révolutionnaires de la Shura de Benghazi – principal groupe terroriste – en ont fait un sanglant terrain d’affrontement, en dépit de la présence des civils, meurtris par deux années de guerre et de blocus.

Ses habitants n’ont plus accès à des aliments frais depuis des mois, l’eau potable y est très limitée, et l’électricité reste un luxe. De plus, les résidents de Gandoufa vivent dans une crainte constante, car sortir de chez soi est équivalent à acheter sa propre mort. Au cœur de la ville, les routes sont ensevelies sous les piles de décombres, les petits chemins sont parsemés de mines alors que les check-points de l’armée le long de la côte surveillent les « traîtres » qui osent quitter la ville alors que la victoire est imminente.

 Lire aussi :   En Libye, les ambiguïtés idéologiques du maréchal Haftar

Le 25 janvier 2017, l’armée a proclamé la libération de Gandoufa et sa victoire sur les forces obscurantistes. « Une victoire du peuple », déclare un commandant de l’armée. Mais ce petit succès recèle un vrai drame humanitaire, sur fond de pénurie et de famine, d’hôpitaux terrassés et d’écoles détruites. Récemment, quelques organisations humanitaires ont émis des appels internationaux pour aider cette sinistre région, mais très peu d’entre elles maintiennent des effectifs sur le terrain.

Pour Magdalena Mughrabi, vice-directrice de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord chez Amnesty International, « le temps presse pour les civils à Gandoufa. Ils sont laissés-pour-compte durant cette intense période de combat. Tandis que les bombes et les obus continuent à pleuvoir, les civils luttent pour survivre. Ils n’ont accès qu’à peu de nourriture pourrie et une eau contaminée ». Le Croissant-Rouge libyen, une organisation relativement bien réputée dans le pays, a tenté de convaincre l’armée de la nécessité d’entrer dans la ville afin de porter secours aux habitants. Sans grand succès.

Quand l’armée règne en maître

Le cyclone de la guerre libyenne a donc emporté dans ses flots Gandoufa, autrefois paisible et douce ville sur le bord de la Méditerranée. Désormais, elle compte ses défunts par centaines, majoritairement des civils dont beaucoup d’enfants et de nombreux jeunes qui n’ont cherché, souvent, qu’à protéger leurs maisons, leurs ruelles ou leurs quartiers des groupes terroristes.
Alors que l’armée libyenne a mené une effroyable campagne de bombardement durant le mois de janvier dernier, des milices extrémistes campent toujours au sein du quartier Bâtiment 12. Selon des chiffres approximatifs, il resterait quelques centaines de personnes emprisonnées dans ce bourbier, sans la moindre nouvelle de leur sort. Gandoufa n’a donc toujours pas tourné la page sombre de la guerre.

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Dès lors, l’armée a endurci ses actions contre les milices terroristes. Elle a déployé ses forces spéciales sur le terrain tout en menant des raids quotidiens sur les dernières poches de résistance. Et afin de stopper les percées des terroristes, Haftar a décidé de limiter la liberté de circulation dans la ville, particulièrement pour les hommes adultes.

Selon Hannah Saleh, chercheur sur la Libye chez Human Rights Watch, « l’armée ne peut empêcher un citoyen de quitter une zone de combat, quel que soit son âge ou son sexe. La présence des terroristes à proximité des résidences ne lui donne pas l’autorisation de piéger les habitants, encore moins de les laisser mourir de faim ».

Les civils comme bouclier humain

Malgré les assurances de l’armée, la population de Gandoufa est loin d’être réconfortée. Les incursions des forces spéciales sont aussi violentes que les attaques des groupes extrémistes qui, d’ailleurs, n’hésitent pas à utiliser les civils comme bouclier humain.

Le discours triomphaliste de l’armée de Haftar à Gandoufa sonne comme une fausse note pour la population civile. Tristement, l’armée autant que les groupes terroristes soufflent, encore et toujours, sur les braises de la catastrophe humanitaire. À l’heure où la communauté internationale réévalue le rôle de Haftar au sein de la crise politique libyenne, il est plus que jamais temps d’exprimer à son armée les inquiétudes concernant Gandoufa.

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Il est aussi plus que jamais le moment de s’indigner des abus d’un régime militaire brutal et des exactions sanguinaires des groupes terroristes, dans un conflit où les grandes puissances ne peuvent s’exonérer de toute responsabilité.

En Libye, le Croissant pétrolier théâtre de nouveaux combats (04.03.2017)
Les forces hostiles au maréchal Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne, ont repris le terminal pétrolier de Ras Lanouf, hypothéquant la production du brut libyen.

Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

LE MONDE Le 04.03.2017 à 09h06 • Mis à jour le 06.03.2017 à 10h02

L’épisode va compliquer les efforts régionaux de règlement de la crise libyenne. Vendredi 3 mars, les forces du maréchal Khalifa Haftar, chef en titre de l’Armée nationale libyenne (ANL) et homme fort de la Cyrénaïque (est), ont essuyé un revers dans une partie du Croissant pétrolier, le poumon économique de la Libye qu’elles contrôlaient depuis septembre 2016. Un groupe armé, baptisé Brigade de défense de Benghazi, a lancé une attaque surprise contre cet arc de terminaux pétroliers en bordure du golfe de Syrte et est parvenu à enlever le port de Ras Lanouf. Le porte-parole de l’ANL, le colonel Ahmed Mesmari, a confirmé cette perte de Ras Lanouf mais a démenti celle du port voisin de Sidra que rapportaient des sources locales.

La percée de la Brigade de défense de Benghazi, une force « révolutionnaire » d’obédience islamiste à laquelle se sont agrégés des noyaux djihadistes, risque fort de relancer les affrontements dans cette région du Croissant pétrolier où transite plus de la moitié du brut libyen exporté. Depuis sa conquête il y a six mois par l’ANL du maréchal Haftar, les exportations avaient repris de manière spectaculaire, permettant à la Libye de doubler (par rapport à 2016) sa production pétrolière à 700 000 barils par jour. Les jours prochains devraient être marqués par une contre-offensive des forces du maréchal Haftar qui disposent sur les assaillants d’un avantage aérien. Mais le coût humain, économique et diplomatique de la flambée de combats qui s’annonce risque d’être élevé. Ce nouvel épisode militaire va hypothéquer l’offensive diplomatique récemment menée par les pays voisins de la Libye – Algérie, Tunisie et Egypte – dans le but d’amener les différents protagonistes du conflit libyen autour de la table des négociations.


Conséquence indirecte de la bataille de Benghazi

La Brigade de défense de Benghazi (BDB), un groupe issu du Conseil de la choura révolutionnaire de Benghazi qui a été défait par les forces du maréchal Haftar, avait établi sa base dans le district de Jufra, situé à 250 km au sud-ouest du Croissant pétrolier. De là, elle avait tenté divers raids, à chaque fois contrés par l’aviation de Haftar. La BDB est notamment liée aux milices les plus radicales de Misrata, la grande métropole portuaire de la Tripolitaine. La reprise des affrontements dans le Croissant pétrolier augure-t-elle d’un télescopage frontal entre les forces de Misrtata et celles de Haftar ? La condamnation de l’attaque de vendredi par le gouvernement d’« union nationale » de Faïez Sarraj – activement soutenu par les Européens et les Nations unies – pourrait permettre d’en prévenir le risque. M. Sarraj dispose de relais modérés à Misrata. Mais le schisme s’approfondit entre M. Sarraj, qui multiplie les appels au calme, et les forces les plus hostiles aux visées du maréchal Haftar, dénoncé par ses adversaires comme un « putschiste » instrumentalisant le combat « antiterroriste » pour imposer en Libye un régime militaire à rebours des idéaux de la révolution anti-Kadhafi de 2011.


La fragilisation de la situation sécuritaire dans le Croissant pétrolier est une conséquence indirecte de la bataille de Benghazi que le maréchal Haftar a gagnée pour l’essentiel, même s’il demeure des poches rebelles à son autorité. Dans cette bataille, le maréchal avait bénéficié de soutiens tactiques d’Occidentaux, au nom de la lutte anti-Etat islamique, notamment d’unités spéciales françaises. Le 17 juillet 2016, trois sous-officiers du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) avaient été tués lorsque leur hélicoptère avait été pris pour cible par les forces de la BDB à proximité de Benghazi.

En Libye, les ambiguïtés idéologiques du maréchal Haftar (21.02.2017)
L’homme fort de l’Est libyen donne des gages aux salafistes comme le prouve le récent décret interdisant aux femmes de moins de 60 ans de voyager seules en avion.

LE MONDE | 21.02.2017 à 11h07 • Mis à jour le 21.02.2017 à 11h33 | Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

Le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, aime à se présenter comme un nationaliste hostile à l’islam politique. A l’étranger, nombre de ses soutiens – l’Egypte et la Russie notamment – l’appuient précisément parce qu’il prétend incarner en Libye l’hostilité à l’islamisme dans ses différentes versions : des Frères musulmans aux djihadistes. Or, la décision que vient de prendre un de ses proches révèle les ambiguïtés profondes de ce camp « anti-islamiste ». Le général Abdul Razzaq Al-Nadhouri, commandant militaire de la zone s’étirant de Ben Jawad à Derna en Cyrénaïque (Est), a décrété dimanche 19 février que les femmes âgées de moins de 60 ans seraient désormais interdites de voyager en avion sans être accompagnées par un homme de leur famille. Entre autres raisons, il a évoqué le risque qu’elles entrent en contact avec des services de renseignement étrangers.

Stratégie pour l’instant payante

Nombre d’analystes établissent un lien entre ce type de décision ultra-conservatrice et l’influence grandissante exercée en Libye, à l’Ouest (Tripolitaine) comme à l’Est (Cyrénaïque), par les salafistes de l’école madkhaliste, la branche la plus sectaire du salafisme dit « quiétiste » (apolitique). Ils doivent leur nom à leur maître, le théologien saoudien Rabia ben Hadi al-Madkhali, qui prêche, outre l’application rigoureuse de la charia, la loyauté aux régimes en place. Ils sont très hostiles aux Frères musulmans mais aussi aux djihadistes de type Al-Qaida ou Etat islamique (EI).

En Cyrénaïque, ces salafistes madkhalistes sont engagés aux côtés du maréchal Haftar dans sa lutte contre les combattants du Conseil de la choura, une mouvance « révolutionnaire » incluant notamment des noyaux de l’EI. En Tripolitaine, ils ont également prêté leur concours à l’offensive contre l’EI à Syrte menée à partir de Misrata. Qu’importe si les forces de Misrata et celles de Haftar sont elles-mêmes rivales et se combattent. Les salafistes madkhalistes...



En Libye, l’incessante bataille du pétrole (26.09.2016)
La rivalité politique grandit entre l’Ouest et de l’Est, mettant à mal la reprise de l’industrie pétrolière malgré la conquête du « croissant pétrolier » par le général Haftar.

Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

LE MONDE Le 26.09.2016 à 15h04 • Mis à jour le 30.09.2016 à 11h00

Le pétrole libyen, cette guerre dans la guerre. La récente conquête par le général Khalifa Haftar du « croissant pétrolier » a une nouvelle fois mis en exergue le rôle central de la bataille du pétrole dans les déchirements que connaît la Libye.

En enlevant, le 13 septembre, cet arc stratégique de terminaux sur le littoral de la Cyrénaïque (est), plateforme d’exportation par où transite autour de 60 % du brut libyen, le chef en titre de l’Armée nationale libyenne (ANL) s’empare d’un précieux atout dans sa rivalité avec le gouvernement de Faïez Sarraj, basé à Tripoli et soutenu par les Occidentaux et les Nations unies. Il est désormais maître de l’éventuelle reconstruction du principal pilier de l’économie nationale.


Géant pétrolier sous l’ancien régime de Kadhafi, la Libye, livrée aux milices et segmentée en fiefs rivaux, est aujourd’hui financièrement exsangue. Elle n’en continue pas moins d’attiser d’âpres convoitises dans la perspective d’un futur règlement politique.

Un géant pétrolier à genoux

La Libye est riche de réserves de pétrole évaluées à 48 milliards de barils, ce qui la place au premier rang en Afrique (devant le Nigeria) et au neuvième rang mondial. Elle recèle également d’importants gisements de gaz naturel : avec 1 600 milliards de mètres cubes, elle se classe au cinquième rang africain.

Les enjeux pétroliers et gaziers en Libye.

Les enjeux pétroliers et gaziers en Libye.

En vertu d’un système mis en place sous le régime de Kadhafi, les multinationales sont présentes – ou l’ont été – sous la forme de sociétés mixtes montées avec la société d’Etat National Oil Company (NOC), partenaire incontournable. Les huit firmes étrangères les plus engagées dans la production de pétrole et de gaz sont : Eni (Italie), Total (France), Wintershall (Allemagne), Gazprom (Russie), OMV (Autriche), Repsol (Espagne), Occidental Petroleum (Etats-Unis) et Statoil (Norvège).

En 2010, la Libye produisait 1,65 million de barils de pétrole par jour, ce qui représentait 96 % des revenus de l’Etat et 65 % du PIB. L’Europe absorbe à elle seule 84 % du brut libyen exporté, l’Asie et l’Océanie 14 % et les Amériques 2 %. Parmi les principaux acheteurs européens se distinguent l’Irlande, l’Italie, l’Autriche, la Suisse et la France.


L’Italie est le pays européen le plus impliqué physiquement dans les hydrocarbures libyens avec sa compagnie Eni. Entre autres intérêts, cette dernière exploite le gazoduc sous-marin, baptisé Greenstream, partant du complexe gazier de Mellitah, située entre les villes de Zouara et Sabratha dans l’Ouest libyen, vers la Sicile. Le gazoduc est alimenté par le site offshore de Bahr Essalam ainsi que par les champs de Bouri et Wafa dans le bassin de Ghadamès, situé à 530 km au sud du littoral, non loin de la frontière algérienne.

A la suite du chaos post-révolution, la production pétrolière a spectaculairement chuté, oscillant actuellement entre 200 000 et 300 000 barils par jour, soit entre 12 % et 18 % du niveau de 2010. Le gaz a été davantage épargné avec un volume de production en 2014 représentant 70 % du niveau de 2010. Victime de sa dépendance à l’égard de la rente pétrolière, la Libye est au bord du gouffre financier.

La Cyrénaïque avantagée

La géopolitique libyenne en hydrocarbures accorde un atout stratégique à l’Est. La carte des gisements est en effet très largement dominée par le bassin de Syrte (centre-est) qui recèle 85 % des réserves de pétrole et 70 % de gaz. Le reste revient aux bassins de Ghadamès et de Mourzouq (sud-ouest) ainsi que le bassin Pélagien offshore au nord-ouest.

Reflétant cette suprématie, cinq des six terminaux libyens sont situés dans l’Est : quatre relèvent du « croissant pétrolier » (Sidra, Ras Lanouf, Brega et Zouétina) et le dernier est situé à Tobrouk, non loin de la frontière égyptienne. Au total, 64 % du brut libyen exporté est chargé dans ces terminaux de l’Est. En outre, quatre des cinq raffineries sont localisées en Cyrénaïque. L’ascendant de l’Est libyen est écrasant.

Le pétrole otage des conflits

Les infrastructures (terminaux, oléoducs, gazoducs et puits) sont en grande partie paralysées – à l’exception du bassin Pélagien offshore dans le nord-ouest – en raison de la multitude de conflits qui ont éclaté après la chute de Kadhafi. Des groupes armés ont pris en otage les installations dans le but d’imposer un rapport de force politico-militaire. Les motivations sont en général de deux ordres : obtenir de l’argent de l’Etat et promouvoir des intérêts stratégiques.

L’épisode le plus célèbre – et le plus coûteux pour l’économie nationale – de ces blocages d’infrastructures est celui survenu à l’été 2013 dans le « croissant pétrolier » à l’initiative de la Garde des installations pétrolières (Petroleum Facilities Guards). Ce corps national s’est fragmenté après 2011 en milices locales. Dans le « croissant », la branche dirigée par Ibrahim Jadhran, issu de la puissante tribu locale des Magharba, a immobilisé les terminaux de Sidra, Ras Lanouf, Brega et Zouétina afin de protester contre les malversations de Tripoli, sur fond de ressentiment régionaliste.


La Cyrénaïque s’est en effet toujours plainte de voir ses ressources en hydrocarbures, les plus importantes du pays, détournées par le gouvernement central. Jadhran a capitalisé sur cette frustration collective – il a même créé un mouvement « fédéraliste » – bien que ses motivations soient en fait plus troubles. Lorsque la guerre civile éclate à l’été 2014, il est allié au camp de Tobrouk, dont le général Haftar est le chef militaire. Mais les relations avec ce dernier se sont dégradées. A partir de l’émergence, en mars, à Tripoli du gouvernement de Faïez Sarraj soutenu par les Nations unies, Jadhran prête allégeance à la nouvelle autorité que ne reconnaît pas Haftar. Mais plutôt que de lever instantanément son blocus du « croissant pétrolier » pour viabiliser économiquement le pouvoir de Sarraj, il négocie sa réouverture en échange de « compensations financières », au grand dam de la National Oil Company.

D’autres occupations ont eu lieu. En novembre 2014, des groupes touareg de la région méridionale du Fezzan ont saisi le champ de Sharara situé dans le bassin de Mourzouq (sud-ouest) qui était jusqu’alors aux mains de groupes de l’ethnie rivale toubou depuis 2012. En représailles, les milices de Zintan, ville située dans le djebel Néfoussa (extrême ouest) et alliée des Toubous, ont bloqué à proximité de leur cité l’oléoduc reliant le bassin de Mourzouq au terminal de Zaouïa, à l’ouest de Tripoli. En mai 2015, les groupes toubous se sont emparé à leur tour du puits d’Al-Fil dans le bassin de Mourzouq. Des actions qui ont paralysé production et exportation de brut.


L’essor de l’organisation Etat islamique (EI) au fil de 2015 a ajouté au chaos ambiant. Si l’EI a établi un sanctuaire territorial à Syrte, mitan géopolitique à la jointure de la Tripolitaine et la Cyrénaïque, l’organisation djihadiste n’a jamais cherché à financer son émirat libyen à partir du pétrole, comme elle l’avait fait en Irak et en Syrie. La frontière maritime de la Méditerranée, où patrouillent nombre de marines hostiles, ne permettait aucune exportation par la mer. Aussi, alors que l’EI aurait pu tenter de s’emparer du « croissant pétrolier » à partir de son bastion voisin de Syrte, aucune offensive de ce type n’a-t-elle jamais été esquissée. En revanche, des actions de destruction de réservoirs du « croissant » (terminaux de Ras Lanouf et Sidra) ont été menées au début de l’année. Elles faisaient écho à des raids similaires lancés un an plus tôt sur les champs du bassin de Syrte (Mabrouk, Dahra et Ghani). A l’exploitation commerciale pour ses propres fins, l’EI a préféré la politique de la terre brûlée afin d’empêcher que le pétrole n’alimente l’Etat libyen et ses partenaires étrangers. La stratégie était clairement énoncée dans le numéro de septembre 2015 de sa revue Dabiq : « Le contrôle de cette région par Daech [acronyme arabe de l’EI] aboutira à un effondrement économique, en particulier pour l’Italie et les autres Etats européens. » L’éviction militaire en cours de l’EI de son fief de Syrte, assiégé par les brigades de Misrata, a provisoirement éloigné ce danger.

Guerre des agences officielles entre l’Est et l’Ouest

La communauté internationale est toujours intervenue pour que la National Oil Company, le fonds souverain Libyan Investment Authority et la Banque centrale soient épargnées. Mais le maintien de l’intégrité de ces institutions s’est révélé plus difficile à mesure que s’approfondissait, dès l’été 2014, la fracture entre l’Ouest et l’Est. Ainsi le camp de Tobrouk a-t-il mis sur pied sa propre NOC considérant que celle siégeant à Tripoli était sous influence des islamistes dominant alors le gouvernement de Fajr Libya (« aube de la Libye »). La Banque centrale, elle aussi, était dupliquée, une nouvelle institution à l’est venant défier l’ancienne de Tripoli. Ce dédoublement était inévitable à partir du moment où la perception des recettes du pétrole exporté transite préalablement sur un compte de la Banque centrale avant que ces revenus soient en partie réaffectés à la NOC. L’initiative de Tobrouk n’a toutefois reçu qu’un accueil mitigé de la part des acheteurs occidentaux, lesquels étaient enclins à ne reconnaître que la NOC de Tripoli, ainsi que le leur conseillait leur capitale.

L’émergence en mars à Tripoli du gouvernement de Sarraj, se substituant en Tripolitaine à l’ex-gouvernement de Fajr Libya, n’a pas mis fin à la dualité. Le camp de Tobrouk, qui ne reconnaît pas l’autorité de Sarraj, a maintenu ses institutions parallèles de l’est tandis que les Occidentaux et l’ONU continuent de ne tenir pour légitime que la seule NOC de Tripoli. Les tentatives de fusion ont pour l’instant échoué. Une telle bipolarité handicape la reprise de l’industrie pétrolière en ce qu’elle bride les exportations du brut à partir de l’est, la région pétrolière la plus riche du pays.

Le « croissant pétrolier » entre Haftar et Sarraj

La conquête du « croissant pétrolier » par les forces du général Haftar a tout à la fois assombri les perspectives d’une réunification entre l’Ouest et l’Est et éclairci à court terme l’horizon pétrolier libyen. Aux yeux de la NOC de Tripoli, le général Haftar est en effet mieux à même de relancer l’activité du « croissant » que ne l’a jamais été Ibrahim Jadhran, dénoncé comme un maître chanteur. Pour preuve, un pétrolier battant pavillon maltais a quitté, mercredi 21 septembre, le terminal de Ras Lanouf chargé de 700 000 barils, une grande première depuis 2014.


La grande question est toutefois de savoir à quel camp iront in fine les recettes tirées de cette reprise. En principe, celle-ci s’est faite sous les auspices de la NOC de Tripoli que la communauté internationale tient pour relevant de la tutelle du gouvernement d’« union nationale » de Sarraj. Mais le terrain est occupé par Haftar, ce qui nourrit bien des incertitudes. Dès le lendemain de sa conquête du « croissant pétrolier », les Nations unies et les capitales occidentales ont d’ailleurs multiplié les déclarations avertissant que la protection des installations pétrolières relevait de l’autorité de M. Sarraj. Elles ont également rappelé que la résolution 2259 du Conseil de sécurité des Nations unies prohibait les « exportations illicites de pétrole ». En d’autres termes, toute tentative du général Haftar d’exporter du pétrole à l’insu de l’autorité de Sarraj serait tenue pour « illégale ». Haftar se pliera-t-il à l’injonction ? Laissera-t-il la NOC de Tripoli opérer au profit de son rival Sarraj alors que son propre camp de Tobrouk a mis sur pied une NOC concurrente ? Acceptera-t-il de voir l’argent du pétrole viabiliser un gouvernement Sarraj dont il conteste la légitimité ? La réponse à ces questions conditionnera la situation libyenne ces prochains mois.



En Libye, le général Haftar s’empare du « croissant pétrolier » (12.09.2016)
L’offensive éclair de l’homme fort de l’Est défie ouvertement le gouvernement de M. Sarraj et ses parrains occidentaux.

LE MONDE | 12.09.2016 à 10h51 • Mis à jour le 26.09.2016 à 14h49 | Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

Le général Khalifa Haftar.
Le général Khalifa Haftar.

C’est le scénario que redoutait tant la communauté internationale. Alors que la bataille contre l’organisation Etat islamique (EI) à Syrte n’est pas encore achevée, quatre mois après son déclenchement, le gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj basé à Tripoli est désormais engagé sur un nouveau front : le « croissant pétrolier », à l’est de Syrte, un arc de terminaux par où transite environ la moitié du brut libyen exporté. 

Dimanche 11 septembre, les forces du général Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL) qui contrôle l’essentiel de la Cyrénaïque (dans l’est) et refuse de reconnaître l’autorité de M. Sarraj, ont conquis les ports de Sidra et Ras Lanouf à l’issue d’une attaque éclair. Un troisième port, Zueitina, faisait toujours l’objet de combats dimanche, mais les forces du général Haftar semblaient avoir pris l’avantage.

La conquête du croissant pétrolier, dont les installations étaient en fait fermées depuis l’été 2013, constitue un défi militaire majeur lancé par le général Haftar au gouvernement de Tripoli soutenu par les Nations unies et les capitales occidentales. Le croissant était jusqu’alors contrôlé par la Garde des installations pétrolières, une milice locale commandée par Ibrahim Jadhran, homme fort du cru. Issu du mouvement fédéraliste de la Cyrénaïque, un courant autonomiste dénonçant l’appropriation des ressources pétrolières de l’Est par les autorités centrales de Tripoli, M. Jadhran s’était initialement rallié au général Haftar lors de l’éclatement du conflit, en 2014, ayant opposé ce dernier au bloc politico-militaire Fajr Libya (« Aube de la Libye ») à tendance islamiste.

A peine 200 000 barils par jour

Mais la relation entre les deux hommes s’était ensuite détériorée. Au printemps, M. Jadhran avait prêté allégeance au gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj, alors même que le général Haftar le dénonçait comme illégal. En juillet, les nouvelles autorités de Tripoli et M. Jadhran ont conclu un accord prévoyant la reprise des activités d’exportation du brut à partir des terminaux pétroliers. L’accord était vital à la survie du gouvernement de M. Sarraj, en quête désespérée de ressources financières alors que l’aggravation des difficultés quotidiennes (coupures d’électricité, chute du dinar, inflation…) minait l’état de grâce dont il avait bénéficié au départ. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, l’industrie pétrolière nationale s’est littéralement effondrée. La production n’atteint plus désormais que 200 000 barils par jour – soit environ 12 % de son niveau d’avant 2011.

L’offensive du général Haftar au cœur du croissant pétrolier met en péril cette stratégie de survie du gouvernement Sarraj. Elle défie aussi ouvertement les efforts des Nations unies visant à faire avaliser la tutelle du gouvernement d’« union nationale » par le camp du général Haftar. Les 5 et 6 septembre, à Tunis, des discussions ont été amorcées dans le but d’instituer un conseil militaire rassemblant les différentes forces de l’Est et de l’Ouest.

Le général fait guerre à part contre l’EI

Aux yeux des Occidentaux, la reconstruction d’une armée nationale intégrée est indispensable pour une stratégie efficace de lutte contre l’organisation Etat islamique (EI) en Libye. C’est pourtant le contraire qui est en train de se produire. A Benghazi, le général Haftar conduit sa propre guerre contre des noyaux djihadistes – avec le concours d’unités spéciales françaises, dont trois soldats ont été tués en juillet – tout en classant l’ensemble de ses adversaires sous le label de « terroristes ». 

A Syrte, c’est une coalition de milices et de brigades de la Tripolitaine (Ouest) affiliée au gouvernement de M. Sarraj qui est sur le point de reconquérir une cité dont l’EI avait fait sa place forte en Afrique du Nord depuis début 2015.


En ouvrant un nouveau front dans le croissant pétrolier, le général Haftar menace d’affaiblir de facto l’offensive anti-EI. Si les forces de Misrata devaient en effet étendre leurs opérations pour reprendre possession des terminaux, il en résulterait mécaniquement un relâchement de leur engagement à Syrte.


Ce jour-là : le 1er septembre 1969, le colonel Kadhafi renverse la monarchie libyenne (31.08.2016)

31 août 2016 à 18h36
Par Matthieu Kairouz

Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1969, le trône du royaume de Libye devient vacant. Le vieux roi Idriss 1er Al-Senoussi est en voyage à Bursa, en Turquie, quand un groupe de jeunes officiers tente un coup d'État qui va changer le destin du pays.

Un coup d’État ganté de velours

Quelques heures avant l’attaque, de nombreux mouvements de troupes imprévus s’opèrent à une centaine de kilomètres de Tripoli. À 3h du matin, l’assaut est donné sur les points névralgiques du pouvoir monarchique libyen. Deux heures plus tard, les putschistes assiègent le palais royal, le quartier général du commandement militaire, le siège de la sécurité générale et de la radiodiffusion, autant de lieux stratégiques dont ils s’emparent sans rencontrer de résistance, et donc sans aucune effusion de sang.

À cinq heures du matin, le prince héritier, Hassan Reda Al-Senoussi et d’autres personnalités de l’ancien régime sont arrêtés. Ainsi, lorsque Tripoli s’éveille, c’est au son de la musique militaire s’échappant des transistors ou à celui du crissement des chenilles de blindés qui patrouillent dans la ville. Puis dans la matinée de ce 1er septembre, vers 10h, la musique martiale laisse place à la lecture d’un communiqué radiodiffusé dont le speaker reste anonyme.

« Aujourd’hui s’est réalisé votre rêve socialiste, votre rêve de liberté et d’union. Donnez votre appui total à la révolution issue de votre terre grâce à vos fils et à votre armée, l’armée du peuple libyen. Peuple libyen, nous nous sommes révoltés pour votre honneur, pour que vous repreniez votre patrie usurpée. Nous nous sommes révoltés pour hisser haut l’étendard arabe. Relève la tête, frère libyen, et donne ton appui total, marche avec le cortège de la révolution victorieuse ! Vive la révolution ! Vive le peuple libyen fier ! »

L’ombre de l’Égypte nassériste

Sur le moment, très peu d’informations filtrent sur les auteurs du coup d’État. Généralement bien informées, les chancelleries occidentales sont elles-mêmes décontenancées. Cependant, au fil des heures, le voile va se lever progressivement sur les cerveaux de l’opération.

Peu après le communiqué matinal des putschistes, c’est au tour du prince héritier, Hassan Reda, de s’exprimer. Il assure le peuple de son abdication et le conjure de suivre la nouvelle autorité issu du coup d’État. De l’autre côté de la Méditerranée, à Bursa, les autorités royales feignent de n’apporter aucun crédit à cette prise de pouvoir, assurant que le roi Idriss rentrera bien à Tripoli.

Les communiqués radiodiffusés se succèdent et les libyens découvrent peu à peu la nature des putschistes. Douze mystérieux « officiers unionistes libres » assurent diriger un Conseil de la révolution prônant l’établissement d’un régime révolutionnaire socialiste, attaché à leurs propres réalités locales, anti-colonial et tiers-mondiste. L’appellation d’«officiers unionistes libres» n’est pas sans rappeler les «officiers libres» égyptiens dirigés par Nasser lors du coup d’État de 1952. Et pour cause, l’ombre d’Oum El-Dounia, «la mère du monde» (surnom de l’Égypte), n’est pas loin…


 Le 8 septembre : l’apparition d’un jeune colonel

Tandis que les chancelleries occidentales hésitent sur la posture à adopter face au nouveau pouvoir, notamment les Britanniques, traditionnels parrains de la monarchie libyenne, l’attentisme est de mise. Après le désastre de Suez en Égypte (1956), l’heure n’est en effet plus aux interventions européennes aussi musclées qu’hasardeuses en Afrique – même si ce n’est pas l’envie qui manque à certains dirigeants.

De fait, la Libye aiguise les appétits tant il apparaît comme un pays crucial dans la sous-région, pour au moins deux raisons : la première ce sont ses formidables réserves d’hydrocarbures et de gaz découvertes en 1956 et 1959 ; la seconde, ce sont les bases aériennes et militaires que le roi Idriss louaient gracieusement à ses alliés occidentaux, Royaume-Uni et États-Unis en tête.

Un temps pressenti comme le leader des officiers unionistes libres par les gouvernements étrangers, le colonel Saad Eldine Bouchweirib dément catégoriquement ces allégations. Et ce n’est qu’une semaine après le coup de force, le 8 septembre, que le fringant colonel Mouammar Kadhafi apparaît à la face du monde comme le chef de la nouvelle République arabe libyenne.

D’une monarchie pro-occidentale à la « Jamahiriya » kadhafiste

Alors qu’affluent les messages de félicitations et de reconnaissance du nouveau régime, on en apprend plus sur les modalités du coup d’État. La proximité des officiers unionistes libres avec le régime de Nasser est évidente. La date du coup d’État a été plusieurs fois repoussée, pour être finalement fixée à la nuit du 31 août au 1er septembre car les services égyptiens de sécurité avaient informé les putschistes libyens que le roi Idriss comptait abdiquer le 2 septembre en faveur de son neveu, Hassan Reda.

Issu d’une illustre lignée de la tariqa Sanusiyya, Idriss 1er était parvenu au pouvoir le 24 décembre 1951, lors de la proclamation d’indépendance de la Libye. Après la seconde guerre mondiale et le départ des troupes coloniales italiennes, les autorités britanniques avaient soutenu le retour du monarque. Celui-ci hérita d’un pays extrêmement pauvre et peu développé (le taux d’analphabétisme avoisinait les 94 %), tout en cultivant ses liens avec les Occidentaux. Chef politico-religieux, Idriss 1er était cependant extrêmement populaire, et apparaissait comme le garant de l’unité libyenne face aux rivalités tribales de trois provinces du pays : la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan.

De manière antagoniste, le régime que Kadhafi met progressivement en place à partir de 1969 sera celui d’une politique résolument tournée vers une idéologie non-alignée et pan-arabe servi par une doctrine totalitaire et totalisante, incarné dans le fameux Livre vert censé être le guide pour  la «révolution des masses». Bien que les dernières forces occidentales quittent le territoire libyen sans encombre en 1970, l’hostilité réciproque entre Kadhafi et les Occidentaux vaaller en s’accroissant, atteignant des points de tensions extrêmes, notamment lors du bombardement de Tripoli par l’armée américaine en 1986.

Un temps obnubilé par un désir panarabiste, duquel émergera en 1971 l’éphémère Union des républiques arabes (Libye, Égypte, Syrie), Kadhafi se tournera vers l’idéologie panafricaniste dans les années 2000. Jusqu’à ce que la dictature du « Guide » soit soufflée en 2011 par le vent des Printempsarabes… et l’interventionnisme de l’Otan.


Retrouvez ci-dessous l’article de Béchir Ben Yahmed , publié dans le n°454 de Jeune Afrique du 16 au 22 septembre 1969. N’hésitez pas à agrandir la fenêtre pour un plus grand confort de lecture en cliquant sur le bouton en bas à droite.


A Syrte, la province libyenne de l’EI a vécu (30.08.2016)
Les forces anti-djihadistes, appuyées par des bombardements américains, achèvent lentement la reconquête de cet ancien fief de Mouammar Kadhafi, tombé aux mains des djihadistes au printemps 2015.

LE MONDE | 30.08.2016 à 06h40 • Mis à jour le 31.08.2016 à 07h49 | Par Louis Imbert (Syrte, Libye, envoyé spécial)

Sous la mosquée Ribat de Syrte, trois combattants salafistes des forces libyennes en lutte contre l’organisation Etat islamique (EI) disputent une partie de football. On n’entend qu’eux ici, leurs voix basses et leurs courts éclats de rires, le crissement de leurs sandales dans les gravats, ainsi que quelques tirs épisodiques d’armes automatiques. Derrière le mur blanc de la mosquée, l’esplanade de la place Naga s’étend, déserte. Le front est tout proche, et avec lui les snipers de l’EI. Du minaret de la mosquée Ribat, les combattants de la katiba (brigade) Jezira ont une vue imprenable sur le dernier carré du centre-ville où les forces de l’EI sont acculées : les immeubles hauts, blancs, serrés des districts 1 et 3.

La « wilaya », la province libyenne de l’EI a vécu. La bataille pour la reprise de Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi, abandonnée à elle-même par les révolutionnaires de 2011, et dont l’EI avait pris le contrôle au premier semestre 2015, s’achève dans une lente opération de nettoyage, rue par rue. D’innombrables mines sont cachées dans les décombres. Quelques dizaines de djihadistes, 200 au maximum selon plusieurs officiers de terrain, sont retranchés dans une zone d’environ deux kilomètres carrés. Selon des estimations américaines, ils étaient environ 6 000 en Libye avant la bataille, un chiffre que les assaillants jugent exagéré.

Nouvel assaut

« Syrte, c’est fini. Ils sont encerclés, assiégés, ils n’ont plus aucun soutien et nous ne voulons pas de prisonniers. Ils doivent mourir », dit Mohammed Al-Gasri, porte-parole de l’opération de reconquête de Syrte, placée sous l’autorité du gouvernement « d’union nationale » de Tripoli. Un couloir avait été ouvert la semaine dernière par les assaillants, durant deux jours, pour laisser sortir les familles des djihadistes. Aucune n’est passée sous les deux drapeaux blancs que l’on avait fichés sur deux containers, en travers du boulevard du bord de plage,...





Présentation de la Libye (28.04.2017)


Données générales

Présentation du pays

Nom officiel : Etat de Libye (dans l’attente de l’adoption d’une constitution)
Nature du régime : Parlementaire (Déclaration constitutionnelle transitoire d’août 2011)
Chef de l’Etat et du Gouvernement : M. Fayez Sarraj (selon l’article 8 de l’Accord de Skhirat, le président du conseil présidentiel a pour mandat de « représenter l’Etat dans ses relations étrangères. »)
Données géographiques
Superficie : 1 759 500 km²
Capitale : Tripoli
Villes principales : Tripoli, Benghazi, Misrata, al-Beïda, Zouara, Sebha
Langue (s) officielle (s) : Arabe
Langue (s) courante (s) : Arabe dialectal, langues berbères, langues toubous
Monnaie : Dinar libyen (LYD) 1€ = 1,50 LYD (18/08/2016)
Fête nationale : indéterminée (17 février : anniversaire de la Révolution de 2011 ; 23 octobre : anniversaire de la proclamation de la libération de 2011).
Données démographiques
Population : 6 280 000 (2015, Banque Mondiale)
Densité : 3,6 hab./km2 (2015, Banque Mondiale)
Croissance démographique : 0,31% (2015, Banque Mondiale)
Espérance de vie : 71,7 ans (2014, Banque Mondiale)
Taux d’alphabétisation : 89,5% (2013, PNUD)
Religion (s) : Islam sunnite (97 %) autres (3 %)
Indice de développement humain (2014) : 0,724 (94ème mondial) (PNUD)
Données économiques
PIB : 39,4 Mds USD en 2015 (e) (CIA World Factbook) (41,1 Mds USD en 2014 ; 65,5 Mds USD en 2013 ;Banque Mondiale)
PIB par habitant : 4 640 USD/hab (2015, Banque mondiale) (6 575 USD/hab en 2014, 10 563 USD/hab en 2013)
Taux de croissance : -6% en 2015(e) ; -24% en 2014 ; -12,3% en 2013 (estimations African Economic Outlook)
Taux de chômage : environ 30%(2015, Direction générale du Trésor)
Taux d’inflation : 9,7 (prévision 2016) (estimé à 8,6 en 2015) (African Economic Outlook)
Solde budgétaire : déficit estimé à 58,9% du PIB en 2015, et prévision de 60,7% pour 2016 (African Economic Outlook)
Solde extérieur (biens et services) : déficit à hauteur de 30,9% du PIB en 2014 (Banque Mondiale)
Principaux clients : Italie, Allemagne, Chine, France
Principaux fournisseurs : Italie, Chine, Turquie, Egypte
Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB (2015, CIA World Factbook) :
Agriculture : 1,9%
Industrie : 43.1%
Services : 54.9 %
Production d’hydrocarbures : 760 000 b/j (NOC, mai 2017)
Exportations de la France vers la Libye (2015) : 689 M€
Importations françaises depuis la Libye (2015) : 848 M€)
Composition du gouvernement
L’accord politique interlibyen de Skhirat signé le 17 décembre 2015 crée un conseil présidentiel, organe spécifique composé de 9 membres et représentant toutes les tendances politiques du pays. Ce Conseil est dirigé par M. Fayez Sarraj, qui est également Premier ministre et chef du Gouvernement d’Entente Nationale (GEN)
L’accord de Skhirat a été entériné par le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans sa résolution 2259 du 23 décembre 2015.
Le Conseil présidentiel et le GEN, sous l’égide de M. Sarraj, sont les interlocuteurs reconnus par la communauté internationale pour représenter le peuple libyen.
Conseil présidentiel
  • Président du Conseil présidentiel et Premier ministre du gouvernement d’entente nationale : M. Fayyez Sarraj
  • Vices-Premier ministre : Ahmed Meitig, Fathi Mejbari, Ali al-Qathrani, Abdesalam Kajman
  • Ministres d’Etat : Mohammed Ammari, Ahmed Hamza, Omar al-Aswad.
Gouvernement d’entente nationale
Premier ministre : Fayyez Sarraj
Ministre des affaires étrangères : Mohammed Siyala
Ministre de l’intérieur : Aref Khoja
Ministre de la défense : Mahdi Barghati
Ministre de l’économie : M. Naser Fadelallah Aoun
Ministre des transports : Milad Mohammed Matouq
Ministre de la gouvernance locale : Baddad Qansu Masoud
Ministre de la justice : Mohamed Abdelhamid
Ministre de l’enseignement : Othman Emhammed
Ministre de la culture : Hassan Ounis
Ministre des finances : Osama Hamad Saleh
Ministre de l’éducation : Othman Emhammed
Ministre du plan : Taher al-Juhaimi
Ministre du travail : vacant suite à la démission de Ali Qalma Mohammed
Ministre de la santé : Omar Bashir al-Taher
Ministre des affaires sociales : Faida Mansour Shafi
Secrétaire d’Etat pour la condition des femmes et le développement social : Asma Mustafa Usta
Secrétaire d’Etat pour les martyrs, blessés et disparus : Muhannad Said Younis
Secrétaire d’Etat pour la réforme institutionnelle : Iman Mohammed Ben Younes
Présence française
Site internet de l’ambassade : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/libye/
Consulat (s) de France : en raison de la situation sécuritaire fragile en Libye, l’ensemble des services de l’ambassade ont été déplacés à Tunis.
Communauté française en Libye : les ressortissants français ont été évacués à l’été 2014.
Communauté libyenne en France : 994 (au 31 décembre 2011)

Éléments d’actualité

Politique intérieure
Une phase de transition démocratique s’est ouverte en Libye depuis 2011, mettant fin à une dictature de quarante-deux ans. Après le succès des premières élections du 7 juillet 2012, qui se sont déroulées dans de bonnes conditions le Congrès général national a été formé. Le processus de transition a marqué le pas en 2014 du fait de l’opposition croissante entre les tendances islamistes et nationalistes. Au printemps 2014, le lancement de l’opération « Dignité » par le général Hafter et la constitution de la coalition « Aube de la Libye » alliant Tripoli et Misrata ont précipité la division de la Libye en deux camps, chacun doté de son parlement et de son gouvernement. Alors que la communauté internationale a reconnu la légitimité de la Chambre des Représentants élue lors des élections du 25 juin 2014, installée à Tobrouk, le Congrès général national de Tripoli s’est auto-renouvelé en contestant ces élections.
Des avancées majeures ont été réalisées grâce à la médiation onusienne du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies lancée en septembre 2014 (le RSSGNU est aujourd’hui M. Martin Kobler). Ces efforts ont abouti à la signature entre représentants des différentes parties libyennes de l’accord politique inter-libyen le 17 décembre 2015 à Skhirat (Maroc). La communauté internationale a entériné cet accord à travers la résolution 2259 (2015) votée à l’unanimité.
L’accord de Skhirat ouvre une période de transition d’un an renouvelable au cours de laquelle un gouvernement d’entente nationale est chargé de diriger le pays. L’accord de Skhirat a créé un organe spécifique, un Conseil présidentiel de neuf membres dirigé par le Premier ministre Fayez Sarraj et chargé de constituer le gouvernement d’entente nationale. Le Premier ministre M. Sarraj et plusieurs membres du Conseil présidentiel et de son gouvernement sont installés à Tripoli depuis le 30 mars 2016. La priorité de M. Sarraj et de son gouvernement est d’aboutir à une réconciliation nationale.
Situation économique
Les fortes variations de la croissance libyenne s’expliquent principalement par les variations de la production pétrolière, qui représente environ 70% du PIB ces dernières années. Les recettes pétrolières se sont effondrées depuis 2011 sous l’effet de la chute de la production entraînée par la dégradation sécuritaire, conjuguée à la baisse des prix. La production de pétrole est passée de 1,65 million de barils/jour (b/j) début 2011 à un peu plus de 600 000 b/j début 2017. Mais la production n’a de cesse de fluctuer, du fait des fermetures et réouvertures de champs et terminaux pétroliers. En septembre 2016, l’ANL avait pris le contrôle du croissant pétrolier et remis les clefs des terminaux à la compagnie nationale pétrolière (NOC). Toutefois, à la suite de nouveaux combats dans la région en mars 2017, combats qui ont tourné à l’avantage de l’ANL, le général Hafter a conservé le contrôle de ces infrastructures pétrolières.
L’économie libyenne a connu quatre années de récession en 2011, 2013, 2014 et 2015, qui ont réduit le PIB de moitié (82 Mds USD en 2012 contre 41 Mds USD en 2014). Le redressement de la production pétrolière, qui passe par la recherche d’accords avec les différents acteurs impliqués et par la modernisation des infrastructures, est une priorité pour le gouvernement d’entente nationale.
A cette dépendance aux hydrocarbures, s’ajoutent d’autres faiblesses structurelles qui obèrent le potentiel de croissance de l’économie libyenne : hypertrophie du secteur public, faible diversification, environnement des affaires inadapté, infrastructures obsolètes. Par ailleurs, le chômage (30%) est exacerbé par le manque de formation et l’inadaptation du système éducatif au marché du travail.
Les défis demeurent donc immenses pour le gouvernement d’entente nationale : à court terme, résolution de la crise de liquidité bancaire et des insuffisances du réseau électrique ; à plus long terme, développement du secteur privé, rationalisation de la gestion des finances publiques, modernisation du secteur financier.
La Libye conserve toutefois un potentiel important. Elle possède les premières réserves pétrolières d’Afrique, devant le Nigéria. Les institutions économiques et financières fonctionnent malgré la crise.
Politique étrangère
La Libye s’est efforcée de développer des relations de bon voisinage, malgré le La Libye s’est efforcée de développer des relations de bon voisinage, malgré le maintien de certaines querelles. Les officiels libyens multiplient les visites dans les pays de la région pour affirmer leur volonté d’un retour à la stabilité politique mais aussi pour aborder le sujet sensible des anciens dirigeants libyens réfugiés dans divers pays. Dès 2012, la Libye a obtenu l’extradition de Baghdadi Al-Mahmoudi (ancien Premier ministre de Kadhafi) par la Tunisie et d’Abdallah Senoussi, ancien chef des renseignements, par la Mauritanie, puis celle de Saadi Kadhafi par le Niger en 2014.
La communauté internationale s’est engagée pour aider la Libye à sortir de l’impasse politique. Le conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité la résolution 2259 (2015) , qui entérine l’accord politique inter-libyen signé à Skhirat (Maroc). Les réunions ministérielles de Rome, le 13 décembre 2015, et de Vienne, le 16 mai 2016, en présence de plus de 20 pays et organisations internationales, ont joué un rôle décisif pour accompagner ce processus politique et apporter un soutien à l’accord de Skhirat et aux institutions qui en sont issues. Une réunion consacrée à la Libye s’est tenue en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York le 22 septembre 2016. Une série de réunions du dialogue économique entre le conseil présidentiel et les institutions économiques et financières libyennes a débuté le 1er novembre 2016 à Londres. La dernière en date s’est tenue à Tunis le 31 mars 2017. Le briefing public sur la Libye, le 19 avril 2017 au conseil de sécurité des Nations unies, a confirmé le consensus de la communauté internationale en faveur du soutien au processus politique en Libye et d’une révision concertée des institutions issues de l’accord de Skhirat..
Situation sécuritaire
La faiblesse structurelle de l’armée sous le régime de Kadhafi et la division politique après 2014 ont favorisé le développement d’organisations terroristes et de groupes criminels. Cette dégradation des conditions de sécurité a conduit au repli du dispositif diplomatique français à Tunis depuis le 30 juillet 2014 (attentat contre l’ambassade de France le 23 avril 2013).
Les forces sous l’égide du gouvernement d’entente nationale ont lancé une offensive contre le fief de Daech en Libye, Syrte, depuis mai 2016 et ont bénéficié d’un soutien aérien américain à partir du 1er août 2016. La ville de Syrte a été reprise le 7 décembre 2016 A Benghazi et Derna, les affrontements entre l’armée nationale libyenne du général Hafter et des groupes radicaux et terroristes depuis 2014, sont devenus résiduels au printemps 2017. Le général Hafter n’a toujours pas annoncé à ce stade son allégeance au Conseil présidentiel et au GEN.. Le général Hafter n’a toujours pas annoncé à ce stade son allégeance au Conseil présidentiel et au GEN.
Le Sud est agité par des tensions entre divers groupes et communautés (Ouled Slimane, Toubous, Touaregs, Arabes Zwaï) qui sont en concurrence pour le contrôle des villes (Ubari, Sabha, Murzuq), des axes routiers et des ressources économiques.
L’instabilité de la Libye en a fait la plaque tournante des trafics, notamment d’armes (en violation de l’embargo onusien) et de migrants. La Libye est redevenue depuis avril 2016 le premier pays par lequel transitent les migrants vers l’Europe. Selon Organisation internationale pour les migrations (OIM), 181 436 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes en 2016 et 35 760 entre janvier et avril 2017. En 2017, les principales nationalités sont les Nigérians (5 229), les Bangladais (4 504), les Guinéens (4 107) les Ivoiriens ( 3 854), Sénégalais (2 529), Marocains (2 415), Maliens (1 820), Erythréens (1 043) et Somaliens (1 021). En 2016, 4579 personnes sont décédées en tentant d’emprunter la route de la Méditerranée centrale (OIM). En 2017, 1002 personnes ont disparu au 25 avril 2017.
Les Nations unis et la Libye
Le Conseil de sécurité a adopté en 2011 la résolution 1970 (centrée sur les sanctions à l’égard des membres du régime de Kadhafi) puis la résolution 1973 qui encadrait l’intervention militaire internationale. L’embargo sur les armes a été depuis quelque peu assoupli dans la mesure où il ne vise plus aujourd’hui que le matériel militaire létal. Conformément à la résolution 1970, la Cour pénale internationale enquête sur les deux chefs de crimes contre l’humanité imputés à Seif al-Islam Kadhafi (clôture de l’affaire à l’encontre de Mouammar Kadhafi le 22 novembre 2011 suite à sa mort ; abandon des poursuites à l’encontre d’Abdallah Senoussi le 24 juillet 2014, l’affaire étant jugée irrecevable devant la CPI).
Les Nations unies ont créé en 2011 une mission d’appui légère (MANUL, qui a compté jusqu’à 215 personnels civils). Son mandat est centré sur le processus politique (dialogue national et processus constitutionnel), mais concerne plus largement le développement de l’Etat de droit, la gouvernance et la sécurité. Elle est dirigée par les représentants spéciaux successifs du Secrétaire général des Nations unies en Libye, M. Bernardino Leon, et, depuis le 17 novembre 2015, M. Martin Kobler. La MANUL est aujourd’hui repliée à Tunis. Par la résolution 2323 le mandat de la MANUL a été renouvelé pour neuf mois le 13 décembre 2016.
Le 27 août 2014 le Conseil de sécurité a voté la résolution 2174 qui étend les critères de désignation du régime de sanctions individuelles à l’ensemble des personnes ou entités qui mettent en danger la stabilité de la Libye ou minent sciemment sa transition politique./.
Mise à jour : 28.04.17

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