7 juillet 2017

Taqyia : l'accusation d'islamophobie, premier pas vers le totalitarisme islamique


Voir aussi : 
Pascal Bruckner : «L'antiracisme est devenu un marché judiciaire» (10.02.2017)

Pasacl Bruckner, auteur d'«Un racisme imaginaire».

Mis à jour le 10/02/2017 à 18h50 | Publié le 10/02/2017 à 18h39

ENTRETIEN - Pour le philosophe, le concept d'islamophobie est «une arme d'intimidation massive» qui a pour double objectif de bâillonner les Occidentaux et de disqualifier les musulmans réformateurs ou libéraux.

LE FIGARO. - Dans Un racisme imaginaire, vous tentez de déconstruire le concept d'«islamophobie»…

Pascal BRUCKNER. - Oui, parler d'«islamophobie», c'est pratiquer un double amalgame : c'est confondre la peur avec la haine, la persécution des croyants avec la remise en cause des croyances. La première est un délit, la seconde un droit absolu. La critique des religions est un acquis des Lumières. En particulier en France, où une grande partie de la littérature, de la philosophie, témoigne depuis quatre siècles d'un esprit de satire vis-à-vis des clercs et de l'Église. On voudrait ainsi rétablir le délit de blasphème aboli en 1791.

«L'islamophobie», ce vieux mot du vocabulaire colonial, récréé par les islamistes britanniques au moment de l'affaire Rushdie (1989), remplit une double fonction : faire taire les Occidentaux, coupables de propager la liberté de penser, mais surtout forger un outil de police interne à l'égard des musulmans réformateurs ou libéraux. Ces fidèles, qui réclament la possibilité de croire ou de ne pas croire, de sortir de la foi ou de se convertir à une autre confession sont désignés à la vindicte de leurs coreligionnaires pour bloquer tout espoir d'une mutation en terre d'islam. Et ce, avec l'onction des idiots utiles de la gauche ou de l'extrême-gauche, certains de tenir avec l'islam le dernier sujet opprimé de l'Histoire.

Dans une tribune parue récemment dans la presse, le philosophe canadien Charles Taylor accusait ceux qui contestent la notion d'islamophobie de préparer des meurtres de masse contre les musulmans. Cela rappelle le vieil argument stalinien, à l'époque de la guerre froide, selon lequel critiquer l'URSS, c'était faire le jeu de l'impérialisme américain.

L'attentat contre une mosquée à Québec ne témoigne-t-il pas de la réalité d'un racisme antimusulmans ?

Cela fait vingt ans que des intégristes se réclamant de l'islam multiplient les attentats. L'étonnant, c'est que les groupes identitaires n'aient pas réagi avant. Même si, au lendemain du 11 Septembre, des citoyens américains ont réagi de manière très brutale abattant, tel des cow-boys, des Sikhs ou des Indiens dans la rue. Mais globalement, et surtout en France où nous sommes civilisés, les Occidentaux ne sont pas entrés dans la logique du pogrom. Le risque des représailles nous guette à tout moment. Si de nouvelles atrocités avaient lieu, je ne réponds pas de la bonne tenue de certains de nos compatriotes.

Le tueur du Québec, qui se réclamait entre autres de Marine Le Pen, est à l'évidence un allié objectif de Daech, lequel veut creuser des fossés de sang entre les musulmans et le reste de la population. Une politique intelligente est une politique qui évite la guerre civile. Critiquer l'intégrisme, ce n'est pas ouvrir la voie aux meurtriers, c'est au contraire permettre une réforme d'une religion tentée, au niveau mondial, par une dérive fanatique inquiétante. D'ailleurs, les premières victimes de cette dérive sont les musulmans eux-mêmes. En ce sens, les véritables «islamophobes» ne sont autres que les membres de Daech ou d'al-Qaïda qui massacrent leurs coreligionnaires par milliers. Si les associations contre l'«islamophobie» étaient cohérentes, elles poursuivraient en justice Daech, al-Qaida, les Frères musulmans ou Boko Haram.

Justement, pourquoi les Français musulmans ont-ils été si inaudibles après les attentats de 2015-2016 ?

Un certain nombre d'intellectuels, de responsables, d'imams se sont mobilisés, avec courage. Cependant, globalement, les Français musulmans sont pris entre deux feux: l'accusation de trahison par leurs extrémistes et l'accusation de duplicité par le reste de la société française. Leur situation est difficile. On les soupçonne d'être des agents cachés de l'islam radical lorsqu'ils se prononcent contre l'intégrisme, et les radicaux les accusent de faire le jeu des «Français» et de trahir leur «communauté d'origine». Une politique intelligente des cultes en France doit à la fois exercer une répression sans pitié contre les mosquées fondamentalistes, les imams douteux et tendre la main aux réformateurs.

Pendant des années, nous nous sommes agenouillés devant les fous de Dieu et nous avons bâillonné les libres-penseurs. N'oublions pas que le but des salafistes est de couper les «musulmans» du reste de la population en leur répétant qu'ils sont opprimés par les «infidèles». Il est urgent de fonder dans la loi un islam de France.

Que penser de la comparaison entre l'«islamophobie» et l'antisémitisme?

L'«islamophobie» est une arme d'intimidation massive, un moyen d'étouffer toute contestation à l'intérieur de l'islam en imposant la loi du silence. Et le stade suprême de cette tactique est la création d'une équivalence entre l'«islamophobie» et l'antisémitisme. Il s'agit pour les islamistes de tracer une équivalence entre la situation des musulmans en 2017 et celle des juifs dans les années 1930-1940 pour mieux entrer dans le club ultraprivilégié des victimes. Sauf qu'une religion n'est pas une race. L'antisémitisme s'est toujours adressé aux Juifs en tant que peuple. Ce n'est pas la religion mosaïque que les antisémites pourfendent, mais ce qu'ils considèrent comme la «race juive».

Deux associations qui vous avaient attaqué pour diffamation suite à des propos sur l'islamisme ont été déboutées par la justice…

Ce procès est lié à des propos tenus après les attentats de Charlie Hebdo sur le plateau de «28 minutes» sur Arte. J'ai dit qu'il fallait faire l'historique des responsables des assassinats, et j'ai cité, parmi beaucoup d'autres, les Indigènes de la République et Les Indivisibles, rappelant qu'ils avaient préparé idéologiquement le meurtre des 12 journalistes. Zineb El Rhazoui, journaliste à Charlie Hebdo, qui était présente sur le plateau, a approuvé cette analyse. Six mois après, j'ai reçu deux assignations au tribunal pour diffamation. Un procès, c'est à la fois la honte d'être montré du doigt, une forme de pression financière - prendre un bon avocat coûte cher -, et une épreuve psychologique. Nous avons fait venir de nombreux témoins de grande qualité: l'actuel directeur de Charlie Hebdo, Riss, le grand maître du Grand Orient de France, Patrick Kessel, le politologue Laurent Bouvet, ou le philosophe Luc Ferry.

Le témoignage de l'ancienne présidente de Ni putes ni soumises, Sihem Habchi, qui a vu de près les conséquences de ces discours radicaux sur «les jeunes des quartiers», a été très fort. La jeune femme a évoqué un «fascisme vert» secondé par une gauche tiers-mondiste qui propage «l'idéologie de l'opprimé et installe l'idée que ces jeunes ne sortiront jamais de leur condition et que les coupables sont la République et la France». Elle a raconté ses expériences de terrain, les insultes et les menaces proférées à son encontre, dont celle d'être «traître à sa race».

Devant la cour, j'ai répété que les mots peuvent tuer comme des balles, que ces associations dites «antiracistes» avaient pu encourager, par leurs propos, les assassins de Charlie, en pointant l'équipe du journal comme «islamophobe». Nombre de «progressistes» ont également accusé Charlie Hebdo d'«humilier une minorité opprimée». Or la presse a révélé que seule une infime proportion des couvertures de Charlie prenait l'islam pour cible alors que la plupart tournent en dérision le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme. Il y a deux poids, deux mesures : on pourrait se moquer de toutes les religions, rire de Moïse, Jésus, du pape, du dalaï-lama, sauf de l'islam sous peine d'encourir la peine capitale?

Le débat déclenché par ce procès a-t-il finalement été salutaire?

En déboutant Les Indivisibles et les Indigènes de la République, les juges ont reconnu que mes propos relevaient d'une opinion et non d'une diffamation. Ils sont restés dans le cadre de l'État de droit et de la libre discussion qui est le principe des démocraties. L'on doit pouvoir s'exprimer sans être traîné devant les tribunaux - c'est le «djihad juridique» - ou menacé physiquement. L'accusation d'«islamophobie» peut vous valoir mise à mort et entraîner des esprits fanatisés à se faire justice eux-mêmes, au nom de Dieu.

Après votre procès, a eu lieu celui de l'historien Georges Bensoussan accusé lui aussi d'«islamophobie»…

Le seul tort de Georges Bensoussan a été de mal citer, dans l'émission «Répliques» d'Alain Finkielkraut, le sociologue Smaïn Laacher: ce dernier avait en effet expliqué dans un documentaire sur France 3 qu'il y avait souvent transmission familiale de l'antisémitisme dans les communautés arabes. Pour avoir dit que «dans les familles arabes en France (…) l'antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère» - la même idée exprimée autrement -, Georges Benssoussan a donné prise à l'accusation de «racisme biologique». Quand on connaît ses travaux de spécialiste de la Shoah, d'historien des relations entre les Arabes et les Juifs, c'est une aberration. Or non seulement le parquet a décidé de poursuivre à la suite des accusations du controversé CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France), mais les associations antiracistes, dont SOS racisme ou la Licra, ont voulu se porter partie civile.

L'antiracisme est devenu un marché judiciaire, où des associations parfois microscopiques acquièrent une certaine visibilité en intentant des procès à tort et à travers. S'il perdait, Georges Benssoussan verrait peser sur lui une accusation synonyme d'opprobre maximale et de mort sociale. Là aussi, il y a deux poids deux mesures : lorsque Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République, écrit Les Blancs, les Juifs et nous, personne ne proteste. Imaginons un militant FN publiant Les Noirs, les Juifs et nous, et le tollé, justifié, qui s'ensuivrait.

L'antiracisme est un mouvement devenu fou et qui exerce une véritable police de la pensée et du langage. Désormais, lorsqu'on parle en public, il faut peser chaque mot au trébuchet, éviter, par exemple, l'emploi du pronom défini «les» et utiliser le pronom indéfini «des» pour ne pas être accusé d'«essentialiser». La novlangue juridique finit par être une entrave à la liberté d'expression et même de penser. Tout le monde est sous la surveillance de tous. De grandes oreilles nous écoutent et guettent le lapsus ou le mot malheureux qui peut précipiter un honnête homme dans l'enfer.

Comment expliquer ce qui vous paraît être un dévoiement de l'antiracisme?

L'antiracisme est devenu la religion civile de notre siècle, parce qu'il remplace la lutte des classes par la lutte des races. Cette évolution a été théorisée par le rapport du think thank de gauche Terra Nova en 2010 : remarquant que la classe ouvrière était devenue conservatrice et embourgeoisée, il préconisait pour le Parti socialiste de faire alliance avec les bobos des centres-villes et les jeunes de banlieue issus de l'immigration. Ainsi la gauche, abandonnant les luttes sociales et la défense de la nation, entrait-elle dans une vision communautariste de la France, devenue une collection de minorités dont on tente d'attirer les suffrages lors des élections. Avec pour conséquence de «victimiser» les catégories courtisées.

On assiste alors à une sorte transmission héréditaire du statut de victime - il n'y a plus que descendants d'esclaves ou de colonisés -, et sur l'autre bord, à une transmission héréditaire du statut d'oppresseur : «le Blanc» devient suspect par nature comme on a pu le voir l'été dernier avec les «camps décoloniaux» interdits aux Blancs. On est là dans le renversement exact de la logique suprématiste ou nazie : tout ce qui n'est pas «face de craie» appartient à l'humanité supérieure, tout ce qui est visage pâle est décrié ou déprécié.

Citons aussi le professeur Enzo Traverso : il explique que le malheur des Juifs, après la création d'Israël, est qu'ils se sont «blanchis» et ont perdu la position d'outsider qu'ils occupaient autrefois. Cette position serait désormais remplie par les «Arabes» et les «Noirs». L'antiracisme exhume presque chaque jour une nouvelle catégorie discriminée. La dernière en date est la «pauvrophobie». Mal parler des pauvres peut désormais vous exposer aux poursuites. Or les pauvres en question aspirent surtout à sortir de leur condition. L'absurdité du politiquement correct est qu'il ne travaille pas à la transformation concrète des catégories supposées «opprimées», mais à la mise en place d'une sorte de glacis linguistique. C'est un cataplasme pour ne pas traiter les problèmes. Il traduit ce moment très particulier où l'on renonce à changer les choses pour se contenter de les requalifier autrement.

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Quand on dit que les terroristes islamistes s'inspirent du Coran, que ce sont les textes islamiques qui les inspirent (Coran, Sunna, Sira, Tafsir), on est traité d'islamophobe et invité poliment mais fermement à ne plus la ramener sur ce sujet. Car, pour les islamo-gauchistes, les idiots utiles (Macron, Hollande, Castaner, Cameron, Juppé, etc.), ce n'est pas ça l'islam, l'islam est une religion de tolérance et de paix, l'islam est compatible avec la République et si tu dis que c'est ça l'islam, si tu fais un amalgame, c'est forcément que tu es raciste, intolérant, fasciste. Peut-être que tu n'es pas raciste, mais tu fais quand même le jeu du FN sans le savoir. Alors, n'écoutez pas ce monsieur raciste, circulez, il n'y a rien à voir. Il y a aussi des annexes qui permettent de se diriger vers un changement de sujet qui éloignera le radar des textes islamiques : guerre en Irak injuste, responsabilité des pays occidentaux dans les troubles au Moyen-orient, bombardements des civils, colonisation, etc.

Pour certains musulmans fanatiques, on devine à travers les insultes et les menaces à peine voilées que toute persévérance dans la critique sera punie assez vite de coups et blessures pouvant entraîner la mort, surtout que les préjugés des conservateurs incitent déjà à ce comportement violent sans forcément qu'une quelconque critique soit émise : "croisé", "occidental", "harki" s'il est d'origine maghrébine, "juif", "sioniste", "pro-américain", "chrétien", "colonisateur", "fasciste", "raciste". Beaucoup de musulmans radicaux de France qui ne sont pas arabes mais maghrébins ou turcs ne font que reproduire à l'égard des non-musulmans ou des musulmans noirs qu'ils considèrent comme des inférieurs le racisme que les arabes exercent à leur encontre. La critique de l'islam est très mal vue par beaucoup de musulmans, prenant ainsi pour modèle du prophète Mahomet qui punissait de mort exemplaire les critiques (voir par exemple l'épisode des deux chanteuses). 

Ce faisant, en voulant défendre l'islam de cette façon, ces musulmans ne font que confirmer l'image d'intolérance et de terrorisme qui est véhiculée par Daech ou les autres Etats islamiques comme l'Iran, l'Arabie saoudite, le Pakistan, etc. Ceux qui pourraient avoir l'envie de s'exprimer à ce sujet y réfléchissent à deux fois, font attention à leurs auditeurs, à l'emplacement, etc. La liberté de pensée est menacée très sévèrement. Cela commence par l'accusation d'islamophobie donnée à tort et à travers mais cela finit par les attentats de Charlie Hebdo. En attendant, on construit de nouvelles mosquées à une allure incroyable, la jeunesse musulmane se radicalise à vitesse grand v, on légitime au plus haut niveau les prémices de la charia (Marlène Chiappa), on accueille naïvement des centaines de milliers de "réfugiés" musulmans, etc.

Cologne, «islamophobie» : ce que révèle l'affaire Kamel Daoud (19.02.2016)

Par Alexandre Devecchio
Publié le 19/02/2016 à 17h43

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Accusé d'islamophobie, le journaliste Kamel Daoud a décidé d'arrêter le journalisme. Pour Laurent Bouvet, ce terme sert avant tout à disqualifier et à mettre en accusation ceux qui émettent des critiques contre l'islamisme politique et ses alliés.

Laurent Bouvet est professeur de science politique à l'UVSQ-Paris Saclay. Son dernier ouvrage, L'insécurité culturelle, est paru chez Fayard.

LE FIGARO. - Après les agressions du Nouvel An à Cologne, l'écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud n'avait pas hésité à pointer le tabou du sexe et du rapport à la femme dans le monde arabo-musulman.

Laurent BOUVET. - En effet, et c'était, avec d'autres, une contribution très intéressante sur les causalités possibles de cet événement inédit et sidérant. Une contribution venant de la part d'un homme dont la connaissance de la situation algérienne, et au-delà de la situation dans l'ensemble arabo-musulman, m'a toujours parue très fine et très juste.

Face aux accusations d'«islamophobie», il déclare arrêter le journalisme et s'en explique dans Le Quotidien d'Oran. Que révèle cette affaire ?

On ne peut que déplorer et condamner ces accusations. Cela révèle d'abord une difficulté voire une impossibilité d'accepter la critique et le débat de la part de ceux qui les décrètent ou les utilisent. Ensuite, qu'il y a de la part de certains musulmans mais pas seulement, une lecture de l'islam univoque et qui voudrait s'imposer aux autres, ce qui me paraît, pour ce que j'en sais, tout à fait contraire à l'islam lui-même. Enfin, cela témoigne du risque, physique, permanent, pour des gens courageux comme Kamel Daoud comme on l'a vu pour beaucoup d'autres, jusqu'à la mort. Le fait qu'il cesse le journalisme est une perte sèche pour tout le monde, une atteinte au travail de mise à jour de la vérité, dans un pays et un monde qui en ont plus que jamais besoin.

Est-il désormais impossible d'aborder sereinement le sujet de l'islam en France ? Comment en est-on arrivé là ?

Nous ne connaissons pas, heureusement, les mêmes conditions que dans certains pays arabes et musulmans en matière de débat public, et d'expression sur l'islam. Mais la pression existe. A la fois de la part d'une frange extrémiste, radicalisée, dans l'islam, et surtout, de la part de tout un tas de gens, que ce soit dans l'université, dans certains milieux activistes politiques ou associatifs ou même, parfois, au cœur de certaines institutions publiques. Il n'apparaît pas possible de parler de l'islam et, surtout, ce qui me paraît plus important encore, de la place de cette religion dans la République, dans l'espace social et public, de la même manière que des autres, et de manière tout simplement laïque.

Cette dissymétrie vient d'abord d'une difficulté à l'intérieur de l'islam, dont nous n'avons pas, en tant que société sécularisée et laïcisée, à nous occuper. Ce n'est en effet pas à nous, non-musulmans, de dire qui sont les bons et les mauvais musulmans, quelle est la bonne ou la mauvaise manière de pratiquer l'islam, etc. Personnellement, je n'en sais rien et je ne veux pas le savoir. La religion comme pratique et comme vérité de la foi si l'on veut ne m'intéresse pas. Là où tout ceci me concerne, nous concerne, c'est dans sa dimension sociale et politique. Une religion ne concerne pas en effet que les croyants, elle a des effets sociaux et induit des conséquences sur les mœurs, le droit, la politique… dans une société. Il en va de l'islam comme de toutes les religions dès lors qu'elles concernent un nombre significatif de gens au sein d'une société.

Or, le fait que l'islam soit à la fois une religion prosélyte et une religion qui implique un mode de vie particulier pour ses croyants conduit, dans une société où elle n'est pas majoritaire, à des tensions et des questions sur la manière dont elle peut s'articuler aux modes de vie de l'ensemble de la population non-musulmane, et aussi à la liberté relative des musulmans de vivre plus ou moins en accord avec les préceptes de leur religion. C'est là que la difficulté de ne pas pouvoir se référer à une autorité incontestable, centrale et édictrice de principes clairs pour tous les musulmans fait défaut, évidemment. Les origines nationales variées et les pratiques différentes de l'islam des Français musulmans et des étrangers musulmans vivant en France impliquent des comportements et des attitudes très divers.

D'autant que si une très large majorité de ceux qui croient et pratiquent l'islam en France sont tout à fait laïques dans leur manière de comprendre leur religion, une minorité ne l'est, elle, pas du tout et fait pression, de différentes manières, sur les institutions, sur la société, sur les autres musulmans, etc. pour voir reconnaître une certaine pratique de l'islam. Dans le sens d'une radicalisation jusqu'à l'islamisme politique et la contestation de la laïcité elle-même, des lois de la République (celle de 2004 à l'école par exemple).

Le fait que ces revendications bénéficient d'un soutien, plus ou moins fort et pour des raisons diverses (instrumentalisation politique, combat dit post-colonial, combat contre la laïcité, combat commun contre la liberté de mœurs…), de la part de tout un tas de non-musulmans au sein de la société française, en particulier au sein de ses élites, rend encore plus difficile l'intégration au commun républicain de cette minorité de la population de religion musulmane.

Les torts sont donc partagés au regard de la situation actuelle : la pression de l'islamisme politique d'un côté, phénomène international, et les faiblesses ou les calculs au sein de certains milieux français qui conduisent à des formes de complaisance, d'accommodement voire de collaboration pure et simple.

«Je pense que cela reste immoral de m'offrir en pâture à la haine locale sous le verdict d'islamophobie qui sert aujourd'hui aussi d'inquisition.», écrit Kamel Daoud. Le terme même d' «islamophobie» est-il piégé ?

Le terme islamophobie sert précisément d'arme à tous ces promoteurs de l'islamisme politique et à leurs alliés. Sous son aspect descriptif d'une réalité qui existe et qui doit être combattue avec vigueur, les paroles et les actes anti-musulmans, il sert avant tout à disqualifier et à mettre en accusation toutes celles et tous ceux qui émettent des critiques contre cet islamisme politique et ses alliés.

Et lorsqu'il est déconstruit, avec force, récemment encore par Elisabeth Badinter, ou par Kamel Daoud aujourd'hui, il se trouve toujours des militants zélés ou des idiots utiles de la cause islamiste pour les désigner comme coupables d'être anti-musulmans. C'est un mécanisme assez classique que l'on a bien connu en Europe avec le totalitarisme, et les procès politiques qu'il entraînait. La haine qui peut alors être déversée sur celles et ceux qui dénoncent ces raccourcis et ces méthodes est impressionnante. Elle fait même parfois peur de ce qu'elle révèle chez certains.

Que ces méthodes totalitaires soient utilisées par des militants islamistes, cela s'explique même si on peine à le comprendre. Qu'elles soient en revanche devenues monnaie courante dans le débat public en France, cela m'étonne davantage. Les attaques contre Elisabeth Badinter ou Kamel Daoud, ou encore contre Céline Pina ou Amine El Khatmi récemment, de la part de responsables d'institutions publiques, d'élus politiques, de journalistes ou de collègues universitaires à coup d'accusations d'islamophobie sont pour moi insupportables.

Le terme lui-même n'est parfois même plus interrogé. Il est admis comme l'équivalent d'antisémitisme ou de racisme ! Des colloques sont organisés sur l'islamophobie sans que le terme soit mis en question. Le CCIF, une association militante qui promeut l'islamisme politique, est même reçue officiellement par les autorités publiques au nom de ce combat contre l'islamophobie dont elle a, habilement, fait son objet. Ce sont des aveuglements et des renoncements qui en disent long et surtout qui risquent de coûter cher. C'est un processus de combat culturel pour l'hégémonie au sens gramscien auquel nous assistons. Certains l'ont bien compris, d'autres non.

Le président de la République lui-même refuse d'employer le terme d'islamisme et prétend que le terrorisme djihadiste n'a rien à voir avec l'islam …

C'est un chose étrange, décidément, que de penser qu'on peut convaincre quiconque du fait que le djihadisme et le terrorisme islamiste n'ont rien à voir avec l'islam. Les djihadistes, les terroristes qui se réclament de l'islam savent ce qu'ils font. Et comme il ne nous appartient pas de juger si c'est conforme ou non à telle ou telle conception de l'islam, cela n'a aucun intérêt de rentrer dans ces considérations.

D'ailleurs, nos concitoyens ne s'y laissent pas prendre. Chacun constate qu'il s'agit d'actes perpétrés au nom de l'islam sans pour autant faire un quelconque amalgame avec les musulmans dans leur immense majorité. La réaction des Français a été remarquable après les attaques de janvier et novembre 2015 en la matière : ni panique ni fuite en avant ni aucune forme d'accusation générale contre l'islam et les musulmans. Ce sont des risques et des fantasmes qu'entretiennent certains responsables politiques en particulier pour servir leurs intérêts. Cela n'a aucune réalité. Les actes antimusulmans existent bien évidemment, comme les actes antisémites d'ailleurs. Et il faut simplement les combattre avec détermination, sans les utiliser politiquement en lien avec les attentats terroristes.

Au-delà, ce genre de propos qui veut détacher le djihadisme de l'islam entend aussi nier la continuité qu'il y a entre l'islamisme politique et le djihadisme, en expliquant notamment qu'il y aurait d'un côté un islamisme «quiétiste» par exemple et de l'autre une forme violente. Que l'on devrait discuter et s'accommoder de la première en combattant la seconde. Ce genre de distinction conduit à nier le caractère idéologique de l'entreprise islamiste, à vouloir à tout prix expliquer la violence terroriste par elle-même, de manière comparable à d'autres formes de violence terroriste.

Or, ce que nous ont appris les travaux sur le totalitarisme, en particulier, c'est que l'usage et la légitimation de la violence à des fins politiques reposent sur un ensemble de considérations idéologiques préalables. Que l'origine de celles-ci soient un système de pensée lié à la race et à la nation, à la classe et à la révolution ou à la foi et à la réalisation de la volonté de dieu importe peu. Le mécanisme est le même, et il est chaque fois destructeur de l'humanité de l'homme. C'est aujourd'hui à un tel défi que nous sommes confrontés. Il est plus que regrettable, impardonnable, que des responsables politiques n'en prennent pas conscience et n'agissent pas en conséquence.

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