5 juillet 2017

Inde

La visite historique de M. Modi en Israël scelle le rapprochement entre New Delhi et Tel Aviv (05.07.2017)
Lynchage des musulmans en Inde : «pas en mon nom», répondent des manifestants (02.06.2017)
Inde : le premier ministre condamne les crimes commis au nom de la vache sacrée (29/06/2017)


En Inde, la dérive sanglante des défenseurs des vaches (05.07.2017)
En réponse à une série de meurtres, le premier ministre Narendra Modi a voulu calmer les plus agités des extrémistes hindous en déclarant que « Gandhi n’approuverait pas ».

LE MONDE | 05.07.2017 à 11h06 • Mis à jour le 05.07.2017 à 11h31 | Par Intérim

LETTRE DE NEW DELHI

La place de la vache dans la société indienne semble décidément être un marqueur du mandat du premier ministre, Narendra Modi. Il aura fallu plus de trois ans et plusieurs meurtres d’éleveurs, marchands de bétail, abatteurs, équarrisseurs ou simples consommateurs réels ou supposés de viande de bœuf – musulmans, pour la plupart – pour que celui qui est à la tête de la plus grande démocratie du monde se décide enfin à sortir de son silence sur le sujet.

Jeudi 29 juin, le chef de file nationaliste hindou a jugé « inacceptable » que des gens soient tués au nom de la protection des vaches. Une façon de reconnaître qu’il y a bien un problème en ce moment, malgré les dires d’Amit Shah, le président du Parti du peuple indien (BJP), au pouvoir depuis mai 2014. Ce dernier continue d’affirmer que la situation était pire avant, en particulier pendant les trois années ayant précédé le retour de la droite au pouvoir. « En 2011, 2012 et 2013, il y a eu chaque année davantage de lynchages qu’il n’y en a eu ces trois dernières années », assure Amit Shah.

Tel n’est pas le sentiment de la population. La veille de la sortie de M. Modi, des manifestations s’étaient tenues dans plusieurs grandes villes du pays pour protester contre la multiplication des violences perpétrées au nom des vaches. Car depuis le meurtre très médiatisé, en septembre 2015, de Mohammad Akhlaq, un homme de Dadri (Uttar Pradesh) accusé par ses voisins de cacher de la viande rouge dans son réfrigérateur, la liste des victimes n’a cessé de s’allonger.

Phénomène « de nature féodale »

Au mois d’avril, c’est un éleveur laitier, Pehlu Khan, qui était intercepté sur la route à Alwar (Rajasthan), tiré du camion avec lequel il transportait du bétail pour être battu à mort. En juin, c’est un adolescent de 15 ans, Junaid Khan, qui se faisait poignarder à bord d’un train en provenance de Palwal (Haryana), par une bande d’excités qui l’avaient traité de bouffeur...



La visite historique de M. Modi en Israël scelle le rapprochement entre New Delhi et Tel Aviv (05.07.2017)
Vingt-cinq ans après l’établissement des relations diplomatiques avec l’Inde, un premier ministre indien se rend en visite en Israël.

LE MONDE | 04.07.2017 à 10h35 • Mis à jour le 05.07.2017 à 13h05 | Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) et Intérim (New Delhi, correspondance)


Historique : le mot est répété en boucle par les autorités israéliennes. Vingt-cinq ans après l’établissement des relations diplomatiques avec l’Inde, Narendra Modi est le premier chef de gouvernement de son pays à se rendre en Israël, du 4 au 6 juillet. Peu de visites d’un dignitaire étranger suscitent un aussi grand écho dans l’Etat hébreu. Il traduit à la fois une ouverture du pays vers un marché en plein essor et une volonté de diversifier les alliances diplomatiques.

Narendra Modi est attendu avec enthousiasme par les autorités, mais aussi une certaine impatience. Au cours des trois premières années de son mandat, malgré une intensification des contacts avec l’Etat hébreu, il s’est d’abord rendu en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis (EAU), au Qatar ou encore en Iran. Le premier ministre indien arrive en Israël avec un programme dense. Son homologue, Benyamin Nétanyahou, l’accompagnera lors de nombreuses étapes, du mémorial de Yad Vashem au cimetière militaire de Haïfa, où sont enterrés des soldats indiens.

Proximité

M. Modi en a pris l’habitude au cours de ses déplacements à l’étranger : il va également prendre la parole devant plusieurs milliers de ses compatriotes, réunis à Tel-Aviv. Environ 10 000 Indiens vivent et travaillent en Israël. Près de 80 000 juifs israéliens ont une ascendance indienne. Narendra Modi, rappelle la presse israélienne, cherche toujours à consolider les liens entre l’Inde et ses expatriés, sur le modèle de la diaspora juive.

Israël note avec satisfaction l’absence de toute étape palestinienne dans le voyage du responsable indien. Le président Mahmoud Abbas avait été accueilli à New Delhi à la mi-mai, une visite pendant laquelle l’Inde avait réaffirmé son soutien traditionnel à la cause palestinienne et à la solution à deux Etats. Néanmoins, comme le confirme l’ancien porte-parole du ministère indien des affaires étrangères Gopalaswami Parthasarathy, M. Modi « n’a aucune appréhension à exprimer ouvertement son admiration pour la réussite d’Israël, alors que ses prédécesseurs se montraient plus timides ». Une allusion au fait que l’Inde, acteur majeur du mouvement des non-alignés pendant la guerre froide, a soutenu les aspirations palestiniennes dès 1947, puis a été le premier pays non-musulman à reconnaître la Palestine, en 1988.

Sur le plan idéologique, il existe une proximité claire entre M. Modi et M. Nétanyahou, qui dirigent tous deux un pays avec une forte minorité musulmane et se font les chantres de l’identité majoritaire, hindoue et juive. « Modi est un nationaliste à outrance, qui partage avec Nétanyahou, outre une bonne relation personnelle, une même vision du monde et du développement économique », note un diplomate israélien.

Dans le domaine économique, Israël est fier d’afficher une statistique : les échanges commerciaux se montaient à 200 millions de dollars (175 millions d’euros) en 1992 ; ils frôlent les cinq milliards de dollars aujourd’hui. « Mais ce chiffre stagne depuis quelques années, note Raviv Byron, le président de la chambre de commerce Israël-Inde et Népal, à Jérusalem. Nous poussons en faveur d’un accord de libre-échange. Les gouvernements négocient depuis quatorze ans, mais ça n’avance pas vraiment. C’est une question politique. En Inde, il existe de fortes pressions en faveur du protectionnisme. »

Il existe trois domaines dans lesquels la coopération entre les deux pays se révèle très prometteuse : l’eau, l’agriculture et la défense. New Delhi veut s’inspirer des avancées technologiques majeures réalisées par Israël dans le traitement de l’eau (désalanisation, traitement des eaux usées) ou l’irrigation pour la culture intensive. Mais c’est surtout la défense qui fait de l’Inde un client essentiel. Ce secteur est le premier moteur du rapprochement entre les deux pays depuis la normalisation de leurs relations diplomatiques. « Israël n’est pas en mesure de concurrencer Paris et Washington sur les grands contrats d’armements tels que les avions de combat Rafale, analyse Nicolas Blarel, enseignant-chercheur à l’université de Leyde (Pays-Bas) et expert des relations entre les deux pays. En revanche, les Indiens aiment traiter avec les Israéliens, car ces derniers posent moins de difficultés pour transférer leurs technologies et fabriquer une partie importante des commandes sur place, en Inde. »

Logique de coproduction

Cette logique de coproduction sied à M. Modi, qui a fait du « Make in India » le fil rouge de sa politique industrielle. Exemple le plus récent : en mai, Israel Aerospace Industries a annoncé qu’il avait obtenu un contrat de 630 millions de dollars pour la fourniture de systèmes de défense sur quatre navires de la flotte indienne, composés de missiles sol-air Barak-8. Pour la première fois, ce contrat sera réalisé avec la compagnie indienne Bharat Electronics.

Israël, de son côté, ne mise pas que sur l’exportation de son savoir-faire militaire. Benyamin Nétanyahou s’enorgueillit des relations diplomatiques inédites qu’il a développées en Afrique, en Asie centrale, avec l’Inde ou la Chine. Il s’efforce, pays par pays, de casser les alignements systématiques en faveur de la cause palestinienne dans les enceintes multilatérales, comme les Nations unies ou l’Unesco.

Lynchage des musulmans en Inde : «pas en mon nom», répondent des manifestants (02.06.2017)

Manifestation contre les meurtres de musulmans, à New Delhi, le 28 juin. Manifestation contre les meurtres de musulmans, à New Delhi, le 28 juin. Photo Chandan Khanna. AFP  Dans une dizaine de villes du sous-continent, des centaines de personnes ont dénoncé la montée des meurtres islamophobes après le meurtre d'un adolescent.

  Lynchage des musulmans en Inde : «pas en mon nom», répondent des manifestants
Professeurs à la chevelure grisonnante, jeunes aux habits colorés… plusieurs centaines de personnes se pressent sur l’esplanade de Jantar Mantar, centre des manifestations de New Delhi. Tous sont venus clamer leur soutien à leurs compatriotes musulmans, attaqués de manière croissante ces derniers mois. Ils soulèvent des pancartes marquées de ces quelques mots en anglais : «Not in my name» («pas en mon nom»). Cette foule de classe moyenne, majoritairement hindoue, a répondu à un appel lancé sur Facebook, qui a également donné lieu à des rassemblements dans une dizaine d’autres villes indiennes le 28 juin.


«Antinationaux, Pakistanais, mangeurs de bœufs»
L’événement déclencheur a été le meurtre d’un adolescent musulman de 16 ans, cinq jours auparavant, dans un train de la banlieue de New Delhi. Le jeune Junaid Khan était venu avec son frère acheter de la nourriture pour l’Aïd. Selon les témoignages recueillis depuis, Junaid a offert sa place à un homme âgé, celui-ci s’est offusqué et a commencé à insulter les deux garçons qui portaient la toque musulmane : «Antinationaux, Pakistanais, mangeurs de bœufs». Les injures islamophobes ont fusé et une dispute a éclaté. Et tout d’un coup, une dizaine d’autres jeunes hindous ont attaqué les deux frères, et huit coups de couteau fatals ont été portés au jeune Junaid.

Des agressions similaires, d’apparence spontanée, se produisent dans tout le pays depuis plusieurs mois, suivant les traces du raz-de-marée électoral du parti nationaliste hindou BJP : cette formation dirige le gouvernement national depuis trois ans grâce à une majorité absolue inédite à la chambre basse, et administre 17 des 29 Etats, dont le plus grand d’entre eux, l’Uttar Pradesh, a été conquis en mars.

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Certains manifestants, comme l’universitaire Prabir Prukayastha, estiment que ces attaques sont encouragées par ces nationalistes hindous : «Il y a une croissance coordonnée de cette haine et de ces violences, des campagnes sont organisées sur WhatsApp [une application de messagerie, ndlr], des groupes envoyés pour attaquer les camions qui transportent du bétail. Et le gouvernement ne condamne jamais ces actes, ce qui prouve sa complicité.» Amnesty International vient d’exhorter les dirigeants indiens à réagir pour faire cesser cette «apparente impunité» des crimes islamophobes et a dressé une liste de tels actes rapportés par les médias : au moins dix musulmans ont été tués en deux mois dans huit attaques menées dans tout le pays par des extrémistes ou des groupes de gens qui leur reprochaient de transporter des vaches, de détenir de la viande de bœuf ou de simplement flirter avec des filles hindoues.

«Tout musulman devient une cible»
L’abattage de la vache, animal sacré dans l’hindouisme moderne, est très réglementé mais n’est pas totalement interdit en Inde – et son dépeçage est autorisé si le bovin meurt naturellement. Mohammad Jabir, un musulman venu à la manifestation, vit ce racisme au quotidien dans son village de Muzzafarnagar, situé à 130 km de New Delhi. «Il y a deux ou trois mois, un homme qui portait une longue barbe a été suivi par un groupe, et ils l’ont tué d’un coup de pistolet, raconte-t-il. Ce genre d’incidents arrive souvent maintenant. Tout musulman devient une cible.» Cette bourgade a justement été le théâtre de pogroms antimusulmans en 2013, qui ont coûté la vie à 62 personnes et auraient été manigancés par des députés locaux du BJP – deux d’entre eux ont été mis en examen pour ces actes, mais viennent d’être réélus avec le soutien du parti.

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Syed Yunus, un ingénieur musulman de Delhi, analyse le dogme qui sert de support à ces violences : «Les hindouistes mènent une sorte de croisade religieuse, estime-t-il. Selon leur idéologie, une personne qui mange de la viande est démoniaque. Donc si vous voyez quelqu’un qui frappe cette personne, vous ne devez pas intervenir. C’est la même mentalité jihadiste que celle qui est propagée par les extrémistes musulmans.»

Le Premier ministre Narendra Modi, qui a grandi dans les rangs de l’organisation hindouiste et paramilitaire du RSS, a déjà été accusé d’avoir laissé se dérouler des pogroms antimusulmans en 2002, dans l’Etat du Gujarat qu’il dirigeait. Au lendemain de cette manifestation nationale, le chef du gouvernement a exceptionnellement condamné les meurtres perpétrés au nom de la protection de la vache sacrée : «Personne n’a le droit de faire justice soi-même.» Mais il en faudra sûrement plus pour renverser la vapeur : quelques heures après ces mots, un musulman de 45 ans était battu à mort par une foule de 100 personnes. Son crime : transporter de la viande. Personne ne sait de quel animal elle venait, mais il est bien trop tard pour que cela change quoi que ce soit.


Sébastien Farcis Correspondant à New Delhi

Inde : le premier ministre condamne les crimes commis au nom de la vache sacrée
Par Emma de Pierrepont  Publié le 29/06/2017 à 17:14

Le premier ministre indien Narendra Modi a fini par sortir de son mutisme, jeudi, après la série de lynchages de musulmans commis ces derniers temps dans son pays au nom de la protection de la vache, considérée comme sacrée dans l'hindouisme.

Depuis plusieurs mois, le pays est en proie à une série de lynchages de musulmans liés au culte de la vache sacrée, vénérée par les hindous. Après la mort récente d'un adolescent, le premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi a fini par dénoncer jeudi des attaques « inacceptables ».





«Tuer au nom du culte de la vache n'est pas acceptable» a proclamé le premier ministre Narenda Modi, jeudi dans son fief de Gujarat, à l'ouest de l'Inde. Le leader nationaliste hindou a fini par s'exprimer et par condamner la vague de crimes antimusulmans qui touche le pays depuis plusieurs années. Des représailles qui semblent dues à la protection des vaches, sacrées pour les hindous, mais simple denrée populaire pour la communauté musulmane. Cette annonce du premier ministre fait précisément suite au lynchage mortel, la semaine dernière, d'un adolescent musulman dans un train en provenance de New Delhi, la capitale. Ces violences à répétition sont l'expression populaire des crispations politico-religieuses qui rongent le pays d'Asie du Sud.

Quatre des agresseurs présumés de Junaid Khan, 15 ans, et de ses trois frères, ont été arrêtés, a annoncé la police de l'État de Harayana à l'ouest de Delhi, mais le porteur du coup mortel est toujours en cavale. L'adolescent de confession musulmane a été tué au cours d'une altercation dans un train, où un groupe d'une quinzaine d'hommes a agressé le jeune homme au couteau. Les assaillants l'accusaient lui et ses frères de transporter de la viande bovine dans leurs valises.

Une culture de «l'impunité»

Manger ou posséder de la viande bovine est considéré comme un acte blasphématoire par les hindous, majoritaires dans le pays et pour lesquels la vache est un animal sacré. Dans certains États, ces actes peuvent entraîner des peines d'emprisonnement. Mais les habitants se font souvent justice eux-mêmes dans des scènes de lynchage public d'une rare violence, visant principalement des membres de la communauté musulmane ou des dalits, la caste des intouchables. Depuis avril, 10 musulmans ont déjà été lynchés ou tués en public par ces «milices» autoproclamées de protection des vaches.

L'ampleur de l'agression et le jeune âge de la victime ont fini par faire sortir le premier ministre Modi de son mutisme: «La violence n'a jamais été et ne sera jamais un moyen de résoudre le moindre problème». C'est la première fois que le chef du gouvernement nationaliste hindou s'exprime et condamne ces actes haineux de justice populaire. «Personne n'a le droit de prendre la loi entre ses mains dans ce pays» a-t-il déclaré. Élu premier ministre en 2014 après la victoire inattendue de son parti, le Bharatiya Janata Party (parti nationaliste hindou), Narendra Modi était resté silencieux face à ces phénomènes violents impliquant la communauté hindoue. L'hindouisme est la religion majoritaire du pays de 1,25 milliard d'habitants, qui constituent le cœur de son électorat.

Certains ont vu dans la passivité du leader nationaliste une forme de «culture d'impunité», laissant les hindous imposer leurs lois aux autres communautés religieuses, comme le dénoncent des groupes de défense des droits de l'homme. Bravant la mousson, des milliers de personnes se sont réunies dans plusieurs grandes villes ce mercredi pour manifester leur soutien aux populations visées par les attaques, autour du slogan «Not in my name». Les manifestants ont sommé le premier ministre de prendre de vraies mesures pour faire cesser les crimes contre les musulmans. Ces phénomènes de lynchages à caractère confessionnel restent encore trop souvent impunis ou classés sans suite par les autorités, regrette Aakar Patel, directeur exécutif d'Amnesty International en Inde.

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