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“Nous allons accroître notre descendance, a-t-il lancé. On nous parle de planning familial, de contrôle des naissances. Aucune famille musulmane ne peut avoir une telle approche. Nous suivrons la voie indiquée par Dieu et notre cher prophète.” (Erdogan, calife de Turquie)
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“Nous allons accroître notre descendance, a-t-il lancé. On nous parle de planning familial, de contrôle des naissances. Aucune famille musulmane ne peut avoir une telle approche. Nous suivrons la voie indiquée par Dieu et notre cher prophète.” (Erdogan, calife de Turquie)
Guillaume Larrivé : «Il faut sortir du chaos migratoire» (05.07.2017)
Avramopoulos : «La situation migratoire telle qu'elle est maintenant n'est plus soutenable» (03.07.2017)
Avramopoulos : «La situation migratoire telle qu'elle est maintenant n'est plus soutenable» (03.07.2017)
Michèle Tribalat : «Une immigration illégale incontrôlable détruit toute idée de maîtrise» (15.06.2017)
Voir aussi :
Droit d'asile : la France a toujours une loi de retard (07.07.2017)
Par Jean-Marc Leclerc
Publié le 07/07/2017 à 18h35
ANALYSE - Le nombre de clandestins restés en France pourrait
dépasser les 250.000 d'ici quatre ans. Gérard Collomb entend proposer un
nouveau projet de loi pour «sauver un système à bout de souffle».
Le droit d'asile n'a pas fini d'animer les débats. Mercredi
prochain, le ministre de l'Intérieur entend présenter en Conseil des ministres
un nouveau projet de loi visant à «sauver un système à bout de souffle». Une
certitude : les mesures envisagées n'entreront en application qu'après
l'explosion migratoire de l'été qui amènera inévitablement des dizaines de
milliers d'illégaux supplémentaires sur le sol français. Autrement dit : trop
tard pour endiguer la vague.
C'est le scénario des années Valls qui se répète et
s'amplifie. La France fait des réformes plus ou moins cosmétiques dont les
gains espérés sont immédiatement absorbés par l'ampleur des nouveaux flux. La
bonne volonté n'est pas en cause, mais la capacité d'anticipation fait
cruellement défaut.
Sur le fond, rien n'a vraiment changé. La loi Valls de
novembre 2012 qui garantit au migrant une régularisation automatique après cinq
ans de présence sur le territoire est toujours aussi attractive.
Dans le même
temps, les officiels à Paris ou Bruxelles jurent, la main sur le cœur, que les
authentiques réfugiés seront accueillis selon des principes d'humanité qui nous
honorent, tandis que les migrants économiques, dont la vie n'est pas
directement menacée, ont vocation à partir, tout aussi dignement.
Bouder la «mère patrie»
Que se passe-t-il dans les faits? Lorsqu'un migrant
économique entre en France, il est quasiment certain d'y rester. Parce que le
gouvernement n'a pas le pouvoir de le renvoyer ou si peu. À peine un clandestin
sur dix quitte effectivement le pays des droits de l'homme. Car il faut obtenir
préalablement l'autorisation du pays de provenance. Qui, généralement en état
de déliquescence ou fort marri d'avoir vu son ressortissant bouder la «mère
patrie», ne se montre guère enclin à distribuer les fameux «laissez-passer
consulaires», sans lesquels rien n'est possible. La Chine n'en délivre aucun;
le Mali, où la France se bat pourtant contre le totalitarisme islamique, le
fait au compte-gouttes.
Comment les autorités comptent-elles échapper à cette
arithmétique implacable, sachant que la hausse du nombre pour l'année en cours
devrait encore avoisiner les 15 % ?
Le commissaire européen en charge de l'Immigration, DimitrisAvramopolous, cite, pour sa part, l'exemple du Pakistan, dont il était revenu
récemment avec plein de promesses de coopération. Mais le gouvernement
pakistanais n'a jamais laissé atterrir l'avion d'aide au retour affrété par
l'Union européenne, invoquant des problèmes administratifs…
On peut bien sûr annoncer que la France conditionnera ses
aides publiques aux pays sources pour les amener à la raison. Mais quelles
garanties a-t-on que cet argent ne va pas s'évaporer sans effets sur les
retours ?
Nul n'a trouvé la martingale et les pays de destination
doivent composer avec la réalité des chiffres. L'an dernier, les seules
demandes d'asile en France ont dépassé les 85.000. Sur ce nombre, 26.000 ont
été acceptées et 59.000 rejetées. À ces 59.000 déboutés du droit d'asile, il
faut ajouter les 22.000 étrangers en situation irrégulière relevant de la
procédure dite de Dublin (ceux-ci doivent être pris en compte en principe par
le pays de l'Union où ils ont déposé leur première demande, souvent en Grèce ou
en Italie). Total : plus de 107.000 migrants traités au titre de l'asile en
France en un an, dont 81.000 avaient «vocation» à partir.
Mais puisque 10 % tout au plus s'en vont effectivement, plus
de 70.000 illégaux sont restés au seul titre de la demande d'asile l'an
dernier. Comment les autorités comptent-elles échapper à cette arithmétique implacable, sachant que la hausse du nombre pour l'année en cours devrait
encore avoisiner les 15 %?
Le seuil des 150.000 clandestins supplémentaires en deux ans
pourrait bien être franchi à la fin de 2017. En comptant les recalés du droit
d'asile des deux années précédentes, le nombre de ces illégaux restés en France
dépassera allègrement les 250.000 en quatre ans !
La question des déboutés et des «Dublinés» conditionne toute
l'économie de la réforme concoctée par Gérard Collomb et le ministre le sait.
La Cour des comptes avait mis en garde l'État dès avril 2015 sur ce point, dans
un rapport qui n'a pas pris une ride. L'asile coûte déjà plus de 2 milliards
par an. Il ne peut être sauvé que si les déboutés repartent.
La rédaction vous conseille :
Pascal Bruckner : « Le vrai défi d'Emmanuel Macron, c'est le chaos migratoire » (07.07.2017)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 07/07/2017 à 18h55 | Publié le 07/07/2017 à
18h22
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Le camp de migrant de la porte
de la Chapelle a été démantelé ce vendredi. Pascal Bruckner fait le point sur
la situation migratoire de la France et de l'Europe, et appelle le Président de
la République à conjuguer éthique et responsabilité.
Pascal Bruckner est philosophe, essayiste et romancier. Il a
dernièrement publié La Sagesse de l'argent (éd. Grasset, 2016) et Un racisme
imaginaire (éd. Grasset, 2017).
FIGAROVOX.- Plus de 2700 migrants ont été évacués des
campements situés dans le nord de Paris. Depuis quelques mois, le chaos
migratoire s'était installé porte de La Chapelle : épidémie de gale, monceaux de
déchets, tensions quasiment quotidiennes avec les forces de l'ordre. Que cela
vous inspire-t-il ?
Pascal BRUCKNER.- Ce que vous appelez le chaos migratoire
n'a pas commencé avec la crise de 2015 ou celle que nous connaissons
aujourd'hui. Il y a dix ans déjà, la France a connu l'arrivée massive
d'immigrés venus d'Europe de l'est, que les catégorisations sommaires appellent
Roms. Ils ont créé des bidonvilles autour de Paris et transformé la plupart de
nos trottoirs en dortoirs où des familles entières mendient en exhibant
nourrissons, enfants en bas âge et animaux domestiques. Parallèlement des gangs
de jeunes, filles et garçons, avec un savoir-faire souvent remarquable,
rançonnent touristes et passants.
Qu'ont fait les pouvoirs publics de droite et de gauche ?
Très peu, sinon rien. Il eut suffi d'interdire la mendicité dans la plupart de
nos villes pour couper court à ce qui est un trafic téléguidé par des mafias
d'Europe centrale et orientale, incluant prostitution, brutalité, châtiments
corporels envers ceux qui ne rapportent pas assez.
Comment s'étonner alors que
la question des réfugiés, d'une autre importance numérique et symbolique ne
soit pas traitée, y compris à Paris ? Des milliers d'Africains, de Kurdes
d'Afghans croupissent dans les rues dans des conditions abjectes, indignes de
notre pays et l'État se défausse sur la mairie qui reporte la faute sur la
préfecture.
Cette évacuation est la 34e depuis juin 2015 à Paris. Le
problème est-il insoluble?
C'est en effet le paradoxe : la France, échaudée à juste
titre par les attentats de 2015 et 2016 a accueilli très peu de réfugiés en
provenance du Moyen-Orient ou d'Afrique subsaharienne et pourtant nous parlons
de «submersion». En chiffres, et en comparaison de l'Allemagne voire de
l'Italie ou de la Grèce, c'est une goutte d'eau, à peine 30 000 je crois contre
plus d'un million chez notre grand voisin. Cela vient à mon sens d'une
politique de déni propre à nos gouvernants : on a fait comme si cela ne nous
concernait pas, comme si le flot d'hommes et de femmes qui affluent en Europe
ne touchait que l'Italie, la Grèce ou l'Espagne mais nous épargnait
miraculeusement. On se consolait en expliquant qu'ils ne voulaient partir qu'en
Angleterre.
Il faut prendre le problème à bras-le-corps et se féliciter,
par exemple que le ministre de l'intérieur ait refusé l'édification d'un
nouveau camp à Calais et évacué les jeunes hommes en détresse de la porte de la
Chapelle. Mais nous ne sommes pas dans la compétition du cœur avec l'Allemagne,
quoi qu'on pense de la politique d'Angela Merkel ouvrant les frontières de son
pays à un million de Syriens : il faut commencer par distinguer réfugiés
politiques et migrants économiques, soigner, aider les premiers et au besoin
favoriser leur rapatriement chez eux s'ils en expriment l'envie mais refuser
catégoriquement les autres.
Dans son livre «la vague», Élise Vincent, une journaliste du
Monde écrit: «Le gouvernement a été débordé jusqu'à la submersion pendant ces
trois ans». Pourtant, selon certains observateurs et certains associatifs la
France aurait accueilli un nombre dérisoire de migrants par rapport à
l'Allemagne … Durant la campagne présidentielle, Macron lui-même avait déclaré
à Berlin qu'Angela Merkel avait «sauvé l'honneur de l'Europe» et que l'accueil
des migrants était «un devoir» pour la France...
On fait fausse route en abordant la question sous le seul
angle de la compassion, ou de la générosité en restant dans le domaine des
affects. .Jamais la division weberienne entre éthique de la conviction et
éthique de la responsabilité n'a été aussi pertinente que dans ce domaine. Dans
ce débat, on n'entend que les belles âmes qui ont les mains pures mais n'ont
pas de mains. Ce ne sont pas elles qui vivent à Calais depuis des années ou
porte de la Chapelle. Sur le plan individuel, on ne peut empêcher, dans un pays
de culture catholique comme le nôtre, les citoyens privés, les associations de
venir au secours des «voyageurs d'infortune» (Erri de Luca).
Voir des femmes et des enfants s'échouer sur les plages, se
noyer dans les flots, grelotter de froid n'incite à rien d'autre qu'à la
solidarité, au secours. Il y a un malaise à voir des magistrats condamner des
particuliers pour avoir aidé des errants, des sans foyer, les avoir convoyés
d'un pays à l'autre à travers les crêtes des montagnes ou dans le coffre de
leurs voitures. Cela dit, la pitié est un sentiment admirable mais jusqu'à un
certain point. En aucun cas elle ne forge une politique. Or cette politique,
nous l'attendons de la part des dirigeants ; elle sera sans doute ferme et
peut-être dure à certains égards mais elle doit permettre à l'Europe de
retrouver la maîtrise de ces flux migratoires qui peuvent à terme la submerger.
C'est pourquoi il faudra inévitablement rétablir des frontières à l'Est et au
Sud pour tarir le flot des nouveaux venus comme c'est déjà le cas entre
l'Espagne et le Maroc, l'Europe orientale et la Turquie par un accord, que d'aucuns
jugent honteux, mais qui constitue un moindre mal.
C'est désormais avec la Libye que va se jouer la partie. Les
frontières ne sont pas ce qui sépare les hommes mais leur permet de vivre en
bonne intelligence. Il faut des portes pour construire des ponts entre les
peuples. Sinon, le monde devient une salle de pas perdus, un hall de gare sans
unité ni cohérence. Il faut décourager, par des accords avec les gouvernements
locaux, les candidats à l'exil plutôt que leur faire de fausses promesses qu'on
ne pourra tenir. Imaginons à l'inverse que des millions d'Européens veuillent
débarquer dans des bateaux de fortune en Afrique ou au Moyen Orient? Comment
qualifierait-on ces personnes ? D'envahisseurs, de coloniaux, ni plus ni moins.
Peut-on vraiment reprocher à la France et aux Français de ne
pas être assez généreux? Comment conjuguer éthique et responsabilité?
Deux choses pour en revenir à la réalité. Comme le souligne
avec justesse le démographe Hervé le Bras, les migrants ne quittent pas leur
famille pour fuir «la misère», ceux qui partent sont déjà les plus éduqués, les
mieux formés et disposent d'un petit pécule pour payer leur long voyage. Les
déshérités, les damnés de la terre n'ont même pas la force de quitter leur
pays natal. Enfin, selon certaines prédictions et vu le boom démographique de
l'Afrique subsaharienne, c'est plusieurs dizaines de millions de personnes qui
sont susceptibles de débarquer sur les rivages du Vieux Monde dans les années à
venir.
Sommes-nous prêts à subir ce choc démographique, culturel,
linguistique et religieux? Croit-on que les hommes sont des atomes sans âme ni
tradition qu'on peut transplanter, bouturer ailleurs sans problème? De plus
l'immigrationnisme oublie un détail : c'est que la politique d'ouverture
systématique, prônée par une certaine gauche «humaniste», participe d'une
nouvelle traite qui enrichit des milliers de négriers, de passeurs pas moins
cruels, rapaces que ceux des siècles passés. Vouloir accueillir tous les
migrants potentiels, c'est commettre une double faute : ne pas se donner les
moyens de les faire vivre décemment chez nous, faute de travail ou de
logements, participer à l'exode des cerveaux, des talents qui affaiblissent
encore plus les pays d'origine.
Je n'oublie pas ce que nous expliquaient il y a deux ans les
autorités du Kurdistan irakien : elles maudissaient les puissances occidentales
d'attirer chez elle toute la jeunesse kurde en vidant les universités et les
familles. Avis aux humanistes contemporains : n'êtes-vous pas, dans votre bonne
conscience, complices des esclavagistes contemporains, coupables de vider
l'Afrique et le Moyen Orient de leurs enfants les plus aptes ?
Depuis son élection, Macron a été discret sur la question.
Que faut-il attendre du président de la République?
Il faut attendre du président Macron qu'il parle le double
langage de la dignité et de la réalité. Il ne doit pas céder au chantage de la
victime, au marketing de l'affliction dont usent et abusent les médias. Mais
déployer une vision de long terme de tarissement des flux tout en réclamant des
pouvoirs publics un traitement humain des étrangers présents sur notre
territoire. S'il réussit ce pari, il sera le héros de l'Europe.
La rédaction vous conseille :
Guillaume Larrivé : «Il faut sortir du chaos migratoire» (05.07.2017)
Publié le 05/07/2017 à 17h19
TRIBUNE - En matière d'immigration et d'asile, Emmanuel
Macron ne fait que subir, argumente le député LR de l'Yonne.
Dernier ouvrage paru: «Insoumission. Pour que vive la
Nation» (Plon, 2017).
Deux mille deux cent cinquante-sept. C'est le nombre des
hommes, femmes et enfants qui ont disparu en tentant de traverser la
Méditerranée pour émigrer vers l'Europe depuis le début de l'année.
L'effrayante comptabilité en est scrupuleusement tenue par les services des
Nations unies, comme pour signifier l'incurie des pouvoirs sans pouvoir face au
chaos migratoire. La Méditerranée continue à pleurer des larmes de sang. Le
chemin turco-grec a été coupé mais la voie italienne reste ouverte. Près d'un
demi-million de migrants, essentiellement venus d'Afrique subsaharienne, sont
ainsi entrés en Europe depuis dix-huit mois.
Quelques milliers seulement ont été raccompagnés chez eux
par l'Agence européenne des gardes-frontières. Les autres viennent grossir les
rangs des demandeurs d'asile. Parmi eux, quelques-uns sont de vrais combattants
de la liberté qui seront légitimement reconnus et accueillis comme réfugiés ;
mais la plupart seront des déboutés de l'asile, devenus des clandestins errant
de ville en ville, dans le labyrinthe bureaucratique et juridique d'une Europe
aboulique.
À l'Élysée, à Matignon comme au Palais Bourbon, le sujet
n'est pas pensé. Le président de la République à Versailles, puis le premier
ministre à l'Assemblée ont répété cette semaine les mêmes banalités polies, en
forme d'injonction morale: la France doit rester fidèle à sa tradition d'asile.
On nous promet, à cette fin, un plan d'action sous dix jours. L'inventivité
limitée des administrations centrales permet hélas d'en deviner les contours. À
Paris, la technocratie va essayer de réduire tel délai et de rallonger tel
crédit, en espérant que le vieux système (préfectures, Office français de
protection des réfugiés et apatrides, Cour nationale du droit d'asile, centres
d'hébergement) tournera plus rapidement: Sisyphe habite place Beauvau. Et à
Bruxelles, dès lundi, le ministre de l'Intérieur a discrètement accepté que la
France prenne une plus grande part dans ce qui est appelé «la relocalisation
des migrants». Au prétexte de soulager le fardeau de l'Italie, on encouragera
nolens volens les professionnels de l'immigration clandestine, qui organisent
les filières des nouveaux damnés de la Terre.
Comme si elle était hypnotisée par le macronisme triomphant,
la droite française s'abstient: elle n'est ni pour, ni contre, bien au
contraire, puisqu'elle s'excuse de tout et ne pense plus rien. Je ne me résous
pas à cette lamentable abdication de la réflexion et de l'action. Au risque de
déplaire aux gardiens zélés de la doxa, j'appelle ici à la définition d'une
politique d'immigration, d'asile et de nationalité conforme à l'intérêt du
peuple français.
Commençons par en assumer l'objectif, qui n'est pas
seulement de surmonter une crise migratoire conjoncturelle, mais bien de rompre
avec des décennies d'acceptation passive d'une immigration massive
structurelle. Car tout est lié: l'embolie du système d'asile et l'explosion de
l'immigration illégale vont de pair avec le dérèglement de l'immigration
légale. Celle-ci a été accélérée, année après année, par un amas de règles
juridiques toujours plus protectrices des droits individuels et toujours plus
oublieuses du droit collectif de l'État à choisir qui, en France, peut être accueilli au
sein de la communauté nationale.
Pour sortir du chaos migratoire, la France devrait définir
souverainement des plafonds d'immigration, c'est-à-dire des contingents
limitatifs fixés annuellement, dans un nouveau cadre constitutionnel ;
subordonner l'autorisation d'immigrer en France à la capacité d'intégration à
la société française ; restreindre l'immigration sociale, en précisant les
contours de la solidarité nationale ; organiser le retour volontaire ou
contraint des clandestins dans leurs pays d'origine ; refaire de l'assimilation
le critère d'accès à la nationalité française.
Cette nouvelle politique nationale d'immigration serait
d'autant plus puissante si la France parvenait à entraîner plusieurs pays
européens dans une voie similaire, pour renforcer hardiment les capacités
techniques de gestion des frontières, mais surtout pour généraliser des mesures
de diminution structurelle de l'immigration, en conditionnant à cette fin la
coopération avec les pays d'origine.
Tout cela ne pourrait advenir que si la lucidité politique
et l'audace juridique n'étaient plus interdites. Le songe macroniste en éloigne
encore notre pays. Jusqu'à ce que le réel revienne et que la France, un jour,
se réveille.
Michèle Tribalat : «Une immigration illégale incontrôlable
détruit toute idée de maîtrise» (15.06.2017)
INTERVIEW - Deux ans après la crise migratoire de l'été
2015, où en sont les chiffres de l'immigration en Europe ? La démographe fait
le point, et constate que l'aveuglement volontaire des élites est plus que
jamais un problème.
Dernier livre paru: Assimilation: la fin du modèle français
(L'Artilleur, 2017, 360 p., 9,90 euros).
Site officiel : www.micheletribalat.fr
LE FIGARO. - Deux ans après ce qu'on a appelé la crise des
migrants, peut-on dire que l'alerte est derrière nous ?
Michèle TRIBALAT. - On peut avoir le sentiment que la crise
migratoire est derrière nous, car on a cessé de voir les colonnes de migrants
traverser l'Europe, comme c'était le cas en 2015. Les frontières ont été
fermées les unes après les autres, et Angela Merkel a remis notre destin dans
les mains du président turc. Si l'on s'en tient aux données de Frontex, les
franchissements de frontières illégaux ont été beaucoup moins fréquents en
2016, mais seulement pour les deux derniers trimestres. Les pressions les plus
importantes se font désormais sentir en Italie. D'un autre côté, de nombreux
migrants se sont éparpillés, après avoir été déboutés du droit d'asile,
notamment par l'Allemagne qui avait reçu le plus de demandes. À l'automne
dernier, lors d'un colloque au Sénat, l'ambassadeur de Hongrie, pays qui avait
vu passer le plus de migrants en 2015, relativement à sa population, à qui je
demandais ce qu'il en était des demandeurs d'asile en Hongrie, me répondit: «Ils
sont tous partis!» Ce qui voudrait dire que nous «gérons» encore les suites de
l'afflux considérable de 2015.
Qui sont ces migrants ?
Des migrants illégaux, on ne sait pas grand-chose. Il faut
qu'ils entrent dans une procédure pour qu'on apprenne quelque chose sur eux,
avec retard. Le ministère de l'Intérieur publie des données sur les étrangers
qui ont obtenu un titre de séjour, rien sur ceux qui essuient un refus. Ces
derniers peuvent apparaître plus tard dans les statistiques lorsqu'ils ont
trouvé un moyen de régulariser leur situation.
L'Ofpra donne quelques
indications sur les étrangers qui déposent une demande d'asile et ceux qui
obtiennent une protection. Pour cela, il faut compulser les rapports annuels de
l'Ofpra. Le ministère de l'Intérieur aussi donne quelques informations sur son
site. Mais, si vous cherchez en open data des données sur les demandeurs
d'asile, vous trouverez un document datant de 2012 sur les places
d'hébergement. Sur le site de l'Insee vous tomberez sur un document traitant
des demandeurs d'asile en Bretagne en 2012 !
Il faut aller sur Eurostat pour
avoir des tableaux sur les demandeurs d'asile, selon des classes d'âge et la
nationalité de 2008 à 2016. Par exemple, en 2015-2016, 60 % des 160.000 mineurs
non accompagnés qui ont demandé l'asile dans un pays de l'UE, l'ont fait en
Allemagne et en Suède, contre 0,5 % en France. Dans l'UE, 62 % de ces mineurs
ont entre 16 et 17 ans. On compte 10 garçons pour une fille en moyenne dans
l'UE, mais aussi en Allemagne et en Suède (et jusqu'à 13 garçons pour une fille
pour les 16-17 ans), contre 2,8 garçons pour une fille en France.
L'immigration légale (mesurable, à la différence de
l'immigration clandestine) est-elle en hausse en France ?
Contrairement au récit sur la stabilité des flux - 200.000
entrées par an - et si l'on excepte les quatre dernières années du quinquennat
de Nicolas Sarkozy, l'immigration a beaucoup augmenté, quelle que soit la
source à laquelle on se réfère. Si l'on s'en tient aux chiffres publiés par le
ministère de l'Intérieur sur les premiers titres délivrés aux étrangers en
provenance de pays tiers, le nombre de ces premiers titres aurait augmenté de
72 %, de 2000 à 2016, le chiffre de 2016 (228.000) étant encore provisoire.
Il y a sept ans vous aviez publié Les Yeux grands fermés pour dénoncer
l'aveuglement des élites sur le phénomène de l'immigration en France. Est-ce
toujours le cas?
Je dénonçais un aveuglement volontaire. Avoir les yeux
grands fermés nécessite un effort pour ne pas voir ce que l'on sait
parfaitement exister. C'est un exercice de déni conscient. Le livre Un
président ne devrait pas dire ça a révélé que cette attitude était toujours
d'actualité au plus haut sommet de l'État. Cet état d'esprit assez général a
forcément des conséquences sur les orientations de la recherche. Tout chercheur
sait quel type d'information lui apportera l'audience et la notoriété
auxquelles il aspire et ce qu'il doit absolument éviter. Il sait aussi que les
échos qu'il recevra tiendront plus à la nature des résultats qu'il met en avant
qu'à la qualité de leur élaboration. Ces attentes corrompent la démarche
scientifique et la privent de son carburant: la curiosité. Les médias n'ont
généralement pas les compétences nécessaires pour évaluer la qualité des données
qu'ils commentent. Souvent, ils se pâment devant l'épaisseur du document qu'ils
n'ont pas le temps de lire, épaisseur qui atteste forcément de la qualité de la
démarche. Un exemple simple pour lequel aucune compétence statistique n'était
nécessaire, juste un peu de bon sens. Dans l'enquête «Trajectoires et origines»
de 2008, qui a donné lieu à un gros volume de résultats, une question
demandait, à ceux qui s'étaient déclarés victimes de racisme, dans quel lieu
cela s'était passé pour la dernière fois, tout en indiquant que plusieurs
réponses étaient possibles. Qui a relevé le caractère contradictoire de la
question et, donc, les problèmes d'interprétation? Quand on sait que le
questionnaire a été vu par le Conseil national de l'information statistique,
cela laisse songeur.
Diriez-vous que les migrants sont une chance économique pour
l'Union européenne?
Pourquoi voulez-vous que n'importe quel type d'immigration,
en n'importe quelle quantité en tout temps soit forcément bénéfique pour l'UE
ou pour tout pays? George J. Borjas, le grand économiste du marché du travail,
vient de publier un ouvrage qui fait le point sur la question, en théorie, et
en pratique s'agissant des États-Unis. Ses conclusions : l'immigration n'est pas
universellement bonne ; la loi de l'offre et de la demande et son effet sur les
prix s'appliquent aussi au prix du travail ; le citoyen moyen pour lequel on
examine les effets économiques de l'immigration n'existe pas ; certains en
bénéficient, d'autres y perdent. George J. Borjas incite tout le monde à jouer
«cartes sur table» lorsqu'on débat de l'immigration.
En 2015, Hubert Védrine affirmait dans Le Figaro qu'au sujet
de la crise migratoire, «les opinions publiques ont l'impression que l'on ne
maîtrise rien». Est-ce toujours le cas?
Ce n'est pas seulement une impression. Une immigration
illégale incontrôlable détruit toute idée de maîtrise de la politique
migratoire. Comment les politiques pourraient-ils faire croire qu'ils
maîtrisent quoi que ce soit quand l'immigration illégale n'a été réduite qu'en
confiant notre destin à un autocrate qui finira bien par exiger la contrepartie
non financière du deal - la suppression des visas pour les Turcs - et qui a des
projets bien à lui sur l'avenir de l'Europe lorsqu'il recommande aux Turcs
d'Europe d'avoir cinq et pas seulement trois enfants.
Le début d'une certaine fin pour l'Europe ? Pour la 1ère
fois en temps de paix, le solde démographique naturel du continent est négatif
En plus de faire face au vieillissement de sa population,
l'Europe doit également trouver une solution à la réduction de celle-ci : son
accroissement naturel est, pour la première fois, négatif en 2015. Un constat
effrayant qui ne frappe cependant pas tous les pays de la même façon.
Moins de naissances ; plus de décès
Publié le 11 Juillet 2016
- Mis à jour le 15 Juillet 2016
image:
http://www.atlantico.fr/sites/atlantico.fr/files/styles/une/public/images/2016/07/rtxws8w.jpg
Le début d'une certaine fin pour l'Europe ? Pour la 1ère
fois en temps de paix, le solde démographique naturel du continent est négatif
Atlantico : En 2015, le nombre de naissances dans l'Union
européenne était de 5,1 millions d'enfants, et le nombre de décès s'élevait à
5,2 millions. Si la population totale augmente de 1,8 million d'habitants,
c'est le fait de l'immigration. Pour la première fois dans son histoire donc,
l'Union européenne voit son accroissement naturel en déficit. Pour quelles
raisons la natalité est-elle si faible en Europe ?
Michèle Tribalat : Les projections d’EUROSTAT – EUROPOP2013
– anticipaient un solde naturel (naissances –décès) négatif en 2016.
Nous y sommes dès 2015. Et encore, ce solde est-il positif
grâce aux deux gros contributeurs que sont le Royaume-Uni et la France. Sans le
Royaume-Uni, le solde naturel négatif serait encore plus important (-310 000 au
lieu de -135 000). À titre de comparaison, la seule Turquie de 79 millions
d’habitants au 1er janvier 2016 a connu un solde naturel de 920 000 en 2015.
Selon les hypothèses des projections, le solde naturel
devrait être au mieux de -500 000 en 2030 et au pire (sans migration) de - 1,2
million. Le problème n’est pas tant que le solde naturel soit négatif – lorsque
les baby-boomers décèdent, la diminution se fait par le haut de la pyramide des
âges -, c’est qu’il le soit dans un contexte de faible fécondité tel que le
renouvellement des générations n’est pas assuré. En 2014, le nombre moyen
d’enfants est de 1,58 pour l’UE28 alors qu’il faudrait s’approcher de 2
enfants. Mais la fécondité n’est pas uniformément basse en Europe. Elle se
porte mieux dans les pays du nord de l’Europe et en France qu’en Allemagne, en
Autriche ou dans les pays du Sud et l’Est : 2,01 enfant par femme en France,
1,88 en Suède, 1,81 au Royaume-Uni, mais 1,23 au Portugal, 1,32 en Espagne et
en Pologne, 1,37 en Italie et 1,47 en Allemagne. Ces basses fécondités sont
dues à un report de l’âge à la maternité, sans toujours une récupération
suffisante après 30 ans. La fécondité s’est un peu améliorée après 30 ans en
Allemagne, ce qui explique la très légère embellie (1,47 en 2014 contre 1,33 en
2006). Peut-être la politique familiale mise en place récemment commence-t-elle
à porter ses fruits ? Cela s’annonce moins bien dans les pays du Sud ou de
l’Est de l’Union ou le manque d’investissement des hommes dans la sphère
domestique, la rareté des structures préscolaires et une mise en couple tardive
dans des pays du Sud en crise ne sont guère propices à une reprise de la
fécondité (cf. Lesthaeghe R., Permanyer I (2014), European Sub-Remplacement
Fertility : Trapped or Recovering ?, Research Reports, n° 14-822).
>>> A lire aussi : Plus de décès que de naissances
: aux racines du grand vertige européen
En quoi cette situation est-elle un défi pour l'Union
européenne ? En théorie comme en pratique quelles sont les conséquences, pour un
territoire, de voir sa population baisser ?
Michèle Tribalat : La population est un élément de la
puissance, ne serait-ce qu’économique. Avec les projections EUROPOP2013, la
Commission anticipe une faible croissance démographique entièrement due à l’immigration.
Sans migration la population de l’UE28 diminuerait de 108 millions d’ici 2080.
Elle augmenterait seulement de 13 millions, dans l’hypothèse migratoire la plus
favorable. L’apport démographique de l’immigration étrangère serait alors de
121 millions. C’est, à 9 millions près, la population de la France et du
Royaume-Uni d’aujourd’hui. Sans migrations l’Allemagne ne compterait plus guère
que 50 millions d’habitants en 2080, la France 69 millions.
Ce n’est pas seulement un problème de nombre mais c’est
aussi un problème de structure par âge. La population ne fait pas que diminuer.
Elle se transforme. Les vieux y sont de plus en plus nombreux, les jeunes de
moins en moins et la population d’âge actif diminue. En l’absence de migration,
l’UE pourrait voir diminuer sa population d’âge actif de 120 millions ; à
quelques millions près, c’est l’équivalent de la population d’âge actif
actuelle de l’Allemagne, de l’Espagne et de la France réunies. La population
d’âge actif diminuerait faiblement en France et au Royaume-Uni, alors qu’en
Allemagne, en Espagne, au Portugal, en Italie et en Autriche elle serait plus
ou moins divisée par deux d’ici 2080 ! Des pénuries de main-d’œuvre sévères
existent déjà en Allemagne. La charge des 65 ans ou plus augmentera partout,
avec ou sans migration, mais encore plus sans migration et dans les pays à
basse fécondité.
Maxime Tandonnet : L'Europe est l'un des continents où le
taux de fertilité est le plus bas, avec une moyenne d'1,5 enfant par femme, qui
ne suffit plus à assurer le renouvellement des générations, ce dernier se
situant à 2,1 enfant. Peut-être est-ce là le défi essentiel de l'avenir. Aux
Etats-Unis, il est plus élevé, autour de deux enfants et dans la plupart des
pays émergents, comme au Brésil ou au Maghreb, il se situe entre 2 et 2,5. La
transition démographique, c'est-à-dire la baisse de la natalité liée au progrès
social, est en cours dans la plupart des régions du monde. L'Afrique
subsaharienne est cependant pour l'instant laissée à l'écart de ce mouvement,
ses taux de fécondité pouvant atteindre 5 enfants par femme. Pour le continent
européen, l'enjeu démographique est considérable. Il porte sur le risque de
vieillissement de la population qui favorise le conservatisme et freine
l'innovation, le dynamisme des sociétés, leur mobilité et leur créativité. En
outre, à terme, ses conséquences pour la croissance sont évidentes: des pays
dont la population baisse de manière spectaculaires ne disposent plus de la
main d'oeuvre dont ils ont besoin dans la compétition internationale. A
l'évidence, la baisse de la population est une cause du déclin relatif des
nations.
Immigration: «De 2007 à 2016, le nombre d'admis au séjour a
augmenté de près d'un tiers» (17.04.2017)
Par Michèle Tribalat
Mis à jour le 18/04/2017 à 13h30 | Publié le 17/04/2017 à
16h08
FIGAROVOX/ANALYSE - La démographe Michèle Tribalat revient
sur le chiffre de 200.000 entrées d'étrangers par an, brandi systématiquement
dans le débat public. Derrière cette apparente stabilité se cache une envolée
de l'immigration sous le quinquennat Hollande.
Michèle Tribalat a mené des recherches sur les questions de
l'immigration en France, entendue au sens large, et aux problèmes liés à
l'intégration et à l'assimilation des immigrés et de leurs enfants. Son dernier
Statistiques ethniques : une querelle bien française est paru aux éditions du
Toucan.
Le chiffre de 200 000 entrées d'étrangers en provenance des
pays tiers est devenu une référence dans les discours politiques et parfois
aussi dans les discours académiques. On invoque une stabilité de ce chiffre
depuis le début des années 2000, l'immigration aurait ainsi tourné, dit-on,
autour de 200 000 depuis. L'alternance politique n'y aurait rien changé. Bref,
ce chiffre rond a du succès.
Si l'on prend les statistiques du ministère de l'Intérieur
qui produit tous les ans des tableaux sur les admissions au séjour des
étrangers en provenance des pays tiers, on ne constate pas cette stabilité
invoquée autour de 200 000 entrées par an. Ces statistiques portent sur les
premiers titres de séjour délivrés. Force est de constater que le nombre
d'entrées jusqu'en 2016 ne peut être qualifié de «stable».
De 2007 à 2016, le nombre d'admissions au séjour a augmenté
de près d'un tiers. Si l'indicateur conjoncturel de fécondité passait de 2
enfants par femme à 2,64 enfants en neuf ans, parlerait-on de stabilité de la
fécondité en France?
Comme le graphique ci-dessous l'indique, le flux a augmenté
fortement jusqu'en 2010 et a été nettement freiné ensuite. Tel est le bilan du
quinquennat de Nicolas Sarkozy. Avec le quinquennat de François Hollande le
flux a repris de plus belle. On avait 172 000 entrées en 2007, on en a eu 193
000 en 2012, puis 228 000 en 2016 (chiffre estimé).
(photo)
Évolution des admissions au séjour des étrangers en
provenance de pays tiers de 2007 à 2016 (base 1=2007) Source: Ministère de
l'Intérieur
Ceux qui tiennent à se fonder sur ces chiffres pour
qualifier l'effet des politiques migratoires des deux quinquennats doivent
avoir l'honnêteté minimale de présenter leur évolution réelle au fil de ces
deux quinquennats.
D'ailleurs, si l'on regarde comment a évolué la proportion
d'immigrés en France métropolitaine au fil des enquêtes annuelles de
recensement, on retrouve un résultat similaire, même si l'année 2016 manque
encore. La proportion de population immigrée s'est accrue en moyenne annuelle
de 1,15 % de 2007 à 2012, mais de 1,85 % de 2012 à 2015. Elle était de 8,35 %
en 2007, de 8,84 en 2012, mais de 9,34 % en 2015.
Au lieu d'aller répétant les mêmes bêtises à longueur
d'antenne (et parfois de livres), revenons aux chiffres provenant de sources on
ne peut plus officielles: Ministère de l'Intérieur et Insee.
Michèle Tribalat : "Les statistiques ethniques sont
indispensables à la connaissance" (28.02.2016)
Mis à jour le 28/02/2016 à 10h26 | Publié le 26/02/2016 à
20h45
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - A l'occasion de la sortie de
Statistiques ethniques, une querelle bien française, Michèle Tribalat a accordé
un entretien fleuve à FigaroVox. Pour la démographe, dès lors qu'il s'agit
d'immigration, l'idéologie et les condamnations morales prennent le pas sur la
raison.
Michèle Tribalat a mené des recherches sur les questions de
l'immigration en France, entendue au sens large, et aux problèmes liés à
l'intégration et à l'assimilation des immigrés et de leurs enfants. Son dernier
Statistiques ethniques une querelle bien française vient de paraître aux
éditions du Toucan.
Dans Statistiques ethniques, une querelle bien française
vous rouvrez un débat passionnel...
Ce débat est quasi-permanent. Dans mon livre, je montre dans
quelles conditions il est apparu et quelles en sont les coulisses. On peut
distinguer grosso modo deux périodes. À la fin des années 1990, les plus noirs
desseins ont été prêtés à ceux qui étaient favorables à une forme de
statistiques ethniques. Pour des raisons bien particulières, qui n'ont pas
grand-chose à voir avec une démarche scientifique, la question des statistiques
ethniques a été utilisée pour mener une offensive contre l'Ined visant à le
faire apparaître comme le réceptacle et le diffuseur des thèses du Front
national. Dans les années 2000, le débat a muté à la faveur de l'effervescence
politique autour de la question des discriminations.
Il me semblait également utile d'expliquer ce que pourrait
faire la statistique publique, ce qu'elle fait réellement et ce qui lui reste à
faire. En effet, l'Insee a introduit au cours des années 2000, dans ses grandes
enquêtes (Emploi, logement, famille…) des questions sur le pays de naissance et
la nationalité de naissance des parents. C'est parfaitement légal, d'autant que
la loi Informatique et libertés de 2004, qui transposait une directive
européenne de 1995, a donné plus de liberté à la statistique publique. Jugée
d'intérêt public en quelque sorte, elle n'a plus à recueillir l'accord des
enquêtés. Par ailleurs, la CNIL a autorisé en 2007 la collecte de ces
informations sur la filiation dans les enquêtes annuelles de recensement,
dernier pas à franchir pour l'Insee.
La question des statistiques ethniques est d'autant plus
compliquée qu'il en existe différentes catégories. Par exemple, quelle est la
différence entre statistiques ethniques et statistiques ethno-raciales ?
Une grande partie de la confusion provient du fait que ceux
qui s'empoignent sur le sujet ne parlent pas forcément de la même chose.
L'expression «statistiques ethniques» est un terme générique qui désigne le
dépassement des informations habituelles - nationalité, pays de naissance des
individus - pour relier à la migration des personnes qui ne l'ont jamais connue
et sont françaises parfois dès la naissance. En collectant des informations sur
la filiation, comme il le fait désormais régulièrement dans ses grandes
enquêtes, l'Insee utilise une forme de statistique ethnique, celle pratiquée
par la plupart des grands pays européens d'immigration, depuis plus ou moins
longtemps. Sous l'appellation «statistiques ethniques» figurent aussi des
données de type ethnoracial à l'anglaise ou à l'américaine qui mélangent la
couleur de peau, l'ethnie et des pays ou continents d'origine. Figurent aussi
des catégories plus subjectives sur le ressenti. Ainsi, dans le recensement de
2011, le Royaume-Uni a introduit une question sur l'identité nationale:
«Comment décririez-vous votre identité nationale?»
Pour y voir plus clair, le
débat français devrait donc dépasser l'appellation «statistiques ethniques»
pour entrer dans le vif du sujet, chacun explicitant chaque fois très précisément
ce qu'il entend par là.
Pourquoi cette question est-elle aussi controversée en
France et pas dans les autres pays? Est-ce parce qu'elle est liée à la
problématique de l'immigration, elle-même taboue?
Bien sûr, le lien à la problématique de l'immigration est
important dans la mesure où c'est un sujet contentieux. Mais les conditions
d'apparition de la polémique expliquent beaucoup de choses. Si l'on n'avait pas
mêlé outrageusement le FN à cette question dès le départ, le débat aurait
certainement été plus civilisé. Par ailleurs, en France, la passion pour
l'égalité républicaine amène à suspecter toute division entre Français selon
l'origine et à voir dans les statistiques ethniques une façon de masquer la
question sociale. La recherche française est en grande partie fonctionnarisée.
Certains attendent donc des chercheurs qu'ils se conduisent en fonctionnaires
et étendent la discipline républicaine aux catégories statistiques. Il faut y
ajouter la suspicion entretenue sur la statistique publique et les fichiers en
raison notamment de la légende sur l'inconduite du SNS (Service national de
statistique) pendant l'Occupation.
Comme souvent les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire
sont évoquées. La rumeur autour «du fichier juif» refait souvent surface. De
quoi s'agit-il exactement ?
La police avait lancé, en juin 1941, un fichage des juifs
sous l'appellation «recensement des juifs». À la même époque, en juillet 1941,
René Carmille, directeur du SNS basé à Lyon, avait procédé à un recensement AP
(pour activités professionnelles), dans la zone Sud, de la population âgée de
13 à 65 ans. Les deux sont souvent malencontreusement confondus. Le recensement
du SNS visait à constituer une cartothèque des hommes facilement mobilisables
en prévision d'un débarquement allié. Ce fichier a servi seulement en Algérie
lors du débarquement allié en novembre 1942 - René Carmille en fut remercié
officiellement par le maréchal Montgomery-, mais pas en métropole en raison de
l'invasion de la zone Sud. Ce recensement comportait une question n°11 -
êtes-vous juif? - que René Carmille avait accepté d'introduire pour mener à
bien le recensement AP, afin de préparer une remobilisation dans la zone Sud.
Cette question ne fut jamais exploitée au profit de Vichy ou des Allemands. Le
même René Carmille avait demandé au Commissariat général aux questions juives -
et obtenu - que l'on confie au SNS le fichier juif constitué par la police de
la zone Sud, afin de le stériliser, ce qu'il réussit à faire parfaitement. Le
fichier fut traité à Clermont-Ferrand à partir de mars 1942 et n'aboutit qu'à
la confection de tableaux statistiques globaux prêts seulement au moment de la
libération de la ville en août 1944. René Carmille avait introduit la
cartographie et le NIR au SNS (notre numéro de sécurité sociale actuel). S'il
n'y a eu aucune codification raciale dans le NIR en métropole, la question est
plus controversée s'agissant de l'Algérie, mais c'est une autre histoire que
j'essaie d'expliquer dans mon livre.
En 1991, à deux mois d'écart, la question
des fichiers juifs va être ravivée à deux reprises. En septembre, Serge
Klarsfeld découvre un «fichier juif» au secrétariat d'État aux Anciens
combattants. En novembre, Le Monde prétend que des codifications raciales
figureraient dans le NIR, traité par l'Insee. Ces deux affaires vont conduire à
deux expertises étendues au fonctionnement de la statistique publique pendant
l'Occupation, et à deux rapports remis en 1996 (René Rémond) et 1998 (Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl et Béatrice Touchelay) faisant de René
Carmille et du SNS des serviteurs zélés de Vichy. Ce n'est pourtant pas l'avis
de Robert Paxton qui, contrairement aux historiens des années 1990, avait
exploité, dans les années 1960, les archives du SNS confiées par René Carmille
à la famille Jacquey pour qu'elles soient enterrées. Pierre Jacquey était
l'adjoint de René Carmille.
Rappelons simplement que René Carmille fut arrêté en
février 1944 par Klaus Barbie, torturé (sans avoir parlé), puis déporté à
Dachau où il est mort en janvier 1945. Ce n'était pas un résistant de la
dernière heure puisque le Service de la démographie - qui deviendra le SNS en
1941- fut créé en novembre 1940, précisément pour préparer une remobilisation
secrète. Ce n'était pas non plus le genre d'homme à soutenir un antisémitisme
d'État pour lequel il avait le plus grand mépris. On trouve, en annexe de mon
livre, son article de 1939 - Sur le germanisme - qui ne laisse aucun doute
là-dessus.
Dans les années 90 à l'instigation d'Hervé Le Bras, la
question a été Lepénisée. La dispute était-elle réellement idéologique et
scientifique? S'agissait-il d'un règlement de compte personnel?
Pour comprendre ce qui s'est passé à la fin des années 1990,
il faut revenir à la crise du début des années 1990 à l'Ined. En 1989, Hervé Le
Bras perd la rédaction en chef de la revue de l'Ined, Population. Pour se
venger, il lance donc une offensive contre l'Ined et son directeur, Gérard
Calot, en prétendant que l'Ined a masqué volontairement l'état réel de la
fécondité en utilisant un mauvais indicateur pour prêcher une politique
nataliste bien inutile. Pour que cette querelle d'indicateurs de fécondité
prenne dans la presse - qui n'y comprend pas grand-chose -, il lepénise la
question et sort un livre au ton sulfureux: Marianne et les lapins. Il dit
avoir à lutter à l'Ined contre un «courant pétainiste», pas moins. En gros,
l'Ined aurait été infiltré par le FN. Cette charge, très relayée par la presse,
a conduit l'Ined au bord de la dissolution. Elle a privé Gérard Calot du
renouvellement de son mandat ou, tout au moins, d'une sortie honorable. Hervé
Le Bras sait donc, en cas de problème, comment mettre la presse de son côté. Ça
a si bien marché qu'il reproduira la même tactique en 1998.
C'est une histoire
un peu compliquée qui remonte aux projections de population étrangère réalisées
sous sa direction en 1980 pour le Haut Comité de la population, projections qui
se sont révélées truffées d'erreurs. Je vous passe quelques épisodes… En 1996,
Hervé le Bras cherche à faire publier par Population un article traitant des
projections de population étrangère réalisées dans les années 1980, dans lequel
il réhabilite les projections de 1980 conduites sous sa direction, sans jamais
révéler la part qu'il y a prise, ni que ces projections sont fausses. Ce qu'il
sait depuis 1983, puisqu'il a été obligé de les refaire à la demande de Gérard
Calot. Cet article a été finalement publié en 1997, mais il était suivi d'un
article dans lequel j'exposais, à la demande de l'Ined, la paternité et les
erreurs d'Hervé le Bras. Tous ceux qui étaient à l'Ined dans les années 1980,
moi y compris, auraient préféré qu'on oublie cette affaire plutôt que d'y
revenir, mais Hervé Le Bras n'a guère laissé d'alternative à l'Ined. Pour se
couvrir, il a ensuite contre-attaqué en rééditant le scénario de 1990, en
l'actualisant et en le faisant tourner cette fois autour des catégories
ethniques. Le FN étant, une fois encore au cœur du scénario. Il s'en est pris
notamment à une étude publiée en 1991 dont j'étais allée présenter, à sa
demande et avec lui, les résultats à Genève en mars 1988. Le débat sur les
statistiques ethniques a été alors irrémédiablement pollué par la manœuvre
d'Hervé le Bras plaçant le FN au cœur de la dispute pour se couvrir.
En exergue de votre livre, vous citez cette phrase de
Jean-François Revel «En donnant l'assaut à un ennemi qui n'existe plus, on peut
se dire qu'on remplit son devoir de défenseur de la liberté, ce qui dispense de
l'accomplir face aux menaces concrètes, actuelles et réelles qui la mettent en
péril, mais qui sont évidemment beaucoup plus difficiles à contrecarrer.».
Pourquoi ce choix?
J'admire beaucoup Jean-François Revel qui a écrit un livre
magnifique : La connaissance inutile. Cette citation s'applique fort bien au
débat sur «les statistiques ethniques» dans lequel on croit pouvoir rejouer
autrement une bataille depuis longtemps terminée. Faire revivre les spectres
d'anciens ennemis permet de triompher à peu de frais. Si vous devez affronter
Pétain et ses sbires encore aujourd'hui, c'est que vous êtes en quelque sorte
un résistant. Cela vous place tout de suite du bon côté, même si le danger est
inexistant. C'est ce que fait Hervé Le Bras lorsqu'il écrit, dans Marianne et
les lapins (pp. 34): «je trouverai bientôt face à moi un courant que, pour
faire vite, on peut qualifier de “pétainiste”». C'est aussi une manière de
disqualifier l'adversaire. Qui pourrait avoir envie aujourd'hui de défendre des
pétainistes? Ça fonctionne donc aussi comme une mise en garde contre toute
velléité d'aller voir ce qui se trouve vraiment du côté de l'ennemi désigné.
C'est une sorte de mise en quarantaine de la partie adverse.
En quoi les statistiques ethniques peuvent-elles être
utiles?
On s'est longtemps contenté en France de données sur les
étrangers, c'est-à-dire sur les personnes strictement de nationalité étrangère.
Ce qui était manifestement insuffisant pour l'étude du phénomène migratoire au
fil du temps. Des étrangers deviennent français et les enfants nés en France de
parent(s) venu(s) s'installer en France sont rapidement Français, quelquefois
dès la naissance. Il a donc fallu substituer à l'étude des étrangers l'étude
selon la génération: immigrés (nés à l'étranger avec une nationalité étrangère)
et enfants d'immigré(s). C'est ce qu'a fait, très progressivement mais
partiellement l'Insee en recueillant le pays et la nationalité de naissance des
parents dans certaines enquêtes. Ces statistiques sont utiles pour la
connaissance du phénomène migratoire. Cela permet, par exemple, de mesurer
quantitativement les populations d'origine étrangère sur deux générations. En 2012,
la France métropolitaine comptait près de 4 millions d'étrangers, 5,6 millions
d'immigrés, mais 12,4 millions de personnes d'origine étrangère sur deux
générations, soit 6,2 %, 8,8 % et 19,6 %.
C'est suivant ce principe d'étude selon la génération qu'ont été menées les enquêtes Mobilité géographique et insertion sociale de 1992 et Trajectoires et origines de 2008, afin d'étudier les processus d'intégration dans la société française. Si l'Insee introduisait les questions sur les parents dans le recensement, il serait possible d'étudier les concentrations et la ségrégation ethniques beaucoup mieux que nous ne le faisons aujourd'hui.
Avec Bernard Aubry, nous l'avons fait pour les moins de 18 ans, encore au foyer des parents. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, en 2011, on comptait 21 % d'étrangers et 28 % d'immigrés, mais 60 % de jeunes de moins de 18 ans d'origine étrangère. Les données selon la filiation, sont produites par la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark à partir de leurs registres de population.
L'Allemagne et l'Autriche les collectent aussi à partir des Mikrozensus. Il est vrai que les définitions ne sont pas toujours les mêmes, ce qui rend les comparaisons difficiles. Mais tous ces pays ont bien compris la nécessité de raisonner par génération.
C'est suivant ce principe d'étude selon la génération qu'ont été menées les enquêtes Mobilité géographique et insertion sociale de 1992 et Trajectoires et origines de 2008, afin d'étudier les processus d'intégration dans la société française. Si l'Insee introduisait les questions sur les parents dans le recensement, il serait possible d'étudier les concentrations et la ségrégation ethniques beaucoup mieux que nous ne le faisons aujourd'hui.
Avec Bernard Aubry, nous l'avons fait pour les moins de 18 ans, encore au foyer des parents. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, en 2011, on comptait 21 % d'étrangers et 28 % d'immigrés, mais 60 % de jeunes de moins de 18 ans d'origine étrangère. Les données selon la filiation, sont produites par la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark à partir de leurs registres de population.
L'Allemagne et l'Autriche les collectent aussi à partir des Mikrozensus. Il est vrai que les définitions ne sont pas toujours les mêmes, ce qui rend les comparaisons difficiles. Mais tous ces pays ont bien compris la nécessité de raisonner par génération.
Peuvent-elles également être instrumentalisées? Que
répondez-vous à ceux qui en font le cheval de Troie de la discrimination
positive?
Evidemment, comme toute statistique, les statistiques
ethniques peuvent être instrumentalisée. Mais c'est d'abord un élément du débat
public. N'avoir aucune donnée ne résout rien et ne fait pas disparaître les
problèmes. Il se trouve toujours quelqu'un pour faire des calculs de coin de
table avec les moyens du bord, calculs qui finissent par trouver leur public,
surtout avec la puissance de diffusion que représente internet aujourd'hui. Ce
n'est pas parce que la statistique publique est muette sur un sujet que les
velléités de quantification disparaissent. Je suis toujours surprise de voir
l'accueil que l'on fait à mon estimation de la population musulmane, réalisée à
partir de l'enquête Trajectoires et origines de 2008 et que j'ai extrapolée
jusqu'en 2015-2016, en prévoyant le franchissement des 5 millions : non, ce
n'est pas assez, il y en a plus! C'est le résultat me semble-t-il d'une absence
totale de renseignements fiables sur longue période qui a conduit à douter : 5
millions était déjà un chiffre avancé à la fin des années 1990, sans aucune
base sérieuse.
Ceux qui se méfient des arrière-pensées des partisans des
statistiques ethniques n'ont pas tort. Avec la transposition des directives
européennes sur les discriminations ethniques en 2004, s'est développé un
lobbying pour la mise en place d'une politique de discrimination positive. Les
partisans d'une telle politique ne manquent pas à gauche comme à droite. Cela a
été le cas de Nicolas Sarkozy par exemple. Lorsqu'il était président, il était
favorable aux quotas. Rappelez-vous, il souhaitait faire entrer la diversité
dans la Constitution. L'expérience américaine devrait, au contraire, nous
retenir de nous lancer à la suite des États-Unis. Les résultats ne sont guère
probants et il est très difficile d'en sortir. Même dans les États où les
politiques préférentielles ont été jugées illégales à l'Université, des
subterfuges ont été trouvés. L'un d'entre eux est même appliqué en France par
l'Éducation nationale avec le dispositif meilleurs bacheliers qui réservent des
places dans les filières sélectives aux 10 % de bacheliers en tête de leur
classement dans chaque lycée.
On attend des politiques, lorsqu'ils émettent un avis sur
les statistiques ethniques, qu'ils nous disent ce qu'ils entendent par là et ce
qu'ils comptent en faire.
La rédaction vous conseille :
«Chaos migratoire» : l'analyse sans concession d'un groupe
de hauts fonctionnaires (14.10.2015)
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le groupe de hauts fonctionnaires
Plessis propose des solutions concrètes à la crise des migrants.
Plessis est le pseudonyme d'un groupe de hauts
fonctionnaires.
La crise migratoire qui se déroule sous nos yeux, pour
spectaculaire qu'elle soit, n'est que la manifestation renouvelée de
l'incapacité de nos gouvernants à mettre en œuvre et assumer des politiques de
maîtrise durable des flux de population qui franchissent nos frontières.
Pourtant, il n'y a pas de fatalité en la matière.
Cette impuissance, assortie d'un discours médiatique
moralisateur, est en décalage croissant avec les aspirations de la population
qui, en butte aux désordres causés par une immigration incontrôlée depuis
plusieurs décennies et inquiète des menaces terroristes, recherche protection
et sécurité. Il est d'ailleurs frappant de constater que le formidable battage
médiatique actuel, qui confine au harcèlement, ne convainc plus guère les
Français.
L'accueil des migrants: un irresponsable appel d'air
Le phénomène migratoire, qui s'est accéléré avec
l'effondrement des Etats libyen et syrien, va encore s'amplifier à la suite du
formidable appel d'air que constitue l'accueil, nolens volens, de centaines de
milliers de nouveaux migrants en Europe occidentale. Les déclarations du
gouvernement, qui évoque l'accueil «provisoire» de seulement 24 000 «réfugiés»
alors même qu'aucun contrôle transfrontalier des flux n'est possible et que les
retours sont bien improbables, n'ont pour seul mérite que de confirmer l'adage
selon lequel, lorsque les événements vous échappent, il faut feindre d'en être
l'organisateur. En l'état actuel des choses, il est bien évident que le
Gouvernement n'a ni la volonté, ni surtout les moyens, de contrôler
efficacement nos 3 000 km de frontières terrestres métropolitaines, sans parler
des frontières maritimes.
Une générosité de façade
La générosité affichée par nos dirigeants, et par nombre de
dirigeants européens, n'est que le masque de l'impuissance. Derrière cette
façade, on enrichit des trafiquants impitoyables (la traite des êtres humains
rapporterait désormais plus que le trafic de drogue), on pousse des malheureux
à prendre des risques insensés sur des embarcations de fortune ; on valide la
stratégie de Daech de purification ethnico-religieuse, sans parler de la
déstabilisation sans doute volontaire de l'Occident par l'arrivée en masse de
populations de culture musulmane, sans même parler des probabilités
d'infiltration d'éléments terroristes. Ajoutons que l'on vide les pays du Sud
de leurs éléments les plus qualifiés et les plus dynamiques. Avec bonne
conscience, les dirigeants européens se livrent à une véritable spoliation de
l'avenir de ces pays, tout en imposant à leurs propres peuples de se perdre
dans une bien aventureuse «dilution dans l'universel», pour reprendre
l'expression d'Aimé Césaire.
«Rien n'est meurtrier comme la lâcheté ; rien n'est humain
comme la fermeté.» écrivait Charles Péguy. Face aux menaces actuelles qui
engagent notre responsabilité collective vis-à-vis des générations futures, il
est temps d'être humains et fermes.
Une action ferme pour résoudre la crise de l'asile
Résoudre la crise de l'asile, c'est d'abord s'attaquer aux
causes et définir une stratégie claire au Proche-Orient, conforme à nos
intérêts : un rapprochement avec l'Iran, une concertation avec la Russie, une
politique plus pragmatique à l'égard du régime de Damas.
S'agissant de populations déplacées par la guerre, la
priorité est d'aider matériellement ces populations au plus près de leur pays
d'origine, les pays d'accueil, en particulier le Liban, et les organisations
humanitaires. Au moment même où les migrants syriens sont au cœur de
l'actualité, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et
le Programme alimentaire mondial (PAM) ne disposent pas des moyens nécessaires
pour héberger et nourrir les déplacés. Il est aussi inacceptable que des pays
proches, qui ne sont pas pour rien dans la guerre civile syrienne, et qui ne
manquent pas d'abondantes liquidités, le Qatar ou l'Arabie saoudite, se
montrent si peu accueillants.
On s'étonnera aussi du rôle joué par la Turquie
qui n'aide guère l'Europe.
Lutter contre les réseaux de passeurs et délocaliser la
demande d'asile
La deuxième priorité est de s'attaquer à l'économie même des
passeurs. A cet égard, l'exemple australien est éloquent : aucune arrivée
illégale par bateau n'est tolérée, les bateaux sont raccompagnés soit vers leur
lieu de départ, soit vers des centres de rétention extraterritoriaux, mis à
disposition par des pays riverains et où les demandes d'asiles sont traitées.
Le résultat est sans appel : aucun mort en mer à déplorer depuis 18 mois.
S'agissant des demandes d'asile déposées en France, le
dispositif actuel, largement détourné au profit d'une immigration économique ou
sociale et dévoyé par des manœuvres dilatoires et des fraudes de toutes sortes,
doit impérativement être revu au profit d'une procédure extrêmement rapide.
Il est parfaitement envisageable, pour l'Europe ou, à
défaut, pour la France seule, de reproduire ce dispositif en concluant des
accords (assortis d'une aide financière) avec des pays du Sud de la
Méditerranée pour la création de ces centres. L'action de la Marine serait
alors réorientée vers le raccompagnement des embarcations et de leurs passagers
en direction de ces centres et vers la traque des passeurs qui est désormais un
enjeu de sécurité nationale. Un dispositif européen similaire pourrait
également être envisagé pour les demandeurs d'asile empruntant la route
terrestre des Balkans. Ne seraient alors admises en France que les personnes
s'étant effectivement vues octroyer le statut de réfugié au sens de la
Convention de Genève ou de la Constitution. Ce système aurait donc le mérite
d'éviter d'introduire en France des demandeurs d'asile dont fort peu répondent
aux critères (70 % de déboutés malgré une procédure très favorable aux
demandeurs) mais qu'il est ensuite extrêmement difficile d'éloigner (moins de
5% des déboutés).
Recentrer l'asile au profit des rares authentiques réfugiés
S'agissant des demandes d'asile déposées en France, le
dispositif actuel, largement détourné au profit d'une immigration économique ou
sociale et dévoyé par des manœuvres dilatoires et des fraudes de toutes sortes,
doit impérativement être revu au profit d'une procédure extrêmement rapide, non
créatrice de droit, sous contrôle étroit des autorités et suivie d'une
expulsion rapide des déboutés, sans possibilité de solliciter, sinon dans le
pays d'origine, un autre titre de séjour.
Un discours de vérité sur l'immigration
Cette crise d'une ampleur exceptionnelle appelle un
retournement de paradigme qui passe par un changement de discours sur
l'immigration. Il est temps d'admettre que, contrairement à certaines idées
reçues, la France n'a pas besoin d'une immigration supplémentaire. Et si les
beaux esprits le contestent, il n'est que de demander son avis au peuple de
France par référendum. Notre taux de chômage élevé, l'immense besoin en
formation de nos jeunes inactifs peu qualifiés montrent bien que le pays n'a
aucunement besoin d'un apport extérieur de main-d'œuvre, à l'exception de
quelques travailleurs particulièrement qualifiés.
Certains secteurs d'activité emploient massivement une
main-d'œuvre étrangère, souvent illégale (BTP, restauration …). Mais est-ce à
la collectivité d'assumer cette charge pour que ces entreprises emploient à
moindres frais?
L'immigration a d'ailleurs un coût : poids croissant sur le système
de santé, sur la protection sociale, sur la politique de logement, sur les
établissements scolaires, sans parler des déséquilibres sociaux, ethniques et
culturels qu'elle provoque sur de nombreux territoires. Mais le coût principal
de cette immigration non choisie est probablement la défiance qu'elle fait
naître entre un peuple de France inquiet pour son identité et ses dirigeants
qui y semblent indifférents.
La France peut bien sûr accueillir des personnes par souci
d'humanité ou parce qu'elles manifestent un attachement sincère à notre pays,
mais il s'agit bien là d'une faveur et non d'un droit, d'un choix et non d'une
obligation.
Une politique migratoire souveraine
- Pour un contrôle démocratique sur la politique
d'immigration: remettre au cœur de nos politiques la souveraineté nationale
devrait conduire à fixer un quota annuel, voté par le Parlement, en fonction
des besoins et des capacités d'accueil du pays. Le principe d'un tel vote devra
être solennellement inscrit dans la Constitution, par voie de référendum. Sa
mise en œuvre impliquerait un changement radical dans les pratiques de
l'administration qui devrait, sous contrainte, mener une politique active de
sélection et de priorisation des candidats.
- Simplifier le droit des étrangers: le code de l'entrée et
du séjour des étrangers et du droit d'asile devrait être considérablement
simplifié (plus de 1 000 pages en édition courante!), les délais et nombre de
recours drastiquement réduits.
- Inciter au départ les étrangers inactifs légalement
présents dont il faut rappeler qu'ils n'ont pas nécessairement vocation à
rester sur notre territoire. Ainsi les allocations auxquelles ils ont droit
(chômage notamment) pourraient-elles leur être versées dans leur pays : une
chance de réinsertion leur serait ainsi donnée ; le poids sur nos services
sociaux en serait allégé et ces fonds contribueraient au développement des pays
d'origine.
- Faciliter l'éloignement forcé: en 2014, les vrais
éloignements, c'est-à-dire les éloignements forcés hors de l'espace Schengen,
n'ont concerné que 6 500 étrangers, chiffre dérisoire au regard des enjeux de
l'immigration clandestine. Une simplification drastique des procédures et des
recours est nécessaire. De même, tout statut doit être refusé aux étrangers en
situation irrégulière. Cela passe par la suppression de l'AME et du droit à une
scolarisation en milieu ordinaire: les enfants, qui ont d'ailleurs le plus
souvent besoin d'un parcours spécifique, seraient pris en charge dans des
structures ad hoc, dans l'attente d'un éloignement. Cela passe aussi par un
enregistrement sérieux des entrées et des sorties des étrangers afin de
rechercher, pour contrôle et expulsion, ceux restant illégalement sur le
territoire.
- Réviser en profondeur l'accord de Schengen afin de
permettre un contrôle réel de l'immigration irrégulière aux frontières
nationales: le contrôle aux frontières de l'espace Schengen est un leurre. Sans
doute faut-il fixer un principe: franchir illégalement les frontières de
l'Union ne crée aucun droit.
Sans doute aussi faut-il passer à un système à
deux niveaux, c'est-à-dire tout à la fois revenir à un contrôle ciblé mais
durable des frontières nationales, qui passe par la constitution d'un véritable
corps de garde-frontières, et qui permettra également de faire face aux vastes
mouvements de populations intra-communautaires en provenance de Roumanie et de
Bulgarie, et commencer à construire un véritable dispositif collectif de
contrôle des frontières extérieures.
Dans cette attente, doivent être
envisagées par la France une mise en œuvre des clauses de sauvegarde prévues
par la convention, et sans doute une sortie temporaire du système.
Contrairement à ce qui est parfois affirmé, l'expérience hongroise montre que
le contrôle des frontières nationales, lorsqu'il est au service d'une politique
volontaire, reste un moyen très efficace pour enrayer les flux migratoires
clandestins.
- Sortir de l'angélisme dans la coopération avec les pays
d'origine: il n'est pas de contrôle efficace de l'immigration à moyen terme
sans une coopération bien comprise avec les pays d'origine que l'on doit
inciter à s'engager contre les filières de trafic d'êtres humains, engagement
auquel devraient être strictement conditionnées les aides bilatérales et
européennes. L'immigration est aussi un drame du désespoir et du déracinement.
Il est de la responsabilité des nations européennes d'aider aussi ces pays à
trouver la voie d'un développement économique et social qui permettent à leurs
populations d'envisager un avenir sur place.
-Enfin, briser l'outil d'encouragement aux migrations non
maîtrisées que représente l'espoir de régularisation. D'exceptionnelles, les
régularisations sont devenues, notamment sous la pression d'associations, une
modalité banale d'admission au séjour en France et constituent un puissant
incitatif à l'entrée et au séjour irréguliers. Dès lors, pourquoi ne pas
inscrire dans la Constitution, via un référendum, que les régularisations
d'étrangers en situation irrégulière sont interdites?
La rédaction vous conseille :
Migrants : ce qu'on ne vous dit pas (19.02.2016)
En 2015, un million de réfugiés venus de Syrie, d'Irak,
d'Afghanistan, d'Afrique ou comme ici du Pakistan sont arrivés en Grèce et,
selon les prévisions, il y en aura autant en 2016. Cette migration, la plus
grande depuis la Seconde Guerre mondiale, a fait 3625 morts ou disparus l'an
dernier, et déjà 366 cette année.
Par Jean-Louis Tremblais, Olivier Michel et Cyril Hofstein
Mis à jour le 19/02/2016 à 15h20 | Publié le 19/02/2016 à
11h26
REPORTAGE - C'est un flux continu : par milliers, ils
arrivent en Grèce afin d'emprunter la route des Balkans et de rejoindre
l'Eldorado européen. Le contrôle des frontières? Une vue de l'esprit, inventée
pour rassurer le citoyen lambda. Même l'Allemagne, qui a ouvert ses portes à un
million de migrants en 2015, commence à douter. Les agressions sexuelles de
masse commises le Nouvel An à Cologne ont changé la donne: le «Welcome»
d'Angela Merkel n'est plus d'actualité. Quant à la «jungle» de Calais, elle illustre
jusqu'à la caricature la faillite d'une politique migratoire vouée à l'échec.
Choses vues et non dites.
Grèce: îles ouvertes
Les réfugiés qui ont reçu leurs autorisations
administratives quittent Leros par le ferry pour rejoindre Athènes. - Crédits
photo : Noel Quidu pour le Figaro Magazine
Par Olivier Michel
Quelques jours dans les îles grecques permettent de prendre
la mesure d'un désastre annoncé. Un flot de migrants incessant, une police
grecque débordée et Frontex paralysé. Résultat: un million de migrants
supplémentaires entreront en Europe par la Grèce en 2016.
La violente tempête qui a frappé, fin janvier, les îles du
Dodécanèse, n'aura pas arrêté le flot incessant de centaines de milliers de
migrants fuyant la guerre dans leur pays. En 2015, un million de réfugiés venus
de Syrie, d'Irak, d'Afghanistan et d'Afrique sont arrivés en Grèce et, selon
les prévisions, il y en aura autant en 2016. Cette migration, la plus grande
depuis la Seconde Guerre mondiale, a fait 3625 morts ou disparus l'an dernier,
et déjà 366 cette année.
Quatrième destination touristique de la Grèce, la petite île
de Kos n'a pas échappé à la tempête, mais elle a vite retrouvé ses nuits
claires et une mer lisse comme un miroir. Une météo idéale pour des passeurs
sans état d'âme qui, sur la côte turque distante de 4 kilomètres, vendent aux
migrants l'espoir d'une vie meilleure dans l'«Eldorado» européen. À Kos, il en arrive
toutes les nuits, sur les plages de Lambi ou de Psalidi. Morts ou vivants.
La traversée entre la Turquie et la Grèce n'est pas une
partie de plaisir. Mais l'arrivée des migrants (ici pakistanais et bangladais)
est saluée à grand renfort de «Salam alaykoum» («Que la paix soit sur vous», en
arabe) par des bénévoles anglo-saxons plus royalistes que le roi…
À notre huitième nuit de veille, ce sont 12 Pakistanais,
Afghans et Bangladais, entassés sur un petit dinghy instable, qui sortent de la
pénombre à coups de pagaie. À une centaine de mètres de la plage, ils sont
guidés par deux jeunes volontaires une Néerlandaise et une Suédoise
surexcitées, visiblement informées de leur arrivée, et qui les accueillent à
grand renfort de «Salam Alaykoum».
Aussitôt débarqués, les migrants n'en reviennent pas. Ils
ont droit à une salve d'applaudissements ponctuée de «Bienvenue en Europe»
lancés par un petit groupe d'Irlandais très politisés et dont on se demande ce
qu'ils font là et qui les a renseignés. Après quelques accolades et
félicitations, les migrants reçoivent une couverture grise des Nations unies,
un paquet de biscuits secs et une bouteille d'eau, avant d'appeler sur leurs
portables des proches restés au pays.
Puis ils sont dirigés vers un bus qui les emmène au poste de
police du port, où ils seront enregistrés, avant de se voir offrir une chambre
d'hôtel et un sauf-conduit qui leur permettra de rejoindre Athènes et, plus
tard, le pays européen de leur choix. Nos volontaires, très émus, peuvent aller
se coucher, relayés par d'autres tout aussi «engagés» qui vont attendre jusqu'à
l'aube les prochains débarquements. Par beau temps, on peut compter chaque nuit
jusqu'à 350 nouveaux venus. Toutes les arrivées de migrants sur les îles
grecques du Dodécanèse ne se traduisent heureusement pas par le spectacle
insupportable d'enfants morts noyés. Quelques jours passés à Leros et à Kos
permettent de découvrir une autre réalité, sensiblement différente de celle que
l'on a l'habitude de voir ou d'entendre.
Sur les plages de Kos, il n'est pas rare de retrouver des
dinghys et des centaines de gilets de sauvetage abandonnés. - Crédits photo :
Noel Quidu
Malgré la promesse d'une aide de 3 milliards d'euros de
l'Europe, le gouvernement du président islamiste turc Recep Tayyip Erdogan ne
fait strictement aucun effort pour empêcher les migrants de rejoindre la Grèce.
Le port de Kos et le camp des Nations unies de Leros ne désemplissent pas, avec
pour conséquence des échauffourées répétées entre Nord-Africains ivres et
réfugiés afghans ou syriens. La Croix-Rouge hellénique, Médecins sans
frontières, l'UNHCR, soutenus par les ONG américaines Mercy Corps, Samaritan's
Purse et des centaines de volontaires venus du monde entier essaient
d'accompagner comme ils le peuvent des migrants toujours plus nombreux, même en
hiver.
Il faut voir les patrouilles quotidiennes de bénévoles
ramasser, sur les plages, des centaines de gilets de sauvetage abandonnés la
veille par les migrants et les jeter en ville à côté de dinghys crevés sur les
dépôts d'ordures. À Bodrum, le Saint-Tropez turc, les passeurs, censés être
arrêtés par la police, n'ont jamais gagné autant d'argent et travaillent à flux
tendu. Leurs tarifs varient selon les nationalités et la météo. «Notre passage
nous a été facturé 500 dollars par personne, affirme ce Syrien, chef d'une
famille de sept personnes.
Pour les gilets de sauvetage, il a fallu rajouter 50 dollars
pièce avant de nous apercevoir que c'était des faux car ils prenaient l'eau.»
Les Afghans et les Pakistanais paient en fonction de l'offre et de la demande.
Un groupe de six jeunes Maliens ayant fui l'enrôlement de force des djihadistes
de Daech à Gao, encore terrorisés par leur traversée, nous disent avoir
bénéficié d'un tarif «exceptionnel», compte tenu du très mauvais temps. Les
passeurs savaient qu'ils n'avaient que très peu de chances de s'en tirer et ne
leur avaient demandé «que» 400 euros pour les envoyer à la mort.
(photo)
Tous les migrants n'ont pas les mêmes moyens. Les Syriens et
les Irakiens arrivent avec de l'argent et des contacts en Europe, ce qui n'est
pas le cas de la majorité. - Crédits photo : Noel Quidu
La police grecque dépassée
Au large, on peut parfois entendre ou voir le bateau de Frontex longer la frontière maritime gréco-turque. Celui positionné à Kos en ce
moment bat pavillon finlandais. Sven-Bertil Nygard, son chef d'équipage, qui a
accepté de nous recevoir, ne voudra pas nous dire quel est son programme ni
combien d'heures il est censé patrouiller à la demande des autorités grecques.
Tout au plus se bornera-t-il à nous expliquer que sa mission est de «surveiller
les côtes et, en cas de rencontre avec un bateau de migrants, vérifier qu'il
n'est pas en détresse». Et s'il l'est? «Nous embarquons les migrants et les
emmenons en Grèce», répond-il, embarrassé. C'est pour cela, sans doute, que les
bateaux de migrants se sabordent presque toujours à la vue d'un Frontex, car
ils sont sûrs d'être secourus et d'être emmenés rapidement à leur destination.
À quai ou en ville, la police grecque est sans moyens,
totalement dépassée par les flots de migrants. Elle les canalise et les
accompagne au départ des ferrys pour Athènes. Au poste de police de Kos, le
responsable, exaspéré par les critiques des Européens, affirme qu'il a bien
reçu une machine pour identifier les migrants en prenant empreintes et photos
qui rejoignent un fichier central, mais qu'il nous est interdit de la voir.
Reste à espérer qu'elle fonctionne et permette de détecter les terroristes
potentiels qui tenteraient de rejoindre l'Union européenne en général et la
France en particulier. Qui plus est, pourquoi les policiers qui patrouillent la
nuit le long des plages ne s'étonnent-ils jamais de la présence de volontaires
aux gilets fluorescents qui scrutent la mer pendant des heures et pourquoi se
contentent-ils de leur demander s'ils sont des touristes, avant de repartir?
(photo)
Les téléphones portables ont une importance cruciale. Cela
permet aux migrants de rester en contact avec leurs proches restés au pays et
d'indiquer aux éventuels candidats le meilleur chemin à suivre pour rejoindre
l'Europe. - Crédits photo : Noel Quidu
Où que l'on soit, les volontaires sont là. En majorité
anglo-saxons ou anglophones, ils viennent en Grèce grâce à des réseaux
d'entraide souvent très engagés. Ils n'ont pour formation que leur altruisme et
leur bonne volonté, et ne sont pas toujours préparés aux situations
compliquées: femmes battues, polygamie, prosélytisme, alcoolisme. Certains
dénoncent le menu unique offert aux réfugiés (riz, petits pois, carottes) qui
«serait élaboré par des nutritionnistes à New York». D'autres voudraient que
l'on nettoie les couvertures des Nations unies (2 euros pièces) abandonnées par
les réfugiés, ce qui est irréalisable compte tenu du coût très élevé de la
désinfection.
Ils restent en général quelques semaines, paient leur voyage
et leur hébergement avec leurs économies, mais, passé un certain délai,
s'approprient les migrants, puis les surprotègent jusqu'à leur empêcher tout
contact avec les journalistes, accusés de tous les maux.
«Si nous sommes là, répètent-ils à l'unisson, c'est parce
que Bush est entré en Irak pour s'emparer des puits de pétrole, et parce que
l'Europe bombarde la Syrie. L'Europe est assez riche et assez grande pour
accueillir tous les migrants sans exception. Et, si un jour nous devions fuir
l'Europe, nous serions bien contents de trouver des âmes charitables.» Ne
craignent-ils pas que l'arrivée massive d'étrangers dans l'Union européenne ne
fasse grimper les partis extrémistes tels que le Front national en France, Ukip
en Grande-Bretagne et Aube dorée en Grèce? «Non, ça n'est pas à cause des
migrants qu'il y a du racisme, mais à cause des journalistes et de leurs
articles alarmistes.»
Les migrants qui arrivent à Kos, Leros ou Lesbos ne fuient
pas tous la guerre. Si c'est le cas pour les Syriens, Irakiens et Afghans, ça
ne l'est pas pour les Pakistanais, les Bangladais, les Africains et les
Nord-Africains. Ces derniers prétendent, dans un premier temps, vouloir
«échapper à Daech» ou «aux régimes policiers algérien et marocain», puis
finissent par avouer qu'ils n'ont pas de travail dans leurs pays rongés par la
corruption. Quand on leur dit qu'il n'y a pas de travail en Europe, ils
estiment que cela leur importe peu et qu'ils espèrent en trouver. Et certains
d'ajouter, confiants: «On nous dit ici que l'Europe a besoin de nous, car elle
vieillit.»
On peut enfin s'étonner de l'absence totale sur le terrain
d'associations musulmanes, publiques ou privées. Selon les migrants que nous
avons rencontrés, l'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis ne
souhaitent pas accueillir trop de leurs coreligionnaires, dont ils se méfient
comme de la peste. Surtout des Syriens qu'ils traitent de «fous» pour avoir
«osé la révolution».
En Allemagne, le peuple gronde
La “nuit de Cologne” a changé le regard des Allemands sur
les migrants. Le mouvement Pegida (acronyme allemand pour «Patriotes européens
contre l'islamisation de l'Occident») est né à Dresde mais s'est implanté dans
d'autres villes de l'est du pays, comme ici, à Leipzig. - Crédits photo : ©
Jerome SESSINI/MAGNUM PHOTOS Jérome Sessini
Par Jean-Louis Tremblais
Depuis l'affaire de Cologne, la politique migratoire et le
melting-pot à l'allemande sont de plus en plus remis en cause.
Un mois après cette «nuit de la honte», le traditionnel
carnaval des femmes (Weiberfastnacht) s'est déroulé sous une surveillance
policière renforcée. - Crédits photo : © Jerome SESSINI/MAGNUM PHOTOS Jérome
Sessini
Cologne, le 4 février. Un jour censé être celui des femmes.
Chaque année, lors de la Weiberfastnacht, ce sont elles qui inaugurent le
traditionnel carnaval. La rue leur appartient: attifées et maquillées comme bon
leur semble, elles y déambulent, chantent, dansent, accostent ou embrassent les
hommes. Le tout dans une atmosphère très imbibée, où la bière coule à flots et
où amusement rime souvent avec défoulement.
Un mois après la Saint-Sylvestre et les violences faites àplusieurs centaines de femmes (près de 1054 plaintes déposées, 454 pour délit
sexuel) par des groupes de jeunes nord-africains* en plein centre-ville, les
autorités sont sur le qui-vive. Vivement critiquées pour leur passivité et/ou
leur incompétence du 31 janvier, elles ont tout fait pour que ces
contemporaines saturnales ne dégénèrent pas. 360.000 euros ont été dépensés
spécialement afin de garantir la protection des citoyennes: éclairage public
porté au maximum, caméras de vidéosurveillance, «espaces sécurisés et réservés
aux femmes», mobilisation de 2500 policiers et de 850 bénévoles, numéro d'urgence
et hotline dédiée…
Cette psychose ne concerne pas uniquement Cologne. Car des
événements similaires, avec des protagonistes identiques, se sont produits dans
d'autres villes, comme Bielefeld, Hambourg, Stuttgart, et dans 12 Länder sur
16. Groggy, l'Allemagne semble découvrir les limites du multiculturalisme et du
melting-pot. «Wir werden das schaffen» («Nous y arriverons»), a promis la
chancelière Angela Merkel à ceux qui s'inquiétaient de la capacité du pays à
intégrer le 1,1 million de migrants arrivés en 2015. Voire… Même le cardinal
Reinhard Marx, président de la Conférence épiscopale allemande, se montre
sceptique : «L'Allemagne ne peut accueillir tous les nécessiteux du monde.» Une
chose est sûre : le choc des cultures, révélé par l'affaire de Cologne, n'étonne
pas Thilo Sarrazin. Dès 2010, cet économiste, membre du SPD (Parti
social-démocrate) et du directoire de la Bundesbank, avait provoqué un tollé en
publiant L'Allemagne disparaît. Un best-seller vendu à 2 millions d'exemplaires
où il s'interrogeait sur les bouleversements démographiques induits par
l'immigration et doutait fortement de la réussite de l'intégration. Ce qui lui
a valu d'être démis de ses fonctions et mis au ban du SPD.
Voir George Orwell, le roman d'anticipation 1984.
Les femmes et l'islam
Les politiques serviles
Le politiquement correct envers l'islam
Taqyia : l'accusation d'islamophobie, premier pas vers le totalitarisme islamique
Voir George Orwell, le roman d'anticipation 1984.
Les femmes et l'islam
Les politiques serviles
Le politiquement correct envers l'islam
Taqyia : l'accusation d'islamophobie, premier pas vers le totalitarisme islamique
La nuit de la Saint-Sylvestre, à Cologne, le parvis de la
gare a été le théâtre d'agressions sexuelles de masse. Les suspects sont
essentiellement nord-africains. - Crédits photo : Jérome Sessini
«Ce qui s'est produit à Cologne et ailleurs, explique-t-il,
doit être interprété comme un avertissement. Il est certain que l'oppression et
le mépris dont les femmes sont l'objet dans les pays musulmans jouent un rôle.
C'est avec cette image de la femme que ces jeunes hommes ont été élevés. La
conception européenne des rapports entre les sexes y est rarement comprise, ou
alors elle est vue comme de la faiblesse. Dans bien des cas, il leur paraît
inconcevable qu'une femme en vêtements sexy puisse ne pas être disponible ou
vouloir rester maîtresse de la situation. Et ce phénomène est encore accentué
par le faible niveau d'éducation de beaucoup d'immigrés musulmans.»
Une analyse confortée in absurdo par les stupéfiantes
déclarations de l'imam de la mosquée al-Tawhid de Cologne, interviewé par la
chaîne russe REN TV après les faits : «C'est la faute des femmes car elles
portent du parfum et sont à moitié nues (…) Vêtues de cette façon, elles
jettent de l'huile sur le feu.» Ou encore, même si c'est involontaire et
maladroit, par le conseil prodigué aux Colonaises par leur mairesse, Henriette
Reker: «Garder plus d'un bras de distance» avec des hommes non habitués aux
mœurs occidentales!
Alice Sophie Schwarzer est la fondatrice et rédactrice en
chef du magazine féministe Emma. Elle est l'une des féministes allemandes les
plus connues - Crédits photo : Jérome Sessini
Des propos qui font bondir Alice Schwarzer, directrice du
magazine Emma et figure historique du féminisme allemand. Cofondatrice du MLF
et proche de Simone de Beauvoir, elle s'insurge contre ce qu'elle appelle la
«fausse tolérance»: «Au nom du politiquement correct et de l'antiracisme, il ne
faudrait pas dire que les violeurs de la Saint-Sylvestre sont d'origine
arabo-musulmane. On préfère dire aux femmes allemandes de s'adapter ! C'est
justement cette cécité volontaire qui a favorisé l'expansion de l'islamisme
dans nos pays.
Ce qui s'est passé à Cologne, au cœur d'une ville d'un
million d'habitants et sous les yeux d'une police impuissante, me fait penser
aux viols collectifs de la place Tahrir au Caire, en 2011. On sait que les
islamistes sont organisés et structurés. Certains agresseurs maghrébins du 31
janvier venaient de Belgique ou de France. J'ai du mal à croire que ce ne soit
pas une action concertée, avec des motivations politiques et visant à sonder
nos défenses. Pourquoi les investigations ne s'orientent-elles pas dans ce
sens? Si on ne pose pas la question, c'est peut-être parce qu'on ne veut pas la
réponse. Dans toute guerre, la violence sexuelle est une arme dont l'effet est
connu: détruire les femmes et humilier les hommes.»
Immigrés économiques ou réfugiés politiques?
Dans ce contexte tendu, la pression migratoire à laquelle
l'Allemagne est confrontée ne se réduit pas. Au contraire. Pour le seul mois de
janvier, on recense 100.000 arrivées, soit une moyenne quotidienne de 3300 et
(si le flux reste stable) un total prévisible de 1,2 million pour l'année 2016.
À Cologne, les derniers chiffres font état de 500 personnes par semaine. Nous
nous sommes rendus dans le plus grand centre d'hébergement de la ville, dans le
quartier d'Ehrenfeld, géré par la Croix-Rouge et la municipalité. 627 migrants
y sont logés dans un bâtiment en dur de trois étages, mieux gardé que Fort Knox
par une société de sécurité privée. La population est majoritairement masculine
(419) et très jeune (436 ont moins de 30 ans); 220 viennent des Balkans (minorités
roms et sintés de l'ex-Yougoslavie, Albanais, Kosovars), 160 de Syrie, 42 du
Maghreb, 32 d'Afghanistan, 20 d'Afrique subsaharienne, plus quelques
Pakistanais et Bangladais. À notre connaissance, la guerre ne sévit pas dans
toutes ces contrées. Immigrés économiques ou réfugiés politiques?
L'administration allemande épluche donc chaque dossier avec soin, ce qui peut
prendre des mois. Période pendant laquelle les demandeurs d'asile touchent
entre 160 et 300 euros mensuels et bénéficient de la gratuité des transports
publics.
Dans les foyers de réfugiés, la cohabitation entre les
différentes nationalités ou religions est parfois difficile. Ici, deux hommes
sont séparés par les vigiles du centre d'accueil. - Crédits photo : Jérome
Sessini
Après avoir formulé moult demandes et essuyé autant de
refus, nous y rencontrons finalement Jamal, de nationalité syrienne. La
cinquantaine distinguée, parlant anglais, cet ex-journaliste réside ici depuis
six mois dans une chambre pour quatre. Il a quitté Damas avec son fils de 16
ans pour éviter la conscription à ce dernier, et a suivi la filière classique
via la Turquie et la Grèce. Voilà six mois qu'il attend sa carte de séjour: «Je
remercie l'Allemagne pour son hospitalité. Pour nous, c'était une question de
vie ou de mort. Nous sommes d'authentiques réfugiés mais ce n'est pas le cas de
tous ceux qui se présentent ici et prétendent venir d'Irak ou de Syrie, même
s'ils sont parfois du Maghreb… On n'est pas tous traités de la même façon par
les gardiens, que je soupçonne de favoritisme. Et puis, il y a sans cesse des
frictions intercommunautaires ou interreligieuses. Les gens se regroupent par
origine. On se regarde en chiens de faïence. C'est éprouvant.»
Comme pour lui donner raison, des cris et des hurlements
fusent du couloir. Une femme à bout de nerfs qui ne supporte plus sa voisine de
chambre (les femmes sont cantonnées dans une aile séparée). Puis, deux hommes
qui s'empoignent et sont difficilement maîtrisés par les vigiles. Le sang a
giclé sur les murs. Le Samu doit être appelé en urgence. «C'est tous les jours
comme ça», commente Jamal, résigné ou fataliste. Le «vivre-ensemble» est mal
parti…
*«Nafris», ainsi qu'il est mentionné dans les procès-verbaux
de la police. Sur les 59 suspects, aucun n'a la nationalité allemande. La
plupart sont algériens, marocains et tunisiens - certains sont domiciliés en
France; les autres, demandeurs d'asile ou sans papiers.
Pediga: la parole se libère
Ce devait être un feu de paille, prédisait-on, lorsque
Pegida* fut créé en octobre 2014. Erreur de pronostic. Fondé par Lutz Bachmann,
personnage au passé judiciaire chargé -en retrait depuis quelques mois-, ce
mouvement est régulièrement présenté comme un groupuscule d'extrême droite par
les médias. Pourtant, chaque lundi, entre 10.000 et 15.000 personnes continuent
de manifester sous sa bannière à Dresde, fief de l'organisation, et dans les
villes de l'Est où elle a ses filiales, comme Leipzig ou Chemnitz. Des citoyens
ordinaires mais mécontents qui applaudissent des orateurs pourfendant la
politique d'Angela Merkel et la «Lügenpresse» (la presse à mensonges).
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Tatjana Festerling, responsable de Pegida. - Crédits photo : © Jerome SESSINI/MAGNUM PHOTOS Jérome Sessini
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Tatjana Festerling, responsable de Pegida. - Crédits photo : © Jerome SESSINI/MAGNUM PHOTOS Jérome Sessini
Un mois après la nuit de Cologne, nous avons rencontré
Tatjana Festerling, l'une de ses responsables. Cette femme énergique et
combative est la cible récurrente des antifas (l'ultra-gauche radicale). Sa
maison a été visée à trois reprises. Elle a perdu son emploi, collectionne les
menaces de mort et doit se déplacer avec un garde du corps. «Ce qui horripile l'establishment
et les médias, explique-t-elle, c'est que de plus en plus d'Allemands nous
approuvent. Ils se sentent oubliés et n'ont que Pegida pour exprimer leur
colère. Surtout depuis la Saint-Sylvestre. Ces agressions de masse, commises
dans plusieurs villes, relèvent du terrorisme sexuel. Objectif : non seulement
blesser et souiller les femmes mais également déviriliser les hommes
d'Allemagne, jugés incapables de protéger leurs épouses, leurs sœurs, leurs
filles. Les déviriliser pour les remplacer. Les djihadistes testent nos
réactions. Lesquelles trahissent une répugnante soumission. Le gouvernement,
ainsi que tous les partis installés, refusent d'ouvrir les yeux et persistent
dans l'illusion suicidaire du “multiculturalisme”. Sans parler des journalistes,
qui n'ont révélé l'ampleur du scandale que tardivement et sous la pression de
la presse internationale. Ils ne pouvaient plus taire les faits.»
Tatjana Festerling sait que Pegida prospère surtout dans les
Länder de l'ex-RDA: «Normal. À l'ouest, les gens subissent un lavage de cerveau
depuis des décennies. Ils ont perdu leur conscience identitaire et la fierté de
leurs origines.» Selon elle, le salut viendra plutôt de la Mitteleuropa, de ces
pays qui s'opposent à la politique migratoire de l'UE: Hongrie, Pologne,
Slovaquie, République tchèque, etc.
Raison pour laquelle Pegida tente désormais de mobiliser hors des frontières germaniques avec le projet «Forteresse Europe» et son appel du 6 février à manifester contre l'islamisation dans 14 pays européens. «Une opération que nous allons renouveler», prévient-elle.
Raison pour laquelle Pegida tente désormais de mobiliser hors des frontières germaniques avec le projet «Forteresse Europe» et son appel du 6 février à manifester contre l'islamisation dans 14 pays européens. «Une opération que nous allons renouveler», prévient-elle.
* Acronyme allemand de «Patriotes européens contre
l'islamisation de l'Occident».
À Calais, la loi de la jungle
(photo)
Entre 4000 et 6000 migrants survivent dans la «jungle» de
Calais. - Crédits photo : Jérôme Sessini/Magnum
Par Cyril Hofstein
La ville du Nord est devenue aujourd'hui le symbole absurde
et kafkaïen de l'incapacité des États à répondre efficacement aux enjeux de la
crise des migrants en Europe.
Quel âge peut bien avoir ce jeune homme en jogging et
baskets qui vient de descendre du train de Paris et de poser sa valise à
roulettes sur les quais de la gare de Calais-Fréthun? Quinze ans? Dix-huit ans?
Il n'a que des papiers provisoires reçus en Allemagne et ne parle que l'arabe.
Les seuls mots de français qu'il connaît sont: «réfugié», «Calais» et «jungle»…
Quelqu'un, un plaisantin sans doute, lui a suggéré de dire qu'il venait du
Koweït, pensant sans doute que cela ouvrirait des portes… Mais personne,
visiblement, ne l'a prévenu qu'il n'arrivait pas ici au meilleur moment.
Le 12 février dernier, face à l'exaspération des habitants
et à l'insécurité croissante dans la région, Fabienne Buccio, préfète du
Pas-de-Calais, a en effet annoncé l'évacuation imminente de la partie sud de la
«jungle», ce bidonville au bord de l'implosion, boueux et insalubre, où entre
4000 et 6000 migrants survivent et végètent dans l'espoir de rejoindre
l'Angleterre, un pays qui ne veut pas d'eux. Cette nouvelle étape dans le
démantèlement de ce camp illégal, accueillie avec scepticisme par les
Calaisiens comme par les associations d'aide aux réfugiés, doit s'achever la
semaine prochaine.
Devant l'entrée de la «jungle», le face-à-face entre les réfugiés et les forces de l'ordre est permanent. - Crédits photo : Jérome Sessini
Plus de 1000 personnes devraient ainsi rejoindre le centre
d'accueil provisoire de 1500 places, composé de conteneurs et d'Algeco chauffés
et équipés de sanitaires, installé en janvier dernier à quelques mètres
seulement, ou bien être dirigées vers l'un des quelque 98 centres d'accueil et
d'orientation ouvert ailleurs en France. Mais comment? Nul ne le sait vraiment
pour l'instant, et tout le monde craint des heurts et des émeutes. Cette
situation kafkaïenne perdure depuis mai 2014 et s'aggrave à mesure que les
vagues successives de migrants arrivant de Méditerranée par l'Italie et la Grèce,
via l'Allemagne ou la Suède, touchent la France et Calais, son terminus avant
l'Eldorado anglais.
À la prostitution, aux trafics en tout genre, aux
persécutions religieuses et aux bagarres entre communautés s'ajoutent désormais
l'endoctrinement et la manipulation des plus désespérés par des associations
anarchistes
Aux Afghans, aux Soudanais et aux Érythréens se sont ajoutés
des Kurdes, des Syriens et des Irakiens, mais aussi des Maghrébins et des
familles originaires des Balkans. Une cour des Miracles à ciel ouvert, mise en
coupe réglée par les passeurs, les marchands de sommeil et les exploiteurs de
misère. À la prostitution, aux trafics en tout genre, aux persécutions
religieuses et aux bagarres entre communautés s'ajoutent désormais
l'endoctrinement et la manipulation des plus désespérés par des associations
anarchistes. Les plus acharnés, les No Border en tête, un mouvement
d'ultragauche très présent dans la ville, pensent avoir trouvé ici, sous
l'échangeur de l'autoroute A16, dans la boue des confins de la zone
industrielle des Dunes, un combat à leur mesure contre l'autorité de l'État et
utilisent les réfugiés comme de la chair à canon.
En janvier dernier, en marge d'une «manifestation de
soutien» aux migrants de la «jungle», ils ont réussi à s'introduire à
l'intérieur d'un ferry britannique en cisaillant les grilles du terminal
d'embarquement, juste après avoir tagué «Nik la France» sur la statue dugénéral de Gaulle érigée place d'Armes, au cœur de la ville. Pourquoi?
Certainement pas pour servir la cause des déracinés qui ont choisi l'exil.
Inconscient de la situation, l'espoir encore au cœur, le
jeune homme suit pour l'instant le flux des voyageurs et monte les marches de
la passerelle qui conduit vers la sortie, à quelques centaines de mètres seulement
du terminal Eurotunnel de Coquelles. Devant les deux gendarmes blasés qui le
regardent passer, il demande: «Jungle?» Un peu gênés, les deux fonctionnaires
lui indiquent vaguement la direction du plus grand bidonville de France et
reprennent leur faction. «J'espère qu'il a de bonnes chaussures, lance sans
rire l'un d'eux. Il n'est pas arrivé.»
Comme lui, ils sont des dizaines à arriver ici chaque jour.
Tous ou presque ont des billets de train en règle et un ou deux téléphones
portables. Certains ont vraiment de la famille là-bas, de l'autre côté de la
Manche, d'autres essayent de s'en inventer une. Mais personne ne les croit.
Sauf les passeurs qui vivent ici au grand jour et paradent devant leurs belles
voitures garées au centre-ville. «Ce sont eux qui tiennent Calais et
contribuent à faire venir ces gens, lance une commerçante. Cela, on ne le dit
jamais. Personne n'en parle. Pourtant, ils sont là. Nous n'avons rien contre
les migrants. Après tout ce sont des victimes, comme nous, toutes proportions
gardées… Le pire, c'est que la police ne peut rien faire contre les passeurs:
ils ont des papiers en règles et profitent de l'espace Schengen. À part,
peut-être, les prendre en flagrant délit. Mais c'est si rare...»
Malgré les barrières et les barbelés, certains sont prêts à
tenter l'impossible pour essayer de rejoindre l'Angleterre. - Crédits photo :
Jérome Sessini
On estime en moyenne, selon plusieurs sources concordantes,
qu'une quarantaine de migrants parviennent à rejoindre l'Angleterre chaque
jour, malgré les coûteux dispositifs de sécurité mis en place les uns après les
autres depuis des mois. «À pied, la zone d'accès au tunnel sous la Manche est
presque totalement inviolable, assure un policier sous couvert d'anonymat,
comme l'accès au terminal ferry. Des grillages hérissés de barbelés ont été
disposés aux abords de la rocade menant au tunnel sous la Manche.
Comme autour du terminal, des fonctionnaires de police et
des gendarmes patrouillent en permanence. Le seul moyen possible est de monter
à bord d'un camion à destination du Royaume-Uni via un ferry ou Eurotunnel. Et
là, le système est bien rodé. Parfois, les chauffeurs sont complices, mais pas
toujours. Le plus souvent, cela se passe la nuit, quand les camions stationnent
sur les aires d'autoroute. Avec l'aide de passeurs qui monnayent leurs services
jusqu'à plusieurs milliers d'euros, des petits groupes arrivent à se faufiler
sous les bâches ou à forcer les portes des remorques quand les routiers se
reposent ou prennent une douche. Parfois, la scène se passe juste sous les
caméras de surveillance, ce qui permet au chauffeur du camion de se dédouaner
en prouvant qu'il n'était pas au courant de l'effraction.
Après, la suite est une question de “chance”. Certains sont
signalés à la police par les chauffeurs eux-mêmes, d'autres sont repérés par
nos chiens, ou bien ils sont détectés par les appareils électroniques des
portiques installés aux entrées. Beaucoup sont arrêtés et reconduits dehors,
mais d'autres arrivent à passer.» Parfois, les camions peuvent être pris
d'assaut. Quand il y a des travaux sur Eurotunnel limitant la circulation des
trains, ou des encombrements sur l'autoroute, des grèves ou encore des camions
bloqués, les tentatives de passage en force sont plus nombreuses. Passeurs et
migrants sont à l'affût et la situation peut vite devenir incontrôlable. Ainsi,
plusieurs routiers ont été victimes d'agressions et certains ont vu leur camion
assailli et la bâche de leur remorque découpée, d'autres ont été menacés à
l'arme blanche…
L'insécurité entrave l'activité économique du port de Calais
et les Anglais, principaux clients des commerçants calaisiens, ne viennent
plus. «Calais et ses environs portent les stigmates de cet état d'urgence
permanent, constate, amer, Frédéric Van Gansbeke, président de la Fédération du
commerce du Calaisis. Des milliers d'arbres ont été coupés. Nous vivons
entourés de barbelés. Nos commerces périclitent. Tout le monde se retrouve pris
en otage et, finalement, personne ne fait rien.»
«On va juste changer le problème de place, renchérit un patron de restaurant. C'est tout. Ils veulent évacuer le sud… Très bien. Mais il reste l'autre moitié, dans la partie nord du camp, près du lac. On va en faire quoi, de ces gens? Soit ils vont rester, soit ils iront un peu plus loin, dans la «jungle» de Grande-Synthe, ou même encore plus loin. Tout ce qu'ils veulent, c'est aller en Grande-Bretagne. Ils s'en fichent de la France. Et nous, la France se fiche de nous.»
«On va juste changer le problème de place, renchérit un patron de restaurant. C'est tout. Ils veulent évacuer le sud… Très bien. Mais il reste l'autre moitié, dans la partie nord du camp, près du lac. On va en faire quoi, de ces gens? Soit ils vont rester, soit ils iront un peu plus loin, dans la «jungle» de Grande-Synthe, ou même encore plus loin. Tout ce qu'ils veulent, c'est aller en Grande-Bretagne. Ils s'en fichent de la France. Et nous, la France se fiche de nous.»
La rédaction vous conseille :
Michèle Tribalat : «L'assimilation a été abandonnée par les
élites politiques, culturelles et médiatiques de ce pays» (08.01.2016)
«La transmission de l'islam s'est considérablement accrue,
laquelle se trouve renforcée par une endogamie religieuse», souligne Michèle
Tribalat.
Actualité France
Par Agnès Leclair
Mis à jour le 08/01/2016 à 19h17 | Publié le 08/01/2016 à
18h33
INTERVIEW - Démographe et ex-directrice de recherche à
l'Ined, Michèle Tribalat est spécialiste de l'immigration, de l'intégration et
de l'assimilation des immigrés et de leurs enfants
LE FIGARO. - La perception des discriminations par les
immigrés et leurs enfants sont «des indicateurs fiables de la discrimination
réelle» qui «correspondent à des injustices réellement subies et non à des
situations fantasmées» selon la conclusion de cette enquête. Partagez-vous
cette analyse?
Michèle TRIBALAT. - Cette conclusion est habilement rédigée.
Elle commence par traiter des discriminations à partir des déclarations sur le
ressenti des enquêtés, seule information recueillie dans TeO sur les
discriminations. Ensuite, les auteurs relient ces observations à la situation
des enquêtés et y trouvent une certaine cohérence. Ceux qui sont le plus
souvent au chômage, par exemple, sont aussi ceux qui déclarent avoir vécu des
expériences discriminatoires. Les auteurs valident ainsi l'équivalence entre
ressenti et réalité des faits. Le problème est que se plaindre de situations
discriminatoires n'équivaut pas à des discriminations réelles. Il se peut que,
parmi les chômeurs, certains aient effectivement vécu des pratiques
discriminatoires. Il se peut aussi que ceux qui sont au chômage soient plus
prompts à expliquer leur situation par des événements extérieurs. Vient ensuite
une description de situations inégalitaires à l'école, sur le marché du
travail, dans l'entreprise, etc. qui entérine l'idée d'une discrimination
systémique. Comme par ailleurs les auteurs disent voir «un processus
d'intégration sociale» et notamment la progression de la sécularisation, ils en
déduisent que les défauts d'intégration «sont à rechercher du côté de la
société».
Selon l'enquête, les immigrés et leurs enfants se sentent
majoritairement français mais se jugent souvent rejetés. Comment analysez-vous
ce paradoxe?
Les auteurs opèrent un glissement entre «se sentent
Français» et «adhérent massivement à l'identité française», question qui
n'était pas posée dans l'enquête. Ils disent se sentir français. Qu'est-ce que
cela veut dire ? Cela peut vouloir dire qu'il faut les prendre tels qu'ils sont
et qu'ils n'ont rien d'autre à faire pour se sentir français que de vivre à
leur manière en France. À mon avis, le glissement opéré ici rend bien compte de
la doctrine actuelle, qui a répudié toute idée d'assimilation et vide l'idée
d'identité française de tout contenu spécifique. Cette doctrine a été
développée dans différents rapports visant à rénover la politique d'intégration
remis à M. Ayrault lorsqu'il était premier ministre.
On visait la simple
inclusion des nouveaux venus tels qu'ils sont, ce qui nécessitait une
transformation de la société tout entière pour qu'elle n'y soit pas rétive.
L'assimilation a été abandonnée par les élites politiques, culturelles,
médiatiques… de ce pays. Elle l'a été aussi dans les faits car elle nécessite
l'adhésion du corps social dans son entier, élites comprises. Les prosélytes de
leur propre nation, nécessaires à l'assimilation, selon la jolie formule de
Paul Collier, se font rares.
Dans le domaine de l'identité religieuse, l'enquête conclut
à une sécularisation progressive au fil des générations. Faites-vous le même
constat?
L'affirmation générale selon laquelle la sécularisation des
descendants d'immigrés progresse «comme dans la population majoritaire» est
trompeuse. C'est chez les enfants d'immigrés européens que la sécularisation a
eu tendance à progresser. Ce n'est pas vrai des populations originaires
d'Afrique sahélienne, du Maghreb ou de Turquie. Entre 1992 et 2008, la part
d'enfants de parents immigrés d'Algérie âgés de 20 à 29 ans qui se déclarent
sans religion s'est effondrée: elle est passée de 30 % à 14 %. La transmission
de l'islam s'est considérablement accrue, laquelle se trouve renforcée par une
endogamie religieuse. On peut parler de désécularisation et les mariages mixtes
sont appelés à régresser avec la désécularisation.
L'éternel débat sur l'autorisation des statistiques
ethniques peut-il s'apaiser?
La France, comme la plupart des pays européens
d'immigration, a progressé vers l'enregistrement des origines ethniques par
filiation en recueillant le pays et la nationalité de naissance des parents
dans les grandes enquêtes de l'Insee. Ces données sont essentielles pour
mesurer le phénomène migratoire dans sa dimension temporelle. Il reste à les
introduire dans les enquêtes annuelles de recensement de l'Insee, ce que la
Cnil autorise depuis 2007. Vu l'importance prise par l'immigration étrangère en
Europe, on ne peut se bander les yeux. Nos voisins l'ont bien compris. La
connaissance n'est pas dangereuse.
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