Fusillade à Toulouse : «Ce n’est plus vivable, j’ai peur pour mes enfants» (04.07.2017)
Fusillade à Toulouse : «Ce n’est plus vivable, j’ai peur
pour mes enfants» (04.07.2017)
Par Jean-Manuel Escarnot, Correspondant à Toulouse — 4
juillet 2017 à 20:23
La fusillade du début de semaine à Toulouse a fait 1 mort et
neuf blessés.
La fusillade du début de semaine à Toulouse a fait 1 mort et
neuf blessés. Photo Fred Tanneau. AFP
Un individu déguisé en femme et portant un niqab noir a tiré
à la kalachnikov sur un groupe de personnes dans le quartier de la Reynerie,
faisant 1 mort et 9 blessés. Des règlements de compte qui s'accumulent depuis
plusieurs années dans la ville de Haute-Garonne.
Fusillade à Toulouse
: «Ce n’est plus vivable, j’ai peur pour mes enfants»
Des marques blanches sur le sol signalent les impacts de
balles et, quelques mètres plus loin, une pelletée de sable là où les pompiers
ont secouru l’une des victimes baignant dans son sang. Ce mardi matin, près de
l’entrée de la Caisse d’allocations familiales de la Reynerie dans le quartier
toulousain du Mirail classé en zone de sécurité prioritaire, il restait ces
traces visibles de la fusillade qui la veille au soir a fait 1 mort et 7
blessés dont deux avec pronostic vital engagé.
Selon les autorités judiciaires, il était près de 21 heures
lundi soir lorsqu’un individu, déguisé en femme, revêtu d’un niqab noir, a
sorti une kalachnikov dissimulée dans une poussette avant de tirer sur un
groupe rassemblé à une centaine de mètres de l’entrée du métro, ciblant un
individu. Ce dernier, «très défavorablement connu des services de police», est
décédé. Très déterminé, le tueur qui a poursuivi sa cible sur 200 mètres tout
en tirant et a pris la fuite sur une moto pilotée par un complice. Selon les
premiers éléments recueillis par le service régional de la police judiciaire de
Toulouse l’enquête s’oriente vers le règlement de compte. La piste terroriste a
été écartée.
«On paye le prix de l’abandon de la police de proximité et
du démantèlement des RG»
Le lien n’est pas établi. Mais la fusillade de lundi soir
s’inscrit dans une série «d’embrouilles» liées à des guerres de territoires
entre bandes rivales sur fond de trafic de drogue. Bilan: 14 morts en six ans.
Des meurtres à la kalachnikov, au fusil à pompe ou au pistolet entre jeunes des
cités des Izards (quartier nord) et du Mirail que les policiers toulousains ont
beaucoup de mal à élucider faute de témoignages et de «renseignements de
terrain». «On déboule quand tout est fini. La plupart des témoins se sont
volatilisés. Les gens ont peur, ils ne parlent pas. On se doute qu’il y a des
liens vu le profil de certaines victimes mais on n’a rien. On paye le prix de
l’abandon de la police de proximité et du démantèlement des RG», peste une
source policière interrogée par Libération.
Retour sur la place Abbal dans le quartier de la Reynerie.
Regards tristes, mines fermées. Un groupe de femmes rassemblées devant la caisse
d’allocations familiales commente les événements. «J’ai cru que c’était des
pétards puis j’ai vu les gens courir et une personne couverte d’un niqab courir
une arme à la main dans le sens inverse vers les jeunes. Puis j’ai vu un homme
par terre. Ça a duré dix minutes. Plus tard j’ai appris que l’une des victimes
était un parent venu du bled pour rendre visite à sa famille», raconte une mère
de famille africaine en boubou. «A deux minutes près, j’étais prise au milieu
des coups de feu, rajoute cette autre mère de deux enfants de 4 et 6 ans.
Depuis deux ans, je fais toutes les démarches pour être relogée ailleurs mais
ça ne donne rien. Je m’en fous de payer un T1 dans le privé. Ce n’est plus
vivable, j’ai peur pour mes enfants. Où sont les policiers censés nous
protéger. Où est le maire, où sont les élus ?».
«L’un des plus beaux endroits de la ville»
Plus loin, Pierre, 71 ans, agriculteur à la retraite,
arrosoir à la main, se dirige vers le jardin partagé planté au pied de l’une
des barres d’immeubles de la Reynerie. On l’accompagne. Passage entre deux
immeubles sous le regard d’un guetteur planté sur sa chaise à l’entrée d’un
point de deal dès 11 heures du matin. «Ils me connaissent. Je vis ici depuis
quinze ans et c’est l’un des plus beaux endroits de la ville, dit-il en
désignant les abords du lac de la Reynerie. Mais c’est de pire en pire. Il y a
de moins en moins de mixité. Les gosses ne sont pas éduqués. Individuellement,
ils sont gentils mais dès qu’ils sont en bande, ils se comportent comme des animaux.
Le respect de la vie se perd de plus en plus.»
Dans la Dépêche du jour, le maire de Toulouse, Jean-Luc
Moudenc, promet 120 millions d’euros d’investissement et le retour de la police
municipale dans les quartiers. A la Reynerie, au lendemain de la fusillade,
aucune cellule de prise en charge psychologique des habitants n’a été mise en
place.
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