Projet de loi antiterroriste : le Sénat ampute les ambitions sécuritaires du gouvernement (12.07.2017)
Les députés prolongent une sixième fois l'état d'urgence (06.07.2017)Le Parlement prolonge l'état d'urgence (06.07.2017)
Paris: manifestation contre le projet de loi antiterroriste (01/07/2017)
Le projet de loi comprend un amendement du Sénat qui
réintroduit dans le texte une disposition censurée le 9 juin dernier par le
Conseil constitutionnel, «l'interdiction de séjour». La mesure, que certains
considèrent comme une interdiction de manifester, autorise les préfets à
interdire à une personne d'être «dans tout ou partie du département» s'il y a
«des raisons sérieuses de penser» qu'elle cherche «à entraver l'action des
pouvoirs publics».
Comment la France veut lutter contre le cyberdjihadisme (15.10.2014)
Projet de loi antiterroriste : le Sénat ampute les ambitions
sécuritaires du gouvernement (12.07.2017)
Pour éviter la pollution du droit commun par des mesures «
particulièrement dérogatoires », la commission des lois limite à quatre ans
l’application des dispositions issues de l’état d’urgence.
Le Monde | 12.07.2017 à 18h44 • Mis à jour le 13.07.2017 à
11h06 |
Par Jean-Baptiste Jacquin
Que restera-t-il du projet de loi censé permettre de sortir
de l’état d’urgence ? A chaque étape du processus, le texte « renforçant la
sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » voit ses dispositions
inspirées de l’état d’urgence rabotées dans leur étendue et encadrées par des
contrôles plus étroits. Emmanuel Macron avait demandé, dix jours après son
arrivée à l’Elysée, la préparation d’un tel projet de loi pour mettre fin, au
plus tard, le 1er novembre, après une ultime prolongation, à ce régime
d’exception instauré après les attentats du 13 novembre 2015.
Lire aussi : L’intégralité du projet de loi du gouvernement pour banaliser les mesures de l’état d’urgence
Après une première modification imposée au texte
gouvernemental sous la pression de l’opinion et du Conseil d’Etat avant son
adoption en conseil des ministres le 22 juin, un nouveau passage au tamis, plus
serré encore, lui a été infligé mercredi 12 juillet par la commission des lois
du Sénat.
Cette troisième version du projet de loi sera débattue à
partir du mardi 18 juillet au Palais du Luxembourg avant d’être soumise à
l’Assemblée nationale. Le sénateur centriste Michel Mercier (UDI), ancien garde
des sceaux de Nicolas Sarkozy, a fait adopter par la commission des lois
l’ensemble de ses amendements au projet de loi dont il est le rapporteur.
Des mesures « dérogatoires au droit commun »
Concrètement, les sénateurs ont décidé de limiter dans le
temps (jusqu’au 31 décembre 2021) l’application des trois mesures phares du
projet du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb : l’assignation dans la
commune, le bracelet électronique et la perquisition administrative. M. Mercier
préfère donner un statut expérimental à ces mesures « particulièrement
dérogatoires au droit commun » et légiférer « avec prudence afin d’éviter la
pérennisation de dispositifs attentatoires aux libertés individuelles ». Une
façon de couper court aux accusations de mise en place d’une sorte d’état
d’urgence permanent.
Chaque mesure a été sérieusement amendée, voire plus. Ainsi,
la disposition censée permettre au ministre de l’intérieur d’obliger une
personne à déclarer tous ses numéros d’abonnement et identifiants de
communication électronique a été purement et simplement supprimée du texte.
Selon l’ancien ministre de la justice, cette mesure « porte une forte atteinte
aux libertés constitutionnelles : respect de la vie privée, secret des
correspondances et droits de la défense ».
Quant aux personnes assignées à ne pas quitter leur commune
sur simple décision du préfet, elles ne pourront pas être astreintes à plus de
trois pointages au commissariat par semaine, au lieu d’un par jour prévu dans
le projet de M. Collomb. Afin que le régime « ordinaire » ne soit pas plus
sévère que celui de l’état d’urgence, les sénateurs ont introduit en commission
le juge judiciaire dans les mesures de surveillance individuelle. Décidé pour
des périodes de trois ou six mois, le renouvellement des assignations devra
désormais être autorisé par le juge des libertés et de la détention (JLD). Le
projet permettait au préfet de les renouveler indéfiniment, sous réserve qu’il
apporte « des éléments nouveaux ou complémentaires ».
Le Sénat se donne le beau rôle
Les sénateurs ont davantage encadré les perquisitions
administratives, mesure constitutionnellement la plus attentatoire aux libertés
individuelles et pour laquelle le gouvernement avait déjà accepté de faire
intervenir le JLD en amont. Surtout, ils ont cherché à redonner une cohérence à
une situation où une décision de nature administrative qui devait être
autorisée par un juge judiciaire et pouvait être contestée devant un juge
administratif… Ils proposent que la contestation de ces perquisitions
administratives relève désormais des tribunaux judiciaires.
Principale innovation par rapport à l’état d’urgence, la
création des « périmètres de protection » autour d’un lieu ou d’un événement
soumis à un risque terroriste se voit, elle aussi, sérieusement précisée. Les
sénateurs ont voulu « circonscrire l’usage » de cette mesure qui permet des
contrôles et des fouilles par palpation de personnes se rendant sur ces lieux ou
événements.
Après deux années où le Sénat a participé à une surenchère
sécuritaire aux côtés du gouvernement et de l’Assemblée nationale, il se donne
aujourd’hui le beau rôle en tant que défenseur des libertés publiques.
« Notre attitude est dictée par le Conseil constitutionnel,
qui impose de rechercher l’équilibre entre la nécessité d’assurer la sécurité
et l’ordre publics et celle de protéger les libertés publiques », plaide M.
Mercier.
Le ministère de l’intérieur n’a pas réagi, notamment pour
dire s’il retiendrait certains des apports du Sénat. Quant au ministère de la
justice, resté jusqu’ici à l’écart, il pourrait trouver dans les amendements
votés une légitimité à intervenir dans le débat.
Les députés prolongent une sixième fois l'état d'urgence (06.07.2017)
Par lefigaro.fr Mis à jour le 06/07/2017 à 16:47 Publié le
06/07/2017 à 11:11
LE SCAN POLITIQUE - Depuis début 2017, sept projets
d'attentat ont pu être déjoués grâce à ce régime d'exception, selon le ministre
de l'Intérieur, Gérard Collomb.
Il est en vigueur depuis le 13 novembre 2015. Le Parlement a
adopté jeudi par un vote de l'Assemblée une sixième et, en principe, dernière
prolongation de l'état d'urgence, jusqu'au 1er novembre, le temps de voter une
nouvelle loi antiterroriste controversée qui pérennisera certaines mesures
exceptionnelles. Le projet de loi, qui a été approuvé dans les mêmes termes que
celui voté au Sénat mardi, a été adopté par 137 voix contre 13. Seuls les
députés de la France insoumise et les communistes ont voté contre.
L'état d'urgence avait été prorogé une cinquième fois le 15
décembre dernier. Depuis début 2017, à croire le ministre de l'Intérieur,
Gérard Collomb, les mesures d'exception ont permis de déjouer sept projets
d'attentat avec notamment l'arrestation de deux hommes à Marseille pendant la
présidentielle. Cinq attaques se sont néanmoins produites dans le même laps de
temps. L'une d'elles a entraîné à la mort du policier Xavier Jugelé sur les
Champs-Élysées le 20 avril. Sur la même avenue, Adam Djaziri est mort dans un
attentat raté. Comme ce dernier, une centaine de fichés S sont susceptibles,
selon Gérard Collomb, de détenir en toute légalité une arme.
» Lire aussi - Loi antiterroriste: une levée de boucliers en perspective
Cette prolongation de six mois devrait être la dernière.
Emmanuel Macron a confirmé au Congrès sa levée au 1er novembre avec l'adoption
de la très décriée nouvelle loi antiterroriste. Mercredi, 12 organisations,
dont Amnesty International France, Human Rights watch, la Ligue des droits de
l'Homme et le syndicat de la magistrature, ont appelé les députés à ne pas voter
le prolongement de l'état d'urgence et l'ensemble des parlementaires à rejeter
la loi renforçant la lutte contre le terrorisme censé la remplacer. L'ancien
garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a fait de même, estimant que l'état
d'urgence n'est «plus efficace» ni «utile» ou «adapté».
(Avec agences)
Le Parlement prolonge l'état d'urgence (06.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec Reuters. Mis à jour le 06/07/2017 à
16:35 Publié le 06/07/2017 à 16:25
Le Parlement a adopté définitivement aujourd'hui un projet
de loi qui prévoit de prolonger pour la sixième fois l'état d'urgence, cette
fois du 15 juillet au 1er novembre 2017. Il s'agit du premier texte du
quinquennat d'Emmanuel Macron voté lors de la nouvelle législature.
Le Sénat, où la droite est majoritaire, avait adopté mardi
ce texte par 312 voix contre 22. L'Assemblée l'a adopté aujourd'hui dans les
mêmes termes par 137 voix contre 13. Le texte est donc définitivement adopté
par le Parlement.
Tous les groupes, y compris les élus du Front national, ont
voté cette nouvelle prolongation à l'exception des élus des groupes La France
insoumise (LFI) et de la Gauche démocrate et républicaine (GDR, PCF) qui jugent
la mesure "inefficace" et "dangereuse" pour les droits
fondamentaux.
"Si l'état d'urgence s'avère inutile dans la lutte
antiterroriste, les abus qu'il engendre sont, en revanche, pleinement
efficients", a dit le communiste Stéphane Peu.
Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, s'est voulu
rassurant. "Vous mesurez que ce texte va se traduire dès demain par des
conséquences très concrètes pour poursuivre la lutte contre le terrorisme, pour
assurer la protection des Français. La liberté et la sécurité ne s'opposent
pas. Quand on agit pour renforcer la sécurité, on n'enlève pas des libertés, on
les préserve, on en crée parfois de nouvelles".
Le ministre de l'Intérieur avait annoncé un peu plus tôt sur
CNEWS que les services de sécurité français avaient déjoué sept attentats
depuis le début de l'année.
Un amendement du Sénat a été entériné qui réintroduit dans
une disposition, censurée le 9 juin dernier par le Conseil constitutionnel, qui
rétablit "l'interdiction de séjour". Cette mesure, que certains
considèrent comme une interdiction de manifester, autorise les préfets à
interdire à une personne d'être "dans tout ou partie du département"
s'il y a "des raisons sérieuses de penser" qu'elle cherche "à
entraver l'action des pouvoirs publics".
Le texte, qui proroge ce régime d'exception en vigueur
depuis les attentats du 13 novembre 2015, sera complété par un autre projet de
loi visant à renforcer et stabiliser l'arsenal législatif de lutte contre le
terrorisme. Il introduira dans le droit commun "des dispositions
concrètes, ciblées et encadrées" de lutte contre le terrorisme qui
permettront la sortie de l'état d'urgence après le 1er novembre prochain, comme
l'a confirmé Emmanuel Macron lundi dernier devant les parlementaires réunis en
Congrès.
Ce texte sera examiné par le Sénat les 18 et 19 juillet et à
l'Assemblée nationale en octobre en séance publique.
LIRE AUSSI :
Loi antiterroriste : la commission des droits de l'Homme
demande l'abandon du projet (06.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 06/07/2017 à 18:18
Publié le 06/07/2017 à 18:17
La Commission nationale consultative des droits de l'Homme
(CNCDH) s'inquiète, dans un avis voté aujourd'hui, de l'inscription "des
mesures emblématiques de l'état d'urgence dans le droit commun" et
recommande au gouvernement l'abandon de son projet de loi antiterroriste.
» Lire aussi - Comment le gouvernement veut normaliserl'état d'urgence
Assimilée à une autorité administrative indépendante, la
CNCDH est une structure de l'État qui assure un rôle de conseil et de
proposition au gouvernement et au parlement dans le domaine des droits de
l'Homme.
Faute d'avoir été consultée, la CNCDH s'est autosaisie du
projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le
terrorisme, comme elle l'a fait pour tous les textes de loi antiterroristes
promulgués depuis huit ans.
Selon elle, le projet gouvernemental donne des
"pouvoirs exorbitants" à la police, offre des "garanties
insuffisantes" sur le contrôle de ces pouvoirs et, au final, concourt à la
mise en place d'un "dispositif inefficace" et "contre-productif"
dans la lutte contre le terrorisme.
Elle déplore notamment le "renforcement considérable de
pouvoirs attentatoires aux droits fondamentaux attribués aux autorités
administratives, en particulier au ministère de l'Intérieur et aux préfets, en
se fondant sur une conception extensive de l'ordre public", en particulier
avec les assignations à résidence et les perquisitions administratives
rebaptisées "visites".
Les personnes ne seront pas visées "parce que leur
comportement s'avère répréhensible au regard d'un interdit pénal mais
simplement parce que les autorités administratives les considéreront,
elles-même ou leurs proches, comme menaçantes au regard du risque
terroriste", souligne la CNCDH. "Le projet de loi étend le filet de
la prévention du terrorisme au-delà de ce qu'imposent les principes de
proportionnalité", dit-elle.
Les garde-fous prévus dans le projet de loi, notamment
l'autorisation préalable d'un juge des libertés et de la détention pour
autoriser les perquisitions, sont jugés "insuffisants" par
l'institution. Selon elle, "le motif justifiant l'exercice des pouvoirs de
police" est "trop extensif et subjectif" et "le contrôle
sur ces pouvoirs, difficile à effectuer".
Quant au bénéfice de la future loi, la CNCDH demeure
dubitative, rappelant l'inefficacité "sur le long terme" des mesures
de l'état d'urgence. Leur réussite est "conditionnée par leur effet de
surprise nécessairement dénaturé lorsqu'elles intègrent le droit commun".
"Ces mesures ciblent une partie de la population qui se
sent déjà stigmatisée, ce qui constitue une menace à moyen terme pour l'ordre
public", dit encore la CNCDH.
LIRE AUSSI :
Etat d'urgence et loi antiterroriste: 12 organisations
lancent un appel (05.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 05/07/2017 à 19:40
Publié le 05/07/2017 à 19:34
Douze organisations ont appelé, aujourd'hui, les députés à
ne pas voter la loi de prorogation de l'état d'urgence et l'ensemble des
parlementaires à rejeter la loi renforçant la lutte contre le terrorisme censée
la remplacer.
Ces organisations, parmi lesquelles Amnesty International
France, Human Rights watch, la Ligue des droits de l'Homme et le syndicat de la
magistrature (SM, gauche), dénoncent "la dangereuse logique du soupçon qui
imprègne les deux textes".
"Les parlementaires ne doivent pas se laisser abuser
par l'idée que la France va sortir d'un régime d'exception alors même qu'il
s'agit de l'inscrire dans le marbre de la loi permanente", écrivent-elles
dans un communiqué.
Les principales mesures contestées de l'État d'urgence sont
reprises dans la nouvelle loi même si des modifications ont été opérées : on
retrouve ainsi les perquisitions administratives de jour et de nuit, renommées
"visites" et désormais soumises à l'autorisation d'un juge (des
libertés et de la détention, JLD), les assignations à résidence élargies à un
périmètre plus large avec comme alternative le port d'un bracelet électronique,
la fermeture des lieux de culte ou l'instauration de "périmètres de
protection" pour sécuriser des événements.
"L'objectif fondamental, subjectif et donc potentiellement
arbitraire" de ce texte "demeure la neutralisation d'individus dont
on pourrait anticiper les +comportements non conformes+ et +la radicalisation+
supposée", expliquent les organisations pour qui le projet de loi
"ambitionne de pérenniser des dispositifs qui accuseront les personnes sur
la base de critères flous et bien en amont de toute preuve de la commission ou
de la préparation d'un acte terrorisme".
Le 30 juin, une délégation représentant le collectif,
baptisé "état d'urgence/antiterrorisme", avait rencontré le président
Macron. Mais le chef de l'État "n'a pas montré d'ouverture pour modifier
le fond de ces projets de loi", regrettent aujourd'hui les organisations
qui en appellent désormais aux parlementaires pour rejeter les deux textes.
LIRE AUSSI:
État d'urgence : chronique d'un dispositif contesté (03.07.2017)
Par Etienne Jacob Mis à jour le 03/07/2017 à 19:03 Publié le
03/07/2017 à 19:00
Des manifestants contre l'état d'urgence, le 1er juillet
2017.
Après plusieurs prolongations, Emmanuel Macron a annoncé
lundi la levée «à l'automne» de cet état exceptionnel, afin de rétablir «les
libertés des Français». Le Figaro revient sur les dix-huit mois de ce régime de
sécurité.
Nous sommes le 13 novembre 2015. Paris est touchée par les attentats les plus meurtriers de son histoire moderne. Après le drame,
différentes mesures sont prises par le gouvernement. Parmi lesquelles : la mise
en place de l'état d'urgence. Créé en 1955, ce dispositif de sécurité exceptionnel
permet assignations à résidence, perquisitions administratives, interdictions
de cortèges, contrôles d'identité, fouilles de bagages et de véhicules, ou
encore fermetures de lieux de réunion. Il s'agit d'un régime rarissime,
puisqu'il n'avait été utilisé que lors de la guerre d'Algérie (1955), pendant
des affrontements en Nouvelle-Calédonie (1985), puis en 2005, après les émeutes dans les banlieues. Depuis cette nuit de novembre 2015, l'état d'urgence a été
prolongé à plusieurs reprises, son efficacité remise en cause et les
restrictions qu'il impose contestées. Lundi, Emmanuel Macron a annoncé sa levée
«à l'automne», afin de rétablir «les libertés des Français». Le projet de loi
antiterroriste doit prendre le relais de l'état d'urgence. Il sera examiné lors
de la session extraordinaire du Parlement cet été..
• 13-14 novembre 2015. À la suite des attentats, un Conseil
des ministres exceptionnel est organisé et l'état d'urgence décrété «sur l'ensemble du territoire». «Certains lieux seront fermés, la circulation pourra
être interdite et il y aura également des perquisitions qui pourront être
décidées dans toute l'Ile-de-France», détaille alors François Hollande.
• Première prolongation. La prorogation de l'état d'urgence
au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par une loi, votée par le
parlement, qui en fixe sa durée définitive. Conséquence, François Hollande
demande, le 20 novembre 2015, une prolongation de trois mois du dispositif
d'exception. Les règles de l'assignation à résidence sont précisées et le
ministère de l'Intérieur autorisé à ordonner des perquisitions en tout lieu.
Beauvau peut également bloquer des sites internet faisant l'apologie du
terrorisme. Le contrôle de la presse, prévu par cette loi de 1955, est en
revanche supprimé. À l'Assemblée, seuls six députés s'opposent à cette
prolongation.
• Premières manifestations. Le 30 janvier 2016, des
associations manifestent contre l'état d'urgence dans les principales villes de
France. Ces mouvements sont organisés par les collectifs «Nous ne céderons pas»
et «Stop état d'urgence», qui regroupent notamment des syndicats (CGT, FSU,
Syndicat de la magistrature), des associations (Attac, Droit au logement,
Droits devant, MRAP) et des organisations de défense des droits de l'homme. Ces
mesures «heurtent et mettent à mal nos libertés au nom d'une hypothétique
sécurité», estiment-elles.
• Deuxième prolongation. L'état d'urgence est prolongé de
trois mois supplémentaires le 19 février 2016. À l'Assemblée, 31 députés,
votent contre la prolongation.
La Ligue des droits de l'homme saisit le Conseil
constitutionnel. Selon l'association, les articles sur les interdictions de
réunion et les perquisitions de nuit, modifiés le 20 novembre, portent une
atteinte grave à certaines libertés fondamentales. Les «Sages» valident malgré
tout l'essentiel de l'état d'urgence.
De son côté, la Commission nationale consultative des droits
de l'Homme (CNCDH) s'insurge de la constitutionnalisation de l'état d'urgence.
«L'état d'urgence doit demeurer un état d'exception», estime la Commission.
• Troisième prolongation. L'état d'urgence est prolongé pour
la troisième fois, pour trois mois, le 19 mai 2016. «La menace terroriste
demeure à un niveau élevé et la France représente une cible», plaide le
ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve. Malgré la validation,
le débat à l'Assemblée nationale est émaillé de passes d'armes entre droite,
extrême droite et ministre de l'Intérieur après l'incendie d'une voiture de
police en marge de manifestations violentes contre la loi Travail. Les députés
LR dénoncent eux un dispositif «au rabais» et demandent davantage
«d'interdictions de manifestations» et «d'assignations à résidence».
• Affaiblissement des libertés. L'état d'urgence a conduit à
un affaiblissement des libertés individuelles, dénonce la Fédération
internationale des droits de l'Homme (FIDH), dans un rapport, le 6 juin 2016.
Son application «a entraîné de profondes atteintes aux libertés individuelles,
un recul de l'état de droit et l'exacerbation d'un processus de stigmatisation
d'une partie de la population vivant en France en raison de sa religion et/ou
de son origine», estime la FIDH.
• Quatrième prolongation. Le 20 juillet, soit six jours
après l'attentat de Nice, l'état d'urgence est prolongé de six mois. Néanmoins,
Bernard Cazeneuve estime que cet état ne «peut être permanent». «Aujourd'hui,
80% des assignations à résidence et plus de la moitié des perquisitions
effectuées concernent des individus fichés pour radicalisation. Si une seule de
ces perquisitions nous permet de déjouer un attentat, nous nous devons de la
mettre en œuvre», nuance-t-il.
• Cinquième prolongation. Le 15 décembre, l'état d'urgence
est prolongé jusqu'au 15 juillet 2017. «L'intense période électorale dans
laquelle nous entrons accroît encore le risque de passage à l'acte des
terroristes», assure alors le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux.
• Prolongation avant une nouvelle loi. Le 24 mai, après
l'attentat de Manchester, le gouvernement déclare vouloir prolonger l'état
d'urgence jusqu'au 1er novembre, le temps d'adopter une nouvelle loi
antiterroriste. L'annonce du nouveau président est vivement critiquée par onze
organisations, dont Amnesty International France, Human Rights Watch, la Ligue
des droits de l'Homme, le Syndicat de la magistrature ou le Syndicat des
avocats de France. Regrettant une annonce faite «sans concertation des acteurs
de la société civile», elles jugent cette mesure d'exception «inefficiente»,
«contre-productive» et «toxique» pour la société française.
• L'état d'urgence bientôt levé. Devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le chef de l'État a annoncé qu'il lèverait l'état
d'urgence «à l'automne», car les libertés des Français «sont la condition de
l'existence d'une démocratie forte». «Le Code pénal tel qu'il est, les pouvoirs
des magistrats tels qu'ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, nous
permettre d'anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des
pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n'a
aucun sens, ni en termes de principes ni en termes d'efficacité», a déclaré
Emmanuel Macron.
Paris: manifestation contre le projet de loi antiterroriste (01/07/2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 01/07/2017 à 18:00
Publié le 01/07/2017 à 17:54
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté aujourd'hui à
Paris pour protester contre le projet de loi antiterroriste qui doit prendre le
relais de l'état d'urgence mais qui suscite de vives critiques chez les
défenseurs des libertés publiques.
Les manifestants, qui avaient répondu à l'appel d'un
collectif rassemblant des syndicats (le Syndicat de la magistrature,
Solidaires, Sud), des associations ou encore des membres du PCF, ont défilé de
la place de la République au Palais-Royal. Le texte antiterroriste, qui sera
examiné lors de la session extraordinaire du Parlement cet été, "va donner
au pouvoir exécutif des pouvoirs exorbitants sur les citoyens, sur la base de
vagues soupçons", a déclaré Laurence Blisson, secrétaire générale du
Syndicat de la magistrature. "L'Etat d'urgence devait être une mesure
temporaire. Or le gouvernement l'installe dans le permanent".
Des syndicats craignent également que les mesures contenues
dans le projet de loi soient utilisées contre les mouvements sociaux,
"comme les mesures restreignant le droit de manifester, dans le cadre de
l'état d'urgence, (qui) avaient été utilisées pour empêcher des manifestations
lors de la COP-21" à Paris, explique Murielle Guilbert, secrétaire
nationale de Solidaires.
Ce projet de loi, s'il est voté, pourra être utilisé
"pour museler des contestations contre la loi travail de Emmanuel Macron à
la rentrée", avance-t-elle. Selon l'avant-projet, l'exécutif entend
confier de manière permanente aux préfets et au ministre de l'Intérieur le
pouvoir d'assigner des individus dans un "périmètre géographique
déterminé", et de perquisitionner de jour comme de nuit, deux mesures
jusqu'ici indissociables de l'état d'urgence.
Le texte de loi doit prendre le relais de l'état d'urgence,
un régime d'exception mis en place au soir des attentats du 13 novembre 2015.
Un projet de loi visant à prolonger une dernière fois l'état d'urgence jusqu'au
1er novembre, doit par ailleurs être examiné par le Sénat mardi puis par
l'Assemblée nationale jeudi.
LIRE AUSSI :
Comment la France veut lutter contre le cyberdjihadisme (15.10.2014)
«Pour l'écrasante majorité des djihadistes, le premier contact physique avec les recruteurs se fait à la frontière turco-syrienne, tout le reste, c'est du virtuel» constate-t-on place Beauvau.
Actualité France
Par Eugénie Bastié
Publié le 15/10/2014 à 16h28
L'article 9 du projet de loi actuellement en débat au Sénat prévoit notamment la suppression de certains contenus sur internet. Une mesure considérée par certains comme «liberticide».
Il y a une dizaine d'années la présence de l'islam radical sur internet se résumait à une dizaine de sites salafistes ultra spécialisés et à quelques vidéos de Ben Laden ou d'autres chefs de guerre filmés face caméra en train de prononcer des fatwas. Désormais ce sont des milliers d'images, de vidéos et de contenus qui transitent via Facebook, Twitter, Youtube ou Instagram, faisant l'apologie du djihad et encourageant les candidats au terrorisme à faire le pas.
Lorsqu'on tape «djihad décapitation» dans Google vidéos, on trouve ainsi plus de 55 000 réponses. Il est possible de trouver en quelques minutes sur le web le dernier numéro de la revue Daqib, le magazine de l'Etat islamique : 55 pages faisant l'apologie de l'esclavage ou montrant des photos de kurdes exécutés par Daesh. Beaucoup de combattants d'EI ont par ailleurs des profils Facebook publics, où ils postent des photos d'eux la kalachnikov à la main et dont ils se servent pour approcher de nouvelles recrues. L'histoire de Léa , qui faisait la une du NouvelObs la semaine dernière, est à ce titre édifiante. La jeune fille de 15 ans s'était faite recruter pour commettre un attentat en France après avoir posté un message sur Facebook évoquant son «mal-être».
«Radicalisation en chambre»
Après avoir entendu les témoignages des familles des djihadistes partis combattre en Syrie, le ministère de l'Intérieur s'est aperçu que toutes racontaient la même histoire: celles d'adolescents s'enfermant pendant des heures pour regarder des vidéos sur internet, radicalisés «en chambre». «On s'est aperçu que la plupart des profils dans les filières syriennes sont des gens sans histoire, qui ne se sont pas radicalisés dans les salles de prière salafistes mais sur internet et qui surgissent d'un coup sur nos écrans radars», raconte une source proche du dossier. «Pour l'écrasante majorité des djihadistes, le premier contact physique avec les recruteurs se fait à la frontière turco-syrienne, tout le reste, c'est du virtuel» constate-t-on place Beauvau.
Ministère de l'Intérieur
La provocation et l'apologie directe du terrorisme sont déjà punies par la loi, notamment dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Mais les outils juridiques ne sont pas adaptés au cyberdjihad protéiforme et planétaire. Le plan antiterroriste de Bernard Cazeneuve, voté à l'Assemblée mi-septembre et présenté ce mercredi au Sénat, a pour objectif d'offrir de nouveaux outils d'empêcher cette «radicalisation en chambre ou sur ordi».
Inscrire l'apologie du terrorisme dans le Code pénal et supprimer certains sites
Deux mesures principales sont donc prévues. La première: faire sortir le délit d'apologie du terrorisme de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour le faire entrer dans le code pénal dans un nouvel article 421-2-5. Cela permettra notamment d'allonger les délais de prescriptions et d'alourdir les peines. Le coupable risquera jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amendes. Mais surtout, il sera ainsi possible d'appliquer au cyberdjihad des outils spéciaux d'enquête comme les écoutes. La perquisition informatique à distance sans autorisation judiciaire sera également autorisée.
Mais c'est l'article 9 du projet de loi qui fait le plus couler d'encre. Considéré par certains comme «liberticide», il permettra de bloquer l'url de sites ou pages internet faisant l'apologie du terrorisme, et ce sur simple injonction de police sans passer par une autorité judiciaire. Concrètement, après signalement par les services de police, une demande de suppression sera envoyée à l'éditeur, l'hébergeur et le fournisseur du site ou de la page concernée. Si le contenu n'est pas retiré dans les 24 heures, une autorité administrative pourra faire procéder au blocage du site.
Les associations pour la défense des libertés sur internet dénoncent une loi «liberticide»
Si la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est présentée comme un garde-fou aux potentielles dérives liberticides de la loi, celle-ci n'a en principe pour objectif que la protection des données privées, et pas celle de la liberté d'expression. Adrienne Charnet responsable de l'association Quadrature du net s'insurge contre un projet de loi selon elle «liberticide». «Il y a de telles barrières à mettre en place pour empêcher tout départ que le risque est d'aboutir à une société de surveillance généralisée» argumente-t-elle. Elle dénonce de surcroît son «manque d'efficacité»: «N'importe quelle personne un peu familière d'internet pourra contourner ces dispositions». «Nous sommes conscients qu'il est impossible de supprimer entièrement la propagande djihadiste, mais nous voulons mettre des bâtons dans les roues à une diffusion qui est pour le moment sans limites» répond le ministère de l'Intérieur, «qu'il soit désormais plus difficile à un adolescent de tomber dessus par hasard».
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