Réforme constitutionnelle en Mauritanie : « Un référendum inutile et dangereux » (04.07.2017)
Réforme constitutionnelle en Mauritanie : « Un référendum
inutile et dangereux » (04.07.2017)
Le président Aziz s’apprête à diviser les Mauritaniens sur
le changement du drapeau et autres menus détails, dénonce notre chroniqueur, en
évitant les enjeux majeurs.
Par Hamidou Anne (chroniqueur Le Monde Afrique)
Le Monde.fr avec AFP Le 04.07.2017 à 17h37 • Mis à jour le
05.07.2017 à 09h02
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, à Paris,
le 13 avril 2017.
Dans l’un des Etats les plus pauvres au monde, le président
mobilise les deniers publics pour un scrutin qui envisage quelques réformes
institutionnelles cosmétiques, dont la suppression du Sénat et le changement de
drapeau. L’idée du chef de l’Etat étant de rajouter deux bandes rouges aux
symboles actuels afin de représenter « le sang versé par les ancêtres et le sang
que les générations futures seraient prêtes à verser pour leur pays ». Sans
commentaire.
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Comment être d’accord avec ceux qui prétextent la pauvreté
d’un pays pour ne pas entreprendre d’initiatives en vue de rendre plus
performante ses institutions ? L’argument consistant à dire « Pourquoi
organiser un référendum alors que les gens ne mangent pas à leur faim ? » m’est
insupportable. La démocratie, la vitalité et la sacralité des institutions en
vue d’arriver à un Etat de droit ont ceci de supérieur qu’ils n’ont pas de prix
mais ont un coût.
Une démarche cavalière
Dans le cas de la Mauritanie, l’obsession du président Aziz
pour cette consultation électorale est inutile et dangereuse. Censé être garant
de l’unité nationale, le chef de l’Etat contribue davantage à diviser les
Mauritaniens sur de menus détails. D’ailleurs, la partie la plus signifiante de
l’opposition mauritanienne appelle au boycottage du référendum, dont la tenue
n’apportera aucune valeur ajoutée à ce pays exsangue et confronté à des défis
politiques et sociaux majeurs.
Tout est mal fait dans cette convocation du corps électoral.
Outre le débat sur la légalité de la procédure à travers le recours clivant à
l’article 38 de la Constitution, le président mauritanien a fait preuve d’une
démarche cavalière au mépris des règles élémentaires du dialogue politique qui
régissent la vie démocratique. Le dédain qu’il adresse à son opposition est
édifiant. Mais il fait écho à celui qu’il montre à la partie dissidente de sa
majorité, notamment ces trente-trois sur cinquante-six sénateurs qui ont voté
contre le projet de loi de modification de la Constitution. Tout ceci prouve
une nouvelle fois la difficulté qu’éprouve cet ancien putschiste à se convertir
à la démocratie et à ses exigences.
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Si le président Aziz tient particulièrement à organiser ce
scrutin, il est possible de lui donner mille et une idées plus utiles pour le
devenir de la Mauritanie que le remplacement du Sénat par des conseils
régionaux, la suppression de la Haute Cour de justice ou le changement d’hymne
et de drapeau.
Les batailles les plus importantes pour la Mauritanie sont
ailleurs. Elles sont par exemple dans la construction d’une nation inclusive
dans laquelle, chacun, quelle que soit sa couleur de peau, pourra vivre
pleinement sa citoyenneté. L’esclavage est encore une pratique courante dans le
pays en dépit de son interdiction formelle. Il est urgent de mettre fin à cette
barbarie réelle dans le pays, afin de respecter la simple expression de la
dignité humaine.
Plaies béantes
Une autre idée à soumettre au général Aziz serait d’intégrer
des questions comme le retour effectif des réfugiés négro-mauritaniens qui
vivent pour certains dans des conditions insoutenables sur la partie
sénégalaise de la vallée du fleuve Sénégal, frontière naturelle entre les deux
pays.
On pourrait aussi suggérer au président mauritanien de
réparer les crimes commis par l’Etat mauritanien, notamment contre les
vingt-huit militaires noirs exécutés dans des conditions sordides dans la
prison d’Inal en 1990. Le président Aziz pourrait aussi proposer l’abolition du
délit de blasphème qui a conduit un jeune à la fleur de l’âge, Mohamed Ould
Mkheitir, dans les couloirs de la mort.
Le référendum vraisemblablement se tiendra, avec la
probabilité d’une victoire du camp présidentiel, mais les plaies du pays
resteront béantes avec une forte polarisation des états-majors politiques. Quid
du futur, surtout que la majorité brandit l’hypothèse d’un changement
constitutionnel en vue de permettre au président actuel de briguer un troisième
mandat ? La Mauritanie reste un pays préoccupant et la petite ambition que son
leader nourrit pour elle est consternante.
Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des
idées.
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http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/07/04/reforme-constitutionnelle-en-mauritanie-un-referendum-inutile-et-dangereux_5155509_3212.html#YWIOk07Q6PEEu0fV.99
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