Jean-Pax Méfret : « Le martyre des Chrétiens d'Orient pourrait annoncer le nôtre » (01/07/2017)
Jean-Pax Méfret : « Le martyre des Chrétiens d'Orient
pourrait annoncer le nôtre » (01/07/2017)
Par Eugénie Bastié , Alexandre Devecchio Mis à jour le
01/07/2017 à 12:07 Publié le 30/06/2017 à 19:19
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Il chantait contre le communisme
et pour l'Algérie française. Le « chanteur d'Occident » prête aujourd'hui sa
voix aux Chrétiens d'Orient, à qui il consacre un nouveau disque. Il a accordé
un entretien au Figarovox. Vous allez (encore) le traiter de réac.
Jean-Pax Méfret est un journaliste, écrivain et
auteur-compositeur-interprète français. Il a donné à nombre de ses chansons un
fort contenu historique et politique. Il a récemment sorti un album: Noun,
dédié aux chrétiens d'Orient dont il jouera quelques morceaux le jeudi 29 juin
2017 lors de la soirée caritative du Val-de-Grâce organisée par l'association
SOS Chrétiens d'Orient.
FIGAROVOX. - Vous dédiez votre dernier disque «Noun» aux
chrétiens d'Orient, est-ce vous avez l'impression que c'est un sujet dont on ne
parle pas assez?
Jean-Pax MÉFRET. - Oui c'est un sujet encore trop tu. J'ai
hésité avant d'en faire une chanson. C'est, au volant de ma voiture, en allant
donner un concert à Fréjus que j'ai trouvé une mélodie, immédiatement
enregistrée sur mon portable. Pour l'anecdote, j'ai terminé d'écrire les
derniers vers dans la loge, quelques minutes avant d'entrer sur scène: «Ils
meurent victimes de leur Foi/ Ils tombent à l'ombre de la Croix:/ Dans un
silence qui fait douter du cœur des hommes». Après, j'ai décidé de faire un
disque autour du récit des chrétiens d'Orient. Ce n'est pas la première fois
que j'écris un récit. Déjà dans mon album Camerone je glissais un livret afin
d'expliquer aux auditeurs l'histoire de la bataille de Camerone. Imaginez la
scène : soixante-deux légionnaires ont résisté face à deux mille Mexicains.
Refusant de se rendre, ils se sont battus jusqu'au bout. Dès lors, chaque année
les légionnaires fêtent cet événement et louent le courage de leurs prédécesseurs
le 30 avril.
À votre époque, le combat principal était contre le
communisme, aujourd'hui quelle est la menace ?
Je crois que le vrai défi, c'est la foi. «Sommes-nous
condamnés à subir le même sort que les chrétiens d'Orient?» tel est le
problème. De toute évidence, leur martyre pourrait très bien annoncer le nôtre.
Partout dans le monde les chrétiens sont persécutés, c'est pourquoi, nous, de
tradition et de culture chrétienne, devons relever ce défi. C'est autrement
plus ambitieux que de lutter contre le communisme : notre époque est encore plus
exigeante.
Le problème c'est l'islamisme ?
À l'occasion des attentats de Londres en 2005, j'ai fait une
chanson qui s'appelle «Au nom d'Allah» où je demande si le terrorisme islamiste
agit vraiment au nom d'Allah. Quand je l'ai chantée à l'Olympia j'ai raconté
avant l'histoire du capitaine Kheliff, cet officier de l'armée française
musulman qui a sauvé des pieds noirs lors du massacre d'Oran du 5 juillet 1962
en enfreignant ses ordres et qui, une fois en France, a créé une association
des anciens combattants musulmans. Il faut bien savoir qu'en Algérie, tous les
anciens combattants musulmans se faisaient égorger par le FLN après
l'indépendance. Kheliff a aussi créé une mosquée à Lyon.
Cette histoire, racontée avant «Au nom d'Allah», visait à
éviter les amalgames qu'aurait pu engendrer ma chanson. En effet, il faut
reconnaître qu'il y a une vraie diversité au sein du monde musulman et que ces
jeunes des banlieues, délaissés par la société, ne connaissent pas vraiment
leur religion. J'ai du mal à voir quoique ce soit de «divin» dans les actes
terroristes, c'est quelque chose de plus humain, de plus misérable. Mais tôt ou
tard, nous allons être confrontés à cette violence et nous avons le devoir de
nous y préparer. Figure du contre-exemple : l'Angleterre et son modèle
communautariste étaient une pépinière pour les radicaux. De fait dès le début
des années 2000 nous avions fait les gros titres sur cette menace islamiste,
nourrie par des prêcheurs à Londres. Ces derniers appelaient déjà la mort des
chrétiens, nous avions déjà senti le danger. Mais paradoxalement, cette haine
pour les chrétiens nous rappelle aussi notre héritage, notre identité
chrétienne puisqu'ils nous appellent «les croisés». Ils nous obligent à
retrouver nos racines. Peut-être aussi oublient-ils qu'avant d'être musulman,
l'orient, berceau de la naissance du Christ, était chrétien ? On oublie trop
souvent que la première église fut construite à Antioche. Tout comme l'Algérie
qui fut d'abord chrétienne avant les invasions arabes. Saint-Augustin et sa
mère, la bien-aimée Monique, en sont la plus parfaite illustration.
Entre la Légion Étrangère, l'Algérie et les Chouans,
l'Histoire prend une très grande place dans votre œuvre. Quelle est l'unité
entre toutes ces périodes évoquées ?
Ce sont des causes dont on parle peu et qui forment un
ensemble de valeurs. Je suis pied-noir, l'Histoire de l'Algérie m'a marqué. Ma
musique parle de grands faits d'Histoire parfois oubliés: Budapest, le mur de
Berlin… Je pense être le seul à chanter en m'inspirant de ces événements. À
part moi, personne n'a chanté la révolution hongroise par exemple.
L'originalité de ces thèmes est aussi ce qui me définit. Je ne fais pas de
chansons d'amour ou alors, si je parle d'amour, c'est pour dire que je ne suis
pas du genre à chanter des chansons d'amour.
Peut-on dire que vous êtes un chanteur de droite ?
Je n'ai pas de message particulier à faire passer, je préfère
rappeler des situations.
Je ne sais pas si je suis un chanteur de droite, mais je
suis sûr de ne pas être un chanteur de gauche ! Être de gauche pour les
chanteurs, c'est parfois une volonté artistique, voire un snobisme. Pourtant il
faut savoir que les chanteurs du siècle dernier n'étaient pas automatiquement
de gauche. En tout cas, ils ne l'étaient pas sur le mode «grandes consciences»
d'aujourd'hui, ils faisaient moins la leçon : regardez Boris Vian, je l'aime
beaucoup. Moi, je ne voulais pas travailler dans la chanson à l'origine : mon
objectif était de remettre au goût du jour des faits qui étaient ignorés. Je
n'ai pas de message particulier à faire passer, je préfère rappeler des
situations. Il n'y a rien de mieux que la chanson pour faire découvrir ces
faits. J'ai appris récemment que des élèves d'une banlieue parisienne, visitant
le musée du débarquement américain en Normandie, avaient chanté ma chanson sur
le débarquement: «Ils sont tombés du ciel comme s'ils avaient des ailes/ Ils
ont apporté un air de liberté.» Une chanson s'écoute toujours plus facilement
qu'un cours d'Histoire, c'est une autre manière de transmettre.
On vous appelle le chanteur d'Occident, c'est comme ça que
vous vous voyez ?
Je m'étonne toujours que l'on me présente comme le chanteur
d'Occident alors que je viens d'orient. À l'époque, c'était parce que je
m'opposais au communisme. On aurait mieux fait de parler de «chanteur du monde
libre». Je ne pense pas qu'il y ait eu de combats plus forts que celui opposant
les deux blocs pendant la Guerre Froide. Dans «Ni rouge ni mort» j'explique les
raisons de mon opposition au communisme, le danger qu'il représentait avec
notamment l'armée rouge ! On oublie que le mur de Berlin, c'étaient des dalles
dressées, prêtes à tout moment à être aplaties vers l'ouest pour faire passer
les chars ! C'était à mon sens un vrai combat pour la liberté que la lutte
contre le communisme et les goulags dont personnes ne parlait. On a tout de
même eu un parti communiste français qui prenait ses ordres à Moscou. D'ailleurs,
je trouve inouï qu'il y ait encore en France un parti communiste. Rouges de
honte, ils ont changé de nom dans toutes les nations occidentales mais pas en
France!
À bien des égards on peut dire que vous avez eu plusieurs
vies. Comment passe-t-on de l'OAS à journaliste puis à chanteur ?
Je n'étais pas dans l'OAS (Organisation de l'Armée secrète,
NDLR). Quand j'ai été arrêté, l'OAS n'existait même pas. Mais on peut dire que
j'étais pour l'Algérie Française. Je suis né là-bas. Mes ancêtres du côté de ma
mère ont fait partie des déportés de la première commune en 1848 que l'on a
exilés en Kabylie. L'Algérie, à ce titre, n'était pas un pays de droite.
D'ailleurs c'étaient les bastions communistes, ayant des quartiers populaires,
qui étaient les plus virulents lors de la guerre d'Algérie. Mon père lui
n'était pas du pays : il était venu afin de préparer le débarquement américain.
Il travaillait pour l'OSS qui étaient les services secrets américains. C'est là
qu'il a rencontré ma mère.
Pour revenir à mon parcours, lors du putsch de 1961, les
autorités avaient besoin de voix pour lire les messages et, comme j'avais une
voix radiophonique, j'ai été invité à travailler à la RTF Télévision d'Alger
qui était pro-Algérie Française. Et donc j'ai été accusé de participation à un
mouvement insurrectionnel, d'intelligence avec les chefs de l'insurrection,
d'attentat contre l'autorité de l'État : vingt-cinq chefs d'inculpation en tout.
Je suis donc passé directement des frères maristes à la prison d'Alger, puis à
la Santé à Paris, enfermé pendant dix-huit mois. Ce fut une épreuve pour ma
mère, bien qu'elle partageât mes convictions comme beaucoup. Je suis persuadé
que ce n'était pas un combat politique, ou alors circonscrit à l'antigaullisme.
De nos jours, c'est d'ailleurs une vérité reconnue et acceptée : de Gaulle a
trahi les pieds-noirs. Cependant je ne suis pas non plus opposé à l'aura du
Général. Si j'avais eu 16 ans en 1940 je pense que je me serai engagé dans la
Résistance. Le problème donc n'est pas politique, le problème c'est l'Algérie.
Comprenez : les gens souhaitaient simplement rester là où ils étaient nés.
C'était finalement plus une guerre franco-française que contre les Algériens.
Les autorités françaises se sont complètement engagées contre les partisans de
l'Algérie française. Le 26 mars 1962, l'armée française n'a pas hésité à
mitrailler la foule, faisant 80 morts et 200 blessés, ce dont plus personne ne
se souvient aujourd'hui.
Vous y êtes retourné ?
Non, jamais, je n'ai pas envie. Dans une chanson j'ai chanté
«Je viens d'un pays qui n'existe plus».
Comment êtes-vous devenu journaliste ?
J'ai commencé au journal l'Aurore dans la rubrique «faits
divers», puis dans celle concernant les affaires étrangères où j'ai couvert les
conflits. J'ai ainsi pu décrypter toutes les guerres d'Amérique centrale puis
celles du Liban. Ensuite je suis resté quelque temps au Figaro Magazine dirigé
par Louis Pauwels. La grande époque ! Je n'entends pas le journalisme comme une
éducation de la pensée mais plutôt comme une révélation de faits sur des
affaires. J'ai eu la chance de traiter des grosses affaires comme l'arrestation
d'Escobar. Tout en étant journaliste je continuais de chanter, j'ai gagné le
grand prix de l'émission télévisée Âge tendre et tête de bois avec «La Prière».
Dans votre dernier album il y a une chanson, «La Force», qui
s'adresse au Christ. Quelle est la place de la Foi dans votre vie et dans votre
œuvre ?
Je suis persuadé que croire en quelque chose est primordial
dans la vie d'un homme, que c'est une force intérieure. Croire au Christ c'est
encore plus fort. Quant à «La Force», curieusement je n'ai jamais mis un point
d'honneur à écrire une chanson dédiée au Christ, l'envie m'est venue
naturellement. Le titre provient de la supplication «Donne-moi la force» qui
ponctue les cantiques dans la Bible. La lecture de l'Histoire des chrétiens
d'Orient et du massacre des Arméniens, de ces gens jetés vers la mort qui
s'accrochent à la pensée de Dieu, m'a inspiré cette chanson. Dans un passage,
je dis que je vois «Briller les âmes des compagnons qui sont morts dans les
flammes». Ce parallèle m'a beaucoup ému, ce qui m'est assez rare quand il
s'agit de mes écrits. De fait, je n'ai pas pour habitude d'écouter mes propres
chansons. Celle-là, pourtant, il m'arrive de la réécouter.
Comment qualifieriez-vous la situation politique actuelle en
France ?
Je crois que nous avions besoin d'un changement, un
changement radical pour bouleverser l'ordre établi. Je salue ce
rafraîchissement du personnel politique. Mais je ne crois ni au miracle Macron,
ni que son système peut tenir sur la durée. Aujourd'hui ce qui est exaspérant
c'est la médiocrité de la droite, la gauche n'est pas mieux, mais il m'est
désespérant de voir une droite sans repère et frileuse quand il faut défendre
ses idées.
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